La Désobéissance civile  Henry David Thoreau
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De grand coeur, j’accepte la devise : « Le gouvernement le meilleur est celui qui
gouverne le moins »et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique.
Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également : « que
le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout »et lorsque les
hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront.
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La Dsobissance civile Publication: 1849 Source : Livres & Ebooks Henry David Thoreau De grand coeur, jaccepte la devise : Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins et jaimerais la voir suivie de manire plus rapide et plus systmatique. Pousse fond, elle se ramne ceci auquel je crois galement : que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout et lorsque les hommes y seront prpars, ce sera le genre de gouvernement quils auront. Tout gouvernement nest au mieux quune utilit mais la plupart des gouvernements, dhabitude, et tous les gouvernements, parfois, ne se montrent gure utiles. Les nombreuses objections -et elles sont de taille -quon avance contre une arme permanente mritent de prvaloir ; on peut aussi finalement les allguer contre un gouvernement permanent. Larme permanente nest que larme dun gouvernement permanent. Le gouvernement lui-mme -simple intermdiaire choisi par les gens pour excuter leur volont -, est galement susceptible dtre abus et perverti avant que les gens puissent agir par lui. Tmoin en ce moment la guerre du Mexique, oeuvre dun groupe relativement restreint dindividus qui se servent du gouvernement permanent comme dun outil ; car au dpart, jamais les gens nauraient consenti cette entreprise. Le gouvernement amricain -quest-ce donc sinon une tradition, toute rcente, qui tente de se transmettre intacte la postrit, mais perd chaque instant de son intgrit ? Il na ni vitalit ni lnergie dun seul homme en vie, car un seul homme peut le plier sa volont. Cest une sorte de canon en bois que se donnent les gens. Mais il nen est pas moins ncessaire, car il faut au peuple des machineries bien compliques -nimporte lesquelles pourvu quelles ptaradent -afin de rpondre lide quil se fait du gouvernement. Les gouvernements nous montrent avec quel succs on peut imposer aux hommes, et mieux, comme ceux-ci peuvent sen imposer eux-mmes, pour leur propre avantage. Cela est parfait, nous devons tous en convenir. Pourtant, ce gouvernement na jamais de lui-mme encourag aucune entreprise, si ce nest par sa promptitude sesquiver. Ce nest pas lui qui garde au pays sa libert, ni lui qui met lOuest en valeur, ni lui qui instruit. Cest
le caractre inhrent au peuple amricain qui accomplit tout cela et il en aurait fait un peu plus si le gouvernement ne lui avait souvent mis des btons dans les roues. Car le gouvernement est une utilit grce laquelle les hommes voudraient bien arriver vivre chacun sa guise, et, comme on la dit, plus il est utile, plus il laisse chacun des gouverns vivre sa guise. Le commerce et les affaires sils navaient pas de ressort propre, narriveraient jamais rebondir par-dessus les embches que les lgislateurs leur suscitent perptuellement et, sil fallait juger ces derniers en bloc sur les consquences de leurs actes, et non sur leurs intentions, ils mriteraient dtre classs et punis au rang des malfaiteurs qui sment des obstacles sur les voies ferres. 1 Mais pour parler en homme pratique et en citoyen, au contraire de ceux qui se disent anarchistes, je ne demande pas demble point de gouvernement , mais demble un meilleur gouvernement. Que chacun fasse connatre le genre de gouvernement qui commande son respect et ce sera le premier pas pour lobtenir. Aprs tout, la raison pratique pour laquelle, le pouvoir une fois aux mains du peuple, on permet une majorit de rgner continment sur une longue priode ne tient pas tant aux chances quelle a dtre dans le vrai, ni lapparence de justice offerte la minorit, qu la prminence de sa force physique. Or un gouvernement, o la majorit rgne dans tous les cas, ne peut tre fond sur la justice, mme telle que les hommes lentendent. Ne peut-il exister de gouvernement o ce ne seraient pas les majorits qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience ? O les majorits ne trancheraient que des questions justiciables de la rgle dopportunit ? Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au lgislateur ? quoi bon la conscience individuelle alors ? Je crois que nous devrions tre hommes dabord et sujets ensuite. Il nest pas souhaitable de cultiver le mme respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui mincombe est de faire bien. On a dit assez justement quun groupement dhommes na pas de conscience, mais un groupement dhommes consciencieux devient un groupement dou de conscience. La loi na jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par leffet du respect quils lui tmoignent les gens les mieux intentionns se font chaque jour les commis de linjustice. Le rsultat courant et naturel dun respect indu pour la loi, cest quon peut voir une file de militaires,
colonel, capitaine, caporal et simples soldats, enfants de troupe et toute la clique, marchant au combat par monts et par vaux dans un ordre admirable contre leur gr, que dis-je ? contre leur bon sens et contre leur conscience, ce qui rend cette marche fort pre en vrit et prouvante pour le coeur. Ils nen doutent pas le moins du monde : cest une vilaine affaire que celle o ils sont engags. Ils ont tous des dispositions pacifiques. Or, que sont-ils ? Des hommes vraiment ? ou bien des petits fortins, des magasins ambulants au service dun personnage sans scrupules qui dtient le pouvoir ? Visitez lArsenal de la Flotte et arrtez-vous devant un fusilier marin, un de ces hommes comme peut en fabriquer le gouvernement amricain ou ce quil peut faire dun homme avec sa magie noire ; ombre rminiscente de lhumanit, un homme debout vivant dans son suaire et dj, si lon peut dire, enseveli sous les armes, avec les accessoires funraires, bien que peut-tre Ni tambour, ni musique alors naccompagnrent Sa dpouille, au rempart emmene au galop ; Nulles salves dadieu, de mme, nhonorrent 2 La tombe o nous avions couch notre hros La masse des hommes sert ainsi ltat, non point en humains, mais en machines avec leur corps. Cest eux larme permanente, et la milice, les geliers, les gendarmes, la force publique, etc. La plupart du temps sans exercer du tout leur libre jugement ou leur sens moral ; au contraire, ils se ravalent au niveau du bois, de la terre et des pierres et on doit pouvoir fabriquer de ces automates qui rendront le mme service. Ceux-l ne commandent pas plus le respect quun bonhomme de paille ou une motte de terre. Ils ont la mme valeur marchande que des chevaux et des chiens. Et pourtant on les tient gnralement pour de bons citoyens. Dautres, comme la plupart des lgislateurs, des politiciens, des juristes, des ministres et des fonctionnaires, servent surtout ltat avec leur intellect et, comme ils font rarement de distinctions morales, il arrive que sans le vouloir, ils servent le Dmon aussi bien que Dieu. Une lite, les hros, les patriotes, les martyrs, les rformateurs au sens noble du terme, et des hommes, mettent aussi leur conscience au service de ltat et en viennent forcment, pour la plupart lui rsister. Ils sont couramment traits par lui en ennemis. Un sage ne servira quen sa
qualit dhomme et ne se laissera pas rduire tre la glaise qui bouche le trou par o soufflait le vent ; il laisse ce rle ses cendres pour le moins. Je suis de trop haut lieu pour me laisser approprier Pour tre un subalterne sous contrle Le valet et linstrument commode Daucun tat souverain de par le monde Celui qui se voue corps et me ses semblables passe leurs yeux pour un bon rien, un goste, mais celui qui ne leur voue quune parcelle de lui-mme est salu des titres de bienfaiteur et philanthrope. Quelle attitude doit adopter aujourdhui un homme face au gouvernement amricain ? Je rpondrai quil ne peut sans dchoir sy associer. Pas un instant, je ne saurais reconnatre pour mon gouvernement cette organisation politique qui est aussi le gouvernement de lesclave. Tous les hommes reconnaissent le droit la rvolution, cest--dire le droit de refuser fidlit et allgeance au gouvernement et le droit de lui rsister quand sa tyrannie ou son incapacit sont notoires et intolrables. Il nen est gure pour dire que cest le cas maintenant. Mais ce ltait, pense-t-on, la Rvolution de 1775. Si lon venait me dire que le gouvernement dalors tait mauvais, parce quil taxait 3 certaines denres trangres entrant dans ses ports, il y aurait gros parier que je men soucierais comme dune guigne, car je peux me passer de ces produits-l. Toutes les machines ont leur friction et peut-tre celle-l fait-elle assez de bien pour contrebalancer le mal. En tout cas, cest une belle erreur de faire tant dembarras pour si peu. Mais quand la friction en arrive avoir sa machine et que loppression et le vol sont organiss, alors je dis dbarrassons-nous de cette machine . En dautres termes, lorsquun sixime de la population dune nation qui se prtend le havre de la libert est compos desclaves, et que tout un pays est injustement envahi et conquis par une arme trangre et soumis la loi martiale, je pense quil nest pas trop tt pour les honntes gens de se soulever et de passer la rvolte. Ce devoir est dautant plus imprieux que ce nest pas notre pays qui
est envahi, mais que cest nous lenvahisseur. Paley qui fait gnralement autorit en matire de morale, dans son chapitre intitul Sur le devoir de la soumission au Gouvernement civil , ramne toute obligation civique une formule dopportunisme et il poursuit Aussi longtemps que lintrt de toute la socit lexige, cest--dire tant quon ne peut rsister au gouvernement tabli ou le changer sans troubler lordre public, la volont de Dieu est dobir au gouvernement tabli et de ne plus... Ce principe, une fois admis, la justice de chaque cas particulier de rsistance se rduit une valuation de limportance du danger et du grief dune part, et de la probabilit et du prix de la rforme dautre part. Sur ce point, dit-il, chacun est juge. Mais Paley semble navoir jamais envisag de cas auxquels la rgle dopportunisme nest pas applicable, o un peuple aussi bien quun individu doit faire justice, tout prix. Si jai injustement arrach une planche lhomme qui se noie, je dois la lui rendre au risque de me noyer. Ceci, selon Paley, serait inopportun. Mais celui qui, dans un tel cas, voudrait sauver sa vie, la perdrait. Ce peuple doit cesser de maintenir lesclavage et de porter la guerre au Mexique, mme au prix de son existence nationale. Dans la pratique, les nations sont daccord avec Paley, mais y a-t-il quelquun pour penser que le Massachusetts agisse en toute justice dans la conjoncture actuelle ? Dans ses brocards de pute, un tat qui tapine La trane porte haut, et lme la sentine. 4 En langage clair, ce nest pas la kyrielle de politiciens du Sud qui soppose une rforme au Massachusetts, mais la kyrielle de marchands et de fermiers qui sintressent davantage au commerce et lagriculture qu lhumanit et qui ne sont nullement prts rendre justice lesclave et au Mexique, tout prix. Je ne cherche pas querelle des ennemis lointains mais ceux qui, tout prs de moi, collaborent avec ces ennemis lointains et leur sont soumis : privs daide ces
gens-l seraient inoffensifs. Nous sommes accoutums de dire que la masse des hommes nest pas prte ; mais le progrs est lent, parce que llite nest, matriellement, ni plus avise ni meilleure que la masse. Le plus important nest pas que vous soyez au nombre des bonnes gens mais quil existe quelque part une bont absolue, car cela fera lever toute la pte. Il y a des milliers de gens qui par principe sopposent lesclavage et la guerre mais qui en pratique ne font rien pour y mettre un terme ; qui se proclamant hritiers de Washington ou de Franklin, res-tent plants les mains dans les poches dire quils ne savent que faire et ne font rien ; qui mme subordonnent la question de la libert celle du libre change et lisent, aprs dner, les nouvelles de la guerre du Mexique avec la mme placidit que les cours de la Bourse et peut-tre, sendorment sur les deux. Quel est le cours dun honnte homme et dun patriote aujourdhui ? On tergiverse, on dplore et quelquefois on ptitionne, mais on nentreprend rien de srieux ni deffectif. On attend, avec bienveillance, que dautres remdient au mal, afin de navoir plus le dplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon march, un maigre encouragement, un Dieu vous assiste la justice quand elle passe. Il y a 999 dfenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux. Mais il est plus facile de traiter avec le lgitime possesseur dune chose quavec son gardien provisoire. Tout vote est une sorte de jeu, comme les checs ou le trictrac, avec en plus une lgre nuance morale o le bien et le mal sont lenjeu ; les problmes moraux et les paris, naturellement laccompagnent. Le caractre des votants est hors jeu. je donne mon vote, cest possible, ce que jestime juste ; mais il ne mest pas dune importance vitale que ce juste lemporte. Je veux bien labandonner la majorit. Son urgence simpose toujours en raison de son opportunit. Mme voter pour ce qui est juste, ce nest rien faire pour la justice. Cela revient exprimer mollement votre dsir quelle lemporte. Un sage nabandonne pas la justice aux caprices du hasard ; il ne souhaite pas non plus quelle lemporte par le pouvoir dune majorit. Il y a bien peu de vertu dans laction des masses humaines. Lorsqu la longue la majorit votera pour labolition de lesclavage, ce sera soit par indiffrence lgard de lesclavage, soit pour la raison quil ne restera plus desclavage abolir par le vote. Ce seront eux, alors, les vritables esclaves. Seul peut hter labolition de lesclavage, celui qui, par son vote, affirme sa propre libert. 5 Jentends parler dune Convention prvue Baltimore ou ailleurs pour choisir
un candidat la Prsidence ; cette Convention serait principalement constitue de rdacteurs en chef de journaux et de politiciens de carrire ; mais moi, je me dis : quimporte un homme indpendant, intelligent et respectable la dcision o ils peuvent aboutir ? Naurons-nous pas quand mme le bnfice de la sagesse et de lhonntet de cet homme-l ? Ne pouvons-nous tabler sur des votes indpendants ? Le pays ne compte-t-il pas nombre dindividus qui nassistent pas aux conventions ? Mais non, je maperois que des hommes honorables, ou soidisant tels, ont immdiatement dvi de leur position et dsesprent de leur pays, alors que leur pays aurait bien plutt sujet de dsesprer deux. Ils adoptent sans tarder un des candidats ainsi choisis comme le seul disponible, prouvant ainsi leur propre disponibilit aux desseins du dmagogue. Leur voix na pas plus de valeur que celle dun quelconque tranger sans principes ou dun Amricain qui sest vendu. Oh ! que ne puis-je trouver un homme, un vrai, comme dit lautre pas une chiffe quon retourne comme un gant ! Nos statistiques sont en dfaut : le chiffre de la population a t surfait. Combien dhommes y a-t-il dans ce pays pour 1 000 m2 ? peine un. LAmrique noffre-t-elle pas aux hommes la moindre tentation de venir sy fixer ? LAmricain sest rduit ntre quun Membre Affili -type reconnaissable lhypertrophie de son sens grgaire et un manque manifeste dintellect et dallgre confiance en soi -dont le premier et le principal souci en venant au monde est de veiller lentretien des Hospices et -avant mme davoir endoss comme il se doit la Toge virile -de sen aller ouvrir une souscription pour le soutien des veuves et des orphelins ventuels ; qui, en un mot, ne saventure vivre que soutenu par sa Compagnie dAssurances Mutuelles, en change de la promesse dun bel enterrement. Ce nest une obligation pour personne, bien sr, de se vouer lextirpation de tel ou tel mal, aussi criant et injuste soit-il ; on peut trs bien se consacrer dautres poursuites ; mais quau moins on ne sen lave pas les mains : ne pas accorder ce mal dattention soutenue ne veut pas dire quil faille lui accorder un appui de fait. Si je me livre dautres activits, dautres projets, il me faudrait au moins veiller dabord ne pas les poursuivre juch sur les paules dautrui. Je dois dabord en descendre pour permettre mon prochain de poursuivre, lui aussi, ses projets. Voyez quelle grossire ambigut on tolre ! Jai entendu dire certains de mes compatriotes : Il ferait beau voir quon me mette en demeure daider mater une rvolte des esclaves ou de me mobiliser pour le Mexique. Vous verriez si jirais ! ; et pourtant, ces mmes hommes ont chacun directement par leur obissance, et de la sorte indirectement par leur argent, avanc un remplaant. Il est applaudi le soldat qui refuse de servir dans une guerre injuste, par ceux-l mmes qui ne
6 refusent pas de servir le gouvernement injuste qui fait la guerre ; il est applaudi par ceux-l mmes dont il ddaigne et rduit nant lautorit ; comme si ltat devenu pnitent allait jusqu engager quelquun pour se faire fouetter au moment du pch, sans sarrter un instant de pcher pour autant. Ainsi, sous le nom dOrdre et de Gouvernement Civique, nous sommes tous amens rendre hommage et allgeance notre propre mdiocrit. On rougit dabord de son crime et puis on sy habitue ; et le voil qui dimmoral devient amoral et non sans usage dans la vie que nous nous sommes fabrique. Lerreur la plus vaste et la plus rpandue exige pour la soutenir la vertu la plus dsintresse. Le lger reproche auquel se prte dhabitude la vertu de patriotisme, ce sont les mes nobles qui sont les plus susceptibles de lencourir. Les gens qui, tout en dsapprouvant le caractre et les mesures dun gouvernement, lui concdent leur obissance et leur appui sont sans conteste ses partisans les plus zls et par l, frquemment, lobstacle le plus srieux aux rformes. Daucuns requirent ltat de dissoudre lUnion, de passer outre aux injonctions du Prsident. Pourquoi ne pas la dissoudre eux-mmes -lunion entre eux et ltat -en refusant de verser leur quote-part au Trsor ? Nont-ils pas vis--vis de ltat la mme relation que ltat vis--vis de lUnion ? Et les mmes raisons qui les ont empchs de rsister lUnion, ne les ont-elles pas empchs de rsister ltat ? Comment peut-on se contenter davoir tout bonnement une opinion et se complaire a ? Quel plaisir peut-on trouver entretenir lopinion quon est opprim ? Si votre voisin vous refait, ne serait-ce que dun dollar, vous ne vous bornez pas constater, proclamer quil vous a roul, ni mme faire une ptition pour quil vous restitue votre d ; vous prenez sur-le champ des mesures nergiques pour rentrer dans votre argent et vous assurer contre toute nouvelle fraude. Laction fonde sur un principe, la perception et laccomplissement de ce qui est juste, voil qui change la face des choses et des relations ; elle est rvolutionnaire par essence, elle na aucun prcdent vritable. Elle ne sme pas seulement la division dans les tats et les glises, mais aussi dans les familles ; bien plus, elle divise lindividu, sparant en lui le diabolique du divin. Il existe des lois injustes : consentirons-nous leur obir ? Tenterons-nous de
les amender en leur obissant jusqu ce que nous soyons arrivs nos fins -ou les transgresserons-nous tout de suite ? En gnral, les hommes, sous un gouvernement comme le ntre, croient de leur devoir dattendre que la majorit se soit rendue leurs raisons. Ils croient que sils rsistaient, le remde serait pire que le mal ; mais si le remde se rvle pire que le mal, cest bien la faute du gouvernement. Cest lui le responsable. Pourquoi nest-il pas plus dispos prvoir et 7 accomplir des rformes ? Pourquoi na-t-il pas dgards pour sa minorit claire ? Pourquoi pousse-t-il les hauts cris et se dfend-il avant quon le touche ? Pourquoi nencourage-t-il pas les citoyens rester en alerte pour lui signaler ses erreurs et amliorer ses propres dcisions ? Pourquoi crucifie-t-il toujours le Christ -pourquoi excommunie-t-il COPERNIC et LUTHER et dnonce-t-il WASHINGTON et FRANKLIN comme rebelles ? On dirait que le refus dlibr et effectif de son autorit est le seul crime que le gouvernement nait jamais envisag, sinon pourquoi na-t-il pas mis au point de chtiment dfini, convenable et appropri ? Si un homme qui ne possde rien refuse, ne serait-ce quune fois, de gagner un dollar au profit de ltat, on le jette en prison pour une dure quaucune loi, ma connaissance, ne dfinit et qui est laisse la discrtion de ceux qui ly ont envoy ; mais vole-t-il mille fois un dollar ltat quon le relche aussitt. Si linjustice est indissociable du frottement ncessaire la machine gouvernementale, laffaire est entendue. Il sattnuera bien lusage -la machine finira par suser, nen doutons pas. Si linjustice a un ressort, une poulie, une corde ou une manivelle qui lui est spcialement dvolue, il est peut-tre grand temps de se demander si le remde nest pas pire que le mal ; mais si, de par sa nature, cette machine veut faire de nous linstrument de linjustice envers notre prochain, alors je vous le dis, enfreignez la loi. Que votre vie soit un contre-frottement pour stopper la machine. Il faut que je veille, en tout cas, ne pas me prter au mal que je condamne. Quant recourir aux moyens que ltat a prvus pour remdier au mal, ces moyens-l, je nen veux rien savoir. Ils prennent trop de temps et la vie dun homme ny suffirait pas. Jai autre chose faire. Si je suis venu au monde, ce nest pour le
transformer en un lieu o il fasse bon vivre, mais pour y vivre, quil soit bon ou mauvais. Un homme na pas tout faire mais quelque chose, et quil nait pas la possibilit de tout faire ne signifie pas quil doive faire quelque chose de mal. Ce nest pas mon affaire de prsenter des ptitions au gouverneur ou au Corps Lgislatif ; a nest pas la leur de men prsenter non plus, car sils ne tiennent pas compte de ma ptition, que devrais-je faire ? Dans ce seul cas, ltat na prvu aucun recours : le mal rside dans la Constitution elle-mme. Cela peut sembler dur, born et intransigeant, mais cest traiter avec la plus extrme bont et considration le seul esprit qui soit mme de lapprcier et de la mriter. Il en est ainsi de tous changements en bien, comme la mort et la vie, qui soprent dans les convulsions. 8 Je nhsite pas le dire : ceux qui se disent abolitionnistes devraient, sur-lechamp, retirer tout de bon leur appui, tant dans leur personne que dans leurs biens, au gouvernement du Massachusetts, et cela sans attendre de constituer la majorit dune voix, pour permettre la justice de triompher grce eux. Sils coutent la voix de Dieu ils nont nul besoin, me semble-t-il, de compter sur une autre voix. En outre, tout homme qui a raison contre les autres, constitue dj une majorit dune voix. Le gouvernement amricain ou son reprsentant, le gouvernement du Massachusetts, je le rencontre directement, et face face, une fois lan -pas plus -en la personne de son percepteur ; cest la seule forme sous laquelle un homme dans ma condition rencontre forcment ltat qui me dit alors clairement : Reconnaismoi. Alors, dans ce cas, la manire la plus simple, la plus efficace et, dans la conjoncture actuelle, la manire la plus urgente de traiter avec lui de la question, et dexprimer la maigre satisfaction et tendresse quil nous inspire, cest de le dsavouer sur lheure. Mon voisin fort civil, le percepteur, est bien lhomme qui jai affaire -car cest tout prendre avec des hommes et non avec des parchemins que jai querelle -et il a dlibrment choisi dtre fonctionnaire. Comment saura-t-il vraiment ce quil est et ce quil fait en sa qualit de fonctionnaire et en sa qualit dhomme ? Jamais tant quil ne sera pas mis en demeure de considrer sil doit me traiter, moi son voisin respect, en voisin et en homme bien intentionn, ou bien en fou furieux et
en perturbateur de lordre public ; tant quil ne sera pas forc de trouver le moyen de surmonter lobstacle nos relations amicales sans cder aux penses et aux paroles discourtoises et violentes qui vont de pair avec ses actes. je suis convaincu que si un millier, si une centaine, si une dizaine dhommes que je pourrais nommer -si seulement dix honntes gens -que dis-je ? Si un seul HONNTE homme cessait, dans notre tat du Massachusetts de garder des esclaves, venait vraiment se retirer de cette confrrie, quitte se faire jeter dans la prison du Comt, cela signifierait labolition de lesclavage en Amrique. Car peu importe quun dbut soit modeste : ce qui est bien fait au dpart est fait pour toujours. Mais nous aimons mieux en discuter -cest cela que nous appelons notre mission. La rforme entretient son service des quantits de journaux, mais pas un seul homme. Si mon digne voisin, lAmbassadeur dtat qui consacre son existence au rglement du problme des droits de lhomme la Chambre du Conseil, au lieu de se laisser menacer des prisons de la Caroline, devait se prsenter en prisonnier du Massachusetts, cet tat qui est si anxieux de rejeter sur sa soeur le crime de lesclavage, encore quil ne puisse ce jour dcouvrir dautre grief lencontre de celle 9 ci quun acte dinhospitalit -le corps lgislatif ncarterait pas tout fait le sujet lhiver prochain. Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, la vritable place dun homme juste est aussi en prison. La place qui convient aujourdhui, la seule place que le Massachusetts ait prvue pour ses esprits les plus libres et les moins abattus, cest la prison dtat. Ce dernier les met dehors et leur ferme la porte au nez. Ne se sont-ils pas mis dehors eux-mmes, de par leurs principes ? Cest l que lesclave fugitif et le prisonnier mexicain en libert surveille, et lIndien venu pour invoquer les torts causs sa race, les trouveront sur ce terrain isol, mais libre et honorable o ltat relgue ceux qui ne sont pas avec lui, mais contre lui : cest, au sein dun tat esclavagiste, le seul domicile o un homme libre puisse trouver un gte honorable. Sil y en a pour penser que leur influence y perdrait et que leur voix ne blesserait plus loreille de ltat, quils napparatraient plus comme lennemi menaant ses murailles, ceux-l ignorent de combien la vrit est plus forte que lerreur, de combien plus dloquence et defficacit est dou dans sa lutte contre linjustice lhomme qui la prouve un peu dans sa personne
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