Questions à Rodolfo Sacco - article ; n°4 ; vol.47, pg 943-971
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1995 - Volume 47 - Numéro 4 - Pages 943-971
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. Pierre Legrand
Questions à Rodolfo Sacco
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 47 N°4, Octobre-décembre 1995. pp. 943-971.
Citer ce document / Cite this document :
Legrand Pierre. Questions à Rodolfo Sacco. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 47 N°4, Octobre-décembre 1995.
pp. 943-971.
doi : 10.3406/ridc.1995.5171
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1995_num_47_4_5171R.I.D.C. 4-1995
QUESTIONS
À RODOLFO SACCO
Pierre LEGRAND
Professeur titulaire de la Chaire de culture juridique comparée
à l'Université de Tilburg associé aux Universités de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
et Paris II (Panthéon-Assas)
L'information relative à une culture juridique donnée que nous com
munique le comparatiste n'est jamais, en dernière analyse, que le fruit
c' est-à-dire le produit d'un exercice de d'une interprétation personnelle,
reconstruction relevant autrement plus de l'invention que de la constatat
ion. Certes, la manière dont un droit, comme les acteurs d'une commun
auté juridique, se présentent et se re-présentent à l'observateur compte
pour beaucoup dans l'entendement que se fait celui-ci d'une culture
juridique. Mais le rôle du comparatiste dans l'exercice de comparaison
apparaît davantage déterminant encore. Car, c'est le comparatiste lui-
même qui procède à tisser les réseaux dénotatifs et connotatifs à travers
lesquels il prétendra pouvoir expliquer le phénomène juridique observé.
Celui-ci, en effet, n'est pas intrinsèquement organisé autant qu'il fait
l'objet d'une organisation élaborée de l'extérieur par le comparatiste
(lequel assure pourtant, le plus souvent, qu 'il ne fait que mettre au jour
le non-dit de l'expérience juridique sous observation). Puis, sa perception,
comme son explication subséquente, passent nécessairement par le filtre
des catégories cognitives du comparatiste.
De telles réflexions veulent préciser, en quelques mots, la nécessité,
pour le comparatiste, de s'intéresser au comparatiste en tant que ce
dernier façonne et détermine l'objet de la comparaison et, à travers lui,
les conclusions qu'il y a lieu de tirer d'une expérience d'observation.
Apprendre à connaître les orientations cognitives, et notamment méthodol
ogiques, du comparatiste doit permettre une meilleure compréhension
du cadre intellectuel à l'intérieur duquel se sont effectués les travaux de
comparaison juridique auxquels il s'est livré et favoriser une relativisation
de la forme particulière conférée à l'objet de sa comparaison et aux REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 4-1995 944
critiques issues de ses observations. En d'autres termes, connaître le
comparatiste permet d'apprivoiser le cadre épistémologique dans lequel
s'inscrit sa comparaison et autorise à comprendre les paramètres et
variables qui en ont dicté l'allure particulière. D'où l'immense intérêt
d'un dialogue avec M. le Professeur Rodolfo Sacco, eminent comparatiste
italien et auteur de l'œuvre considérable que nous connaissons. Les ques
tions posées à M. Sacco ont, toutes, pour objet de lui faire préciser les
préjugés (au sens étymologique, et non péjoratif, du terme) qui l'ont
guidé, consciemment ou non, dans ses recherches de comparatiste et, dès
lors, de faciliter à l'interprète l'intelligence de son œuvre.
L'entrevue qui suit, fruit d'une correspondance qui s'est étendue de
novembre 1994 à mai 1995 et de rencontres tenues à Turin du 28 janvier
au 5 février 1995, a été rendue possible grâce à la collaboration empressée
et soutenue de M. Sacco.
1. Situons le personnage ! Vous êtes Italien. Vous êtes, en outre,
Piémontais. Vous êtes juriste. Vous êtes comparatiste. Vous êtes titulaire
de chaire à l'Université de Turin. L'image du comparatiste ayant sillonné
le monde — c'est ce que vous avez accompli — et faisant carrière à
quelques dizaines de kilomètres de son lieu de naissance offre un fascinant
paradoxe. Aviez- vous toujours souhaité éventuellement « rentrer chez
vous » ? Au fond, avez- vous jamais quitté les lieux de votre enfance ?
R. S. : J'ai le sentiment d'avoir toujours habité le même village ou
mieux, la même maison, ou mieux encore, la même pièce. Cette pièce
est un observatoire où je passe mon temps, armé de lentilles et de jumelles.
2. Très tôt, donc, vous vous êtes reconnu observateur ?
R. S. : Demander à un comparatiste s'il se reconnaît observateur,
c'est comme demander à une actrice si elle se charmante ou
à un militaire s'il se reconnaît courageux.
3. Paul Ricoeur définit l'herméneutique comme une « compréhension
de soi-même par le détour de la compréhension de l'autre » l. N'en irait-
il pas ainsi de la comparaison qui, somme toute, se ferait de même une
quête de « soi » plutôt que de 1'« autre » ?
R. S. : J'irais plus loin. Le comparatiste ne distingue pas, sur le plan
de la compréhension du moins, un « soi » et un « autre » ; il veut comprend
re les deux réalités.
4. A travers vos pèlerinages de comparatiste, c'était donc toujours
un peu « vous-même » que vous cherchiez ?
R. S. : Je cherchais à comprendre la structure du droit.
5. Avant Turin, vous avez enseigné le droit dans plusieurs universités
italiennes voire étrangères. J'aimerais que vous précisiez les grandes étapes
de votre carrière.
Paul RICOEUR, Le conflit des interprétations, Paris, Editions du Seuil, 1969, p. 20. P. LEGRAND : QUESTIONS A RODOLFO SACCO 945
R. S. : En Italie, je fus d'abord assistant à Turin, puis professeur à
Trieste, à Pavie et, enfin, à Turin. Ceci dit, j'ai toujours habité Turin. A
l'étranger, j'ai accepté des charges de cours à Mogadishu, en Somalie,
ainsi qu'à Toulon, Genève, Fribourg et Lyon. En outre, j'ai assuré, pendant
plusieurs décennies, un enseignement à la Faculté internationale de droit
comparé à Strasbourg.
6. Je constate que votre carrière en sol italien s'est confinée au nord
du pays. C'est une coïncidence ?
R. S. : J'ai voulu m'éloigner de Turin le moins possible.
7. A travers ce parcours, l'idée de l'exil ne vous a-t-elle jamais
séduit ? N'avez- vous pas souhaité vous transporter dans une autre culture
pour y vivre et y travailler pour une période prolongée ? Votre collègue,
Mauro Cappelletti, par exemple, quitta Florence pour passer plusieurs
années à l'Université Stanford, en Californie.
R. S. : J'ai rêvé d'être invité à l'étranger pour une période prolongée,
mais la chose ne s'est jamais produite. Je me rappelle avoir tenu des
pourparlers avec l'Université Libre de Berlin aux environs de 1968 puis,
en d'autres circonstances, avoir exprimé mon souhait à René David. En
outre, j'avais offert mes services à l'Institut Universitaire Européen de
Florence au moment de sa fondation, en 1976, mais tout cela sans succès.
8. Vos collègues, Ugo Mattei et Piergiuseppe Monateri, écrivent que
le juriste qui souhaite faire carrière dans le milieu universitaire italien
doit s'atteler à la remorque d'un brillant maestro et se faire son apprenti 2.
Ce fut là votre expérience ?
R. S. : Je vous dirai simplement, et sans vouloir y insister davantage,
que ce que Mattei et Monateri ont écrit était plus vrai au temps de ma
jeunesse que ce ne l'est aujourd'hui.
9. Mais vous voilà, en tout cas, aujourd'hui, à votre tour, un maestro.
Avez- vous jugé important de faire des émules — afin, peut-être, d'assurer
le succès de vos idées chez les générations qui suivront la vôtre ? Max
Planck se montrait-il trop cynique lorsqu'il écrivait qu'« une vérité nou
velle en science n'arrive jamais à triompher en convainquant les adversaires
et en les amenant à voir la lumière, mais plutôt parce que finalement ces
adversaires meurent et qu'une nouvelle génération grandit, à qui cette
vérité est familière » ? 3.
R. S. : Je dois vous donner une réponse en trois volets. Tout d'abord,
je me

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