Les réallocations d emplois en France sont-elles en phase avec le cycle ?
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les réallocations d'emplois en France sont-elles en phase avec le cycle ?

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Les flux bruts d'emplois permettent de mieux appréhender l'ajustement de l'emploi au cycle économique que les flux nets. Cet ajustement est censé s'opérer par les destructions d'emplois dans le cas d'une grande flexibilité du marché du travail (États-Unis), et par les créations dans le cas d'une moins grande flexibilité (Europe occidentale continentale). En France, les réallocations d'emplois (« créations » plus « destructions ») concernent chaque année un emploi sur cinq. Ces flux sont moins importants dans l'industrie et dans les plus grandes entreprises. L'essentiel de ces mouvements s'effectuent à l'intérieur des sous-secteurs de l'industrie et des services (réallocations intra-sectorielles). Les réallocations inter-sectorielles ont cependant tendance à être plus fortes dans le secteur industriel en période de récession. Dans les phases basses du cycle, les flux d'emplois des secteurs les plus en déclin augmentent en direction des secteurs les plus dynamiques : les créations d'emplois restent alors un peu plus vives dans les services que dans l'industrie. Dans les services, la moindre intensité capitalistique et la plus grande précarité de certains emplois favorisent un ajustement plus étroit des destructions d'emplois à la récession : elles sont alors relativement plus importantes que dans l'industrie. La tertiarisation de l'économie associée à une plus grande flexibilité de l'emploi augmente la dispersion des destructions d'emplois au cours du temps et engendre une modification de l'ajustement de l'emploi au cours du cycle : celui-ci s'effectuerait sur les créations en phase haute, et en phase basse sur les destructions. En France, les réallocations d'emplois ne seraient au total ni en phase (procycliques), ni en opposition avec le cycle (contracycliques) : elles seraient plutôt acycliques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait


EMPLOI
Les réallocations d’emplois
en France sont-elles en phase
avec le cycle ?
Richard Duhautois*
Les flux bruts d’emplois permettent de mieux appréhender l’ajustement de l’emploi au
cycle économique que les flux nets. Cet ajustement est censé s’opérer par les
destructions d’emplois dans le cas d’une grande flexibilité du marché du travail (États-
Unis), et par les créations d’emplois dans le cas d’une moins grande flexibilité (Europe
occidentale continentale).
En France, les réallocations d’emplois (« créations » plus « destructions ») concernent
chaque année un emploi sur cinq. Ces flux sont moins importants dans l’industrie et dans
les plus grandes entreprises. L’essentiel de ces mouvements s’effectuent à l’intérieur des
sous-secteurs de l’industrie et des services (réallocations intra-sectorielles). Les
réallocations inter-sectorielles ont cependant tendance à être plus fortes dans le secteur
industriel en période de récession. Dans les phases basses du cycle, les flux d’emplois
des secteurs les plus en déclin augmentent en direction des secteurs les plus
dynamiques : les créations d’emplois restent alors un peu plus vives dans les services que
dans l’industrie. Dans les services, la moindre intensité capitalistique et la plus grande
précarité de certains emplois favorisent un ajustement plus étroit des destructions
d’emplois à la récession : elles sont alors relativement plus importantes que dans
l’industrie.
La tertiarisation de l’économie associée à une plus grande flexibilité de l’emploi
augmente la dispersion des destructions d’emplois au cours du temps et engendre une
modification de l’ajustement de l’emploi au cours du cycle : celui-ci s’effectuerait sur
les créations en phase haute, et en phase basse sur les destructions. En France, les
réallocations d’emplois ne seraient, au total, ni en phase (procycliques), ni en opposition
avec le cycle (contracycliques) : elles seraient plutôt acycliques.
* Au moment de la rédaction de cet article, Richard Duhautois appartenait à la division Marchés et stratégies d’entreprises de l’Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 351, 2002 87
a mesure des créations et des destructions bruts permettent d’apporter des éléments de
brutes d’emplois (1), contrairement à réponse. La méthode utilisée se situe dans leL
l’analyse des variations nettes, permet d’appré- prolongement des nombreux travaux déjà réali-
hender les changements qui s’opèrent au sein sés dans ce domaine (cf. encadré 1). (1) (2)
des entreprises et des secteurs d’activité.
L’organisation du travail, les effets d’apprentis-
Mesurer les flux bruts d’emploisage, les coûts d’embauches et de licencie-
ments, la réglementation et évidemment la
Le mode de calcul des flux bruts d’emploi estcroissance ou le déclin du marché sur lequel se
inspiré de Davis et Haltiwanger (1990). Ontrouve l’entreprise engendrent des flux
appelle « création brute d’emploi » (resp.d’emplois plus ou moins importants. En ce sens,
« destruction brute d’emploi ») toute variationles créations et les destructions d’emplois font
positive (resp. négative) de l’emploi entre deuxpartie d’un processus de réallocation et de crois-
dates au sein d’une unité à déterminersance qui permet de mieux appréhender la dyna-
(cf. encadré 2). Les réallocations d’emplois sontmique du marché du travail. L’étude de l’évolu-
la somme des créations brutes et des destruc-tion des flux bruts d’emplois au cours du temps
tions brutes. Ainsi dans ces calculs, les emploisest importante pour comprendre le processus
font référence au nombre de salariés présentsd’ajustement de l’emploi au cycle. Il est admis
dans une entreprise à une date donnée. Enque l’ajustement de l’emploi par rapport au
revanche, ils ne font pas référence à un poste decycle s’opère sur les destructions d’emplois
travail : une entreprise peut avoir le même nom-dans les pays anglo-saxons et sur les créations
bre de salariés entre deux dates mais peut avoird’emplois en France et dans d’autres pays
supprimé un poste pour en créer un autre. Laeuropéens (2). La plus ou moins grande flexibi-
mesure des flux bruts d’emplois ne prend pas enlité du marché du travail explique que prédo-
compte les flux de main-d’œuvre, c’est-à-diremine l’un ou l’autre de ces deux processus de
les flux de travailleurs qui auraient pu avoir lieuréallocations des emplois (une grande flexibilité
entre les deux dates. Ainsi, au début des annéesfavorisant un ajustement sur les destructions).
1990, en France, une entreprise embauchaitEn France, la suppression de la loi sur l’autori-
trois personnes et se séparait de deux en unesation administrative de licenciement, le recours
année pour créer un emploi ; pour une destruc-croissant à des contrats particuliers ou le nom-
tion brute, elle embauchait une personne et sebre croissant de CDD, ainsi que la tertiarisation
séparait de deux (Abowd, Corbel et Kramarz,de l’économie, ont sans doute augmenté la flexi-
1999).bilité du marché du travail, et modifié, en con-
séquence, le processus d’ajustement de l’emploi
La mesure des flux bruts d’emplois est délicate.au cours des années 1990.
Les indicateurs utilisés (fondés sur les observa-
tions disponibles) ne font qu’approcher lesDans l’industrie ou dans les services, les réallo-
grandeurs que l’on souhaite mesurer. L’impactcations d’emplois (c’est-à-dire la somme des
des modifications institutionnelles et structurel-créations brutes et des destructions brutes)
les sur les flux bruts d’emplois est difficile às’effectuent-elles des secteurs en déclin vers
appréhender car la mesure de ces flux est sensi-ceux en expansion ? Sont-elles, au contraire,
ble aux types de données utilisées (établisse-intra-sectorielles ? Dans quelle mesure sont-
ment ou entreprise, taille des unités, secteurselles sensibles à une récession telle que celle de
étudiés, etc.). On a utilisé des informations1993 ? Existe-t-il, à cet égard, une différence
quasi exhaustives pour les entreprises de moinsentre les petites entreprises et les grandes,
de 20 salariés et du secteur tertiaire, sur ladavantage enclines à procéder à des ajustements
période 1990-1996, qui inclut la récession demassifs dans les phases les plus déprimées du
1993. Ces données sont issues du fichier fiscalcycle ? La tertiarisation, dans la mesure où les
des bénéfices réels normaux (BRN). Bien queemplois dans les services se caractérisent par
ce fichier ne vise pas à la mesure des effectifs, ilune plus grande qualification, jointe à une plus
possède l’avantage de prendre en compte lagrande flexibilité du marché du travail (davan-
tage de CDD et d’emplois précaires) engendre-
t-elle une modification de l’ajustement de
1. Les termes de créations et de destructions sont pris ici dansl’emploi au cours du cycle ? Est-on passé à un
une acception très large : la modification de structure d’unerégime d’ajustement sur les destructions, ou entreprise, par exemple dans le cas d’une scission, entraîne à la
bien au contraire les créations et les destructions fois des destructions et des créations d’emplois. Voir l’encadré 2.
2. Il y a ajustement sur les destructions d’emplois si lors des pha-ne seraient-elle en phase avec le cycle qu’à cer-
ses de croissance ou de récession ce sont les destructions qui
tains moments ? Plusieurs indicateurs de flux varient. Si ce sont les créations, il y a ajustement sur les créations.
88 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 351, 2002
quasi-totalité des entreprises ayant au moins un tions, un nombre non négligeable d’emplois ont
salarié. Cela permet d’éliminer l’essentiel des également été créés (9,5 %). Le taux de destruc-
biais liés à la taille et au secteur d’activité de tions d’emplois a atteint son maximum cette
l’entreprise, dans la mesure où les taux de année-là. Quelle que soit la croissance économi-
créations et de destructions sont plus petits dans que, de nombr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents