L Histoire de la Mappe-Monde Papistique - article ; n°3 ; vol.142, pg 699-730
33 pages
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1998 - Volume 142 - Numéro 3 - Pages 699-730
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Monsieur Franck Lestringant
L'Histoire de la Mappe-Monde Papistique
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 3, 1998. pp. 699-
730.
Citer ce document / Cite this document :
Lestringant Franck. L'Histoire de la Mappe-Monde Papistique. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, 142e année, N. 3, 1998. pp. 699-730.
doi : 10.3406/crai.1998.15903
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_3_15903COMMUNICATION
L'HISTOIRE DE LA MAPPEMONDE PAPISTIQUE, PAR M. FRANK LESTRINGANT
Ainsi le monde on peult sur Rome compasser,
Puis que le plan de Rome est la carte du monde.
DU BEUUX,LesAntiquitez de Rome, XXVI, v. 13-14.
En 1566 est publiée à Genève une œuvre où l'esprit de la satire
la plus mordante se conjugue à l'arpentage des nouveaux hori
zons, où l'art de la cartographie en pleine rénovation sert de sup
port à un message iconoclaste et à une annonce apocalyptique.
Telle est la Mappe-Monde Nouvelle Papistique1 (fig. 1). Ce singulier
produit de la propagande calviniste eut pour éditeur le réfugié ita
lien Jean-Baptiste Trento, né vers 1523 et originaire de Vicence,
converti à la Réforme dès les années 1540, reçu habitant de
Genève en 1557, puis bourgeois de cette ville en 1559.
De Vicence à Genève, l'itinéraire de Jean-Baptiste Trento
Appartenant à une famille noble et aisée, qui lui donne une
solide instruction, Trento fait son droit à Padoue, où règne un cl
imat de libre examen, où triomphe depuis plusieurs décennies une
école de pensée rationaliste. La Faculté de droit de Padoue est en
outre fréquentée à cette époque par des centaines d'étudiants
étrangers, parmi lesquels beaucoup d'Allemands, d'Anglais et de
Suisses, pour la plupart protestants2. C'est au cours de ses années
d'étude et dans ce contexte d'ouverture intellectuelle, que Trento
1. La présente étude se situe en marge d'une édition critique de la Mappe-Monde Papis
tique et de son Histoire, à paraître chez Droz en l'an 2000. Un état antérieur des connais
sances sur le sujet a été présenté dans mon étude « Une cartographie iconoclaste : la
* Mappe-Monde Nouvelle Papistique " de Pierre Eskrich et Jean-Baptiste Trento », dans
Géographie du monde au Moyen Age et à la Renaissance, Monique Pelletier éd., Paris, Éditions
du C.T.H.S., 1990, p. 99-120.
2. S. Caponetto, La Riforma Protestante nell'Italia del Cinquecento, Turin, Claudiana,
1992, p. 238. MAPPEMONDE NOVVEL -E. PAPISHICL_VE
^^!^^^
FlG. 1 — Vue d'ensemble de la Mappe-Monde Nouvelle Papistique, exemplaire de Wroclaw. de la mappe- monde papistique 701 l'histoire
se convertit à la Réforme. Il indique la date de sa conversion au
début de Y Histoire de la Mappe-Monde : « L'Autheur de cest
ouvrage, depuis qu'il a pieu au Seigneur Dieu luy donner cognois-
sance de son sainct Evangile (qui fut l'an 1541)... »5 Un peu plus
tard il assiste aux cours de Francesco Malchiavelli, lecteur public à
Vicence de 1545 à 1548, qui commente l'Institution de la religion
chrestienne de Jean Calvin.
Trento et ses amis Alessandro Trissino et Niccolo Pellizzari par
tagent le même enthousiasme en faveur du « nouvel Évangile ». On
se retrouve surtout à Lanzé, une villa du diocèse de Vicence4, pour
lire Erasme, Luther, Calvin et pour commenter la Sainte Ecriture,
dont le Florentin Antonio Brucoli vient de donner une précieuse
traduction. Les thèmes dont on débat à Lanzé sont décidément
ceux de la Réforme militante : le pape est l'Antéchrist, l'Église
romaine l'institution du Diable, et la messe une pure abomination.
Les sacrements se réduisent à deux, baptême et eucharistie,
comme l'enseigne Calvin. Lors de ces rencontres, Trento frappe
ses amis par la véhémence de ses critiques du papisme : on le
décrira plus tard comme un « ugonotto eretico e matto »3, une
sorte d'enragé de la nouvelle doctrine. Lui-même se définit
comme un « ignorante », selon la signification qu'Ortensio Landi
donne à ce terme, un homme qui ignore et rejette son passé, pour
s'ouvrir, pur et neuf, à la vérité de l'Évangile6.
Ces débats hétérodoxes débordent sur la place publique, sous la
forme d'attentats iconoclastes : on détruit les images sacrées, on
tourne en ridicule les rites de la tradition catholique. Une partie
des « frères », les marchands les moins nobles et les teinturiers, se
réunissent sous les portiques du Dôme de Vicence pour réciter
des comédies railleuses : transportée sur le théâtre, la vie convent
uelle devient une farce où éclatent l'hypocrisie et le mensonge.
Les membres les plus cultivés du groupe ne font qu'exaspérer la
même attitude critique : Cornelio Donzellino, qui, de Brescia,
vient à Venise dans les années cinquante et se mêle au cercle véni
tien des lettrés, écrit un traité polémique contre la religion
3. J.-B. Trente, Histoire de la Mappe-Monde Papistique, en laquelle est declairé tout ce qui est
contenu etpourtraict en la grande Table, ou Carte de la Mappe-Monde : Composée par M. Frangi-
delphe Escorcke-Messes, « Imprimée en la ville de Luce Nouvelle, Par Brifaud Chasse-diables »,
[ Genève,i 1567 (1566), « Préface sur la Nouvelle Papistique », f. *ii r°.
4. Sur Vicence et la Réforme, voir S. Seidel Menchi, Érasme hérétique. Réforme et Inquis
ition dans l'Italie du xvf siècle, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1996.
5. A. Olivieri, « Alessandro Trissino e il movimento calvinista vicentino del Cinque-
cento », ASC/ XXI, 1967, p. 61. Cité par S. Caponetto, op. cit. (n. 2), p. 239.
6. Je m'inspire ici de l'article d'A. Preda, « UHistoire de la Mappe-Monde Papistique de
Jean-Baptiste Trento et ses sources italiennes », Bulletin de la Société de l'Histoire du Protes
tantisme français 145, avril-juin 1999, p. 245-261. 702 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
romaine, « pestifera dottrina del diavolo », et ses infâmes suppôts.
Lorenzo Davidico, de passage à Vicence où il enseigne jusqu'en
1539, décrit la curie romaine comme un asile de fous, livré de sur
croît aux pires dépravations".
Pendant une quinzaine d'années, Trento met à profit son acti
vité de marchand de peaux pour multiplier les voyages en Suisse
et diffuser des ouvrages de propagande réformée à Vicence,
Venise et Rovigo où son ami Domenico Roncalli a fondé l'« Acca-
demia degli Addormentati », un centre d'étude et de discussion où
les nouvelles doctrines sont en vogue. A partir de 1555 la répres
sion rend ces réunions de plus en plus périlleuses. Trento décide
alors de s'exiler. Il abandonne sa femme demeurée fidèle au
« papisme », se remarie et poursuit son activité commerciale au
sein de la communauté italienne de Genève, où il se fixe. Il est
reçu habitant de cette ville le 9 août 15578. Deux ans plus tard, le 8
août 1559, «Jehan Baptiste Trento, filz de Jacob Anthoine, de
Vincence en Italie » est reçu bourgeois de Genève, et s'acquitte
d'un droit de douze écus et d'un « seillot » — un seau en cuir
bouilli « pour la défense du feu »9. A plusieurs reprises il se rend
clandestinement à Venise et continue, depuis Genève, à alimenter
ses amis en bibles, livres et libelles calvinistes dissimulés dans des
balles de marchandise. Ses rapports avec l'Italie s'interrompent à
la fin des années 1560. Un acte notarié le mentionne encore à
Genève le 3 janvier 1570 : il contresigne en qualité de témoin le
testament d'un gentilhomme français, Elyon de Glandez, seigneur
de Puy-Michel en Provence. Il y est appelé « Nofble] Jean Baptiste
de Trente, bourgeois »10. On le retrouve plus tard en Angleterre où
il est l'hôte, en 1582, de Sir Francis Walsingham. Celui que l'on
qualifie désormais de « gentleman » meurt à Londres en 158811.
Accompagné de l'imprimeur François Perrin, Trento demande
le 20 novembre 1565 et obtient le 27 novembre suivant la permis
sion du conseil de Genève « de faire imprimer une mappemonde
7. Sur ce milieu, voir S. Caponetto, op. cit. (n. 2), ch. XII : « Venezia, una centrale rivo-
luzion

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