Nécessité et légitimité de la justice constitutionnelle - article ; n°2 ; vol.33, pg 625-657
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 2 - Pages 625-657
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mauro Cappelletti
Nécessité et légitimité de la justice constitutionnelle
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2, Avril-juin 1981. pp. 625-657.
Citer ce document / Cite this document :
Cappelletti Mauro. Nécessité et légitimité de la justice constitutionnelle. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 33 N°2,
Avril-juin 1981. pp. 625-657.
doi : 10.3406/ridc.1981.3285
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1981_num_33_2_3285NÉCESSITE ET LEGITIMITE
DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
par
Mauro CAPPELLETTI
Professeur Docteur d'économie aux Honoris Universités et des Causa sciences de Florence l'Université d'Aix-Marseille. et de Stanford, droit,
INTRODUCTION
Un des phénomènes les plus importants dans l'évolution d'un nombre
croissant de pays européens après la deuxième guerre mondiale est
constitué par la naissance et l'expansion des systèmes de justice
constitutionnelle. En vertu de ces systèmes, certains tribunaux, habituel
lement appelés cours constitutionnelles, ont été créés avec la mission de
contrôler la conformité des lois et quelquefois aussi d'actes émanant des
organes publics, autres que la loi — à la constitution (1).
Le phénomène avait déjà eu des antécédents de brève durée et de
succès limité après la première guerre mondiale, en particulier en
Autriche en 1920 et en Espagne en 1931. Il devint, après 1945, une
caractéristique fondamentale des systèmes constitutionnels allemand (à
partir de 1949), italien (à partir de 1948 et surtout depuis 1956) et
autrichien (depuis 1945), et a pénétré encore d'autres pays européens
comme la République de Chypre (depuis 1960), la Turquie (depuis 1961)
et la Yougoslavie (depuis 1963) et plus récemment la Grèce 1975),
le Portugal (depuis 1976) et l'Espagne (depuis 1978) (2).
(1) Pour une analyse historico-comparative et structurale des systèmes de justice
constitutionnelle, v. notre ouvrage Judicial Review in the Contemporary World, Indianapoli
s, Bobbs-Merrill, 1971. (En italien, // controllo giudiziario di costituzionalità délie leggi nel
diritto comparato, Milan, Giuffrè, 1968, 8e réimpression 1979. Les références à cet ouvrage
seront toujours au texte en langue anglaise.)
(2) Pour plus de détails v. Judicial Review in the Contemporary World, op. cit., chap. 3
et passim ; v. aussi M. CAPPELLETTI et W. COHEN, Comparative Constitutional Law,
Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1979, p. 12 et s. En ce qui concerne les développements les plus
récents v. par ex. M. ARAGON, « El control de constitucionalidad en la Constitution
Espanola de 1978 », Revista de Estudios Politicos, 7 (Nueva Época), Numero Monogrâfico 626 NÉCESSITÉ ET LÉGITIMITÉ DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE
Le phénomène en question n'est pas dépourvu de précédents
historiques mêmes anciens (3). En effet, à de nombreuses époques, se
répète l'idée — qui est à la base de la justice constitutionnelle — qu'il
existe une lex superior à laquelle on ne peut déroger sinon selon des
procédures spéciales et ardues, et qu'une telle loi supérieure lie même le
législateur : par conséquent une loi ordinaire, contraire à une telle loi
supérieure, sera sans valeur aucune et ne pourra dès lors être appliquée
par les juges. Une telle idée peut être trouvée, par exemple, en
Angleterre avant la « glorieuse Révolution » de 1688, où Lord Coke dans
certains arrêts célèbres proclama la nullité de lois « répugnant » à la
« Common Law and reason ». Dans la France pré-révolutionnaire aussi,
les Parlements prétendaient souvent pouvoir contrôler la conformité des
lois et ordonnances à certaines « lois fondamentales du royaume » (non
écrites).
Une telle doctrine a eu des hauts et des bas. En France, en
particulier, le souvenir des abus des Parlementaires a conduit à un net
refus, au temps de la Révolution et pour de nombreuses années qui
suivirent, de tout pouvoir de contrôle des lois par les juges.
Ce refus subsiste encore aujourd'hui : la crainte d'un
« gouvernement des juges » est encore enracinée en France, et, de
manière plus générale, dans beaucoup de pays de « droit écrit » (pays que
M. le Professeur René David a appelé la « famille romano-
germanique ») (4). C'est exactement pour cette raison que le phénomène
mentionné au début de ce rapport a pris dans les différents pays de
l'Europe continentale un aspect qui le différencie profondément des
formes de justice constitutionnelle que nous pouvons retrouver dans
presque tous les pays de l'autre grande famille juridique, celle de la
common law.
Même aux U.S.A. et, quoique avec une influence mineure, au
Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans presque toutes les
autres ex-colonies britanniques, est en fait affirmé le principe que la
constitution est une loi supérieure et obligatoire, et que, par conséquent,
les actes émanant des pouvoirs publics — y compris les lois ordinaires —
qui sont contraires à la constitution, ne peuvent être appliquées par les
juges. Nous n'examinerons pas ici les raisons, que nous avons analysées
ailleurs (5), pour lesquelles un tel principe n'est paradoxalement pas
adopté en Angleterre, bien qu'il ait été reçu historiquement par les
ex-colonies de ce pays même. Il est au contraire important de souligner ici
la différence fondamentale qui apparaît entre les systèmes de justice
Sobre Garantlas Constitucionales, 1979, pp. 171-195 ; V. PERIFANAKI ROTOLO, « La
Corte Suprema Spéciale nella Costituzione greca del 1975 », Rivista trim, di diritto pubblico,
29 (1979), pp. 183-204.
(3) V. M. CAPPELLETTI, « Quelques précédents historiques du contrôle judiciaire
de la constitutionnalité des lois », Studi in memoria di Tullio Ascarelli, V. Milan, Giuffrè,
1969, pp. 2779-2797.
(4) R. DAVID, Les grands systèmes de droit contemporains, T éd., Paris, Dalloz,
1978.
(5) Op. cit. supra note 1, pp. 36-41 ; « Quelques précédents »..., cit. supra note 3,
pp. 2791-2797. NÉCESSITÉ ET LÉGITIMITÉ DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE 627
constitutionnelle adoptés ces dernières décennies dans de nombreux pays
d'Europe continentale (mais aussi dans certains pays non-européens de
tradition romano-germanique) et les systèmes analogues des pays de
common law. Dans ces derniers le contrôle de constitutionnalité est
« décentralisé » ou « diffus », dans le sens qu'il est confié à tous les
tribunaux du pays. Ces tribunaux, lors d'une action en justice quelconque,
ont le pouvoir et le devoir de ne pas appliquer au cas concret les lois et
autres textes qu'ils jugent contraires à la « higher law », c'est-à-dire à la loi
constitutionnelle. Un tel contrôle n'est donc pas remis à la compétence
exclusive de cours constitutionnelles spéciales ; de plus, un tel contrôle
n'est pas opéré selon des procédures ad hoc, mais seulement incidem
ment, au cours d'actions en justice ordinaires (6). Un tel contrôle enfin ne
donne pas lieu, au moins en théorie, à une véritable annulation, d'effet
erga omnes, de la loi anticonstitutionnelle, mais seulement à écarter
l'application, dans le cas concret, de la norme considérée comme
inconstitutionnelle. Il convient pourtant immédiatement de préciser que,
sur ce sujet, en vertu de la doctrine du stare decisis, lorsqu'une norme est
déclarée inconstitutionnelle par les tribunaux supérieurs d'un pays de
common law, une telle déclaration d'inconstitutionnalité, bien qu'inciden-
telle au procès, lie tous les tribunaux (ou, au moins, tous les tribunaux
inférieurs), c'est-à-dire qu'elle arrive pratiquement à revêtir une valeur
erga omnes (7).
Avec quelques exceptions d'intérêt réduit pour l'objet de notre
étude, les pays de la famille romano-germanique ont au contraire adopté
un modèle de justice constitutionnelle très différent. Ce modèle, que nous
pouvons appeler « européen » car il domine en Europe, consiste, comme
nous l'avons déjà dit, en la création de nouvelles cours constitutionnelles
spéciales. Ainsi s'est maintenu le principe que les juges, plus

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