L exécution des conventions immorales et illicites - article ; n°3 ; vol.3, pg 385-411
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1951 - Volume 3 - Numéro 3 - Pages 385-411
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Choucri Cardahi
L'exécution des conventions immorales et illicites
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 3 N°3, Juillet-septembre 1951. pp. 385-411.
Citer ce document / Cite this document :
Cardahi Choucri. L'exécution des conventions immorales et illicites. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 3 N°3,
Juillet-septembre 1951. pp. 385-411.
doi : 10.3406/ridc.1951.6404
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1951_num_3_3_6404L'EXÉCUTION DES CONVENTIONS
IMMORALES ET ILLICITES
(Etude de l'Adage Nemo auditur... et les moralistes d'après chrétiens) le droit comparé, le droit musulman
OHOUCRI
Premier Président honoraire dn la Cour de Cassation du Liban
Professeur à la Faculté de Droit de Beyrouth
CHAPITRE PREMIER
L'Adage « Nemo auditor » dans les législations civiles
Section I. — En droit français
Le contrat dont la cause ou l'objet est immoral est, en droit
français, d'après les articles 1131 et 1133 du Code civil, nul et de
nul effet. Du reste, tous les codes, anciens comme modernes, possè
dent des règles équivalentes. En conséquence de cette nullité, celui
qui forme une demande de restitution ou d'exécution peut se voir
reprocher son indignité et les tribunaux ont, en effet, dans de nom
breux cas, refusé la répétition par application de l'adage : Nemo
auditur propriaon turpitudinem allegans.
Cette maxime, qui est en honneur dans beaucoup de législations
— nous verrons dans quelle mesure — se réclame d'un passé véné
rable. Alors que dans certains pays elle est codifiée, en France elle
s'impose au nom de la tradition, et en tout cas aucune règle n'a
suscité autant qu'elle de rudes controverses, non seulement parmi
les auteurs, mais aussi au sein des tribunaux. Et cela à telle ensei
gne que bien souvent, à quelques mois d'intervalle, dans des espèces
à peu près identiques, nous voyons parmi les juges quelques-uns
l'admettre, certains l'écarter résolument et d'autres enfin mini
miser sa portée au point de la dénaturer et de la supprimer en pra
tique.
Remontant fort loin — on la trouve assez nettement exprimée
dans le Digeste — cette règle s'est au cours des temps précisée davant
age, assouplie et, dans le sens juridique du mot, « moralisée ». En 386 L'EXÉCUTION DES CONVENTIONS IMMORALES ET ILLICITE8
effet, elle a pris une nouvelle forme sous laquelle son caractère véri
table se révèle mieux. Alors qu'autrefois elle était purement et sim
plement la consécration de la possession dans les cas où il y avait
quasi impossibilité de répéter (possessionis rnelior conditio habetur),
par la suite, quand elle est devenue le fameux adage : Nemo audi-
tur propriam turpitudinem allegans, elle a changé de physionomie
et parut indiquer que si le demandeur n'est pas écouté du juge,
c'est seulement en raison de son indignité (1).
En vue de notre aperçu comparatif, il nous semble nécessaire
de peser les raisons sur lesquelles ce brocard s'appuie (ce qui nous
fournira l'occasion de connaître le sentiment de la doctrine à son
sujet), pour voir ensuite l'accueil qu'il a reçu dans la jurisprudence.
Enfin, après avoir rapproché le point de vue des moralistes sur cette
question si discutée et si discutable de la manière de voir jurispru-
dentielle ou doctrinale, nous clôturerons ce chapitre relatif à cette
règle traditionnelle par les considérations générales qui nous paraî
tront se dégager de l'analyse que nous allons entreprendre et déduire
de la confrontation des solutions proposées.
1) Attitude de la doctrine
Ceux qui, parmi les juristes, plaident la survivance de la
maxime cherchent à la justifier, soit par des arguments juridiques,
soit par des motifs d'ordre moral, soit par des raisons tirées de
l'intention présumée des parties, etc.. Citons ci-après, pour
mémoire, les théories sur lesquelles on a essayé de l'asseoir et qui
devaient la fonder, du moins les principales d'entre elles :
Saleilles, se référant à l'hypothèse de la « condictio ob turpem
causant », propose cette solution : « L'auteur du paiement ne pour
rait réclamer que ce qu'il s'était fait promettre, il ne peut donc se
plaindre de ne pouvoir toucher ce que le droit ne lui permet pas
d'obtenir ; en d'autres termes, il ne peut fonder sa réclamation
sur une cause que le droit annule ou ne reconnaît pas. Seulement,
comme il devait prévoir dès le début cette impossibilité d'obtenir
par voie de justice ce qu'il attendait de Vaccipiens, il est censé
avoir fait une sorte de contrat aléatoire duquel résulte la véritable
cause qui justifie le maintien de la prestation aux mains de celui
qui l'a reçue (2). »
D'autres auteurs, reprenant les termes d'un arrêt de principe
de la Cour de Caen de 1874 dont il sera parlé plus loin, estiment
que la maxime édicté une règle morale. « Ce qu'elle défend, dit
M. Ripert, c'est l'étalage devant un tribunal d'un acte honteux
(1) V. Paul Savey-Casard, Le refus d'action pour cause d'indignité ; G. Sioufi,
Essai sur le critérium des obligations immorales et illicites ; Albert Saint-Cyr,
La notion juridique des bonnes mœurs en droit civil français, et Saiget, Le contrat
immoral, p. 323 et s.
(2) Saleilles, Etude d'une théorie générale de l'obligation d'après le code ci
vil allemand, p. 465 et s. ; voir aussi Aubry et Rau, parag. 442 bis, note 9, l'exécution des conventions immorales et illicites 387
par lequel on voudrait créer un titre » (1) . Dans son dernier et si
savant ouvrage, fait en collaboration avec M. Boulanger, M. Ripert
reconnaît que cette règle a pour effet de consacrer une injustice en
laissant une des parties réaliser un enrichissement sans cause,
mais il l'approuve cependant à cause du but moral qu'elle pour
suit : « Elle exerce un rôle préventif en enlevant toute sécurité
aux contractants ; s'ils exécutent le contrat immoral, c'est à leurs
risques et périls; ils doivent savoir que le juge n'arbitrera pas leur
querelle et que toute prestation demeurera définitivement acquise à
celui qui l'aura reçue » (2).
Nombreux sont les détracteurs de l'adage traditionnel. Citons
parmi eux Demolombe, qui s'est élevé en termes véhéments, contre
la pruderie de certains tribunaux, en particulier de la Cour de
Caen, comme en témoigne la motivation de son arrêt du 29 juillet
1874 (3). Il y a là, ce nous semble, des arguments solides contre
ceux qui, comme la Cour de Caen, se couvrent de la dignité due à
la magistrature pour justifier la maxime : « Combien de fois, hélas !
déclare cet eminent jurisconsulte, les audiences judiciaires n'of
frent-elles pas, même en matière civile, le spectacle des plus hon
teux débats sans que les magistrats puissent en détourner les
regards ni s'en désintéresser. Et dans notre sujet lui-même, lors
que la turpitude n'existe que de la part du défendeur, ne faut-il
pas qu'ils entendent le demandeur exposer, devant eux, la cause
honteuse de l'obligation par lui acquittée » (4).
Glasson et Tissier condamnent aussi la maxime : pareil pou
voir ne peut être laissé au juge, « le recours à la justice étant une
liberté donnée à tous et non une faveur ». M. René Savatier (5), tout
en considérant que la thèse adverse ne manque pas de quelques
bons arguments, croit devoir ajouter cependant « qu'il est choquant
que, sous le prétexte ci-dessus, elle laisse une des parties s'enrichir
scandaleusement au profit de l'autre. Il ne paraît pas normal que
les tenanciers des maisons de tolérance, plus favorisés par leurs
clients, soient dispensés de payer leurs fournisseurs, sans que
ceux-ci puissent reprendre ce qu'ils ont fourni ».
2) Attitude de la Jurisprudence
En dehors de quelques arrêts de principe fort rares, notam
ment de l'arrêt-type de la Cour de Caen, les tribunaux, soit pour
appliquer la maxime, soit pour l'écarter ou ne l'accueillir que par
tiellement, ne sont pas prodigues d'arguments. Les attendus, sont
en général assez sobres. Tour à tour, les deux thèses ont été admis
es, et souvent des palliatifs sont venus atténuer la rigueur du bro-
(1) Kipert, La règle morale dans les obligations

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