Technique du droit, dogmatique et droit comparé - article ; n°1 ; vol.20, pg 5-18
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1968 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 5-18
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Mario Rotondi
Technique du droit, dogmatique et droit comparé
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 20 N°1, Janvier-mars 1968. pp. 5-18.
Citer ce document / Cite this document :
Rotondi Mario. Technique du droit, dogmatique et droit comparé. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 20 N°1,
Janvier-mars 1968. pp. 5-18.
doi : 10.3406/ridc.1968.19004
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1968_num_20_1_19004TECHNIQUE DU DROIT, DOGMATIQUE
ET DROIT COMPARÉ
par
Mario ROTONDI
Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Milan
Correspondant de l'Institut de France
Je pense qu'il est tout à fait naturel, à quiconque a travaillé depuis
plusieurs années dans un domaine scientifique, de reconsidérer les buts
qu'il s'était proposés et les méthodes qu'il avait adoptées dès le commenc
ement, pour rechercher, d'après l'expérience, si les buts étaient raison
nables et si les méthodes étaient aptes à atteindre les résultats souhaités.
En 1926 — il y a plus de quarante ans — ayant eu l'honneur d'être
appelé à l'Université de Pavie, j'ai choisi comme sujet du discours d'ou
verture du cours : « // diritto corne oggetto di conoscenza », dont la publi
cation a eu un certain succès et a suscité un large intérêt.
Je me proposais à cette occasion de développer la thèse qu'il peut
y avoir deux sciences du droit : celle qui a pour but la construction théo
rique d'un système de droit positif, et celle qui se propose la connaissance
intégrale du phénomène juridique dans les différentes époques et dans les
différents pays, avec l'aide de l'histoire et de la comparaison.
Au cours de ces quarante dernières années, une énorme littérature
s'est développée sur ces problèmes.
Si la doctrine qui affirmait l'impossibilité d'une théorie scientifique
du droit (comme von Kirchmann dans son essai : « Die Wertlosigkeit
der Jurisprudenz als Wissenschaft ») n'a pas rencontré un succès durable
et si la critique a révélé les équivoques sur lesquelles cette doctrine était
fondée, on arrive par contre assez souvent à plaider la construction d'une
soi-disant « science du droit », où sont en effet mélangés des éléments
disparates. On oublie trop facilement que ce qui justifie l'autonomie d'une
science, c'est la spécificité des intérêts qui inspirent la recherche et les
méthodes appropriées — et par conséquent différentes — qui doivent
conduire l'activité théorique.
Il faut donc sortir de l'équivoque consistant à prétendre qu'il n'y
a qu'une science du droit : il peut y avoir deux sciences du droit diffé
rentes par leur but et leur méthode. C'est la thèse que j'ai plaidée jadis
et sur laquelle je pense qu'il n'est pas inutile de revenir.
• • 6 TECHNIQUE DU DROIT, DOGMATIQUE ET DROIT COMPARÉ
II arrive fréquemment — même entre des personnes non dépour
vues de quelque culture — d'entendre parler de nos études avec un
certain mépris mal dissimulé ; il arrive tout au moins d'entendre parler
de l'étude du droit comme d'une étude fondée sur l'empirisme le plus
désordonné, ou encore comme d'un art utile tout au plus à duper les
nigauds, ou bien encore comme d'un ramassis indigeste de divagations
théoriques abstraites qui, perdant toute la noblesse qu'il pouvait tirer
de son utilité pratique, sans acquérir pour cela la dignité de science, n'a
rien qui lui donne le droit d'être comparé à la construction systématique
d'autres disciplines qui se parent du nom de sciences comme par un
privilège indiscuté.
Or, je suis certain que ce ne sera plus désormais l'opinion de ceux
qui se préparent de nos jours à ce genre d'études. Mais il ne sera pas
inutile de considérer un instant la position que notre discipline occupe
dans l'ensemble de nos connaissances. Il ne sera pas inutile de se poser,
comme première question, celle de savoir si l'étude du droit est un art
ou une science.
La réponse, à mon avis, ne peut faire de doute. Je ne nie pas que
l'étude et l'application du droit ne soient une activité intellectuelle rentrant
en grande partie dans l'activité « artistique », entendue comme applica
tion empirique des principes connus à la solution de cas pratiques variés.
Je ne nie pas que l'œuvre de l'expert — le juge ou celui qui exerce une
profession juridique — ne revête pas très souvent cette caractéristique, en
tant qu'elle encadre la réalité complexe du cas dans la figure abstraite
des hypothèses prévues par la loi. C'est sur celle-ci, qui n'est déjà plus
réalité, mais abstraction d'éléments considérés comme importants, que
porte cette appréciation juridique, qui, considérée peut-être comme l'ap
plication consciente de principes connus, est au contraire le plus souvent
— ou peut-être toujours — une œuvre intuitive, inspirée par ce sens
juridique, qui, comme le sens artistique de l'artiste ou le soi-disant œil
clinique du médecin, a toutes les caractéristiques de l'exercice d'un art.
Il n'en résulte pas un abaissement du niveau de notre discipline, au
moins dans son sens pratique. Personne n'ignore qu'il existe un lien pro
fond entre préceptes artistiques et loi scientifique, une substance identi
que étant bien souvent notée sous la diversité formelle de renonciation ;
et l'on sait que, au commencement, les sciences exactes apparurent plutôt
comme des sciences appliquées aux nécessités de la vie ou, pour mieux
dire, comme des arts.
Mais si, en soutenant cette opinion, je me rapproche de la concept
ion de ceux qui considèrent le droit comme l'ensemble des normes techni
ques, c'est-à-dire comme un ensemble de préceptes pratiques propres à
réaliser la conservation pacifique du consortium social, il ne pourra
certes en aucune manière être désagréable au juriste de sentir sa propre
œuvre comparée à celle de l'artiste. Mais ce que je voudrais soutenir ici,
après cette honnête prémisse, et sur quoi je le crains l'assentiment sera
moins universel, c'est que, si l'application pratique du droit rapproche
l'activité du juriste de celle de l'artiste, et si le droit sous cet aspect peut
être défini comme un art — « ors boni et aequi », disait déjà Ulpien — DU DROIT, DOGMATIQUE ET DROIT COMPARÉ 7 TECHNIQUE
le droit peut constituer aussi d'autre part l'objet d'une recherche qui, par
ses caractères, par ses méthodes, par ses résultats, peut à raison être
appelée scientifique. Il est bien vrai que c'est là l'aspect de la recherche
juridique le moins fréquent dans la réalité, mais il est cependant de
notre devoir de reconnaître au moins que la possibilité d'une telle recher
che existe, car il existe toute une vaste et nouvelle sphère de problèmes
dont la connaissance ne peut que faire l'objet d'une recherche abstraite.
Il est cependant de notre devoir de savoir quelle place cette étude occupe
dans le domaine de nos connaissances, pour voir aussi (comme je n'hésite
pas à me déclarer dès maintenant disposé à le croire) si on ne doit pas
parler non d'une, mais de plusieurs, d'au moins deux doctrines systémat
iques du droit, ayant chacune (car c'est en cela que consiste l'autonomie
de chaque science) des méthodes propres, des fins propres, des hypothès
es propres et des lois propres.
Qu'il nous soit permis à cette fin de partir d'une constatation te
rminologique assez banale. Il est connu que celui qui étudie les phénomèn
es naturels comme celui qui étudie les phénomènes sociaux, et entre
autres le juriste, s'applique dans le domaine propre de ses recherches
à l'étude, à l'élaboration et à l'application de lois particulières. Or j'en
tends, avec Montesquieu, la loi comme un rapport nécessaire et naturel
entre phénomène et phénomène, et il apparaîtra facilement que l'on peut
ramener sous ce concept compréhensif les lois astronomiques, physiques
et juridiques. Mais il apparaît également évident, si la loi devient ainsi
synonyme de règle ou norme selon laquelle les faits ou

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