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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 23 |
EAN13 | 9782824710921 |
Langue | Français |
Extrait
P I ERRE LO T I
JAPON ERI ES
D’A U T OMN E
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
JAPON ERI ES
D’A U T OMN E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1092-1
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
K IO T O , LA V I LLE
SAI N T E
1Jap oneries d’automne Chapitr e
A Edmond de Goncourt.
Jusqu’à ces der nièr es anné es, elle était inaccessible aux Eur op é ens,
my stérieuse ; à présent, v oici qu’ on y va en chemin de fer ; autant dir e
qu’ elle est banalisé e , dé chue , finie .
C’ est de K obé qu’ on p eut s’y r endr e p ar des trains pr esque rapides et
K obé est un grand p ort, situé à l’ entré e de la mer Intérieur e et ouv ert à
tous les navir es du monde .
2CHAP I T RE I
DÉP ART DE K OBÉ
un p eu avant le jour , car la frég ate qui m’a amené e
est mouillé e bien loin de ter r e . Sur rade , un ciel clair et fr oid av e cD de der nièr es étoiles. Be aucoup de brise deb out, et mon canot
avance p éniblement, tout asp er g é d’ e au salé e .
A cee heur e , le quai de K obé est encor e un p eu obscur , désert, av e c
seulement quelques rô deur s en quête d’impré v u. Pour aller au chemin
de fer , il faut trav er ser le quartier cosmop olite des cabar ets et des
tav er nes : c’ est au tout p etit jour , frais et pur . Les b oug es s’ ouv r ent ; on v oit,
au fond, des lamp es qui brûlent ; on y entend chanter la Marseillaise, le
God save, l’air national américain. T ous les matelots « p er missionnair es »
sont là , s’é v eillant p our r entr er à b ord. En r oute , j’ en cr oise des nôtr es
qui r e viennent, leur nuit finie , se car rant comme des seigneur s dans leur
djin-richi-cha ¹ . Incertains de me r e connaîtr e dans la demi-obscurité , ils
1. Djin-richi-cha, p etite v oitur e à une place , traîné e p ar un homme-cour eur .
3Jap oneries d’automne Chapitr e I
m’ôtent leur b onnet au p assag e .
A u b out de ces r ues jo y euses, c’ est la g ar e . Le jour se lè v e . Un drôle
de p etit chemin de fer , qui n’a p as l’air sérieux, qui fait l’ effet d’une chose
p our rir e , comme toutes les choses jap onaises. Ça e xiste cep endant, cela
p art et cela mar che .
A u guichet, on e x amine av e c soin mon p assep ort, qui serait pr esque
un bibelot tant il y a dessus de p etits griffonnag es drôles. Il est en règle et
on me déliv r e mon billet. T rès p eu de monde ; c’ est surtout le public des
tr oisièmes qui donne , et dans ma v oitur e me v oilà installé seul.
Cela s’ébranle à tous ces br uits connus de sifflets, de clo ches, de
vap eur , qui se font au Jap on comme en France et nous sommes en r oute .
n
4CHAP I T RE I I
et fertiles trav er sé es au soleil du matin,
d’un b e au matin d’automne . T out est e xtrêmement cultivé et en-D cor e v ert : champs de maïs, champs de riz, champs d’ignames
av e c ces grandes feuilles or nementales très connues sur nos squar es. D ans
ces champs, b e aucoup de monde qui travaille . C’ est en plaine toujour s,
seulement on long e des chaînes de hautes montagnes b oisé es : en
fermant un p eu les y eux, on dirait l’Eur op e , le D auphiné , p ar e x emple , av e c
les Alp es à l’horizon.
Il y a dans le v ert des prairies une pr ofusion de fleur s r oug es, espè ce de
liliacé es de marais aux p étales minces et frisés r essemblant à des p anaches
d’autr uches. D ans toutes les p etites rig oles qui entour ent en car ré les
champs de riz, ces fleur s ab ondent, for mant p artout comme d’élég antes
b ordur es de plumes.
Petites stations à noms bizar r es ; à côté des bâtisses du chemin de
fer , à côté des tuyaux et des machines, app araissent, très sur pr enants,
5Jap oneries d’automne Chapitr e I I
des vieux temples à toit courb e av e c leur s arbr es sacrés, leur s p ylônes de
granit, leur s monstr es.
Il est disp arate , hétér ogène , inv raisemblable , ce Jap on, av e c son
immobilité de quinze ou vingt siè cles et, tout à coup , son eng ouement p our
les choses mo der nes qui l’a pris comme un v ertig e .
La pr emièr e grande ville sur la r oute c’ est O asak a, on s’ar rête . Ville
mar chande ; p eu de temples, des millier s de p etites r ues tracé es d’é quer r e ,
des canaux comme à V enise , des bazar s de br onze et de p or celaine ; une
four milièr e en mouv ement.
D’O asak a à Kioto , mêmes camp agnes v ertes, mêmes cultur es
plantur euses, mêmes chaînes de montagnes b oisé es. C’ est monotone et le
sommeil me vient.
A l’avant-der nièr e des stations, monte dans mon comp artiment, av e c
de gracieuses ré vér ences, une vieille dame du monde comme il faut, qui
semble é chapp é e d’un é cran à p er sonnag es. D ents laqué es de noir ,
sourcils rasés soigneusement ; r ob e de soie br une av e c des cig ognes br o ché es ;
grandes épingles d’é caille piqué es dans les che v eux rar es. elques mots
aimables s’é chang ent entr e nous en langue jap onaise , et puis je m’ endor s.
n
6CHAP I T RE I I I
! C’ vieille dame qui me ré v eille , très souriante , en
me frapp ant sur les g enoux.K — Okini arigato, okami-san ! ( Grand mer ci, madame !) et je
saute à ter r e , un p eu ahuri au sortir de ce sommeil.
Alor s me v oilà assailli p ar la pléiade des djin-richi-san ¹ . Étant le seul
en costume eur op é en p ar mi cee foule qui débar que , je de viens leur p oint
de mir e à tous. ( A b ord, nous av ons coutume de dir e simplement des djin ;
c’ est br ef et cela va bien à ces hommes cour eur s toujour s en mouv ement
rapide comme des diablotins.) .
C’ est à qui m’ emp ortera, on se dispute et on se p ousse . Mon Dieu, cela
m’ est ég al à moi, je n’ai aucune préfér ence , et je me jee dans la pr emièr e
v oitur e v enue . Mais ils sont cinq qui se pré cipitent, p our s’aeler de vant,
s’aeler en côté , p ousser p ar der rièr e . . . Ah ! non, c’ est b e aucoup tr op ,
1. Djin-richi-san, homme qui traîne la djin-richi-cha .
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