Réflexions d un magistrat français sur son expérience à la Cour de justice des Communautés européennes - article ; n°2 ; vol.35, pg 283-299
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Réflexions d'un magistrat français sur son expérience à la Cour de justice des Communautés européennes - article ; n°2 ; vol.35, pg 283-299

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1983 - Volume 35 - Numéro 2 - Pages 283-299
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Adolphe Touffait
Réflexions d'un magistrat français sur son expérience à la Cour
de justice des Communautés européennes
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 35 N°2, Avril-juin 1983. pp. 283-299.
Citer ce document / Cite this document :
Touffait Adolphe. Réflexions d'un magistrat français sur son expérience à la Cour de justice des Communautés européennes.
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 35 N°2, Avril-juin 1983. pp. 283-299.
doi : 10.3406/ridc.1983.4337
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1983_num_35_2_4337RÉFLEXIONS D'UN MAGISTRAT FRANÇAIS
SUR SON EXPÉRIENCE DE JUGE
A LA COUR DE JUSTICE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES *
par
Adolphe TOUFFAIT
Procureur général honoraire près la Cour de cassation
Président de chambre à la Cour de justice
des Communautés européennes
Un constat s'impose, la Cour de justice des Communautés euro
péennes, siégeant à Luxembourg, est aujourd'hui encore assez méconnue
en France, et il arrive même que le grand public la confonde avec la Cour
internationale de La Haye ou la Cour européenne des droits de l'homme,
siégeant à Strasbourg. De la même façon, la jurisprudence de cette Cour
de justice demeure, dans de larges cercles, quasiment inconnue.
On peut se demander quelles sont les raisons de cette ignorance, alors
que, ne l'oublions pas, ce sont nos hommes politiques qui, au lendemain
de la Seconde guerre mondiale, ont convaincu à l'époque cinq de nos
partenaires européens de mettre en place des institutions communauta
ires : une Assemblée, un Conseil, une Commission, une Cour de
justice, aux fins (suivant les termes du Préambule du Premier Traité, celui
de la CECA) « de substituer aux rivalités séculaires une communauté
entre des peuples longtemps opposés par des divisions sanglantes » et « de
jeter des bases d'institutions capables d'orienter un destin désormais
partagé ».
Au moins, le premier de ces objectifs est-il maintenant atteint — et
c'est un grand mérite que les hommes de ma génération saluent avec
reconnaissance. Personne ne pense aujourd'hui qu'une guerre franco-
allemande puisse encore survenir et, lorsque la Cour de Justice est saisie
d'une question de sécurité sociale intéressant un ouvrier italien ayant
travaillé aux Sudètes en 1938, on sent, à l'évocation de l'époque et du nom
de ce territoire, le souffle de l'Histoire passer sur la table des délibérés et
la Cour tranche l'affaire en appliquant les règles posées en la matière par
* Conférence faite à la Société de législation comparée lors de l'Assemblée générale du
17 décembre 1982. 284 DOCTRINE-ÉTUDES
l'article 51 du Traité CEE. Et si l'autre objectif n'est pas encore réalisé
entièrement, jour après jour les institutions communautaires tissent cette
grande tapisserie de l'Europe dans laquelle s'insèrent les droits nationaux
des États membres.
Alors pourquoi peut-on affirmer que la France, quasiment seule de
tous les États membres, ne s'intéresse que médiocrement à ce droit
communautaire qui, pourtant s'intègre directement dans notre ordre
juridique interne, non seulement par la jurisprudence de la Cour de
justice relayée par les tribunaux nationaux, mais aussi par les milliers de
règlements communautaires applicables directement par le seul fait de
leur publication au Journal officiel des Communautés européennes, sans
qu'il soit nécessaire qu'ils soient insérés au Journal officiel de la
République française ?
Bien sûr, il y a de nombreuses raisons, et je me contenterai d'en
évoquer quelques-unes. La Cour siège tous les mardi, mercredi et jeudi,
les autres jours étant réservés aux délibérés et à la rédaction des projets
d'arrêts. Or, presque tous les jours, la salle qui peut contenir 250
personnes est remplie de visiteurs : pour les connaître, je me reporte à la
feuille administrative intitulée « Visites à la Cour » et je lis : « 28
septembre 1982 : 80 étudiants de l'Université de Cambridge, 70 syndical
istes allemands, 20 lycéens bruxellois ; 29 septembre 1982 : 60 étudiants
de La Haye, 40 professeurs de droit communautaire italiens, 20
représentants des Chambres de commerce danoises, etc. ». Par contre, il y
a rarement de visiteurs français — sauf, une fois par an, les étudiants de
Nancy ou ceux de Strasbourg et, depuis un an ou deux ans, une dizaine
d'avocats qui viennent y faire un stage de quelques jours. En dehors de ces
visites quotidiennes, la Cour organise chaque année une journée
d'information pour la presse, une pour les directeurs de revues juridiques,
une pour les représentants des médias, avec forcément un nombre limité
d'invitations par pays, tous frais payés par la Cour.
Alors que les représentants étrangers se bousculent à ces réunions
d'information, il faut l'influence personnelle du Juge et de l'Avocat
Général français pour que les places réservées à leurs compatriotes soient
occupées.
La conséquence, c'est que la littérature communautaire est abon
dante dans la grande presse étrangère : tous les jours dans la « Frankfurter
Allgemeine », « Le Soir » de Bruxelles, le « Times » de Londres, on parle
de droit communautaire et on y commente les arrêts de la Cour ; et il en
va de même soit dans les revues juridiques, soit dans les livres. En France,
je ne connais guère que le journal « Ouest France » qui renseigne ses
lecteurs cultivateurs ou pêcheurs sur le droit communautaire par une
rubrique quotidienne. Je ne veux pas dire qu'il n'y a en France aucun
spécialiste de droit communautaire. Il y en a, et de remarquables, mais
malheureusement trop peu nombreux. Combien y en a-t-il par universités,
et y en a-t-il dans toutes les universités ? Cependant, et c'est là une lueur
d'espoir, il existe depuis un an environ, des mouvements de jeunes
avocats qui se créent à Paris, Bordeaux, Lyon, Lille et qui se montrent
très actifs et résolus à rattraper notre retard. JUGE A LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS 285 UN
Si maintenant, je regarde les affaires inscrites à l'audience, je fais les
mêmes réflexions empreintes de mélancolie. La Cour rend depuis deux ou
trois ans environ 140 arrêts chaque année ; en 1982, elle en a rendu 180, ce
qui est énorme pour une juridiction internationale. L'Europe judiciaire et
juridique se développe avec un extraordinaire dynamisme : mais
malheureusement, jusqu'ici, la France ne participe pas à ce mouvement
avec la même force que les autres États membres.
C'est ainsi qu'en 1980, sur 279 affaires enregistrées au greffe de la
Cour, quatorze étaient d'origine française. La même année, 132 arrêts ont
été rendus avec l'intervention de 216 avocats dont 13 français. Et comme il
y a peu d'avocats français spécialisés, certaines grosses sociétés françaises
s'adressent pour défendre leurs intérêts, l'une à un avocat allemand,
l'autre à un avocat belge et même une grande société nationalisée à un
cabinet américain. Comment expliquer ce comportement national ? Pour
tenter un commencement d'explication, je me suis mis à comparer notre
ordre juridique aux ordres des autres États membres et à examiner les
différents acteurs mis en scène par le contentieux judiciaire. Depuis près
de trente ans que j'appartiens à notre Société de législation comparée, j'y
ai appris beaucoup de choses et notamment que nous avions intérêt à
confronter notre ordre juridique interne aux autres pour, selon les termes
mêmes de statut : « rechercher des moyens pratiques d'améliorer
les diverses branches de notre législation ».
Or le droit comparé trouve dans le domaine des institutions
communautaires un champ d'application où il est pratiqué quotidienne
ment avec une extraordinaire intensité. D'ailleurs, les traités recommand
ent cette recherche, c'est ainsi que l'article 173 du Traité CEE,
établissant le contentieux de la légalité des actes du Conseil et de la
Commission, donne compétence à la Cour pour se prononcer sur les
recours en lui recommandant d

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