La facture historique des systèmes (Notations pour une histoire comparative du droit administratif français) - article ; n°1 ; vol.23, pg 5-47
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1971 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 5-47
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Pierre Legendre
La facture historique des systèmes (Notations pour une histoire
comparative du droit administratif français)
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 23 N°1, Janvier-mars 1971. pp. 5-47.
Citer ce document / Cite this document :
Legendre Pierre. La facture historique des systèmes (Notations pour une histoire comparative du droit administratif français). In:
Revue internationale de droit comparé. Vol. 23 N°1, Janvier-mars 1971. pp. 5-47.
doi : 10.3406/ridc.1971.15901
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1971_num_23_1_15901LA FACTURE HISTORIQUE DES SYSTÈMES
Notations pour une histoire comparative
du droit administratif français
par
Pierre LEGENDRË
Professeur aux Universités de Paris
xix" siècle à la reC'était une idée banale, dans l'Allemagne du
cherche de son unité juridique, d'observer le bloc des réglementations
locales et de jurisprudences si diverses comme un ensemble soumis aux
normes d'un système, d'où sortirait peut-être quelque jour « autre chose
qu'une chimère » (1), un véritable droit allemand. Pour ces études, s
avamment orientées et qui soutenaient la grande querelle politique de
l'unité, force était d'en passer par l'érudition et l'accumulation des tra
vaux historiques. L'histoire était le grand miroir. Pour nous Français,
les codifications avaient, en revanche, essoré les traditions, supplanté les
anciennes méthodologies, fabriqué une espèce nouvelle de juriste, plus
logicien, moins historien ; l'expérience des légistes révolutionnaires —
j'entends ici ceux de la Constituante — stipulait l'unique législation, ra
tionnelle et nationale, fixée sur des principes stables et garantie par
l'Etat centraliste. De là, une divergence radicale des analyses, le faible
écho en France des thèses savigniennes, l'échec final de Laboulaye (2).
Pourtant, l'œuvre napoléonienne était illusoire sur un point no
table : la législation administrative ; irréductible aux postulats des Codes,
celle-ci soulevait de nouveau les questions insolubles, les dilemmes an-
cestraux toujours en suspens. Les codifications reposaient au fond sur
la fixation d'une frontière à peu près claire entre l'Etat et les droits
privés (famille, propriété, contrats), définissaient les libertés civiles. Mais
l'Administration ? Mais la conciliation des libertés politiques avec l'ex
igence collective de l'Etat monarchique, répressif et paternel ? Il ne suf
firait pas de réglementer brièvement le contentieux de l'impôt ou de
(1) Voir la très belle lettre de H. Zoepfl à Laboulaye (6 janvier 1843), que j'ai
récemment publiée dans la Revue du droit public, 1971, p. 106.
(2) Dans toute étude sur les rapports du libéralisme et du droit, on doit faire
retour à Laboulaye, très informé en ces matières ; cf., parmi tant d'ouvrages, L'Etat
et ses limites, 5* éd. Paris 1871. Je rappelle que Laboulaye est le fondateur de
la Société de législation comparée dont il a été le premier président. 6 LA FACTURE HISTORIQUE DES SYSTEMES
l'expropriation. L'enjeu serait bien plus considérable : domestiquer
l'Etat, soumettre la bureaucratie à la loi, assurer en même temps à la
fonction administrative son pouvoir économique et social dans un pays
industriellement retardé, d'ailleurs fort mal disposé au capitalisme
libéral (3), et périodiquement ébranlé par une guerre civile rigoureuse.
L'avènement du droit administratif s'inscrit dans cette histoire qui
tient au fatidique. Mettre de l'ordre dans une énorme production régl
ementaire, imposer une forme inédite de légalité et promouvoir, au sein
même du dispositif administratif, l'instance d'un contrôle juridique, mani
puler les notions politiques de liberté et d'égalité, affronter enfin le
réseau défensif de juristes universitaires d'abord hostiles aux sciences
administratives et politiques, cette tâche considérable s'est accomplie
d'un siècle à l'autre, au fil d'une évolution aujourd'hui mal connue et
dangereusement oubliée (4). Dont j'entame ici une nouvelle approxi
mation, après une première tentative (5).
Le droit administratif libéral, du grand tournant de Y Aufklärung
version française jusqu'aux démarcations du xxe siècle, est un système
en formation. La nébuleuse monarchique en a déjà marqué la mécanique,
les reclassements révolutionnaires de la fin du xviii* siècle ont infléchi
sa direction, la conquête bourgeoise puis la montée de nouvelles clientèles
politiques ont tour à tour imposé de profonds remaniements. Cependant,
cette prodigieuse floraison législative, réglementaire ou jurisprudentielle
n'eût été qu'un agglomérat informe face au triomphalisme des civilistes,
alors les seuls juristes, héritiers légitimes du nom. Un effort de logique
s'est donc révélé nécessaire, pour donner vie au système, le justifier,
transformer le documentaliste en juriste à part entière. Ainsi fut renouvelé
en France et pour l'usage libéral l'exploit de la canonistique médiévale,
qui fonda le droit de la première expérience absolutiste et centralisatrice
en Europe : le droit public de l'Eglise romaine, dont le Doyen Le Bras
rappela naguère si clairement la portée considérable vis-à-vis du droit
administratif français (6).
Une histoire du droit administratif est donc fatalement une histoire
systématique, où sont récupérés avec aisance les éléments les plus tech
niques et la puissance des raisonnements qui d'une pratique conduit à la
théorie, d'abord générale, selon ce bon mot dans l'enseignement, puis tout
naturellement politique, enfin sociologique. Les voies sont parfois dé-
(3) Les auteurs étrangers ont posé de remarquables diagnostics sur le problème
français (Sombart, Weber). Herbert Spencer demeure un guide, pour l'analyse log
ique du Libéralisme, cf. L'individu contre l'Etat, trad. Paris, 1892 (3e éd.).
(4) Un singulier apolitisme, joint à une réserve marquée à l'égard de la socio
logie moderne suspecte de subversion, a succédé dans les Facultés de droit à la pol
émique libérale, très souvent acerbe, du siècle dernier. Les réformes successives
depuis une dizaine d'années me paraissent davantage un tour de passe-passe qu'une
conversion sérieuse aux méthodologies et aux reclassements plus modernes.
(5) J'ai attiré l'attention sur l'importance historique du droit administratif dans
mon Histoire de l'Administration de 1750 à nos jours, Paris, 1968, « Le composé
juridique », pp. 455-489.
(6) G. Le Bras, « Les origines canoniques du droit administratif », in L'évolu
tion du droit. Etudes en l'honneur d'Achille Mestre, Paris, 1956, pp. 395-412. LA FACTURE HISTORIQUE DES SYSTEMES 7
tournées vers l'interprétation de pareils assemblages, à partir de pièces
et de morceaux si divers, si peu compatibles, pouvait-on croire (appel aux
concepts du droit privé). Mais la cohérence fut vite revendiquée, dès
la Restauration, avec l'appui des grands classiques, Domat au premier
chef ressuscité pour cette grande cause (7).
Aujourd'hui, au terme du conflit enfin dénoué sur les sciences admin
istratives, le droit administratif, ayant dépassé l'époque classique d'une
histoire mouvementée, fait l'objet de tentatives diverses de réinterprét
ation, de rééquilibration, en vue d'être intégré dans une épistémologie
qui vise à saisir les phénomènes d'organisation sur la base de critères
nouveaux pour distinguer et confronter des savoirs différents et complém
entaires. La vieille idée des systèmes juridiques trouve par là une
seconde jeunesse et l'histoire, de nouveau, découvre sa propre fonction de
discipline d'appoint, d'une indispensable science auxiliaire.
Les notations suivantes — matière d'une prochaine présentation
d'ensemble — proposent quelques remarques élémentaires sur une dyna
mique encore sous-analysée.
Implications juridiques de la centralisation
Une histoire juridique de l'Administration française doit d'abord
enregistrer le phénomène de la centra

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