La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan - article ; n°1 ; vol.46, pg 243-257
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1994 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 243-257
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 35
Langue Français

Extrait

David Whitton
La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1994, N°46. pp. 243-257.
Citer ce document / Cite this document :
Whitton David. La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1994, N°46. pp. 243-257.
doi : 10.3406/caief.1994.1845
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1994_num_46_1_1845MISE EN SCÈNE EN FRANCE LA
DEPUIS 1960: LE CAS DOM JUAN
Communication de M. David WHITTON
(Université de Lancaster)
au XLVe Congrès de l'Association, le 21 juillet 1993
A certains moments dans la vie d'une société, telle
ou telle œuvre dramatique se dresse comme un phare
pour illuminer les préoccupations majeures de l'époque.
Nul doute que dans le théâtre français de ces derniers
quarante ans, Dom Juan n'ait pris la figure d'un de ces
talismans. Œuvre longtemps réputée aberrante, sinon
injouable, elle est devenue l'une des pièces de prédilec
tion des praticiens du théâtre. Depuis Jouvet et Vilar,
jusqu'à Maréchal et Rosner, en passant par Bourseiller,
Chéreau, Sobel, Planchon, Vitez, Philippe Caubère,
Maurice Bénichou, Jean-Luc Boutté, Francis Huster,
Jean-Luc Moreau, la liste est longue des metteurs en
scène qui en ont signé une version. Évidemment il n'est
pas question de les étudier ici dans le détail. Je me
propose plutôt de m'attacher à certaines réalisations
qui puissent en même temps représenter les grandes
lignes de l'évolution de la mise en scène. Car l'histoire
de la réalisation scénique d'une pièce est aussi, en quel
que sorte, une histoire de la mise en scène elle-même,
d'autant plus lorsque l'œuvre est une pièce clef du ré
pertoire. Mon but est donc ici de résumer les multiples 244 DAVID WHITTON
mutations de la pièce, en dégageant à la fois le déve
loppement de la tradition scénique moderne de Dom
Juan, et la lumière qu'elle projette sur la pratique de la
mise en scène.
Pour tenir compte de ce phénomène, pourtant, il faut
remonter un peu dans la préhistoire — préhistoire, dans
le cadre du présent colloque, c'est ce qui précède 1960.
De fait, l'histoire scénique de Dom Juan est assez r
emarquable. Retirée de l'affiche après quinze représen
tations en 1665, la pièce n'a pas été reprise du vivant de
l'auteur et n'a été connue pendant près de deux cents
ans que dans la version édulcorée en vers de Thomas
Corneille. Ce n'est qu'en 1841 que Robert Kemp songe
à reprendre le texte original de Molière, qu'il monte
dans le style romantique du jour. Les reprises de Dom
Juan pendant la seconde moitié du XIXe siècle, peu
fréquentes et parfois partielles, n'ont guère contribué à
faire ressortir le véritable intérêt de la pièce. Au début
du XXe siècle, malgré l'intérêt que lui porte un Gémier
(à qui est due la reprise à l'Odéon, en 1922) ou un
Copeau (qui a formulé un projet de mise en scène en
1917), elle garde encore sa réputation de pièce mal bâtie,
«incohérente» (E. Faguet) ou même, comme on disait
couramment, de pièce injouable. D'ailleurs, on la dis
tinguait mal de la légende populaire, prêtant au Dom
Juan de Molière des attributs mozartiens, nietzschéens
ou vaguement romantiques qui en masquaient la
spécificité.
La fin de ce long purgatoire ne date que de 1947.
C'est Louis Jouvet qui, le premier, découvre à la fois la
profondeur de la pièce et son unité dramatique. Sa
remarquable mise en scène de Dom Juan (Théâtre de LA MISE EN SCÈNE DE DOM JUAN 245
l'Athénée, 24.12.47) doit sa réussite au fait que Jouvet,
se débarrassant de tous les préjugés entourant la pièce,
croyait passionnément à ses qualités. Car Dom Juan,
écrit-il dans ses notes de mise en scène, est tout simple
ment la seule pièce qu'il importe à un homme de voir et
d'entendre une fois dans sa vie (1). Si grandiose que
cette idée puissse paraître, elle était pleinement justifiée
aux yeux de Jouvet par l'importance du sujet. Pour lui,
évidemment, il ne s'agissait pas de l'histoire banale d'un
séducteur trivial, ni même d'une pièce simplement mor
ale, mais d'une œuvre qui traite du sens de la vie, de
la mort et de l'au-delà. Il s'agissait, dans ses propres
mots, de « l'angoisse de l'homme vis-à-vis de son destin :
c'est de salut et de damnation qu'il est question dans le
Dom Juan de Molière. » (2)
L'interprétation proposée par Jouvet était donc e
ssentiellement celle d'un drame métaphysique. En cela
elle reflète l'orientation humaniste des hommes du Cart
el. Avec Jean Vilar l'accent commence déjà à se déplac
er. Dom Juan, qu'il a monté d'abord à Avignon en
1953, puis à Chaillot, était destiné à remplir une place
spéciale dans le répertoire du TNP. Et la mission civique
du TNP, comme l'on sait, conjuguait la recherche de la
qualité artistique avec un impératif social. C'est en cela
que son choix d'un Dom Juan résolument athée me
semble significatif. L'athéisme de Dom Juan, tel que
Vilar l'a joué, n'était pas une question à débattre mais
une donnée. Alors que Jouvet a trouvé le drame dans
la quête spirituelle d'un homme qui refuse de croire,
Vilar braque le projecteur sur les conséquences philo
sophiques - et sociales - de son athéisme :
(1) Jouvet, Recueil de notes pour la mise en scène de Dom Juan (inédit),
B.N , Arts du Spectacle.
(2) Jouvet, Témoignages sur le théâtre, Paris, Flammarion, 1951, p. 32. DAVID WHITTON 246
Molière en fait un athée, c'est certain. Ou, comme l'on disait
alors, un libertin - le mot latin, n'est-ce pas? liber (3).
Autrement dit, le Dom Juan de Vilar pose le problème
de la liberté de l'homme dans un monde sans Dieu.
Bien qu'il n'approuve pas nécessairement la conduite
de Dom Juan, Vilar reconnaît en lui un homme coura
geux qui va jusqu'au bout de sa liberté. Ainsi, son
Dom Juan rappelle aux spectateurs qu'ils sont libres
eux aussi, et les invite à réfléchir sur les conséquences
de leur propre liberté.
Bref, si Jouvet a démontré la valeur dramatique de
l'œuvre, Vilar lui donne sa place au centre du répertoire
populaire. Sa mise en scène marque également les débuts
d'un processus de démythification de la légende don
juanesque, démythification qui deviendra tout simple
ment axiomatique pour la génération suivante des met
teurs en scène. On peut dire que sa mise en scène consti
tue, avec celle de Jouvet, la seconde étape nécessaire de
la résurrection de Dom Juan. Ces deux réalisations
constituent aussi, naturellement, des points de référence
pour les metteurs en scène ultérieurs.
Le retour aux classiques dans la période de l'après-
guerre est inséparable de l'expansion du « secteur public »
et de l'implantation des théâtres de la décentralisation.
Ce n'est pas par hasard que tout le répertoire de la
première période de la décentralisation est fortement
marqué par la présence dominante de Molière, phéno
mène auquel vient un peu plus tard s'ajouter Dom Juan.
Outre la version de Vilar au TNP, la pièce figure au
programme du Festival du Marais en 1964, dans une
mise en scène de Jean Dasté et, la même année, au
Centre Dramatique du Nord, mise en scène par André
Reybaz. En 1965, le Théâtre de la Culture de l'Ile de
(3) Jean Vilar par lui-même, Avignon, 1991, p. 145. LA MISE EN SCÈNE DE DOM JUAN 247
France monte une tournée avec Dom Juan, mis en
scène par Roland Manuel. Si je retiens ces exemples,
c'est qu'ils illustrent bien le rayonnement, au-delà de la
grande période du TNP, de l'idée préconisée par Vilar
d'un programme de «théâtre culturel» axé sur la ren
contre du public populaire avec l'héritage classique.
Toujours dans le sillon de Vilar, le choix de Dom Juan
en 1970 pour inaugur

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