Processus d entrée dans le dispositif du RMI et modalités d insertion
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Processus d'entrée dans le dispositif du RMI et modalités d'insertion

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'analyse des biographies est pour le sociologue un instrument privilégié pour étudier le passage dans le dispositif du RMI et la réalisation du double objectif qui lui avait été assigné : assurer un minimum vital préservant ses allocataires de l'exclusion sociale, tout en favorisant leur réinsertion dans des formes d'emploi non précaires. L'analyse de 34 trajectoires sociales d'allocataires montre que le RMI ne joue pleinement son rôle que pour des personnes bénéficiant déjà de ressources matérielles, d'un réseau relationnel et d'un certain niveau de formation avant leur entrée dans le dispositif. Ainsi, il permet à des jeunes diplômés issus de milieux modestes de se consacrer à la recherche d'un premier emploi en rapport avec leur formation. Il aide également des travailleurs indépendants à se réinscrire sur le marché de l'emploi. Dans le cas d'un déficit de formation ou de relations, le RMI se conjugue aux revenus tirés d'emplois précaires ou du chômage ; ou bien joue le rôle d'un soutien permettant de tenir entre deux formes d'emplois temporaires. Ne permettant guère d'ajourner la vulnérabilité professionnelle, il s'inscrit dans un ensemble de dispositifs qui fonctionnent à la périphérie du salariat. C'est le cas des jeunes en situation précaire, ou des mères de famille faiblement diplômées. Certaines catégories de population, enfin, cumulent les difficultés : une mauvaise santé, la perte des liens avec le monde du travail se conjuguent avec un fort isolement social. Le soutien financier apporté par le RMI ne constitue souvent alors qu'une maigre prestation permettant d'attendre de bénéficier d'un autre minimum social (allocation adulte handicapé, minimum vieillesse etc.).

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

053-074 Lazergue 21/12/2001 16:38 Page 53
SOCIÉTÉ
Processus d’entrée
dans le dispositif du RMI
et modalités d’insertion
Valérie Cohen et Brigitte Larguèze*
L’analyse des biographies est pour le sociologue un instrument privilégié pour étudier
la réalisation du double objectif qui avait été assigné au RMI : assurer un minimum vital
préservant ses allocataires de l’exclusion sociale, tout en favorisant leur réinsertion dans
des formes d’emploi non précaires.
L’analyse de 34 trajectoires sociales d’allocataires montre que le RMI ne joue pleine-
ment son rôle que pour des personnes bénéficiant déjà de ressources matérielles, d’un
réseau relationnel et d’un certain niveau de formation avant leur entrée dans le dispo-
sitif. Ainsi, il permet à des jeunes diplômés issus de milieux modestes de se consacrer
à la recherche d’un premier emploi en rapport avec leur formation. Il aide également
des travailleurs indépendants à se réinsérer sur le marché de l’emploi.
Dans le cas d’un déficit de formation ou de relations, le RMI se conjugue aux revenus
tirés d’emplois précaires ou du chômage, ou bien joue le rôle d’un soutien permettant
de tenir entre deux formes d’emplois temporaires. Ne permettant guère d’ajourner la
vulnérabilité professionnelle, il s’inscrit dans un ensemble de dispositifs qui fonctionnent
à la périphérie du salariat. C’est le cas des jeunes en situation précaire, ou des mères de
famille faiblement diplômées.
Certaines catégories de population, enfin, cumulent les difficultés : une mauvaise santé,
la perte des liens avec le monde du travail se conjuguent avec un fort isolement social.
Le soutien financier apporté par le RMI ne constitue souvent alors qu’une faible
prestation permettant d’attendre de bénéficier d’un autre minimum social (allocation
adulte handicapé, minimum vieillesse etc.).
* Valérie Cohen est ATER en sociologie à l’université d’Évry et Brigitte Larguèze est ATER en sociologie de l’éducation à l’IUFM
de Créteil.
Les noms et dates entre parenthèse renvoient à la bibliographie en fin d’article.
53ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 346-347, 2001 - 6/7053-074 Lazergue 21/12/2001 16:38 Page 54
dispositif à partir de la trajectoire des indi-es allocataires du RMI ne forment pas un
vidus met en effet en relief un déroulementLgroupe social, mais une catégorie particu-
biographique qui se décline à la fois comme unlière de situation (1), qui a correspondu à
enchaînement d’étapes conduisant à devenirl’émergence de situations inédites et au
bénéficiaire du RMI et comme un agencementconstat que les couvertures sociales tradition-
complexe d’éléments interférant dans l’inscrip-nelles de l’assistance et de l’assurance
tion au RMI. À travers ces parcours, on peutn’étaient plus en mesure de faire face à ces
ainsi étudier non seulement les dynamiquesnouvelles donnes (2). Celles-ci ont été dési-
particulières à chaque biographie, mais égale-gnées au début des années 80 par les termes de
ment la manière dont les données globales et« nouvelle pauvreté » et « d’exclusion sociale »
structurelles se cristallisent au sein de chaque(Fassin, 1996) (3). Ces notions se sont impo-
parcours individuel. Ces trajectoires mettentsées pour marquer la différence avec la pau-
en scène tant des singularités que des logiquesvreté traditionnelle caractérisée par de faibles
sociales plus générales qui dépassent et tra-revenus ne permettant pas des conditions de
versent chaque récit. La transformation de lavie décentes autant sur le plan de l’alimenta-
problématique de l’emploi qui affecte la sociététion que sur celui du logement. La distinction
française depuis les années 80 et les mécanismesentre ces deux formes de pauvreté ne repose
bien connus de reproduction sociale transpa-pas seulement sur des différences de popula-
raissent dans chacune des trajectoires qui noustion, mais également sur des différences de
ont été livrées. Cependant, ces dynamiqueslogiques conduisant à ces situations. Deux évo-
sociétales sont parfois insuffisantes pour rendrelutions structurelles ont été soulignées (Castel,
compte de certaines formes de fragilité ou1995 ; Paugam, 1993). La première concerne la
d’insertion. Il faut donc puiser dans l’histoire dedégradation de l’emploi qui se manifeste par
chaque acteur pour comprendre les méca-l’augmentation du chômage, l’allongement de
nismes spécifiques de fragilisation. Si la prisesa durée, la diversification de son public
en compte des trajectoires sociales est parti-(Demazière, 1991), et par une précarisation du
culièrement adaptée à ce projet, c’est préci-salariat. La deuxième renvoie à l’instabilité et
sément parce qu’elles constituent un espaceà la diversification des formes familiales et aux
d’analyse qui invite à un «va et vient»transformations des solidarités locales (4). Ces
constant entre régularités et singularités, entretransformations de la problématique de l’em-
dimension sociale et dimension personnelle.ploi et de l’insertion relationnelle constituent
donc les paramètres à partir desquels les allo-
cataires du RMI sont le plus souvent appré-
hendés (5).
Ce cadre étant établi, nous avons voulu étudier
1.Bertaux (1997) utilise cette expression pour désigner les
de plus près le passage dans le dispositif afin situations qui « constituent aux yeux de l’administration et/ou du
sens commun autant de catégories présentant des caractéris-de saisir non seulement les processus concou-
tiques spécifiques ».
rant à l’inscription au RMI, mais également les 2. Cette idée est développée dans l’ouvrage de Castel et Laé
(1992). Le RMI est un dispositif inédit dans la mesure où il nemodalités d’insertion qui y sont développées.
relève ni du système de l’assistance, ni de celui de l’assurance ;C’est donc un moment particulier qui a été
cependant, dans les faits, il a été en premier lieu utilisé comme
étudié à partir de l’analyse de 34 trajectoires un instrument de lutte contre la pauvreté et semble aujourd’hui
devenir une troisième composante de la couverture chômage.sociales d’allocataires du RMI, axées sur le
Ce glissement est, en partie, lié aux différentes restrictions qui
récit des épisodes familiaux, scolaires, profes- ont accompagné les différentes réformes de l’indemnisation du
chômage.sionnels, conjugaux, précédant et entourant
3. Mis à part Touraine (1991) et Rosanvallon (1991) qui utilisent
l’entrée dans le dispositif. Ces informations ont la notion d’exclusion, celle-ci, jugée peu scientifique par la
plupart des sociologues, a été remplacée par diverses tentativesété recueillies lors d’entretiens avec des alloca-
de désignation : « disqualification » (Paugam, 1991), « désaffi-taires du RMI (qui l’étaient au moment de
liation » (Castel, 1991), « déliance » (Bolle de Bal, 1994), « désin-
l’entretien ou dans un passé proche) complé- sertion» (Gaulejac, 1994). On trouve également tout un
ensemble de termes qui ne sont pas nécessairement rattachésmentaires à l’enquête RMI (cf. encadré 1).
à des entreprises théoriques, tels que vulnérabilité, fragilité, non
intégration, etc.
4. Ces transformations n’ont pas conduit nécessairement à une
Si les trajectoires sociales constituent un fragilisation du lien social. Certains travaux montrent en effet que
la réalité est plus complexe : Pitrou (1992), Dechaux (1988),moyen privilégié pour appréhender le passage
Bonvalet, Charles, Le Bras et Maison (1993).
dans le dispositif, c’est qu’elles permettent, 5. Les enquêtes statistiques du Cerc (1993), du Credoc (1991),
de l’Insee (1999) fournissent des données qui permettent d’une part, d’observer les points de basculement
de juger des facteurs conduisant à entrer ou sortir du dispositif.
et, d’autre part, de les analyser à la lumière des L’intégration professionnelle et l’insertion relationnelle sont
également mesurées.pa

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents