La joie de vivre
331 pages
Français

La joie de vivre

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Description

La Joie de Vivre est le douzième volume de la série Les Rougon-Macquart. Ce roman oppose le personnage de Pauline qui aime la vie même si celle-ci ne lui apporte guère de satisfactions, à celui de Lazare, être velléitaire et indécis, rongé par la peur de la mort. Il est possible que Zola ait mis une bonne partie de lui-même dans ces deux personnages : très affecté par la mort de sa mère et par celle de Gustave Flaubert, il traverse une crise de doute au moment où il écrit le roman, et les obsessions de Lazare sont un peu les siennes (la vie est inutile, puisque la mort emporte tout)

Informations

Publié par
Nombre de lectures 42
EAN13 9782824702445
Langue Français

Extrait

ÉMI LE ZOLA
LA JOI E DE V I V RE
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LA JOI E DE V I V RE
1884
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0244-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
   sonnaient au coucou de la salle à mang er ,
Chante au p erdit tout esp oir . Il se le va p éniblement du fauteuil où ilC chauffait ses lourdes jamb es de g oueux, de vant un feu de cok e .
D epuis deux heur es, il aendait madame Chante au, qui, après une
absence de cinq semaines, ramenait ce jour-là de Paris leur p etite cousine
Pauline enu, une or pheline de dix ans, dont le ménag e avait accepté la
tutelle .
―  C’ est inconce vable , V ér onique , dit-il en p oussant la p orte de la
cuisine . Il leur est ar rivé un malheur .
La b onne , une grande fille de tr ente-cinq ans, av e c des mains d’homme
et une face de g endar me , était en train d’é carter du feu un gig ot qui allait
êtr e certainement tr op cuit. Elle ne gr ondait p as, mais une colèr e
blêmissait la p e au r ude de ses joues.
― Madame sera r esté e à Paris, dit-elle sè chement. A v e c toutes ces
histoir es qui n’ en finissent plus et qui meent la maison en l’air  !
1La joie de viv r e Chapitr e I
― Non, non, e xpliqua Chante au, la dépê che d’hier soir annonçait le
règlement définitif des affair es de la p etite . . . Madame a dû ar riv er ce
matin à Caen, où elle s’ est ar rêté e p our p asser chez D av oine . A une heur e ,
elle r epr enait le train  ; à deux heur es, elle descendait à Bay eux  ; à tr ois
heur es, l’ omnibus du pèr e Maliv oir e la dép osait à Ar r omanches, et si
même Maliv oir e n’a p as aelé tout de suite sa vieille b erline , madame
aurait pu êtr e ici v er s quatr e heur es, quatr e heur es et demie au plus tard. . .
Il n’y a guèr e que dix kilomètr es d’ Ar r omanches à Bonne ville .
La cuisinièr e , les y eux sur son gig ot, é coutait tous ces calculs, en
hochant la tête . Il ajouta, après une hésitation  :
―  T u de v rais aller v oir au coin de la r oute , V ér onique .
Elle le r eg arda, plus pâle encor e de colèr e contenue .
―  Tiens  ! p our quoi  ? . . . Puisque monsieur Lazar e est déjà dehor s, à
p ataug er à leur r encontr e , ce n’ est p as la p eine que j’aille me cr oer
jusqu’aux r eins.
―  C’ est que , mur mura Chante au doucement, je finis p ar êtr e inquiet
aussi de mon fils. . . Lui non plus ne r ep araît p as. e p eut-il fair e sur la
r oute , depuis une heur e  ?
Alor s, sans p arler davantag e , V ér onique prit à un clou un vieux châle
de laine noir e , dont elle s’ env elopp a la tête et les ép aules. Puis, comme
son maîtr e la suivait dans le cor ridor , elle lui dit br usquement  :
― Retour nez donc de vant v otr e feu, si v ous ne v oulez p as gueuler
demain toute la jour né e , av e c v os douleur s.
Et, sur le p er r on, après av oir r efer mé la p orte à la v olé e , elle mit ses
sab ots et cria dans le v ent  :
― Ah  ! Dieu de Dieu  ! en v oilà une mor v euse qui p eut se flaer de
nous fair e tour ner en b our rique  !
Chante au r esta p aisible . Il était accoutumé aux violences de cee fille ,
entré e chez lui à l’âg e de quinze ans, l’anné e même de son mariag e . Lor
squ’il n’ entendit plus le br uit des sab ots, il s’é chapp a comme un é colier
en vacances et alla se planter , à l’autr e b out du couloir , de vant une p orte
vitré e qui donnait sur la mer . Là , il s’ oublia un instant, court et v entr u,
le teint coloré , r eg ardant le ciel de ses gr os y eux bleus à fleur de tête ,
sous la caloe neig euse de ses che v eux coup és ras. Il était à p eine âg é
de cinquante-six ans  ; mais les accès de g oue dont il souffrait l’avaient
2La joie de viv r e Chapitr e I
vieilli de b onne heur e . Distrait de son inquiétude , les r eg ards p erdus, il
song e ait que la p etite Pauline finirait bien p ar fair e la conquête de V ér
onique .
Puis, était-ce sa faute  ? and ce notair e de Paris lui avait é crit que
son cousin enu, v euf depuis six mois, v enait de mourir à son tour en
le char g e ant p ar testament de la tutelle de sa fille , il ne s’était p as senti la
for ce de r efuser . Sans doute on ne se v o yait guèr e , la famille se tr ouvait
disp er sé e , le pèr e de Chante au avait jadis cré é à Caen un commer ce de
b ois du Nord, après av oir quié le Midi et bau toute la France , comme
simple ouv rier char p entier  ; tandis que le p etit enu, dès la mort de
sa mèr e , était débar qué à Paris, où un autr e de ses oncles lui avait plus
tard cé dé une grande char cuterie , en plein quartier des Halles. Et on
s’était à p eine r encontré deux ou tr ois fois, lor sque Chante au, for cé p ar ses
douleur s de quier son commer ce , avait fait des v o yag es à Paris, afin
de consulter les célébrités mé dicales. Seulement, les deux hommes s’
estimaient, le mourant rê vait p eut-êtr e p our sa fille l’air salubr e de la mer .
Celle-ci d’ailleur s, héritant de la char cuterie , serait loin d’êtr e une char g e .
Enfin, madame Chante au avait accepté , même si viv ement, qu’ elle avait
v oulu é viter à son mari la fatigue dang er euse d’un v o yag e , p artant seule ,
baant le p avé , réglant les affair es, av e c son continuel b esoin d’activité  ;
et il suffisait à Chante au que sa femme fût contente .
Mais p our quoi n’ar rivaient-elles p as toutes les deux  ? Ses craintes le
r epr enaient, en face du ciel livide , où le v ent d’ ouest emp ortait de grands
nuag es noir s, comme des haillons de suie , dont les dé chir ur es traînaient
au loin dans la mer . C’était une de ces tempêtes de mar s, lor sque les
maré es de l’é quino x e baent furieusement les côtes. Le flot, qui commençait
seulement à monter , ne meait encor e sur l’horizon qu’une bar r e blanche ,
une é cume mince et p erdue  ; et la plag e , si lar g ement dé couv erte ce
jourlà , cee lieue de r o cher s et d’algues sombr es, cee plaine rase , salie de
flaques, taché e de deuil, pr enait une mélancolie affr euse , sous le
crépuscule tombant de la fuite ép ouvanté e des nuag es.
― Peut-êtr e bien que le v ent les a chaviré es dans un fossé , mur mura
Chante au.
Un b esoin de v oir le p oussait. Il ouv rit la p orte vitré e , risqua ses
chaussons de lisièr es sur le gravier de la ter rasse , qui dominait le villag e .
3La joie de viv r e Chapitr e I
elques g oues de pluie v olant dans l’ ourag an lui cinglèr ent le visag e ,
un souffle ter rible fit claquer son v eston de gr osse laine bleue . Mais il
s’ entêtait, sans casquee , le dos ar r ondi  ; et il vint s’accouder au p arap et,
p our sur v eiller la r oute , en bas. Cee r oute dé valait entr e deux falaises,
on aurait dit un coup de hache dans le r o c, une fente qui avait laissé
couler les quelques mètr es de ter r e , où se tr ouvaient planté es les vingt-cinq à
tr ente masur es de Bonne ville . Chaque maré e semblait de v oir les é craser
contr e la ramp e , sur leur lit étr oit de g alets. A g auche , il y avait un p etit
p ort d’é chouag e , une bande de sable , où des hommes hissaient à cris
régulier s une dizaine de bar ques. Ils n’étaient p as deux cents habitants, ils
vivaient de la mer , fort mal, collés à leur r o cher av e c un entêtement
stupide de mollusques. Et, au-dessus des misérables toits, défoncés chaque
hiv er p ar les vagues, on ne v o yait sur les falaises, à demi-p ente , que
l’église à dr oite , et que la maison des Chante au à g auche , sép aré es p ar le
ravin de la r oute . C’était là tout Bonne ville .
― Hein  ? quel fichu temps  ! cria une v oix.
Ayant le vé les y eux, Chante au r e connut le curé , l’abbé Horteur , un
homme trapu, à encolur e de p ay san, dont les cinquante ans n’avaient p as
encor e pâli les che v eux r oux. D e vant l’église , sur le ter rain du cimetièr e ,
le prêtr e s’était réser vé

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