Liberté individuelle et justice sociale dans le procès civil italien - article ; n°3 ; vol.23, pg 533-551
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1971 - Volume 23 - Numéro 3 - Pages 533-551
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mauro Cappelletti
Liberté individuelle et justice sociale dans le procès civil italien
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 23 N°3, Juillet-septembre 1971. pp. 533-551.
Citer ce document / Cite this document :
Cappelletti Mauro. Liberté individuelle et justice sociale dans le procès civil italien. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 23 N°3, Juillet-septembre 1971. pp. 533-551.
doi : 10.3406/ridc.1971.16035
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1971_num_23_3_16035LIBERTÉ INDIVIDUELLE ET JUSTICE SOCIALE
DANS LE PROCÈS CIVIL ITALIEN*
par
Mauro CAPPELLETTI
Professeur i l'Université de Florence
Directeur de l'Institut de droit comparé
de la Faculté de droit de Florence
1. Le xxe siède est apparu comme le siècle du passage d'un « Etat
libéral » à un « Etat social », de 1'« Etat de droit » ou « Rechtsstaat »
du xix* siècle à 1'« Etat social de droit » ou « sozialer » qui
est l'objectif idéal de notre siècle.
Comment se reflètent dans le procès civil italien ces puissants mouv
ements idéologiques et les profondes transformations politico-sociales
qui en ont découilé ou qui sont en cours ? Je m'efforcerai de donner
une réponse à cette question en examinant brièvement quelques-uns des
aspects les plus significatifs de la justice civile en Italie (1).
Justice civile et privilèges de classe.
2. L'organisation antilibérale, autoritaire et hiérarchique de la
société féodale eut en Italie, comme dans les autres pays de l'Europe,
de nombreuses répercussions sur l'organisation judiciaire et sur le proc
ès. Il suffit de mentionner la pluralité des juridictions, féodales, ecclé
siastiques, etc., fondée sur la structure inégalitadre de la société de
l'ancien régime européen et sur la différenciation — même à l'égard de
^administration de la justice — des classes privilégiées par rapport aux
autres (2). Comme l'écrit Salvioli : « Le principe de l'égalité de tous
(*) II s'agit d'une version remaniée du rapport sur le thème « Libéralisation
et socialisation du procès civil » qui sera traité au Ve Congrès international de
procédure civile (Mexique, mars 1972).
(1) Pour une série de recherches historico-comparatives sur l'influence des
idéologies dans le droit judiciaire, je renvois à mon ouvrage Processo e idéologie,
Bologne, H Mulino, 1969 ; v. aussi M. Cappelletti, « Social and Political Aspects
of Civil Procedure — Reforms and Trends in Western and Eastern Europe »,
Michigan Law Review, 69 (1971), pp. 847-886.
(2) V., par ex., G. Salvioli, « Storia della procedura civile e criminale ■», II
(in Storia del diritto italiano sous la direction de P. del Giudice, III, II* partie),
Milan, Hoepli, 1927, pp. 74-137. Dans le royaume de Sardaigne, encore au début
du xix* siècle, c il y avait — comme le rappelle Salvioli, op. cit., p. 787 — des LIBERTÉ INDIVIDUELLE ET JUSTICE SOCIALE 534
les citoyens devant la loi est une conquête moderne : autrefois la populat
ion était divisée en Classes et en ordres, dont chacun avait son droit et
ses tribunaux : de même que les ecclésiastiques avaient leur propre juri
diction, une magistrature spéciale jugeait les artisans, les marchands, les
marins, les noMes, les étudiants. Suivant la qualité des personnes et la
matière, il existait autant de juridictions différentes reconnues par les
pouvoirs publics » (3).
3. Des reflets de la même structure sociale se sont répandus aussi
en dehors de l'organisation judiciaire, notamment dans le système des
preuves, où le témoignage rendu par le noble ou l'ecclésiastique l'em
porta sur celui du roturier ou du laïque (4).
Le système de procédure civile aussi bien que pénale était fermé
et secret. En 1700 encore le système des preuves pénales caract
érisé par la méthode de la torture judiciaire (5), méthode qui à son
tour se différenciait suivant la « qualité » du sujet (6). Ce tableau suffit à
indiquer comment le caractère inégalitaire et oppressif de la société
féodale se refléta sur le procès et comment furent justifiées les exigences
d'une réforme radicale, qui s'imposèrent à la conscience révolutionnaire
de l'Europe du xvine siècle.
La Révolution libérale européenne et le droit judiciaire.
4. La grande Révolution libérale européenne, commencée en
France en 1789 et achevée par les grands soulèvements libertaires et
choses très arriérées, telles que les tribunaux spéciaux pour les nobles, les feudatai-
res, les chevaliers, les militaires, les ecclésiastiques, la religion des Saints
Maurice et Lazare », etc.
(3) Op. cit., p. 95. Pour la situation, analogue en France et en Allemagne,
v., par ex., M. Rousselet, Histoire de la magistrature française, I, Paris, Pion,
1957, pp. 4 h 19 et passim ; E. Döhring, Geschichte der deutschen Rechtspflege
seit 1500, Berlin, Duncker & Humblot, 1953, pp. 8-14, 19, 71 ; E. Kern, Geschichte
des Gerichtsverfassungsrechts, Munich, Beck, 1954, p. 78, 105, 151.
(4) V. un texte renommé de 1200, dû probablement au glossateur Pillio da
Medicina, où la hiérarchie de la valeur des preuves est déjà précisée de façon très
nette : « ...ut potius sit credendum... honorato quam inferiori... Item potius...
nobili quam ignobili... Item magis diviti quam pauperi ». Der Ordo « Invocato
Christi Nomine », (dans Quellen zur Geschichte des Römisch- kanonischen Prozesses
im Mittelalter, édité par L. Wahrmund, V, 1), Aalen, Scientia, réimpr. 1962, p. 115.
Ce système de preuves était destiné à prévaloir pendant des siècles. En abordant
le thème des dans la législation et la doctrine italiennes du xvn* au
xix* siècle, après l'avoir examiné pour les siècles précédents, Salvioli écrit que
« une division chronologique dans cette matière pourrait être même oiseuse et
superflue, car il serait plus rapide d'affirmer que les systèmes et les idées du passé
continuèrent jusqu'aux dernières dizaines d'années de 1700». Op. cit., pp. 486-487.
(5) L'acte d'accusation célèbre de Cesare Beccaria fut publié en 1764.
(6) En général sur la torture dans le procès italien du xine au xix* siècle,
v. Salvioli, op. cit., pp. 476-486 ; cf. aussi le traité de P. Fiorelli, La tortura
giudiziaria nel diritto comune, 2 vol., Milan, Giuffrè, 1953-1954. En particulier
sur l'application différente de la torture suivant la « qualité des personnes » (la
torture « légère était infligée aux mineurs, aux nobles, aux docteurs et à ceux qui
jouissaient d'une condition sociale distinguée », tandis que « les clercs en étaient
complètement libérés »), v. Salvioli, op. cit., p. 480, 483. DANS LE PROCÈS CIVIL ITALIEN 535
constitutionnels des années 1848-1849 et aussi par les luttes de libé
ration et d'unification nationales en Italie, en Allemagne, et ailleurs,
ne pouvait pas ne pas bouleverser profondément ce système judiciaire et
les modes de preuves qui étaient le reflet fidèle de la société féodale.
La suppression des juridictions privilégiées, en conflit avec l'idée
révolutionnaire d'égalité proclamée par la société bourgeoise triom
phante, fut un des premiers actes de la Révolution (7). L'idée de la
publicité dans la procédure, dont Voltaire avait été le défenseur acharné
à l'époque prérévolutionnaire (8), fut proclamée par la loi du 7 Fructi
dor an III (1795). Le principe antilibéral et autoritaire du secret de
l'enquête fut aboli, et inversement la loi disposa que même dans les
procès civils les témoins devaient être entendus à l'audience publique
et en présence des parties (9). Le système des preuves subit aussi des
transformations radicales. On passa de la méthode de la preuve légale
— souvent fondée, comme on l'a vu, sur des critères de discrimination
sociale — à celle de la libre appréciation du juge (10), et la torture fut
supprimée (11). Ces réformes fondamentales, même si elles subirent
quelques atténuations par rapport à la législation révolutionnaire, furent
accueillie

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