La pluriactivité : un correctif aux inégalités du revenu agricole
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Longtemps considérée comme une entrave au développement d'une agriculture professionnelle, la pluriactivité des familles d'agriculteurs apparaît aujourd'hui comme un moyen d'assurer la viabilité des exploitations agricoles. Les revenus agricoles sont, pour une large part, déterminés par la taille des exploitations. L'exercice d'une activité extérieure par un ou plusieurs membres de la famille peut permettre de compenser la faiblesse du revenu agricole et par là même de réduire les disparités de revenu global entre familles d'agriculteurs. Par ailleurs, du fait d'imperfections du marché du travail ou d'une préférence plus marquée de certains de ses membres pour le travail sur l'exploitation, certains foyers ne peuvent ou ne souhaitent pas accéder à un emploi hors de l'exploitation, ce qui se traduit par un revenu global des familles pluriactives supérieur à celui des autres familles. L'exercice d'une activité extérieure agit également sur la situation financière des exploitations, en accroissant les capacités d'épargne et d'autofinancement, mais également en facilitant l'accès des exploitants au marché du crédit. Ainsi, la capitalisation des exploitations pluriactives est plus intense. Elle s'effectue principalement par voie d'emprunt, la sécurité assurée aux banques par l'existence de revenus extérieurs jouant davantage que leur niveau effectif.

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Langue Français

Extrait

AGRICULTURE
La pluriactivité : un correctif
aux inégalités du revenu agricole
Longtemps considérée comme une entrave au développement d’une agricultureJean-Pierre
professionnelle, la pluriactivité des familles d’agriculteurs apparaît aujourd’huiButault,
comme un moyen d’assurer la viabilité des exploitations agricoles.Nathalie
Delame,
Les revenus agricoles sont, pour une large part, déterminés par la tailleStéphane
des exploitations. L’exercice d’une activité extérieure par un ou plusieursKrebs et
membres de la famille peut permettre de compenser la faiblesse du revenuPhilippe
agricole et par là même de réduire les disparités de revenu global entre famillesLerouvillois *
d’agriculteurs. Par ailleurs, du fait d’imperfections du marché du travail
ou d’une préférence plus marquée de certains de ses membres pour le travail
sur l’exploitation, certains foyers ne peuvent ou ne souhaitent pas accéder
à un emploi hors de l’exploitation, ce qui se traduit par un revenu global
des familles pluriactives supérieur à celui des autres familles.
L’exercice d’une activité extérieure agit également sur la situation financière
des exploitations, en accroissant les capacités d’épargne et d’autofinancement,
mais également en facilitant l’accès des exploitants au marché du crédit.
Ainsi, la capitalisation des exploitations pluriactives est plus intense.
Elle s’effectue principalement par voie d’emprunt, la sécurité assurée aux banques
par l’existence de revenus extérieurs jouant davantage que leur niveau effectif.
* Jean-Pierre Butault est
directeur de recherche à
a pluriactivité est un phénomène ancien dans défavorisées notamment, par le relèvement dul’Inra de Nancy.
Nathalie Delame, ingé- Ll’agriculture, mais elle était mal considérée, revenu global des familles exploitantes. Pour cer-
nieur d’étude à l’Inra, est
jusqu’à une date récente, par les principaux tains auteurs (Simpson et Kapitany, 1983), l’activi-mise à disposition de la
division Agriculture de acteurs du monde rural. Ceux-ci défendaient un té extérieure d’un ou plusieurs membres de la
l’Insee et du bureau du
modèle d’exploitation à deux actifs familiaux per- famille peut également contribuer au financement
RICA (Scees).
Stéphane Krebs est étu- mettant de dégager un revenu suffisant pour assu- des exploitations et permettre de faire face, en
diant en thèse à l’Univer- rer à l’agriculteur et à sa famille un niveau de vie phase d’installation notamment, à d’importants
sité de Nancy II et
acceptable (Mendras, 1995). La croissance besoins de capitaux. La décision d’exercer une acti-Philippe Lerouvillois est
enseignant-chercheur à observée de la part des revenus non agricoles dans vité professionnelle hors de l’exploitation pourrait
l’École Nationale Supé-
le revenu global des familles d’agriculteurs a pro- donc répondre à une double logique : conjoncturelle,rieure d’Agronomie et des
Industries Alimentaires de gressivement remis en cause ce modèle et les en permettant de compenser la faiblesse du revenu
Nancy (ENSAIA).
comportements qu’il recouvrait (Brangeon et agricole ; structurelle, en contribuant directement
Les noms et dates entre Jégouzo, 1992). Aujourd’hui, la pluriactivité ou indirectement au financement de l’exploitation
parenthèses renvoient à apparaît ainsi comme un moyen d’assurer la et par conséquent, à terme, à son développement ou
la bibliographie en fin
survie des exploitations en difficulté, en zones à sa survie.d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 329-330, 1999-9/10 165Ce regain d’intérêt pour la pluriactivité s’est traduit L’étude s’appuie sur un raccordement réalisé par
depuis une vingtaine d’année par un foisonnement l’Insee, pour l’année 1991, entre le Réseau d’Infor-
de travaux théoriques et empiriques, retenant pour mation Comptable Agricole (RICA) et les déclara-
cadre d’analyse le modèle du ménage agricole, tions fiscales des foyers d’agriculteurs, dont les
producteur et consommateur (C. Benjamin, 1996). exploitations sont présentes dans le RICA (1). Le
Ces travaux ont principalement porté sur l’identifi- champ est celui des agriculteurs professionnels,
cation des déterminants de la décision de pluriacti- exerçant une activité agricole à quasi-temps com-
vité, en mettant l’accent sur le jeu des différences plet sur des exploitations individuelles de plus de
de rémunérations (marginales) du travail dans 12 hectares-équivalent-blé (cf. encadré 1).
l’exploitation et au dehors de cette dernière. Une
1. Un tel appariement n’est effectué qu’à titre exceptionnel, et avecoptique différente est privilégiée ici : les effets de la
une périodicité variable. Il n’était donc pas possible d’utiliser des
pluriactivité sur les revenus des familles d’agricul- informations plus récentes. Compte tenu de l’inertie des comporte-
ments individuels et de la lenteur de leur modification, il est vraisem-teurs, et son impact sur le fonctionnement de
blable que la description de ces derniers donnée ici garde toute son
l’exploitation, et plus particulièrement sur son actualité : ce que permettront de vérifier les premières analyses
tirées de l’appariement suivant, qui concerne le RICA de 1997.financement.
Encadré 1
L’APPARIEMENT RICA - SOURCES FISCALES
Les données utilisées dans cette étude proviennent d’un extérieure dès lors que le total des revenus d’activité
raccordement réalisé par l’INSEE pour l’année 1991 non agricole déclarés étaient supérieurs à ce seuil.
entre le Réseau d’Information Comptable Agricole Dans le même esprit, l’exploitation est supposée
(RICA) et les déclarations fiscales de foyers d’agricul- employer de la main-d’œuvre salariée de manière
teurs professionnels. L’échantillon se compose exclu- effective, dès lors que le volume de travail salarié
sivement d’exploitations individuelles de plus de 12 reporté dans le RICA est supérieur à un quart-temps.
hectares-équivalent-blé (les exploitations de moins de
12 n’étant pas représentées
Spécificité et limites du champ d’étude par rapport
dans le RICA), les formes sociétaires d’exploitations
à d’autres sources statistiques
(groupements agricoles d’exploitations en commun,
exploitations à responsabilité limitée et L’exclusion des exploitations de petite dimension éco-
autres formes sociétaires) étant exclues du champ de nomique ne permet pas d’appréhender de manière plei-
l’enquête. Après mise en relation des différentes sour- nement satisfaisante le phénomène de la pluriactivité, et
ces et contrôle des données, on dispose d’observa- notamment la double-activité des chefs d’exploitation.
tions relatives à 5 783 exploitations sur les 7 468 Le Recensement Général de l’Agriculture (RGA)
exploitations présentes dans le RICA en 1991 (77,4 %) dénombrait en 1988 un peu plus d’un million d’exploita-
représentatives au total de 430 164 foyers d’agriculteurs tions, dont 200 000 étaient dirigées par un chef double-actif
professionnels. (soit 20 % de l’ensemble des exploitations) et 170 000
par des retraités, alors que ces situations demeurent
Les fortes fluctuations d’une année sur l’autre que peu- marginales dans la base de données employée (cf.
vent connaître les revenus agricoles ont conduit à la tableau 1). Par ailleurs, la non-prise en compte des for-
constitution d’un échantillon permanent sur la période mes sociétaires d’exploitation (et notamment des grou-
1989-1991. Les données du RICA sur lesquelles pements agricoles d’exploitations en commun) conduit
s’appuie cette étude sont ainsi des données moyennes probablement à sous-estimer l’activité extérieure des
sur la période considérée. L’échantillon permanent est conjoints d’exploitants.
composé d’observations relatives à 4 106 exploita-
tions, représentant 420 000 foyers d’agriculteurs pro- Soulignons enfin l’emploi abusif, dans cet article, du
fessionnels. terme de famille, alors que l’enquête ne port

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