Impressions d’Afrique
274 pages
Français

Impressions d’Afrique

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
274 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Raymond Roussel (1877-1933) avait un peu plus de trente ans et aspirait encore à la gloire littéraire lorsqu'il publia ces Impressions d'Afrique. En particulier le rôle des Nouvelles Impressions d’Afrique, méritent mieux leur nom qu’il n’y paraît. Ces longues énumérations de courts fragments occupant tout ou partie de un, deux ou trois vers ont au moins une fonction identifiable : elles contiennent des allusions aux œuvres de Roussel, ou plus précisément à leur texte sous-jacent. De Raymond Roussel le grand public, qui ne l'a pas lu, ne connaît vaguement que la légende pittoresque : sa richesse immense (mais il meurt ruiné)

Informations

Publié par
Nombre de lectures 62
EAN13 9782824711393
Langue Français

Extrait

RA YMON D ROUSSEL
IMP RESSIONS
D’AF RIQU E
BI BEBO O KRA YMON D ROUSSEL
IMP RESSIONS
D’AF RIQU E
1910
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1139-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
   , ce 25 juin, tout semblait prêt p our le sacr e
de T alou V I I, emp er eur du Ponuk élé , r oi du Dr elchk aff.V Malgré le dé clin du soleil, la chaleur r estait accablante dans
cee région de l’ Afrique v oisine de l’é quateur , et chacun de nous se
sentait lourdement incommo dé p ar l’ orag euse temp ératur e , que ne mo difiait
aucune brise .
D e vant moi s’étendait l’immense place des T r ophé es, situé e au cœur
même d’Éjur , imp osante capitale for mé e de cases sans nombr e et baigné e
p ar l’ o cé an Atlantique , dont j’ entendais à ma g auche les lointains
mugissements.
Le car ré p arfait de l’ esplanade était tracé de tous côtés p ar une
rang é e de sy comor es centenair es  ; des ar mes piqué es pr ofondément dans
l’écor ce de chaque fût supp ortaient des têtes coup é es, des orip e aux, des p
ar ur es de toute sorte entassés là p ar T alou V I I ou p ar ses ancêtr es au r etour
de maintes triomphantes camp agnes.
1Impr essions d’ Afrique Chapitr e I
A ma dr oite , de vant le p oint mé dian de la rang é e d’arbr es, s’éle vait,
semblable à un guignol g é ant, certain théâtr e r oug e , sur le fr onton
duquel les mots «  Club des Incomparables  », comp osant tr ois lignes en ler es
d’ar g ent, étaient brillamment envir onnés de lar g es ray ons d’ or ép anouis
dans toutes les dir e ctions comme autour d’un soleil.
Sur la scène , actuellement visible , une table et une chaise p araissaient
destiné es à un confér encier . P lusieur s p ortraits sans cadr e épingles à la
toile de fond étaient soulignés p ar une étiquee e xplicativ e ainsi conçue  :
«  Électeurs de Brandebourg  ».
P lus près de moi, dans l’alignement du théâtr e r oug e , se dr essait un
lar g e so cle en b ois sur le quel, deb out et p enché , Naïr , jeune nègr e de vingt
ans à p eine , se liv rait à un absorbant travail. A sa dr oite , deux piquets
plantés chacun sur un angle du so cle se tr ouvaient r eliés à leur e xtrémité
sup érieur e p ar une longue et souple ficelle , qui se courbait sous le p oids
de tr ois objets susp endus à la file et distinctement e xp osés comme des
lots de tomb ola. Le pr emier article n’était autr e qu’un chap e au melon
dont la caloe noir e p ortait ce mot  : « P I NCÉE » inscrit en majuscules
blanchâtr es  ; puis v enait un g ant de Suède gris foncé tour né du côté de la
p aume et or né d’un «  C » sup erficiellement tracé a la craie  ; en der nier lieu
se balançait une légèr e feuille de p ar chemin qui, char g é e d’hiér ogly phes
étrang es, montrait comme en-tête un dessin assez gr ossier r eprésentant
cinq p er sonnag es v olontair ement ridiculisés p ar l’aitude g énérale et p ar
l’ e x ag ération des traits.
Prisonnier sur son so cle , Naïr avait le pie d dr oit r etenu p ar un entr
elacement de cordag es ép ais eng endrant un véritable collet étr oitement fix é à
la solide plate-for me  ; semblable à une statue vivante , il faisait des g estes
lents et p onctuels en mur murant av e c rapidité des suites de mots appris
p ar cœur . D e vant lui, p osé e sur un supp ort de for me sp é ciale , une fragile
p y ramide faite de tr ois p ans d’é cor ce soudés ensemble captivait toute son
aention  ; la base , tour né e de son côté mais sensiblement suréle vé e , lui
ser vait de métier à tisser  ; sur une anne x e du supp ort, il tr ouvait à p
orté e de sa main une pr o vision de cosses de fr uits e xtérieur ement g ar nies
d’une substance vég étale grisâtr e rapp elant le co con des lar v es prêtes à se
transfor mer en chr y salides. En pinçant av e c deux doigts un fragment de
ces délicates env elopp es et en ramenant lentement sa main à lui, le jeune
2Impr essions d’ Afrique Chapitr e I
homme cré ait un lien e xtensible p ar eil aux fils de la Vier g e qui, à l’ép o que
du r enouv e au, s’élong ent dans les b ois  ; ces filaments imp er ceptibles lui
ser vaient à comp oser un ouv rag e de fé e subtil et comple x e , car ses deux
mains travaillaient av e c une agilité sans p ar eille , cr oisant, nouant,
enchevêtrant de toutes manièr es les lig aments de rê v e qui s’amalg amaient
gracieusement. Les phrases qu’il ré citait sans v oix ser vaient à réglementer
ses manig ances p érilleuses et pré cises  ; la moindr e er r eur p ouvait causer
à l’ ensemble un préjudice ir rémé diable , et, sans l’aide-mémoir e
automatique four ni p ar certain for mulair e r etenu mot à mot, Naïr n’aurait jamais
aeint son but.
En bas, v er s la dr oite , d’autr es p y ramides couché es au b ord du pié
destal, le sommet en ar rièr e , p er meaient d’appré cier l’ effet du travail après
son complet achè v ement  ; la base , deb out et visible , était finement
indiqué e p ar un tissu pr esque ine xistant, plus ténu qu’une toile d’araigné e .
A u fond de chaque p y ramide , une fleur r oug e fix é e p ar la tig e airait
puissamment le r eg ard der rièr e l’imp er ceptible v oile de la trame aérienne .
Non loin de la scène des Incomp arables, à dr oite de l’acteur , deux
piquets distants de quatr e à cinq pie ds supp ortaient un app ar eil en mouv
ement  ; sur le plus pr o che p ointait un long piv ot, autour duquel une bande
de p ar chemin jaunâtr e se ser rait en ép ais r oule au  ; cloué e solidement au
plus éloigné , une planchee car ré e p osé e en plate-for me ser vait de base
à un cylindr e v ertical mû av e c lenteur p ar un mé canisme d’horlog erie .
La bande jaunâtr e , se déplo yant sans r uptur e d’alignement sur toute
la longueur de l’inter valle , v enait enlacer le cylindr e , qui, tour nant sur
lui-même , la tirait sans cesse de son côté , au détriment du lointain piv ot
entraîné de for ce dans le mouv ement giratoir e .
Sur le p ar chemin, des gr oup es de guer rier s sauvag es, dessinés à gr os
traits, se succé daient dans les p oses les plus div er ses  ; telle colonne ,
courant à une vitesse folle , semblait p our suiv r e quelque ennemi en fuite  ;
telle autr e , embusqué e der rièr e un talus, aendait p atiemment l’ o ccasion
de se montr er  ; ici, deux phalang es ég ales p ar le nombr e luaient cor ps
à cor ps av e c achar nement  ; là , des tr oup es fraîches s’élançaient av e c de
grands g estes p our aller se jeter brav ement dans une lointaine mêlé e .
Le défilé continuel offrait sans cesse de nouv elles sur prises stratégiques
grâce à la multiplicité infinie des effets obtenus.
3Impr essions d’ Afrique Chapitr e I
††
En face de moi, à l’autr e e xtrémité de l’ esplanade , s’étendait une sorte
d’autel pré cé dé de plusieur s mar ches que r e couv rait un mo elleux tapis  ;
une couche de p eintur e blanche v einé e de lignes bleuâtr es donnait à l’
ensemble , v u de loin, une app ar ence

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents