La législation particulière en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis - article ; n°2 ; vol.31, pg 339-380
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1979 - Volume 31 - Numéro 2 - Pages 339-380
42 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Michel Distel
La législation particulière en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 31 N°2, Avril-juin 1979. pp. 339-380.
Citer ce document / Cite this document :
Distel Michel. La législation particulière en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. In: Revue internationale de droit comparé. Vol.
31 N°2, Avril-juin 1979. pp. 339-380.
doi : 10.3406/ridc.1979.3568
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1979_num_31_2_3568LA LÉGISLATION PARTICULIÈRE
EN GRANDE-BRETAGNE ET AUX ÉTATS-UNIS
par
Michel DISTEL
Docteur en Droit
Ph. D. (Cambridge)
I. Contrairement à l'idée suivant laquelle la loi doit être générale et
impersonnelle, il est arrivé que le législateur français ait voté des lois personn
elles sur des objets particuliers (1). De telles pratiques sont cependant très
exceptionnelles en France. Bien qu'on y ait reconnu le caractère illusoire et rela
tif de la généralité de la loi (2), il n'existe pas en France comme en Grande-
Bretagne ou aux Etats-Unis une pratique organisée consistant pour le législateur
à édicter des lois d'une nature spéciale, les Private Acts, lois particulières dont
la caractéristique est de n'avoir pas pour objet de poser des normes générales
mais de prendre une décision particulière.
Les lois particulières, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, ne sont
aucunement des lois apparemment générales et impersonnelles dont le but
dissimulé serait de constituer des privilèges au bénéfice de personnes dont
l'identité n'est pas révélée par le texte (3). De telles pratiques existent aux
Etats-Unis (4), mais comme en Grande-Bretagne, où elles sont interdites (5),
(1) H. DUPEYROUX, «Sur la généralité de la loi», Mélanges Carré de Malberg,
1933, p. 137, 154-155 cite les exemples des lois votées à l'issue de l'affaire Dreyfus pour
réintégrer le capitaine Dreyfus et le colonel Picquart dans les cadres de l'armée, ou le vote
de pensions au Maréchal Foch et à Mme Curie. Cf. J. DELPECH «Sur deux lois du 13 juil
let 1906 et le double caractère d'indétermination et de généralité réputé essentiel de l'acte
législatif», R.D.P., 1906, p. 507 ; J. BARTHELEMY, «De la dérogation aux lois par le pou
voir législatif», R.DJ3., 1907, p. 47. On peut citer également l'exemple de la dispense de
droits de succession votée au profit des héritiers du Général de Gaulle.
(2) DUPEYROUX, loc. cit.
(3) Ibid., p. 154.
(4) Le Congrès des Etats-Unis consent souvent des «privilèges fiscaux spéciaux»
(special tax privileges) quelquefois considérables et octroyés par des lois apparemment géné
rales : W.L. CARY, «Pressure Groups and the Revenue Code : A Requiem in Honor of the
Departing Uniformity of the Tax Laws» (1955) 68 Harvard Law Review 745 ; S.S. SUREY,
«The Congress and the Tax Lobbyist-How Special Tax Provisions get enacted» (1957)
70 Harvard Law Review 1 145.
(5) II ne serait pas possible en Grande Bretagne de faire voter des mesures particul
ières en faisant déposer une proposition de loi générale par un membre du Parlement, car
si une proposition met en cause des intérêts particuliers, elle fera pour ce motif l'objet d'une
opposition : I. JENNINGS, Parliament, 1969, p. 456. LA LEGISLATION PARTICULIERE 340
elles s'opposent à la pratique organisée et légitime consistant à l'élaboration de
décisions ouvertement destinées à régler la situation d'individus nommément
désignés.
A la différence de la tradition française, issue de la proclamation révo
lutionnaire de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, influencée par la
théorie de la séparation des pouvoirs qui a imposé un modèle de la fonction
législative limitée à l'édiction de normes générales, la pensée juridique anglo-
américaine n'a guère été influencée par des conceptions abstraites relatives au
rôle du législateur. Pendant une très longue période, l'idée que le législateur
puisse poser des règles générales lui a même été totalement étrangère. Jusqu'au
début du XXe siècle, on trouve peu de normes générales dans la législation
britannique, et si la situation a radicalement changé depuis, Dicey pouvait écrire
au début du siècle que «neuf dixièmes, au moins, du droit des contrats, et tout,
ou presque tout, le droit de la responsabilité ne se trouvent dans aucun texte
législatif» (6). La common law reposait sur le postulat de l'existence de règles
générales qui demeuraient informulées (7) et qui ne devaient rien au législateur.
L'essentiel de l'activité du Parlement britannique jusqu'au XIXe siècle était rela
tive à la législation particulière et consistait à prendre des décisions dans des
situations individuelles ou particulières. Du fait de l'importance de la législation
particulière on pouvait classer «comme privilégia plutôt que comme leges un
vaste nombre de lois qui ne posent aucune règle générale mais traitent d'un cas
particulier» (8) et la pratique consistant à légiférer pour traiter de questions
particulières prit une telle ampleur au XVIIIe siècle que Maitland le qualifiait
de «siècle des privilégia». Au lieu de poser des règles générales concernant,
par exemple, les commons, les naturalisations, les divorces etc., le Parlement
adoptait des lois particulières, des Private Acts permettant la clôture d'un
common, la naturalisation d'un individu ou prononçant la dissolution
mariage.
Malgré le développement considérable d'une législation générale
conforme aux canons de la théorie de la séparation des pouvoirs, le phénomène
de la private legislation est loin d'avoir disparu en Grande-Bretagne et dans les
anciennes colonies de l'Angleterre (9), notamment aux Etats-Unis. Les Etats-
Unis, où la théorie de la séparation des pouvoirs a joué un grand rôle, ont été
davantage marqués par la théorie de la généralité de la loi qui y a trouvé un
certain écho. Ainsi John Marshall déclarait que «c'est la province particulière
du législateur de prescrire des règles générales pour le gouvernement de la socié
té ; l'application de ces règles aux individus dans la société semblerait être la
fonction d'autres branches du gouvernement» (10). De telles affirmations sont
cependant en contradiction avec une pratique qui sur le plan de la théorie des
sources du droit constitue un phénomène particulièrement intéressant.
(6) Cité par C.K. ALLEN, Law in the Making, 7e éd., 1964, p. 75, n° 6 .
(7) ALLEN, op. cit., p. 75.
(8) F.W. MAITLAND, Constitutional History of England, p. 382 et s.
(9) Dans beaucoup de pays ou anciens pays du Commonwealth, il existe une législa
tion particulière. Il en est ainsi par exemple au Canada ; cf.E. RÜSSEL HOPKINS ,How Par
liament Works. An Examination of the Functionning of the Parliament of Canada, 1963, p.
47.
(10) Fletcher y.Peck, 6 Cranch 87, 136 (1810) ; cf. également Note, «Private Bills
in Congress» (1966) 19 Harvard Law Review 1684. EN GRANDE-BRETAGNE ET AUX ETATS-UNIS 34 1
2. La législation particulière en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis
est un phénomène curieux du point de vue de la technique législative. En effet,
elle constitue une forme de législation votée à l'initiative, non pas de l'exécut
if ou de membres du corps législatif, mais des personnes concernées par ces
mesures elles-mêmes.
Le droit d'initiative est généralement décrit comme «le droit de déposer
un texte (...) afin qu'il soit discuté par le Parlement» ; le plus souvent, il
existe «un partage entre le Gouvernement et les parlementaires à cet égard»
et ce partage est exclusif (11). En Grande-Bretagne, cependant, la distinction
entre projets, d'origine gouvernementale, et propositions, d'origine parlement
aire ne suffit pas à décrire les diverses formes de textes soumis au Parlement.
La production législative est classée selon des critères à la fois matériels et for
mels. Matériellement, on distingue entre la législation général

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