Le vers de théâtre au XVIe siècle - article ; n°1 ; vol.52, pg 267-278
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2000 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 267-278
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 30
Langue Français

Extrait

Monsieur Franck Lestringant
Le vers de théâtre au XVIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2000, N°52. pp. 267-278.
Citer ce document / Cite this document :
Lestringant Franck. Le vers de théâtre au XVIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2000,
N°52. pp. 267-278.
doi : 10.3406/caief.2000.1393
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2000_num_52_1_1393VERS DE THEATRE AU XVIe SIECLE LE
Communication de M. Frank LESTRINGANT
(Université de Paris-Sorbonne)
au LIe Congrès de l'Association, le 8 juillet 1999
Le vers de théâtre, au XVIe siècle, est employé dans la
tragédie comme dans la comédie où triomphe l'octo
syllabe, proche de la prose parlée. Il en allait de même
déjà dans la farce médiévale. Je me bornerai ici au cas de
la tragédie, le plus riche, le plus varié et le plus foison
nant. A la différence de la comédie, où la prose concurren
ce le vers, et où le vers, quand il est employé, reste pure
ment instrumental, presque toujours uniforme dans le
mètre et la rime, la tragédie apparaît comme un extraordi
naire laboratoire de formes prosodiques.
Dans la tragédie, il convient en effet de distinguer entre
le vers dramatique et le vers lyrique. Les parties dramat
iques varient peu, partagées entre alexandrins et décasyll
abes, le décasyllabe restant longtemps le mètre épique, le
plus convenable au grand genre, celui que, pour cette rai
son, Ronsard adopte dans La Franciade, avec les consé
quences que l'on sait. L'alexandrin, d'abord senti comme
plus prosaïque, finit toutefois par triompher dès le temps
de Robert Garnier.
En revanche, la variété est presque infinie dans les part
ies chorales. On peut avoir des chœurs hétérométriques
ou isométriques, une suite de strophes identiques ou la
grande ode pindarique, avec succession ternaire de
strophe, antistrophe et épode. Comme le note Marie-
Madeleine Fragonard, la pratique de garder dans les 268 FRANK LESTRINGANT
chœurs de tragédies des poèmes à forme fixe est un héri
tage des mystères (1). Mais ces poèmes incrustés dans la
matière tragique changent de forme à partir de la Pléiade:
au lieu des traditionnels rondeaux, chansons et ballades,
c'est désormais l'ode renouvelée de l'antique. C'est que le
chœur n'est pas seulement récité, mais psalmodié ou
chanté, ce qui ne manque pas de poser une difficulté tech
nique. Aussi Jacques Grévin, dans son César, prend-il le
parti de mettre en scène un chœur de soldats qui, au lieu
de chanter, disent et déclament. Le chant, ajoute Grévin,
ne serait pas de mise dans les circonstances tragiques que
représente l'action (2).
ABRAHAM SACRIFIANT
Le cas de l'Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze, joué
en 1550 à Lausanne, est représentatif de cette hésitation
entre drame et lyrisme, entre action « réaliste » et transpos
ition poétique. C'est la première pièce dans notre théâtre
à porter le titre de « tragédie ». Mais cette « Tragedie Fran
çoise » rappelle par son sujet et son ton simple et familier
le Mystère du Viel Testament. Dans cette tragédie encore
atypique, de Bèze a multiplié les innovations discrètes. Il
a fortement resserré l'action et la durée de la pièce, réduit
le nombre des personnages au strict nécessaire. Les part
ies chorales qui scandent le déroulement de la pièce rom
pent avec la Grande Rhétorique, pour s'inspirer direct
ement du lyrisme dépouillé des psaumes en vers français,
que le même Théodore de Bèze était en train de traduire,
dans la suite et la continuité de Clément Marot. Ces
(1) Marie-Madeleine Fragonard, « La Renaissance ou l'apparition du
'théâtre à texte' », [in] Alain Viala (dir.), Le Théâtre en France des origines à nos
jours, Paris, PUF, « Collection Premier Cycle », 1997, p. 120.
(2) Voir Helen M. C. Purkis, « Chœurs chantés ou parlés dans la tragédie
française au xvp siècle ? », Bibliothèque d'humanisme et Renaissance, t. XXII,
1960, p. 294-301. Cette étude déjà ancienne, qui conclut par la deuxième
hypothèse, mérite à coup sûr d'être discutée et reprise. Elle ne prend pas en
compte l'Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze. LE VERS DE THÉÂTRE AU XVIe SIÈCLE 269
emprunts directs au psautier huguenot en voie de consti
tution laissent à penser que ces parties chorales étaient
chantées plutôt que dites ou récitées (3).
Tel est le cas du « Cantique d'Abraham et de Sara », qui
est inspiré des psaumes, principalement des psaumes
VIII, CXXXV et CXXXVI, pour rendre grâces au Seigneur
(4). Ou encore le « Cantique de la trouppe » qui agrège les
psaumes I, XXXVII et XL. Ce deuxième cantique intègre
littéralement six vers de la traduction du psaume XI, 4,
par le même Théodore de Bèze, une des premières traduc
tions effectuées par le réformateur et qui figurera ensuite
dans les Trente-Quatre Psaumes de 1551. Ce sizain transféré
tel quel, à un vers près (341), fixe le modèle strophique de
tout ce morceau lyrique, qui est chant de reconnaissance
et hymne de louanges :
О l'homme heureux au monde
Qui dessus Dieu se fonde,
Et en fait son rempart:
Laissant tous ces haul tains,
Et tant sages mondains
S'esgarer à l'escart.
Le même sizain carré sert du reste au Cantique d'Abra
ham et de Sara, mais dans l'autre « de la troup
pe » (p. 88-91), qui oppose la constance de Dieu à «la vie
caduque et transitoire» de l'homme, de Bèze choisit une
autre formule: une suite d'heptasyllabes à rimes plates.
Dans Abraham sacrifiant, on observe l'alternance entre
octosyllabes et décasyllabes. Le même mètre remplit des
fonctions très diverses: les décasyllabes servent au pro
logue comique et didascalique aussi bien qu'au person
nage de Satan et à la scène grave et d'accent tra-
(3) Dans les Tragédies sainctes de Louis Des Masures (éditions de 1566, 1582
et 1583), les « cantiques » sont accompagnés de la musique imprimée. Voir
Helen M. С Purkis, art. cit., p. 299.
(4) Théodore de Bèze, Abraham sacrifiant, éd. par Keith Cameron, Kathleen
M. Hall et Francis Higman, Genève, Droz, 1967, p. 61-64. C'est notre édition
de référence. 270 FRANK LESTmNGANT
gique du sacrifice; les octosyllabes au devis des bergers
(v. 546 sqq.), mais aussi aux ordres divins (v. 283-289 ; 940-
948). On note toutefois que les changements de mètres,
qui, dans le théâtre médiéval, se trouvent souvent au
milieu d'une scène, ne surviennent qu'aux moments où
l'on aborde un nouvel épisode d'allure différente, accom
pagné d'une entrée ou d'une sortie, ou d'un déplacement
d'un côté de la scène à l'autre (5).
L'alternance des rimes masculines et féminines n'est
pas respectée, ce qui n'a rien d'étonnant à cette date, pas
plus que chez Marot du reste. Les enjambements foison
nent, donnant parfois aux dialogues l'allure d'une prose
rimée, familière et accessible, conforme au but éducatif et
populaire que de Bèze se proposait. C'est le style de
î'épître marotique, féconde en dialogismes, et qui se prêt
ait tout naturellement au théâtre. On note par exemple de
nombreux vers fragmentés entre deux et parfois trois
répliques (v. 495, 545, 949, etc.). Contrairement aux poètes
de la Pléiade au même moment, mais conformément à
l'esthétique familière que Marot venait de mettre en
œuvre dans sa traduction d'un tiers des Psaumes de
David, de Bèze refuse une langue poétique détachée de la
langue de tous les jours. Les rimes sont peu recherchées,
notamment la rime facile d'un mot avec lui-même (581-
582) ou la rime derivative du simple et du composé (v.
627-628 : tour/entour).
Les cantiques d'Abraham sacrifiant apparaissent en défi
nitive au confluent de deux traditions, le chœur des tragé
dies grecques et latines, conduit par le choryphée, et le
cantique de la tradition biblique, intégré à la liturgie et
dest

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