Le jardin : nature et culture chez La Fontaine - article ; n°1 ; vol.34, pg 59-72
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1982 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 59-72
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 97
Langue Français

Extrait

Professeur Marie-Odile
Sweetser
Le jardin : nature et culture chez La Fontaine
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1982, N°34. pp. 59-72.
Citer ce document / Cite this document :
Sweetser Marie-Odile. Le jardin : nature et culture chez La Fontaine. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1982, N°34. pp. 59-72.
doi : 10.3406/caief.1982.2380
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1982_num_34_1_2380LE JARDIN : NATURE ET CULTURE
CHEZ LA FONTAINE
Communication de Mme Marie-Odile SWEETSER
(Chicago)
au XXXllV Congrès de l'Association, le 21 juillet 1981.
Né pendant la Renaissance, l'esprit moderne s'affirme au
dix-septième siècle et se développe dans l'exploration des
forces de la nature et de celles de l'homme. Le philosophe
qui représente le mieux peut-être cet esprit nouveau com
mence sa carrière avec l'ambition d'écrire un Traité du Monde
et la termine avec un Traité des Passions. Noémi Hepp, qui
s'est penchée beaucoup d'érudition et de pénétration
sur l'aspect littéraire de cet esprit moderne, nous présente le
bilan :
Siècle de conquête et non d'acceptation... L'homme du xvii*
siècle n'est pas soumis aux données brutes du monde ; s'il
accepte en général l'autorité..., il est préoccupé aussi de dominer.
Dominer la matière : grandes et puissantes architectures,
jardins géométriques conçus selon des plans autrement vastes
que les jardinets en marqueterie du Moyen Age, jets d'eau et
feux d'artifices qui s'élèvent haut dans le ciel contre la loi
naturelle de la pesanteur. Dominer son corps aussi... Dominer
ses instincts, son cœur... Encore et toujours, se lancer dans des
conquêtes et vaincre (1).
Le jardin, le parc, dessiné par un esprit épris d'ordre, de
symétrie, de beauté, représente un triomphe de l'intelligence
(1) Homère en France au XV № siècle (Paris, Klincksieck, 1968),
pp. 768-769. 60 MARIE-ODILE SWEETSER
humaine sur les forces brutes de la nature (2). Dès le début
de sa carrière, La Fontaine situe deux œuvres inspirées par
la fantaisie, qui échappent à un genre précis, dans des parcs :
Le Songe de Vaux et Psyché. Le cadre de cette dernière est
Versailles, mais, comme le note judicieusement Renée Kohn,
L'ouvrage par bien des aspects appartient encore à la période
de Vaux ; Versailles a succédé à Vaux-le-Vicomte et La Fontaine
passe insensiblement des jardins de l'un aux jardins de l'autre...
La Fontaine a transposé en une œuvre littéraire l'ordonnance
classique qui, à Vaux, présidait aux bâtiments et aux jardins.
Que l'imagination substitue à l'écriture ou parterres,
et l'on aura une image du roman (3).
L'auteur nous propose un plan du roman, groupant les
thèmes de façon symétrique, et montre qu'il correspond à
celui du château et de ses jardins.
Dès le Songe de Vaux, il est évident que les jardins font
partie intégrante des merveilles décrites et contribuent à la
beauté de l'ensemble. Hortésie, la fée des jardins, est mise
sur le même plan que l'Architecture, la Peinture et la Poésie.
L'art de Le Nôtre, paysagiste, contribue aux plaisirs esthé
tiques du maître du lieu et de ses fidèles, et fournit au poète
ceux de la rêverie dans un cadre enchanteur :
Errer dans un jardin, s'égarer dans un bois,
Se coucher sur des fleurs, respirer leur haleine,
Ecouter en rêvant le bruit d'une fontaine,
Ou celui d'un ruisseau roulant sur des cailloux,
Tout cela, je l'avoue, a des charmes bien doux... (4).
La douceur et le silence forment la base même du charme
des jardins et de celui de la fée qui les représente :
(2) Pierre Grimai, L'Art des jardins, 3e éd. (Paris, PUF, 1974),
p. 7 : « Le jardin est l'enclos merveilleux où l'on apprend à tricher
avec les lois de la Nature... Pour cette raison, les jardins d'une
époque sont aussi révélateurs de l'esprit qui l'anime que peuvent
l'être sa sculpture, sa peinture ou les œuvres de ses écrivains. »
(3) Le Goût de La Fontaine (Paris, PUF, 1962), p. 115.
(4) La Fontaine, Le Songe de Vaux dans Œuvres Diverses, éd.
Pierre Clarac, Pléiade (Paris, Gallimard, 1958), p. 86. Cette édition
sera indiquée dans le texte par O.D. et le numéro de la page. LE JARDIN : NATURE ET CULTURE 61
Hortésie... approcha des juges, mais avec un abord si doux
qu'auparavant qu'elle ouvrît la bouche, ils demeurèrent plus
qu'à demi persuadés, et ils eurent beaucoup de peine à ne pas
se laisser corrompre aux charmes même de son silence. (Q.D.,
p. 89.)
Les jardins combinent les attraits physiques de la nature :
fleurs, ombrage, soleil, air pur, nuits douces et tranquilles,
avec les avantages psychologiques et moraux qu'elle offre à
l'homme : absence de soin, « hôte des villes », et de crainte,
« hôtesse des Cours », apaisement des passions que la raison
seule ne parvient pas à calmer. De sages empereurs ont su
trouver dans la retraite de leurs jardins le calme et la paix.
De même, de simples particuliers jouissent dans leur jardin
de l'indépendance, de la puissance d'un roi :
De mes sujets je fais des princes. (O.D., p. 90.)
Le jardin fournit aux besoins matériels de l'homme grâce
à ses fruits, il satisfait surtout ses besoins esthétiques : fleurs,
verdure, évasion dans un monde de rêve (5), enfin ses besoins
moraux : tranquillité, solitude, indépendance.
L'art des jardins fait appel au savoir, c'est-à-dire aux
facultés intellectuelles, et aux mains, au travail physique :
Les vergers, les parcs, les jardins,
De mon savoir et de mes mains
Tiennent leurs grâces nonpareilles... (O.D., pp. 90-91.)
Parmi les merveilles de l'art se placent les fontaines, bassins
et jeux d'eau :
Je donne au liquide cristal
Plus de cent formes différentes,
Et le mets tantôt en canal,
Tantôt en beautés jaillissantes ;
[ 1
Parfois il dort, parfois il coule
Et toujours il charme les yeux. (O.D., p. 91.)
(5) Philip A. Wadsworth, Young La Fontaine (Evanston, 111. North
western U. Press, 1952), p. 85 : « In Le Sou.çe de Vaux many a
passage suggests that he saw a sort of pastoral paradise in
the gardens of Le Nôtre, as though courtiers and ladies were
playing at love with all the elaborate make-believe of d'Urfé's
aristocratic nymphs and herdsmen. » 62 MARIE-ODILE SWEETSER
Une autre merveille est la présence de la verdure au milieu
de l'hiver, grâce aux soins et à la prévoyance du paysagiste
qui a su, en artiste, utiliser des conifères et des plantes à
feuilles persistantes :
Ses jardins remplis d'arbres verts
Conservaient encore leur grâce,
Malgré la rigueur des hivers. (O.D., p. 90.)
Cette réussite de l'art avait déjà été chantée par Malherbe,
très admiré par La Fontaine dont la vocation poétique aurait
été suscitée par une ode malherbienne (6) :
Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture
Avez toujours des fleurs, et des ombrages verts
Non sans quelque Démon qui défend aux hivers
D'en effacer jamais l'agréable peinture (7).
Hortésie montre bien comment la nature cède « aux
miracles de l'art >. L'art toutefois ne saurait supprimer les
lois fondamentales, telles que le cycle des saisons. Comme les
jardins, Hortésie perd ses charmes et ses beautés durant
l'hiver mais, comme eux, « elle reprend aussi tous les ans
de nouvelles forces > (O.D., p. 92). Ses productions sont
plus fragiles, moins durables que celles de la poésie, qui
exprime les beautés de la nature pour les siècles à venir :
Les charmes qu'Hortésie épand sous ses ombrages
Sont plus beaux dans mes vers qu'en ses propres ouvrages ;
Elle embellit les fleurs de traits moins éclatants :
C'est chez moi qu'il faut voir les trésors du printemps,
(O.D., p. 94)
(6) Deux allusions de La Fontaine à Malherbe montrent qu'il le
considérait comme un maître dans : « Le Meunier, son fils et l'Ane »,
Fables, III, 1, p. 83, et dans YEpitre à Huet, O. D., p. 649. D'excellents
connaisseurs ont souligné l'influence de Malherbe sur La Fontaine,
voir : Jean Hytier, « La Vocation lyrique de La Fontaine », French
Studies

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