L’allocation universelle l’épreuve de Théorie de la justice
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Niveau: Supérieur, Doctorat, Bac+8

  • mémoire

  • exposé


Recherche L'allocation universelle à l'épreuve de Théorie de la justice Magali PRATS, université de Paris X-Nanterre, UFR de sciences économiques École doctorale, diplôme d'études approfondies Les mendiants sont revenus. Si la pauvreté est vieille comme le monde il semblait, hier encore, que dans les pays occidentaux elle avait définitivement battu en retraite et ne concernait plus qu'une frange ténue de nos populations. Mais le ralentissement de la croissance économique, avec sa cohorte de chômeurs, relègue au rayon des souvenirs la relative opulence des Trente Glorieuses et ramène sur le devant de la scène le chancre du paupérisme. L' assistance aux pauvres, long-temps limitée à la simple cha-rité individuelle, connaît un début d'organisation en France, sous le règne de Charlemagne à l'instiga- tion de l'Église. À partir du XIIIe siècle, un vaste mouvement se con- firme et jusque vers la fin du XVe cela restera son apanage, avec la création des ordres mendiants, franciscains et dominicains, qui sillonnent l'Europe où essaiment, sous leur impulsion, hôpitaux, hospices et monastères. C'est le temps de l'hospitalité et de l'aumône, avec leurs effets pervers, générateurs de mendiants profession- nels qui, dès lors, prolifèrent. Mais, au XVIe siècle, l'autorité civile commence à s'impliquer dans la question du paupérisme.

  • homme politique

  • disponibilité au travail

  • allocation universelle avec la justi- fication

  • philo- sophie politique contemporaine

  • dispo- sitifs de protection sociale avec l'avè- nement

  • limites acceptables pour les deniers publics

  • protection social

  • allocation universelle


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Langue Français

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Recherche
L’allocation universelle
à l’épreuve de
Théorie de la justice
Magali PRATS, université de Paris X-Nanterre, UFR de sciences économiques
École doctorale, diplôme d’études approfondies
Les mendiants sont revenus. Si la pauvreté est vieille comme le monde
il semblait, hier encore, que dans les pays occidentaux
elle avait définitivement battu en retraite et ne concernait plus qu’une frange ténue
de nos populations. Mais le ralentissement de la croissance économique,
avec sa cohorte de chômeurs, relègue au rayon des souvenirs
la relative opulence des Trente Glorieuses
et ramène sur le devant de la scène le chancre du paupérisme.
assistance aux pauvres, long- diction de la mendicité? Ces Acts tiques relatives à l’éducation sont
temps limitée à la simple cha- visent également à séparer les indi- autant de facteurs, et nous en’L rité individuelle, connaît un gents valides, auxquels il est imposé oublions, qui ont contribué à faire
début d’organisation en France, sous de travailler, des impotents et des reculer la misère et la pauvreté. Dans
le règne de Charlemagne à l’instiga- inaptes dont l’autorité ecclésiastique les pays dits « riches », les méca-
etion de l’Église. À partir du XIII continue de s’occuper. En 1572, nais- nismes de l’État-providence rem-
siècle, un vaste mouvement se con- sent les Poor laws qui créent les pre- plissent, au mieux, leur rôle de redis-
efirme et jusque vers la fin du XV cela mières indemnités de chômage finan- tribution. Certes, les pauvres n’ont
restera son apanage, avec la création cées par des taxes locales assises sur pas complètement disparu, mais leur
des ordres mendiants, franciscains et la propriété foncière. proportion dans la population s’est
edominicains, qui sillonnent l’Europe Il faut attendre le XIX siècle pour considérablement amenuisée et le
où essaiment, sous leur impulsion, voir apparaître les premiers disposi- mot indigent semble, peu à peu,
hôpitaux, hospices et monastères. tifs d’assurances sociales, en Angle- devoir être rayé du vocabulaire cou-
C’est le temps de l’hospitalité et de terre et dans l’Allemagne de Bis- rant.
l’aumône, avec leurs effets pervers, marck en 1883. Mais le système a ses limites. En
1générateurs de mendiants profession- Mais c’est bien sûr depuis le premier 1977, Lionel Stoléru écrivait
enels qui, dès lors, prolifèrent. tiers de notre XX siècle que se sont «Comme le filet des acrobates, le
eMais, au XVI siècle, l’autorité civile accélérés et multipliés un peu partout meilleur filet social est celui qui ras-
commence à s’impliquer dans la dans les pays développés les dispo- sure suffisamment pour qu’il n’ait
question du paupérisme. sitifs de protection sociale avec l’avè- pas besoin de servir». Or, force est
En Angleterre, les Acts de 1531 et nement de ce qu’il est convenu d’ap- de constater que tel n’est pas le cas
1536 interdisent le versement d’au- peler l’État-providence.
mônes aux vagabonds, subissant en La croissance économique, le plein-
cela l’influence de la Réforme. Luther emploi, le développement des
1. Stoléru L., Vaincre la pauvreté dans
n’a-t-il pas pris position pour l’inter- sciences et des techniques, les poli- les pays riches , Flammarion,1977, p. 308.
DEES 106/DÉCEMBRE 1996.71
zaujourd’hui du filet de l’État-provi- aux travailleurs et aux oisifs. T out au est d’inspiration néo-libérale anglo-
dence qui sert tellement, qu’au tra- long de l’existence. C’est dire qu’elle saxonne, l’œuvre de Rawls prétend
vers de ses mailles passent des néces - se démarque de tous les dispositifs décrire une société juste et équitable.
siteux de plus en plus nombreux. actuels. C’est dire aussi qu’elle pose Dans sa préface à l’édition française,
Malgré la sophistication des systèmes problème et suscite quelques inter- l’auteur situe lui-même sa concep-
de protection sociale (peut-être en rogations. tion comme libérale de gauche, mais
partie à cause d’elle), sont apparus Quelle est son ef ficacité vis-à-vis des ce qui compte, ajoute-t-il, ce sont les
ceux qu’un peu partout on nomme difficultés qu’elle est censée aplanir? idées et objectifs centraux qui en font
les nouveaux pauvres et dont les Est-il juste que tout le monde la per - une conception philosophique desti -
rangs ne cessent de grossir . En usant çoive ? née à une démocratie constitution-
de sa métaphore du filet, Stoléru Est-il équitable qu’elle soit d’un mon - nelle. Troisièmement, dans la philo-
exprimait l’idée que dans les pays tant uniforme? sophie politique contemporaine,
riches, s’attacher à vaincre la pau- Est-il moral de la percevoir sans l’œuvre de Rawls fait fi gure de réfé-
vreté supposerait que l’on commence contrepartie? rence majeure, et il n’est guère pos -
par s’attacher à penser autrement Ces questions principales, on s’en sible d’envisager sérieusement de
l’organisation économique, politique doute, sont au cœur du débat, et il répondre aux questions que nous
et sociale, de manière à éviter que ce semble probable que les réponses que posons sans les confronter , au moins
filet ne serve. les uns et les autres y apportent pour avis, à cette référence.
Notre objectif ici est beaucoup plus demeurent, pour longtemps, contra- Mais que l’on ne s’y trompe pas.
modeste mais constitue un premier dictoires et inconciliables. Mais on Jamais, tout au long des quelques six
pas. À défaut de présenter des solu - ne saurait renvoyer dos à dos parti- cents pages de Théorie de la justice ,
tions pour rendre inutile l’usage du sans et détracteurs sans autre forme l’auteur ne suggère de recours à un
filet, nous proposons de nous inter- de procès. Ce serait conserver le instrument de justice sociale inspiré,
roger sur son mauvais fonctionne- «statu quo » et, d’une certaine de près ou de loin, par une notion
ment actuel, puisque nous avons vu manière, admettre que l’allocation similaire à celle d’allocation univer -
qu’il ne remplit son of fice que d’une universelle se résigne à demeurer un selle. Notre démarche consistera pré -
manière assez médiocre. La princi- sujet de discussion, et rien que cela. cisément à tenter de dégager, dans
pale raison en est toute simple: les Cependant, il est aisé de comprendre l’ouvrage de Rawls, ce qui serait de
dispositifs mis en place sont tous, pra - que la mise en application de l’allo - nature à justifier semblable alloca-
tiquement sans exception, assortis de cation universelle implique une telle tion.
conditions. Qui ne les remplit pas est évolution dans les mentalités – pour Tel sera le thème de la deuxième par -
exclu de leur bénéfice. D’où la pro- ne pas dire révolution – qu’il est tie du travail que nous présentons.
position émanant de chercheurs en nécessaire d’en étayer les fondements Auparavant dans une première par-
philosophie, sociologie et économie, sur une assise solide. En d’autres tie plus brève, nous aurons rapide-
toute aussi simple, de supprimer termes: peut-elle s’inscrire dans un ment survolé les principales données
toutes les conditions préalables et cadre plus vaste, cohérent et reconnu relatives à la protection sociale, dans
d’octroyer une allocation à tout le qui justifierait son institution? le domaine des revenus, et présenté
monde. C’est l’allocation universelle. C’est ce que nous avons entrepris l’allocation universelle avec la justi -
Depuis une dizaine d’années, l’idée d’examiner, et notre choix s’est tout fication qu’en donnent ses zélateurs et
fait son chemin, avec ses partisans et naturellement porté sur l’ouvrage du les arguments qu’opposent ceux qui
ses détracteurs, chacun apportant ses philosophe américain contemporain en réprouvent l’idée.
arguments, pour ou contre. Certes sur John Rawls: Théorie de la justice.
la scène des débats socio-politiques Pourquoi naturellement? dira le lec -
et économiques, l’allocation univer - teur. La première raison de ce choix
selle ne brille pas sous les feux de la est une raison d’opportunité dans la
rampe mais, même si elle n’y occupe mesure où si l’allocation universelle
qu’une place encore discrète, il nous ne fait pas la une des journaux, en
est apparu opportun de nous y inté- revanche, l’œuvre de Rawls a fait
resser. l’objet d’abondantes études dès sa
On aura bien compris que, se voulant parution en langue anglaise en 1971,
universelle, cette allocation, fixée et plus encore depuis sa traduction
pour un montant unique, serait attri - en français par Catherine Audard,
buée à tout un chacun, sans condi- éditée à Paris en

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