Mary les filles de la pocharde
378 pages
Français

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Jules Mary LES FILLES DE LA POCHARDE 1897-1898 Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières Première partie LE FILS DU MÉDECIN ................................ 3 I « L’ENFANCE EST SANS PITIÉ » ........................................... 4 II PREMIÈRES MENACES ...................................................... 28 III RÉVOLTÉES ........................................................................ 46 IV EN FUITE ............................................................................ 52 V « GONICHE, SERRURERIE D’ART » .................................. 82 VI L’ENQUÊTE DE GAUTHIER ............................................ 107 VII GEORGES LAMARCHE ................................................... 135 VIII SÉPARÉES ! .................................................................... 146 IX L’ENVERS DE LA VIE FOLLE .......................................... 173 X AMOUR ! ............................................................................. 183 XI LES DEUX SŒURS ........................................................... 205 Deuxième partie L’HOMME DU PRIEURÉ ........................ 224 I UN PEU DE BONHEUR ...................................................... 225 II LE BANQUIER MOËB ........................................................ 248 III ENFIN !… .......................................................................... 265 IV CELUI QUI VENGE ........................................................... 278 V « LIS ! JE LE VEUX ! » ....................................................... 299 VI LE TRIOMPHE DE L’AMOUR .......................................... 325 VII DERNIER DANGER ......................................................... 329 VIII L’ANCIENNE ROUTE ROYALE ..................................... 343 IX MARIAGES ........................................................................ 360 À propos de cette édition électronique ................................. 378 Première partie LE FILS DU MÉDECIN – 3 – I « L’ENFANCE EST SANS PITIÉ » L’orphelinat de Sainte-Marie, à Vouvray, est un grand bâ- timent carré, de construction récente, affectant au-dehors l’aspect d’un couvent. Les fenêtres des dortoirs, qui donnent sur la campagne, sont haut percées, mais ne sont point garnies de grilles. Les ateliers, le réfectoire et les salles d’étude donnent sur une cour intérieure divisée par une grille ; la moitié de la cour est réservée aux orphelines jusqu’à l’âge de quinze ans ; l’autre moitié aux orphelines de quinze à vingt ans. L’établissement est dirigé par des sœurs de Saint-Vincent- de-Paul. C’était à l’orphelinat de Vouvray que Claire et Louise, deux gentilles fillettes, l’une aux yeux bruns, l’autre aux yeux bleus, avaient été envoyées après la condamnation de leur mère, après l’envoi de leur père dans une maison d’aliénés. Elles avaient bien pleuré, les petites, lorsqu’elles s’étaient trouvées seules. Mais leur père, lorsqu’il les regardait dans sa folie, avait des yeux si terribles qu’il leur faisait peur. Elles se réfugiaient alors au fond de la chambre, tremblantes, les mains dans les mains, serrées l’une contre l’autre. Quand on avait enlevé leur père, elles n’avaient rien dit, mais lorsqu’elles ne virent plus, autour d’elles, que des visages étrangers, elles se mirent à sangloter et à réclamer leur mère. – Maman ! Je veux qu’on me rende maman !… – 4 – À l’orphelinat, les sœurs leur avaient donné quelques jouets. Peu à peu, les souvenirs s’étaient atténués dans ces jeunes cerveaux, prêts aux impressions nouvelles… Les jours, les mois, les années apportèrent un voile sur leurs pensées… Le fantôme de la mère, comparable à un beau lis, disparut. Mais un autre s’éleva tout à coup, terrible, et qui devint leur cauchemar. Car si le temps, en accumulant les années sur le drame de la Pocharde, pouvait l’effacer à la longue, les enfants de l’orphelinat Sainte-Marie s’étaient, elles, chargées d’en perpé- tuer le souvenir. À l’arrivée de Claire et de Louise, on ne sut pas, d’abord, quelles étaient ces fillettes, et les sœurs, prudentes et avisées, prévoyant l’avenir, se gardèrent bien de raconter leur triste his- toire. Pendant un an, le secret fut ainsi bien tenu. Mais les journaux avaient dit, lors du procès, que l’administration avait envoyé les deux petites dans un établis- sement hospitalier et qu’elle se chargeait de leur sort : on avait même donné le nom de l’orphelinat. Un de ces journaux, déjà jauni, parvint un jour aux mains de quelques-unes des compagnes de Claire et Louise, qui furent ainsi découvertes. Tout d’abord, les petites pensionnaires se montrèrent pru- dentes et discrètes. Mais ce secret, ainsi tombé par hasard dans ces jeunes têtes avides d’un peu de diversion à la vie monotone du couvent, elles ne purent le garder pour elles bien longtemps. Elles le confièrent à d’autres qui, elles-mêmes, prirent encore des confidentes. En quelque temps l’orphelinat fut instruit, à l’insu des sœurs. – 5 – Du reste, comment auraient-elles pu empêcher cette infil- tration et l’entrée, dans les murs du couvent, de cette histoire qui se fit par mots couverts, tout bas, dans les coins, de lit à lit, de chaise à chaise, par des voix qui se taisaient bien vite à l’apparition d’une surveillante, à laquelle il eût fallu exprimer ce qu’on racontait ? Longtemps ce bruit, ces méchancetés qui se préparaient en sourdine, tourbillonnèrent autour des deux enfants sans les éclabousser. Et un jour, il fut lancé, le mot qui tomba durement sur ces jeunes cœurs et qui devait y faire tant de ravages. Il leur fut dit par une grande : – Les filles de la Pocharde, une femme que l’on retrouvait ivre tous les jours et qui a été condamnée à mort pour avoir em- poisonné son enfant ! Elles ne savaient pas ce qu’était devenue leur mère dont le doux sourire mélancolique restait encore, à cette époque, visible à leurs yeux de bébés. Et cette phrase atroce, elles ne la comprirent point. Une pocharde ? Qu’est-ce que c’était que cela ? On la retrouvait ivre ? Elles ne savaient pas ce que cela voulait dire… Condam- née à mort ?… Cela les frappait davantage… Alors, leur mère avait été condamnée à mort ? Pourquoi ? Parce qu’elle avait empoisonné le petit Henri ?… Elles se le rappelaient encore le petit Henri… Elles ne l’avaient pas oubliée, cette fugitive apparition de ce berceau dans leur vie… Le poison ! Elles savaient également que c’était dangereux, que cela faisait beaucoup souffrir et mourir à la fin… – 6 – On leur avait dit souvent : – Ne touchez pas à cette fleur… ne portez pas cette graine à votre bouche… c’est du poison… cela vous ferait mourir… C’était la mère qui, doucement, leur faisait ces recomman- dations… Et la mère ? Elle s’était donc, plus tard, servie de ce poison contre Henri ? Tout cela trottait dans leur tête, les obligeait à réfléchir, prenant corps peu à peu, pour ne plus jamais s’effacer mainte- nant. Et le feu qui venait d’éclater, enfin, ne devait plus s’éteindre. Cela ne devait plus s’éteindre, parce que ce fut comme une tradition qui se perpétua dans l’établissement, une tradition léguée d’élèves à élèves, de génération à génération : Claire et Louise devinrent les souffre-douleur de l’orphelinat. On alla jusqu’à les surnommer : Les petites Pochardes… Elles auraient pu s’adresser aux sœurs, leur confier ces tor- tures morales qui leur venaient de partout et pour lesquelles, malgré leur douceur, malgré leur gentillesse, chacun se donnait le mot, mais cela se saurait ; les tortures finiraient par recom- mencer de plus belle, sous d’autres formes ; elles n’en seraient que plus malheureuses. Et elles se taisaient, se renfermant en elles-mêmes, fuyant les autres, dont elles n’attendaient que du mal, jamais un mot d’amitié. – 7 – Dans les ateliers, elles n’étaient point ensemble, Claire étant occupée à la couture, tandis que Louise brodait. Là, à de- mi-mots, les voisines décochaient leurs petites méchancetés. – Et ta mère ? Est-ce qu’elle donne de ses nouvelles ? Elle est à Clermont ? On ne peut pas parler, à Clermont… tu sais ?… Et, toutes les fois qu’on parle, on est puni sévèrement… C’est ça qui n’est pas drôle de passer le reste de sa vie sans se délier la langue !… Une autre voisine ajoutait : – C’est bien fait aussi pour elle… une mère qui tue son en- fant… Le lendemain, c’était des plaisanteries : – Dis donc, Louise, est-ce que tu te pocharderas comme ta mère ? Souvent, la tête penchée pour qu’on ne vît point leurs larmes, les enfants se mettaient à pleurer. Il était rare que quelqu’un prît leur défense. Dans les ateliers, cela se passait sous les yeux de la surveil- lante. À plusieurs reprises, elle vit ces larmes et s’informa. Les yeux méchants des orphelines, fixés sur Claire et sur Louise, promettant une vengeance prochaine si elles parlaient, les obligeaient au silence. Au fur et à mesure qu’elles grandirent et devinrent plus hardies, elles essayèrent de se dégager de cette obsession. Et, parfois, suppliantes, elles répondaient ainsi aux injures : – 8 – – Qu’est-ce que nous avons fait ?… Est-ce notre faute si nous sommes ici et si notre mère est une malheureuse ?… Est-ce que vous ne devriez pas nous consoler et être nos amies plutôt que d’augmenter, comme vous le faites, notre tristesse ?… Est- ce que vous n’êtes pas malheureuses aussi, vous autres qui n’avez plus ni votre père ni votre mère ?… Ne devrions-nous pas nous soutenir et nous consoler mutuellement ?… On riait. Pourtant, il y en avait dont les mères étaient en prison. Claire et Louise l’apprirent à la longue. Quand celles-là leur jetèrent à la face le surnom de la Po- charde, elles ripostèrent, nerveuses, à bout de patience : – Filles de voleuses ! Alors, on les battit, et désormais elles ne ripostèrent pl
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