Néo-classicisme ou paléo-classicisme ? La poétique de Maurice de Guérin - article ; n°1 ; vol.50, pg 177-191
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1998 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 177-191
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 36
Langue Français

Extrait

Monsieur Claude Gély
Néo-classicisme ou paléo-classicisme ? La poétique de Maurice
de Guérin
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 177-191.
Citer ce document / Cite this document :
Gély Claude. Néo-classicisme ou paléo-classicisme ? La poétique de Maurice de Guérin. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 177-191.
doi : 10.3406/caief.1998.1316
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1998_num_50_1_1316NÉO-CLASSICISME OU
PALÉO-CLASSICISME ?
LA POÉTIQUE DE MAURICE DE GUÉRIN
Communication de M. Claude GÉLY
(Université Paul Valéry - Montpellier III)
au XLIXe Congrès de l'Association, le 9 juillet 1997
« Je ne suis, grâce à Dieu, de l'école de qui que ce soit.
J'aime mieux n'être rien que disciple. » C'est ce qu'écrivait
Maurice de Guérin, le 30 octobre 1835, dans une lettre à sa
sœur, Marie de Guérin. Aveu qui fait écho à autre fo
rmule, que je relève dans une autre lettre, datée du 12 juin
1835, et adressée à son autre sœur, Eugénie de Guérin :
« Le peu que je pense, je veux le penser par moi-même. . . »
Voilà qui doit inciter à la prudence toute enquête qui
consisterait à rechercher dans l'œuvre de Guérin les signes
d'une appartenance ou d'une quelconque obédience à un
courant, à une tradition ou, comme il dit, à une « école »...
Je n'aurai garde de ne pas observer cette prudence en
essayant ici de m'interroger sur ce qu'on pourrait être tenté
d'appeler le « néo-classicisme » de Maurice de Guérin.
*
* *
J'observe, du reste, que les mots « classique », « class
icisme » sont absents des écrits guériniens, où l'on ne trou
ve en fait aucun écho des querelles littéraires des années 178 CLAUDE GÉLY
1825-1830, auxquelles Jules Marsan a donné le nom de
« bataille romantique » (1) et qui, avant la bataille
à'Hernani, avaient opposé à la jeune école du Globe et de
La Muse Française la tradition dite des « classiques ». De ce
mot « classique », je ne relève qu'un seul emploi dans la
correspondance de Guérin, à la date du 30 novembre 1837
— lettre écrite du Cayla à la baronne de Maistre — ; le
mot désigne ici, de façon très précise, la pratique des
langues anciennes :
Je veux retourner à Paris. D'ailleurs, ma science classique se
rouille ici : je vois s'éteindre peu à peu ces souvenirs de latin
et de grec que je laisserais mourir si volontiers si ma vie
n'était attachée à la leur.
Traduisez, en tenant compte de la pointe d'humour tris
te qui inspire cette phrase : « Je suis bien obligé, pour
gagner ma vie, de donner des répétitions de latin et de
grec. » Le Cahier vert, à la date du 30 avril 1835, ne disait
pas autre chose :
Je me procure la vie à l'aide du peu de latin que le collège a
mis dans ma tête et qui n'y a pas péri, je ne sais comment...
Le ton, d'un texte à l'autre, n'a pas changé : même
constat et même tentation du désabusement, voire de
l'amertume, dans l'évocation de cette « science classique »
héritée des collèges. Une autre page du Cahier vert, datée
du 6 février 1833, avait déjà, plus explicitement, et plus
délibérément, engagé le procès de cette « éducation de
collège » :
J'ai consumé dix ans dans les collèges, et j'en suis sorti
emportant, avec quelques bribes de latin et de grec, une
masse énorme d'ennui. Voilà à peu près le résultat de toute
éducation de collège en France. On met aux mains des
jeunes gens les auteurs de l'Antiquité ; c'est bien. Mais leur
(1) Jules Marsan, La Bataille romantique, Paris, Hachette, 1925. MAURICE DE GUÉRIN 1 79
apprend-on à connaître, à apprécier l'Antiquité ? [...] Quel
professeur lisant à ses élèves Homère ou Virgile a développé
la poésie de l'Iliade ou de l'Enéide par la poésie de la nature
sous le ciel de la Grèce ou de l'Italie ? Qui a songé à com
menter réciproquement les poètes par les philosophes, les
philosophes par les poètes, ceux-ci par les artistes, Platon
par Homère, Homère par Phidias ? On isole ces grands
génies, on disloque une littérature [...] sans prendre la peine
de vous dire quelle place ils occupaient, quelles relations ils
entretenaient dans la grande organisation d'où on les a déta
chés.
L'humour, à l'égard du pédantisme et des carences de la
culture classique, se fait plus souriant dans une lettre
adressée par Guérin à sa sœur Eugénie, le 18 janvier 1835 :
il s'y compare plaisamment à « un érudit du XVe siècle tout
poudreux et gonflé de latin » ; mais il ajoute aussitôt :
Ne va pas croire [...] que mon esprit soit bourré de latin, au
point de ne pouvoir marcher. Hélas ! non, ma charge d'éru
dition est si légère que j'attraperais un sylphe au galop, si je
ne portais d'autres poids beaucoup moins précieux et qui me
rendent plus pesant à la marche qu'une oie grasse.
C'est pourtant cette « charge d'érudition » — si « légère »
que l'ait proclamée Guérin — , qui a toujours incité la cr
itique à rechercher avec insistance ce qu'Élie Decahors a
appelé les « sources antiques » du Centaure et de La
Bacchante (2). Rien n'a été omis des réminiscences d'au
teurs anciens, notamment Hésiode, Euripide, Virgile,
Ovide (relus cette même année 1835 où M. de Guérin
avait décidé de préparer l'agrégation) ; on a aussi, avec
E. Decahors, évoqué Pausanias ; on a, plus récemment,
signalé un texte de Lucien de Samosate qui présente, en
« ekphrasis », un tableau du peintre grec Zeuxis (Ve siècle)
dont le motif central — une centauresse allaitant ses petits
(2) Élie Decahors, « Le Centaure » et « La Bacchante », les poèmes en prose de
Maurice de Guérin et leurs sources antiques, Paris, Toulouse, Éd. de l'Archer,
1932. 180 CLAUDE GÉLY
— n'est peut-être pas sans rapport avec le début du
poème de Guérin. (3) On a aussi, à l'envi, glosé sur le
témoignage de Trébutien, qui attribuait l'origine du
Centaure aux visites qu'il fit en compagnie de Guérin aux
Antiques du Louvre, à l'automne 1835 et en 1836 —
témoignage, du reste, attesté par M. de Guérin lui-même,
s'il faut en croire une lettre de Barbey-d'Aurevilly à
Trébutien du 2 novembre 1854. Après É. Decahors, qui
avait scrupuleusement établi la liste des rondes-bosses et
des bas-reliefs où M. de Guérin aurait pu observer des
représentations de Centaures et de Bacchantes, Annie-
France Laurens, lors du colloque guérinien de 1988 (4), a
repris et encore affiné l'enquête, en privilégiant, parmi les
modèles antiques qui auraient pu inspirer Guérin, le pro
totype hellénistique du Centaure : non plus celui de la
métope du Parthenon (ramenée par Choiseul-Goffier), qui
reproduit la vision grecque du centaure violent, batailleur,
ravisseur de femmes (c'est ce centaure-là que l'on retrou
ve, en 1835, dans le poème d'Alphonse Rabbe) (5), mais le
centaure vieilli, au visage douloureux, tel que le représent
e une ronde-bosse du IIe siècle, dont une copie, d'époque
romaine, était en effet au Louvre en 1835. Est-ce lui qui
prête son visage et sa voix au Centaure Macarée — « le
plus vieux et le plus triste de tous » — qui, dans le poème
de Guérin, vient raconter son enfance passée auprès de sa
mère, dans l'ombre de la caverne ? De ce motif particulier
et original, Annie-France Laurens propose de retrouver
aussi une possible ébauche dans deux fragments de sarco
phage, de l'ancienne collection Borghese, où sont évo
quées les tendresses de la maternité chez les Centaures.
Au terme de cette enquête, elle formule ainsi sa conclu
sion :
(3) Annie-France Laurens, « La réception des Antiques du Louvre dans Le
Centaure et La Bacchante de M. de Guérin », [in] L

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