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Sciences-Croisées Numéro 7-8 : Soin de l'âme Prendre soin de la mémoire Cathy Leblanc (MCF) Département de philosophie – Université Catholique de Lille PRENDRE SOIN DE LA MEMOIRE Introduction Prendre soin de la mémoire. L'expression évoque d'emblée un souci : celui du soin que l'on apporte à la personne, au monde de la personne, aux êtres vivants ou au monde des choses.
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Numéro 7-8 : Soin de l’âme
Prendre soin de la mémoire
Cathy Leblanc (MCF)
Département de philosophie – Université Catholique de Lille
cathy.leblanc@icl-lille.fr
PRENDRE SOIN DE LA MEMOIRE
Introduction
Prendre soin de la mémoire. L’expression évoque d’emblée un souci : celui
du soin que l’on apporte à la personne, au monde de la personne, aux êtres vivants
ou au monde des choses. Dans ce souci, nous sommes en tension vers la personne,
le monde de la personne, le monde des êtres vivants ou celui des choses. Que
signifie alors être en tension dans ce cas ? A quoi cela fait-il référence ? Cette
attitude nous ramène à l’attention requise par ce qui nous sollicite, par ce qui
éveille en nous la volonté de prodiguer du soin ou la responsabilité d’apporter ce
soin. Dans la tension du prendre soin de la mémoire, c’est donc toute notre
attention qui est ainsi requise et c’est par le biais de notre attention que nous
devenons capables de prendre soin d’un objet très particulier et duquel nous nous
occuperons dans quelques instants.
Faut-il encore, comprendre l’expression « prendre soin » comme un soin
thérapeutique et penser la philosophie comme une thérapie ? Faut-il comprendre
cette expression comme un « prendre soin » moins spécialisé et plus diffus dans la
vie quotidienne, je pense au prendre soin maternel, par exemple ? Si l’on
considère que l’attention que l’on porte à un être peut le guérir de l’indifférence
dont il souffre, alors, effectivement, l’expression prend une dimension
thérapeutique. Mais cette dimension n’exclut pas le geste maternel et féminin du
prendre soin de l’être venu au monde. L’être-au-monde, devient, décliné au
féminin, l’être-venu-dans-le-monde. Il n’est plus jeté par le biais d’une
Geworfenheit heideggerienne tout à fait brutale. Rappelons que cette
Geworfenheit consiste pour le Dasein qu’est l’homme rebaptisé chez Heidegger, à
se trouver comme ça tout à coup dans l’existence et à devoir en trouver le sens.
Imaginons donc que l’humain soit non pas jeté mais porté au monde, venu,
bienvenu, accueilli, pris en soin… pris en mains et s’offrant à ce soin dans le
monde.
A cet égard, il conviendra de faire observer la volonté de l’UNESCO de
donner voix et voie aux femmes à travers un réseau nouvellement créé et portant
le doux nom de « Femmes philosophes de l’UNESCO ». L’objectif est de ramener
1un geste proprement féminin, une réflexion répondant à une représentation idéale
du féminin, dans l’interprétation qui peut être faîte de grands moments
historiques, politiques, sociétaux, ou tout simplement philosophiques. Et si l’on
imagine le prendre soin comme geste féminin alors « prendre soin de la
mémoire », cela devient synonyme de considérer, porter et faire advenir la
mémoire comme un être vivant. Cette analogie avec un être vivant n’est du reste
pas sans nous rappeler la manière dont Platon, dans le Phèdre décrivait le
discours. Il sera donc question du corps mais aussi du souffle, de la respiration et
de l’être de la mémoire. Se représenter la mémoire de façon charnelle c’est d’une
certaine façon la matérialiser, lui donner corps et la doter d’une gravité que
l’abstraction lui ôte parfois.
L’objet si particulier de cette attention concerne donc les faits qui ont été
vécus lors d’événements historiques comme les grandes guerres, comme les
batailles, des faits politiques, des faits sociaux, la mémoire en cela est
l’inscription dans le texte du passé, de traces de vie plus ou moins torturées,
sanglantes, et sorties des repères ou du cadre de l’humain, pour reprendre une
expression chère à Judith Butler (2010 : 7).
A ceci j’ajouterai que je parlerai plus particulièrement de choses que je
connais un peu et que je commence à mieux comprendre, en l’occurrence, la
mémoire de la déportation et plus particulièrement encore -et les exemples sur
lesquels je m’appuierai constituent des bases de réflexions authentiques-, la
mémoire de la déportation à Buchenwald et ses camps annexes, et à Mauthausen
et ses camps annexes. J’évoquerai également un cas particulier que l’on cite trop
peu souvent et qui n’est sinon pas connu, oublié, la mémoire de la déportation du
camp de Fallingbostel, camp qui se trouve près de celui de Berken-Belsen, dans
les environs de Hanovre et dans lequel a « séjourné » de 1940 à 1945, un
philosophe très connu : Emmanuel Levinas (1906-1995). J’évoquerai ici ses
Carnets de captivité, publiés grâce au concours de Jean-Luc Marion sensible à la
question de la déportation. De façon générale on trouve aujourd’hui beaucoup de
traces des horreurs vécues lors de la seconde Guerre Mondiale, ne serait-ce que
dans le nom des rues ou celui des écoles, par exemple. C’est donc cela la
mémoire : cette inspiration que nous procure la surprise devant l’impossible,
l’indicible, l’inimaginable et qui pourtant git là, outre-tombe dans l’oubli, sous la
célébrité d’un grand nom, sous une indication toponymique.
Prendre soin de la mémoire, cela devient, faire accueil à ce qui ainsi vient à
nous, comme l’être vient au monde et être capable d’émoi. Dans le corps de cet
exposé, nous proposerons une perspective de définition, puis nous verrons que le
regain de la barbarie nécessite, de façon urgente, de proposer un nouvel éclairage
au travail de mémoire. Nous proposerons des pistes pour réinventer une
métaphysique du soin de la mémoire pour commencer à en montrer différemment
toute la profondeur, tout en soulignant la grande importance de l’espoir dans ce
travail.
21. Définition de la mémoire
1. 1. Un problème philosophique, un contexte particulier
La mémoire fait partie de ce qui est vécu et partagé par un groupe
d’humains. Elle résulte de faits particuliers et elle est la trace de ces faits
particuliers. En cela on se posera la question de l’universalisation ou de
l’universel sur lequel repose la philosophie.
La catégorie de l’universel est une catégorie logique du jugement. Il y a,
nous le savons, les jugements universels affirmatifs et les jugements universels
négatifs, ce qui montre l’amplitude des jugements universels. S’oppose au
jugement universel, le jugement particulier qui ne concerne que quelques sujets,
un groupe de sujets parmi l’ensemble beaucoup plus vaste de l’universel. Or dans
le cas du travail de mémoire, c’est justement du groupe dans l’ensemble que nous
nous occupons et la systématisation universelle pour ces groupes, nous paraît
relever à la fois une erreur éthique et d’une erreur pragmatique.
1. 2. Une erreur éthique
Les groupes dont nous parlons et avec lesquels nous travaillons sont les
groupes d’anciens déportés que l’on appelle d’ailleurs survivors aux USA, ce qui
permet de placer l’éclairage sur le statut contemporain de leur existence au lieu de
les nommer à partir du fait historique relatif à leur détention dans des conditions
insupportables. En parlant de survivants, nous mettons donc l’accent sur la vie
que nous partageons avec eux dans notre contemporanéité commune plutôt que
sur leur expérience malheureuse et même si la reconnaissance qui leur est
témoignée repose sur la particularité de ce qu’ils ont ainsi vécu. C’est pourquoi
notre démarche, par le soin qu’elle manifeste à l’être-venu-au-monde, à l’advenu
de la mémoire, se doit à tout moment de poser le problème de la qualité éthique
des moyens dont elle use pour en parler.
1. 3. Une erreur pragmatique
Cette erreur résulte de la précédente et n’est pas dénuée d’une dimension
éthique. En effet, la massification, le traitement de l’humain comme masse et
réduit à une pure matérialité n’est-il pas une forme d’universalisation ? En cela il
faut redire la nécessité de considérer le cas particulier, d’éviter la généralisation
qui peut conduire à l’assimilation et à la déshumanisation. D’ailleurs n’est-ce pas
un regard impersonnel et déshumanisé que jette le bourreau sur sa victime ?
L’écueil à éviter dans le traitement de la mémoire sera donc celui qui consisterait
à oublier les thématiques qui entrent dans la reconnaissance d’autrui, de ce qui
constitue en propre, son visage (Lévinas, 2001).
En cette volonté d’éviter la généralisation, nous rejoignons l’orientation
prise par Philippe d’Iribarne dans son traitement de la mon

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