Critique anticléricale dans La oscura historia de la prima Monste de Juan Marsé
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉ RÉSUMÉ L’Église catholique en Espagne jouit d’un statut de privilège. Cette posture l’entraine à s’immiscer dans le quotidien des Espagnols. Elle dévie de sa mission divine car encline aux plaisirs terrestres. Dans ce contexte, elle s’associe avec le pouvoir terrestre pour spolier le peuple et surtout contrôler les âmes. L’Église adopte attitude néfaste et inappropriée aux antipodes des prescriptions ecclésiastiques qui est mise en évidence dans l’œuvre La oscura historia de la prima Montse de l’écrivain espagnol Juan Marsé. MOTS CLÉS Juan Marsé, Église, Cléricalisme, Anticléricalisme, Guerre Civile, Franquisme, La oscura historia de la prima Montse, Post-guerre. INTRODUCTION Au sortir de la Guerre Civile espagnole, le régime franquiste rétablit les prérogatives des conservateurs tels que l´Armée, les propriétaires terriens et surtout l’Église. Cette Église a pignon sur rue dans tous les domaines d’activités. En effet, l’Église, Appareil Idéologique d’Etat (A.I.E) du régime franquiste, joue un rôle primordial quant au formatage et à l’orientation de la pensée, 1de l’esprit du citoyen dès le bas-âge . De fait, grâce au pouvoir étendu de l’Église due à la consubstantialité entre elle et le pouvoir depuis l’époque des rois catholiques, celle-ci joue son véritable rôle d’opium du peuple.

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Publié le 17 avril 2015
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉRÉSUMÉ L’Église catholique en Espagne jouit d’un statut de privilège. Cette posture l’entraine à s’immiscer dans le quotidien des Espagnols. Elle dévie de sa mission divine car encline aux plaisirs terrestres. Dans ce contexte, elle s’associe avec le pouvoir terrestre pour spolier le peuple et surtout contrôler les âmes.L’Église adoptenéfaste et inappropriée aux attitude antipodes des prescriptions ecclésiastiques qui est mise en évidencedans l’œuvreLa oscura historia de la prima Montsede l’écrivain espagnolJuan Marsé. MOTS CLÉS Juan Marsé, Église, Cléricalisme, Anticléricalisme, Guerre Civile, Franquisme, La oscura historia de la prima Montse, Post-guerre. INTRODUCTION Ausortir de la Guerre Civile espagnole, le régime franquiste rétablit les prérogatives des conservateurs tels que l´Armée, les propriétairesterriens et surtout l’Église. Cette Église a pignon sur rue dans tous les domaines d’activités.En effet, l’Église,Appareil Idéologique d’Etat (A.I.E) du régime franquiste, joue un rôle primordial quant au formatage età l’orientation de la pensée, 1 del’esprit du citoyen dès le bas-âge .De fait, grâce au pouvoir étendu de l’Église due à la consubstantialité entre elle et le pouvoir depuis l’époquerois catholiques, celle-ci joue son des véritable rôle d’opium du peuple. Abusantde leurs privilèges, certains religieux se détournent des prescriptions cléricales. Cette anachronie n’échappe pas aux écrivains des romans sociaux qui s’en délectent. Juan Marsé, né le 08 Janvier 1933, fait partie de cette génération d´écrivains qui passent au crible les maux qui minent les Espagnols sous le règne franquiste.Pour cerner l’anticléricalisme, nous tenterons de répondre aux questions suivantes: en quoi l’œuvrede Juan Marsé rejette t’elle l’action de l’Église?Qu’est-ce que l’anticléricalisme? Les actions des personnages peuvent-elles permettre de vérifier la posture anticléricale de l’œuvre?  Pourmener à bout cette étude, nous allons utiliser la méthode thématique.  Nousallons focaliser notre analyse sur des thèmestels que le rejet de l’imposture de l’Église, la valeur de l’athéisme, le lavage de cerveau, la question de la perversité et surtout le puritanisme de façade.
11 Cf. La revue franquisteFlechas y Pelayos.
KONAN KOFFI SYNTOR, Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan Cocody, Côte d1Ivoire Page
CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉ Lesactions du personnage principal Manolo vont de vérifier ou infirmer l’hypothèse de la posture cléricale de l’œuvreLa oscura historia de la prima Monste. I.APPROCHE DÉFINITIONNELLE Pour mieux cerner la notion d’anticléricalisme, il convient d’en élucider le sens.Cette notion représente un mouvement politique et culturel qui vise la suppression des privilèges octroyé à l’Eglisele règne des Rois Catholiques Ferdinand de Aragón et Isabelle de depuis Castille. L’anticléricalisme lutte pour l’abolition de l’autonomiepolitique, économique et tant culturelle de l’institution religieuse. Apparu entre 1808 et 1823, il s’oppose au cléricalisme qui, lui, lutte pour la conservation des privilèges accordés à l’Eglise. L’opposition entre ces deux notions 2 sous-entend entre libéraux, progressistes et conservateurs . Sous le franquisme, le cléricalisme est probantcar le régime récompense l’Église qui a soutenu les conservateurs menés par Francisco Francisco en qualifiant la Guerre Civile de croisade contre l’hérésie.II.MANOLO REYES OU LE REJET DE L’IMPOSTURE DE L’ÉGLISEDansLa oscura historia de la prima Montse, Juan Marsé va inventer un stage religieux à Colores (ville de Vich) pour s’attaquer à l’Eglise àpartir de la page 166, précisément dans deux chapitres du roman intitulés: "El pintalabios oLos misterios de Colores" et "Intermedio".A ce stage de trois jours participent,une quarantaine (45) d’individuscomposée de paysans, d’employés de bureau, d’ouvriers agricoles,decamionneurs, de maçons, d’un étudiant barcelonaisathée, d’un négociantcommerce et de Manuel Reyes; personnage principal de en l’œuvre.Manuel, nouvellement sorti de prison se rend à ce stage, non pas pour sauver son âme etencore moins pour participer aux activités spirituelles. Il s’y rend tout simplement parce qu’il cherche un emploi. Cela se perçoit avant même son départ pour Colores.«…no por el beneficio que pueda representar para su alma el cursillo […] que eso a él no le 3 interesa y es natural, sino por el cambio de ambiente y al posibilidad de obtener un empleo» .  Pendanttout le stage, Manuel va créer de sérieux problèmes aux prêtres. Chacun des personnages centraux est utilisé par Juan Marsé pour dénoncer les pratiques inadaptées de l’Eglise. Les personnages clés de ce stagesont le jeune bouffon Salvador, le conducteur de
2 Cf. Cruz R. et Pérez Ledesma, M.Cultura y movilización en la España Contemporánea, Alianza Editorial, Madrid, 1997, PP. 69-99. 3 MARSÉ, Juan.La oscura historia de la prima Montse, Ediciones Seix Barral, 1970. p 169.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉ4 tracteur Ignacio Velasco, Manuel Reyes, l’ex-détenu et l’étudiant inconformiste barcelonais. Ces quatre protagonistes, avec pour intention délibéréede défier les principes de l’Eglise, posent des actes contraires aux valeurs et prescriptions religieuses. A cet effet, dès la première nuit, à l’aide d’un rouge à lèvres qu’il a trouvé sous son lit, Ignacio Velasco se maquille et badigeonne les murs du dortoir. Il se masturbe plus tard à la lumière d’unelanterne. «níveos y translucidos pliegues se sabana se agita y danza extasiada una cabecita entre sonriente embadurnada con carmín, con boca y ojos y nariz y todo, un muñeco furiosamente agitado en su base por callosa mano de labrador, una carita graciosa que se ríe como un conejo. 5 […] y se masturba a la luz de la linterna» . Cesont là des procédés condamnés par les principes sacro-saints de la Morale. Il est indéniablequ’un tel individu sera réfractaire aux prescriptions religieuses. Il en est de même pour le conducteur de tracteur Ignacio Velasco qui ne se sent nullement concerné par cette mascarade religieuse. Les prêches des prêtres n’ont aucun effet sur lui. Son sang ne fait qu’un tour quand son fils se confesse publiquement sur demande du curé Rosell. A cet effet, son fils promet de renoncer à une fille et décide de ne plus la revoir.Le géniteur n’appréciantguère le geste de son rejeton, promet de lui dire deux mots le lendemain matin puisque les deux ne logent pas dans la même chambre. 6 «Jo… ¡Ese imbécil, quién le mandaba ponerse en ridículo!¡Mañana me oirá!» .  Ilne mâche pas ses motsen évoquant des prêtres. Les prélats ne bénéficient d’aucune considération à ses yeux. Velasco les traite de corbeaux en soutane, c'est-à-dire de mauvaises personnes. « ¡Yen cuanto a esos cuervos ensotanados! 7 ¡Que me oigan! ¡Me importa tres pares de cojones!» . L’étudiant barcelonais est de loin le plus célèbre pourfendeur de ces rites initiatiques dont le narrateur fait cas: «…el cursillista más prestigioso y vigilado es el estudiante de Barcelona, se comenta que ya en 8 el test, se declaró ateo, se le supone leído e inspira cierto respeto» . Quel rôle jouera dans ce dernier dans l’oeuvre?44 Manolo Reyes est le personnage principal, le héros du corpus autour duquel gravitent les autres actants. Ces derniers qui abondent dans le même sens que lui dans la déconstruction de l’Eglise sont considérés à juste titre comme des adjuvants. 5 MARSÉ, Juan. Op cit. PP. 180, 182, 215. 6 Op cit. PP. 203, 204. 7 Idem. 204.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉIII.LA VALEUR DE L’ATHÉISMEL’étudiant barcelonais dont le nom n’est nulle part mentionné dans l’œuvres’estdéclaré athée dès le remplissage des fiches,jouera le rôle d’intellectuel iconoclasteet inconformiste qui voudra faire prendre conscience à ses compagnons ignares de l’enjeu politique que représente cet embrigadement religieux. En effet, il est à ce stage comme à une enquête d’études ouun à reportage. Celui-ci prend note de tout ce que disent et font les prêtres. Il analyse leurs moindres faits et gestes et, en fin de compte,tire une conclusion implacable à l’égard des religieux disant que l’Eglise a des méthodes d’endoctrinement visant à contraindre les âmes. Lesquelles ème méthodes quis’apparentent aux pratiques inquisitoriales des XV, XVI, XVII et XVIIIsiècles en 9 Espagne . «Es una cuidada y muy bien letra, aunque entre garabatos, él puede leer negligentemente 10 abierto sobre el mostrador: alienación, terror, lavado de cerebro, inquisición, etc» .La suite des notes mentionnées par l’étudiant dans son bloc-notes, aborde également comme sujet de critique anticléricale la malveillante consubstantialité entre pouvoir spirituel et pouvoir terrestre. Leur imbrication crée une véritable machine de répression et d’exploitation du peuple. L’Église aliène la population prolétarienne au lieu de l’aider à sortir de l’ornière.«Las Cinco Decurias, los cincuenta cursillistas clavados en sus sillas fatídicas escuchan al profesor vaciados, agotados y acogotados, se abandonan al ritmo implacable que exige su salvación, un crescendo sutilmente calculado que encierra la fría y matemática exactitud de un perfecto mecanismo de relojería, y que destruyendo el sentido de la realidad y reafirmando en su lugar las funestas entre el Bien y el Mal que la Iglesia ideó de acuerdo con la sociedad burguesa 11 en provecho de nuestros mutuos intereses» . C’est dans cette perspective de la défense des intérêts communs de l’Église et du Franquisme que le professeur Rosell se livre à un véritable cours d’économie politique aux stagiaires. Il leur inculque les recommandations du National-Catholicisme visantle respect de l’harmonie sociale et de la hiérarchiedans le travail ainsi que la nécessité d’éviction des conflits sociaux, des luttes des classes et des grèves.Le prélat s’attèle dès lors à faire un lavage des cerveaux qui nous verrons dans les lignes suivantes.
9 Pour cerner l’Inquisition espagnole, nous pouvons nous référer à des auteurs tels que : Juan Antonio LLORENTE. Histoire critique del’Inquistion d’Espagne. Depuis l’époque de son établissement par Ferdinand V jusqu’au règne de Ferdinand VIILe comte J. de Maistre.(Traduit par Alexis Pellier) Paris, 1818. 502 PP.Lettre à un gentilhomme russe sur l’inquisition espagnole, Paris, Dereche et Train, Librairies Rue Bonaparte, 1874,Ricardo García191 PP. CÁRCEL,La Inquisición, Madrid: Anaya, 1990. 10 MARSÉ, Juan. Op cit P. 207. 11 Ibíd. P.207.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉIl convient de souligner au passage l’athéisme est un exutoire pour l’étudiant face aux dérives de l’Église car il lui permet de discerner de le vrai de l’ivraie.IV.LE LAVAGE DE CERVEAU OU LE CONTROLE DES ESPRITS L’Église est le prolongement des forces d’exploitation des masses sensibles et vulnérables comme le font les bourgeois et les chefs d’entreprise. En effet, le prêtre Rosell dans ses homélies, invite les travailleurs à la soumission, à s’éloigner de toute lutte et revendication syndicales qui pourraient mettre à mal le fonctionnement de l’entreprise qui leur donne une certaine dignité. Ils doivent subir et se taire parce que le faisant, ils seraient en train de faire l’œuvre de Dieu et imiter son fils Jésus –Christ, l’Ouvrier par excellence. L’Église procède à un lavage de cerveau pour permettre aux entreprises de continuer leurs œuvres d’exploitation.Pour se faire, Rosell se revêt d’une blouse bleue d’ouvrier d’une usine de Vich, s’arme d’une clé anglaise et brandit un crucifix du Christ habillé lui aussi en ouvrier. Il affirme devant un auditoire médusé, par son discours insultant et menaçant, que Jésus est l’ouvrier par excellence qui travaille nuit et jour pour tout le monde sans jamais se plaindre. Il ne se consacre qu’à son travail qui est de sauver l’humain. Il supporte toutes les misères du monde et pourtant, il ne se plaint jamais. Jésus souffre comme les ouvriers ; il a les mêmes soucis parce qu’il est avec eux. Rosell estime que les ouvriers ont des problèmes parce qu’ils s’échangent des idées, discourent trop avec leur collègue. Ils ne respectent pas la hiérarchie comme Jésus le fait avec Dieu, son supérieur. Il pousse le ridicule jusqu’à affirmer que Jésus fait des heures supplémentaires sans jamais exiger de ristourne. Rosell affirme que tous les mécréants insatisfaits de leurs conditions devraient prendre exemple sur le Christ au lieu de se mêler de politique et d’alimenter des grèves de protestation prolétarienne. Un discours capitaliste de cette nature vise à intimider et anesthésier la conscience ouvrière. repentinamente vestido con mono azul de mecánico y manejando llave« Cristoinglesa. […] “obrero ejemplar que no se mete en política ni huelgas ni manifestaciones de protesta, sólo en nuestros pecados, pudriderodel mundo” […]“Obrero Ejemplar” que no se mete enEs el política ni huelgas ni manifestaciones de protesta, sóloen nuestros pecados, pudridero del 12 mundo» .  Pourclore, Rosell affirme que le Christ est capitaliste. Tous ces déploiements du prêtre n’ontqu’un seul but, celuid’attendrir,d’abêtir etd’infantiliser les ouvriers pour que les chefs d’entreprise puissent les exploiter à leur guise. En somme, le prélat table sur le manque de
12 Ibid. P.198.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉconnaissance et l’analphabétisme des ouvriers pour les convaincre et faire d’eux des ‘Ouvriers Exemplaires’. 13 La oscura historia de la prima Montsen’est pas la seule œuvre du réalisme socialoù la consubstantialité entre le pouvoir capitaliste et l’Eglise est mise en relief. En effet, dansJuan sin tierrade Juan Goytisolo, l’Eglise, par le truchement du chapelain Vosk attendrit moralement les esclaves au profit du latifundiste Mendiola. De fait, suite au soulèvement des esclaves pour réclamer des droits élémentaires au travailleur comme dans les sociétés civilisées, tels que des jours de repos et des heures de travail humainement supportables, Vosk vole au secours du système capitaliste en exposant les théories tendant à justifier la division du travail. Il essaie de convaincre les esclaves en leurdisant que l’assujettissement est la volonté de Dieu, une étape par laquelle ils doivent passer comme voie de pénitence et de purification. Ce dernier prend comme support d’explication, l’image du jus de canne à sucre qui, salé au départ, devient du sucre blanc et pur après distillation. Ainsi, le noir deviendra blanc et immaculé après être passé dans la distillerie de l’esclavage. Vosk estime que l’esclave doit être purifié de ses impuretés afin de pouvoir entrer dans le royaume céleste où il sera assis à la droite de Dieu appelé«Maestro azucareño de Arriba». Mendiola est donc l’incarnation de Dieu sur terre. A cet effet, les esclaves lui doivent obéissance, soumission, fidélité et dévotion. «¿Pues hijitos, para qué creéis que os han traído desde las selvas remotas de África sino para redimiros por el trabajo y enseñaros el recto camino de salvación cristiana? : no os alarméis por las penalidades que os toca sufrir: esclavo será vuestro cuerpo: pero libre tenéis el alma para volar a la morada feliz de losescogidos:… defendiéndoos a vosotros mismos: a fin de que un día pudierais sentaros a la diestra del Padre, absortos en la dicha y arrobo de mil visiones sublimes: con el alma blanca como el blanco superior del azúcar: el Amo del Ingenio de Arriba os mirará 14 con semblante risueño» . Vosk énonce également la théorie de la division du travail en s’appuyant sur l’image des frelons et des abeilles pour inculquer à l’esclave que la supériorité et l’infériorité sont des choses voulues par Dieu.De ce fait, le maître, ici le latifundiste, doit être le seul à avoir droit au repos et non l’esclave qui doit travailler nuit et jour sans jamais se plaindre de son sort. Ilreproche aux esclaves la paresse, l’absentéisme et la négligence au travail. Ceux-ci sont en revanche, prompts à se plaindre d’un quelconque mauvais traitement et à demander à être mieux servis plus qu’ils ne travaillent. Il va encore plus loin en prenant l’exemple desoiseaux qui dorment peu et qui ne 13 Le réalisme social est le canevas dans lequel les écrivains espagnols ont développé leur critique contre lamisère sociale prévalant sous le franquisme. Ils étaient par le désir ardent de mettre à nu toutes les tares sociales. Dés lors, leur écriture est caractérisée par la prédominance du dialogue, la récurrence du personnage collectif au détriment d’un personnage principal, l’absence de description, la simplicité de la narration, le manque d’esthétique littéraire. Les écrivains expriment leur solidarité envers les couches défavorisées. 14 GOYTISOLO, Juan.Juan sin tierra, Barcelone, Seix Barral, 1975,P.35.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉse plaignent pas. Celui du lion qui ne dort pas et qui est roi. De la montre qui ne se repose que lorsquela chaine n’est pas remontée. De la même façon, Dieu et Marie«el Amo de ArribaetlaVirgen Blanca»dorment jamais, eux qui ont toujours le regard fixé sur la terre, pour veiller ne sur les hommes et leurs péchés. V.L’ÉCHEC DE L’ÉGLISE DANS LE PROCESSUS DE CONVERSION ET LAQUESTION DE LA PERVERSITÉ. Manolo Reyes, l’ultime et troisième pourfendeur des règles du stage religieux est insensible aux prêches et supplications des prêtres. Il ne s’intéresse guère à leurs activités. Même si les autres stagiaires font semblant de suivre les recommandations bibliques, lui, ne veut point tricher. Il se comporte comme bon lui semble au vu et au su de tous.«Pero antes de terminar el himno, él sale a fumar cigarrillo bajo el sauce. Y a partir de este momento irá a la zaga del ciempiés, 15 casi siempre solo, llegando tarde a todo o dejándolo a la mitad» .  Ilreste imperturbable malgré les sermons que les curés décident de changer de tactiques pour lui faire changer d’avis. Ils vont commencer par le harceler de toute part et à tout moment. Tous, veulent l’inciterà se confesser. Le prêtre Albiolpousse le ridicule jusqu’à vouloir l’obliger à se confesser. Même certains stagiaires prètent main forte aux prélats. «[…] uno tras otro, profesores, curas y ciertos cursillistas aventajados le abordarán desde este momento proponiéndole un acto de humildad en la capilla como primera e indispensable medida para obtener la difícil felicidad. Lo acosarán en los pasillos, enel comedor, en el dormitorio, durante el recreo, incluso en los lavabos […] el estudiante de Barcelona, asediado en 16 este momento por mosén Albiol» . Malgré cet acharnement, ils n’arrivent pas à infléchir les positions de Manuel. Ils sont incapables de le persuader à servir Dieu. C'estdire qu’ils ne sont aptes à le faire qu’avec les esprits faibles tels que les ouvriers, les analphabètes limités et désarmés intellectuellement. Ils sont inefficaces et inopérants face aux intellectuels, qui eux, sontdotés d’esprit critique. Les religieux ne sont pas à même de convertir un athée car ils manquent d’arguments. Dans ces conditions, il convient de faire recours à un haut gradé (Fernando Boix Pertencá) puisque le cas de Manuel et de l’étudiant constitue une aporie. On le fait venir spécialement pour tenter de résoudre l’équation posée par les deux irréductibles spirituels. Aux grands maux,les grands soins. Fernando fait étalage de toute son expérience et ses acquis dans le domaine religieux en citant degrands théoriciens et doctrinaires.
15 MARSÉ, Juan. Op cit. p. 197. 16 Op cit. pp.. 216,217, 225.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉ«El profesor que así habla es el recién llegado […] ya se sabe que es el “refuerzo”para casos de mucha urgencia: universitario, preparadísimo, experto en ateo […] su parlamento va dirigido al estudiante ateo […] también quizás al murciano de Barcelona […] clava nuevamente los ojos en el estudiante ateo y le dedica una parrafada llena de nombres de doctrinarios y teóricos. […] Intento fallido de entablar conversaciónmuy privada con el estudiante ateo, que le rehúye. Así que opta por elmurciano […] suponiendo que sea cierto que el enviado especial ha venido 17 también paraél» .  Malgrétout, l’Eglise échoueface aux deux inflexibles parce que ni les prêtres, ni le renfort (Fernando) n’arriveront à lesfaiblir et les amener à se confesser. Au décompte final, les prêtres reconnaissent leur échec malgré tous les artifices déployés. Ils avaient prévu la confession de tous les stagiaires. Mais deux manqueront à l’appel: Manuel et l’étudiant barcelonais malgré tous les efforts fourniset surtout l’harcèlement psychologique.«Todos han llegado a buen puerto menos 18 dos: cuarenta y tres cursillistas […] han confesado y comulgado […]Dios no lo ha querido así» . Il ne peut en être autrement puisque l’essentiel du message porte sur le péché de la chair. Les professeurs Rosell et Guillot sont spécialistes du thème de l’abstinence sexuelle. Ils incitent les stagiaires à choisir la voie de l’abstinence sexuelle et la chasteté afin de mériter les grâces divines. Le professeur Guillot prend en exemple son propre passé d’obsédé sexuel qui bénéficie, à présent, de l’immense clémence de Dieu qui l’a racheté. Ce rachat, il veut le partager avec tous les stagiaires égarés. En effet, dans cette œuvre, Juan Marsé expose la vie perverse qu’a menée 19 le professeur Guillot avant son sacerdoce. Ce dernier était un fervent adepte deBarcelonadas. Ce dernier excellait en pratiques vicieusesavant d’être visitépar la lumière divine. Il se définissait comme un mauvais époux, un père indigne, fainéant et un ivrogne récalcitrant qui entretenait, des relations sexuelles avec l’une de ses cousines dans un lieu inimaginable qu’estle cimetière. Et de surcroit, sur la tombe de son père. Il était sans vergogne. Il pose un acte ignoble doublé d’inceste. Peu importe le lieu, il s’adonne au plaisir de la chair. La mort ne représente rien d’extraordinaire pour lui. Le cimetière est un lieu comme tout autre. Lanécropole n’a aucune connotation symbolique pour lui. Les morts n’ont pas de la valeur à ses yeux. Alors, il ne leur doit aucun respect; pas surtout à son père. On peut estimer ici, à travers son acte copulatoire qu’une fois mort, l’être humain ne représente plus rien. Il n’a plus de volonté. Le professeur Guillot peut donc à satiété, utiliser la tombe de son père comme un lit d’hôtel. Priorité est accordée aux vivants et à la satisfaction de leur désir libidinal. L’être humain n’est homme qu’étant vivant. Autant en profiter pendant l’existence.17 Idem. pp. 226, 228, 237. 18 Ibidem. p. 238. 19 Il faut entendre par Barcelonadas: lessorties nocturnes arrosées d’alcool et la course effrénée aux femmes entre autres.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉ Voicice dit le texte deprofesseur Guillot qui n’a aucun respect pour les morts, encore moins pour les vivants. Il se confesse face aux stagiaires pour les attendrir. «…una entrega total a los placeres de la carne llevó a este hombre que aquí veis, en indescriptibles noches de luna llena, a barcelonear con una prima suya y a rodar abrazados sobre la tumba de su padre en un cementerio […]. Y sin respeto a los muertos y alos 20 vivos[…]» .  Avecla lumière divine, les tentations et les désirs sexuels sont de lointains et fâcheux souvenirs. L’Eglise constitue donc un exutoire pour ce prêtre qui a côtoyé l’abomination. Poursa part, le curé Albiol estime que seule la foi qu’ils veulent inculquer à ces pénitents peut les amener à observer cette abstinence et chasteté pour mériter le pardon céleste comme eux mêmes en bénéficient actuellement. Il affirme que les prélats sont comme tout homme du fait des pulsions libidinales qui les animent car dotés d’attribut mâle, capables d’éprouver des sentiments. Leur chasteté obéit à un choix délibéré entre le bien et le mal. Alors s’ils se privent de relations sexuelles, tous les hommes peuvent et doivent en faire autant car le véritable homme selon eux, c’est celui qui peut maîtriser ses pulsions et résister aux tentations de la chair. L’esprit doit dominer la chair, l’immortel doit commander le périssable.Il dira vertement donc aux stagiaires: « -¿Creéis que los curas somos de piedra, que vosotros sois los únicos con esas cositas entre las 21 piernas, fanfarrones?» . Cette choquante révélation venant de la bouche d’un curé, stigmatise l’invariabilité de la condition humaine que nous considérons comme un objet de critique anticléricale dans la mesure où le vœu de chasteté que les prêtres se sont imposés n’est pas un décret divin mais une pure invention humaine. En effet, dans la Bible, il est dit ceci : 22 « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la». La révélation faite par Albiol est d’autant plus incongrue qu’elle contribue à détruire le mythe du puritanisme des prêtres dans l’opinion de Manuel Reyes et Simón. Dans le dialogue ci-après, ils estiment que le franc-parler des religieux est inadapté alors qu’ils les avaient surestimés.«- Que hablen así, tan crudo, vamos, tan malamente. Ya me lo habían dicho, que no tienen pelos en la lengua. 23 - Si, es feo. En ellos es feo» . 20 MARSÉ, Juan. Op cit. p. 209. 21 Idem. p.195. 22 La Bible du semeur, Genèse 9.1. 23 Op cit. p. 213.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉVI.UN PURITANISME DE FAÇADE Le thème religieux dans cette œuvre est intimement lié à celui de la famille bourgeoise Claramunt, car c’est elle qui fomente toutes les combinesqui aboutissent à la fin tragique de Montse. Les géniteurs : oncle Luis et tante Isabel ; sont une riche famille catalane qui présentent à vue d’œil, un visage profondément pieux. En particulier, l’extrême dévotion de tante Isabel à l’origine de sa nominationà la tête de plusieurs congrégations religieuses féminines au niveau 24 national connectées àl’extérieur et surtoutd’une O.N.G appeléeCARITAS. Cette O.N.G a pour vocation de conseiller les jeunes couples;lutter contre la prostitution, réhabiliter les invalides, prêter assistance aux centres de vieillesse, aux prisons et aux orphelinats, etc…Paco Bodegas, le narrateur de l’œuvre nous présente ironiquement tante Isabel dans l’exercice de ses fonctions: «Tía Isabel descuelga y yo me pongo a mirar las paredes. No tardaría en saber que éste es su teléfono, su línea particular directamente conectada con lejanas y afanosas damasde la Junta de Orientación para Matrimonios Jóvenes o de la Comisión para la Lucha contra la Prostitución, Rehabilitación de Inválidos, asistencia a asilos de ancianos, orfanatos y cárceles, etcétera…Esfuerzo que no se limita, como su hija 25 Montse, a las parroquias de la diócesis y archidiócesis: Cáritas opera en el vasto nacional» .portrait charismatique d’une dame multiPaco dresse le-présidente de plusieurs associations caritatives. Montse élevée dans cette atmosphère de partage et de piété, veut ressembler à sa génitrice en mettant en pratique les valeurs de Caritas et surtout le don de soi. Elle s’engage à cet effet dans l’association charitable«Las señoritas Visitadoras»«Les Jeunes Dames Visitatrices». La mission de cette association consiste à porter assistance aux prisonniers et aux nécessiteux. A force de visites, elle tombe amoureuse d’un prisonnier du nom de Manolo Reyes mais leur amour sera de courte durée et finira tragiquement par l’exil de Manuel ordonné par la famille Claramunt et le suicide de Montse. A la base de ces tragédies, nous incriminonsla responsabilité de cette famille bourgeoise et hypocrite qui empêche la réalisation de cet amour. L’éducation familiale et religieuse inculquée par cette famille n’est juste qu’un trompe-œil, une comédie. Aucune tolérance n’est admise. Leur foi est d’une fausseté déconcertante. Elle cherche à passerpar tous les artifices pour éloigner leur enfant de l’ex-prisonnier. «Si es cierto, como lo habían enseñado, que una persona de fe es unapersona libre antes que cualquiera cosa, y que la verdad evangélica nunca es oportuna o inoportuna (como ahora os están 24 CaritassignifiantAmour de l’autreest une confédération internationale d’organisations catholiques à butcaritatif qui a été fondée en 1897 en Allemagne. Présente dans 198 pays et territoires, son siège se trouve au Vatican. Association caritative d’inspiration chrétienne, Caritas s’évertue à apporter aide et assistance aux personnes démunies et en détresse. Elle représente l’église catholique dans les actions de charité et de bienfaisance. 25 Op cit. pp. 89, 90.
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CRITIQUE ANTICLERICALE DANS LA OSCURA HISTORIA DE LA PRIMA MONTSE DE JUAN MARSÉhaciendo creer) sino simple y llanamente verdad, la reacción familiar y parroquial ante un decidido empeño en proteger y ayudar al ex-presidiario, era paraella la prueba que debía decidir, entre estas cuestiones de tiposentimental e inmediato, si la educación recibida obedecía a firmes convicciones morales y religiosas o sí, por el contrario, todo era una comedia que veía representar en casa desde 26 niña».  Effectivementtoutes ces belles dispositions morales et prétendument religieuses à elle, inculquées en son enfance par ses parents et la paroisse, n’étaient qu’unefarcequ’elle voyait représentée à présent, dans sa famille et par sa famille et plus encore par l’Eglise entière par le canal de sa paroisse.Ainsi,Montse va poser un acte qui va à l’encontre de cette fausseté ecclésiastique comme sa contribution à détruire les mythes religieux en détournant au profit de son bien-aimé, l’ex-prisonnier Manuel, une colossale somme d’argent collectée par les bourgeois et destinée aux activités de«Las Señoritas Visitadoras». «…le contaron lo del dinero, cierta cantidad que ella había sacado de los fondos de la congregación para destinarla enteramente a su protegido [] lo del dinero recolectado en la rifa benéfica, dinero que esa 27 misma noche ella le entregó [] le hizo entrega del dinero que ella había recaudado» . Cettefamille fait également une entorseà la sincérité ecclésiastique que prône ce clan, lorsqu’elle ferme les yeux sur la concupiscence de sa fille Nuria qui trompe son mari Salvador Vilella. Ce cocu patenté fermeaussi les yeux sur les infidélités de sa femme pour conserver son rang social acquis grâce au mariage avec une fille de la haute bourgeoisie.C’est celui-là qui exécute la sale besogne d’éloigner Manuel Reyes de Montse et c’est encore lui, qui ose prononcer une conférence pseudo-intellectuelle pendant laquelle il condamne, au nom de la religion, la violence venant du prolétariat, pendant qu’eux, les exploiteurs exercent leur violence économique sur les pauvres à souhait. La violente réaction d’un jeune auditeur mécontent qui le gifle en pleinedigression philosophique est une réplique bien méritée à un discours qui veut endormir la conscience prolétarienne sous le couvert de l’amour entre les hommes, préconisé par la Bible et interprété à leur profit par les légitimateurs des inégalités et des injustices sociales. «…el joven con gafas oscuras que horas antes había provocado aquel incidente en el fórum avanzó muy decidido hasta Salvador […] levantó la mano y plantificó en la ilustre mejilla del conferenciante una 28 soberbia y sonora bofetada» . La fausseté de l’Eglise est également indexéedans La resaca de Juan GOYTISOLO. En effetdans cette œuvre, les prêtres, pour mieux exploiter le peuple au profit du pouvoir temporel, lui inculquent le mépris du matériel et l’amour du spirituel. L’Eglise sert un discours qui tend à dire 26 Op cit. p. 245. 27 Op cit. pp. 131, 278, 297. 28 Op cit. p. 63.
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