Les guerrisseurs de l'économie

Odile Henry

Description

Extrait de la publication Presentation de l’editeur Veritables«medecinsdesaffaires»,lesingenieurs-conseils evaluent l’etat de sante d’entreprises privees comme d’ins- titutions publiques, et proposent des «therapies» visant a corriger les dysfonctionnements constates. Mais derriere leur pretention scientifique a l’objectivite, ces diagnostics et remedes sont autant d’affirmations normatives sur le monde economique. Mis en œuvre par les dirigeants, ils deviennent meme constitutifs des realites sociales. A travers une histoire structurale de la profession de consultant et une analyse de l’emergence du management, Odile Henry nous emmene donc au cœur de l’incessant processus de production sym- bolique et ideologique de l’ordre social. ePlacee, desledebut du XX siecle, au centre de rivalites entre Etat et domainecivil,impregneedesaint-simonisme,nourriedesapportsconflic- tuels du taylorisme et de la doctrine administrative, la profession est l’objet d’apres luttes d’influence. Elle trouve ensuite, dans le regime de Vichy et son nouvel ordre juridique, un «nouvel espace des possibles», eclairant le role decisif de l’Etat dans la constitution de son autorite. Un grand ouvrage de sociologie historique. OdileHenryestprofesseurdesociologiea` l’Universite´Paris8(de´partement de science politique), membre du LABTOP (The´ories du politique, pouvoir et relations sociales) et membre associe´ du CESSP (Centre europe´en de sociologie et de science politique).

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• Langue: Français

Extrait

Extrait de la publication

Pre´ sentation de l’e´ diteur

V ´eritables « me´ decins des affaires », les ing ´enieurs-conseils
´evaluentl’´etatdesant´ed’entreprisespriveescommed’ins-
titutions publiques, et proposent des « the´rapies » visant a`
corrigerlesdysfonctionnementsconstat´es.Maisderri`ere
leurpr´etentionscientifique`al’objectivit´e,cesdiagnostics
etrem`edessontautantd’affirmationsnormativessurle
monde ´economique. Mis en œuvre par les dirigeants, ils
deviennent meˆ me constitutifs des r ´ealit ´es sociales.
`
A travers une histoire structurale de la profession de
consultant et une analyse de l’e´ mergence du management, Odile Henry
nous emm `ene donc au cœur de l’incessant processus de production
symbolique et ide´ ologique de l’ordre social.
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e
Plac ´ee, de` s le de´ but duXXau centre de rivalite´ s entre Etat etsi `ecle,
domaine civil, impre´ gne´ e de saint-simonisme, nourrie des apports
conflictuels du taylorisme et de la doctrine administrative, la profession est
l’objetd’ˆapresluttesd’influence.Elletrouveensuite,dansler´egimede
Vichy et son nouvel ordre juridique, un « nouvel espace des possibles »,
´
´eclairantleroˆlede´cisifdel’Etatdanslaconstitutiondesonautorite´.
Un grand ouvrage de sociologie historique.

Odile Henry est professeur de sociologie a` l’Universite´ Paris 8 (de´partement
de science politique), membre du LABTOP (The´ories du politique, pouvoir
et relations sociales) et membre associe´ du CESSP (Centre europe´en de
sociologie et de science politique).

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Lesgue´risseursdel’´economie
Sociogen `ese du me´ tier de consultant (1900-1944)

Extrait de la publication

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A la me´moire de Pierre Bourdieu

Odile Henry

Les gue´ risseurs de l’e´ conomie
Sociogen `ese du me´ tier de consultant
(1900-1944)

CNRS´EDITIONS
15, rue Malebranche – 75005 Paris

Extrait de la publication

Collection « Culture & socie´ te´ »
dirige´ e par Gise` le Sapiro

´
’CNRS EDITIONS, Paris, 2012
ISBN : 978-2-271-07572-7

Introduction

Dote´ d’une forte croissance depuis les anne´ es 1990, le secteur du
conseil semble traverser les crises sans difficulte´ . Solidement implante´ s
en France dans les grandes entreprises prive´ es, les cabinets de conseil
sont, depuis le de´ but des anne´ es 2000, de´ sormais pre´ sents au sein de
´
l’Etat. Cette pre´ sence s’est ´enorm ´ement intensifie´ e avec le lancement en
2008 de la Re´ vision g ´ene´ rale des politiques publiques (RGPP) et la prise en
´
1
charge par ces experts priv ´es de multiples aspects de la re´ forme de l’Etat .
´
Alors que, traditionnellement en France, l’Etat recrute largement ses
experts parmi les membres de la fonction publique et des grands corps,
cette tendance est aujourd’hui contrebalance´ e par un recours plus massif a`
une expertise priv ´ee. La France ne ferait plus figure d’exception et suivrait
l’exemple des pays anglo-saxons, caracte´ rise´ s par une plus grande perm
´ea2
bilite´ entre ´elites politique, administrative et e´ conomique .
L’analyse sociohistorique des processus d’ ´emergence et de mont ´ee en
´
puissance d’une expertise ext ´erieure a` l’Etat, adoss ´ee aux int ´ereˆ ts
capitalistes, forme l’objet de ce livre. Celle-ci est appre´ hende´ e a` travers deux
grandes lignes conductrices : l’organisation sur le temps long d’un groupe
professionnel–lesinge´nieurs-conseils–etl’´emergenced’unnouveau
domaine de connaissances – le management.
e
Jusqu’au milieu duXIXla figure de l’inge´ sie` cle, nieur-conseil
concentreenFranceunensembledepropri´ete´s:expert,ilest`alafois
´
savant et ing ´enieur ; lie´ a` l’Etat, il est mandat ´e par une institution (le plus
souvent judiciaire) ou intervient ponctuellement en tant qu’auxiliaire de

´
1. Philippe Bezes,aiseRe´inventer l’Etat. Les re´formes de l’administration franc¸
(1962-2008)d ´eric Pierru (dir.), Le Conseil de, Paris, PUF, 2009 ; Odile Henry et Fre´
´
l’Etat (1). Expertise priv ´ee et re´ forme des services publics,Actes de la recherche en sciences
´
sociales, 193, juin 2012 et ibid., Le Conseil de l’Etat (2). Le « moment RGPP »,Actes de la
recherche en sciences sociales, 194, septembre 2012.
2. Denis Saint-Martin,Building the New Managerialist State : Consultants and the
Politics of Public Sector Reform in Comparative Perspective, Oxford/New York, Oxford
´
University Press, 2001 ; Isabelle Berrebi-Hoffmann et Pierre Gr ´emion, « Elites
intellec´
tuelles et r ´eforme de l’Etat. Esquisse en trois temps d’un d ´eplacement d’expertise »,
Cahiers internationaux de sociologie; Corinne Delmas,, 126, 2009, p. 39-59 Sociologie
politique de l’expertise, Paris, La D ´ecouverte, 2011.

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Les gue´risseurs de l’e´conomie

de´ cision aupre` s des entreprises ; ses savoirs sont techniques (il apporte les
« lumi `eres de la science ») et reconnus par l’Acad ´emie des sciences ; enfin
ses compe´ tences sont certifi ´ees. Avec la cr ´eation en 1829, hors du giron de
´ ´
l’Etat, de l’Ecole centrale des arts et manufactures, cette figure de l’expert
´
savant li ´e a` l’Etat est concurrence´ e par celle de l’inge´ nieur civil. De´ munis
´
de compe´ tences certifi ´es (le titre de´ livre´ par l’Ecole Centrale n’est reconnu
´
qu’en 1862 par l’Etat), faiblement repre´ sente´ s a` l’Acade´ mie des sciences,
les inge´ nieurs civils contestent le raisonnement mathe´ matico-d ´eductif des
´
inge´ nieurs de l’Etat, au nom de savoirs capables de prendre en compte la
notione´conomiquedeprofit,etdisputent`aceshautsfonctionnairesleur
l´egitimite´`aincarnerlebiencommun.Avecl’essordel’industrieferro-
viaire, cette premie` re s ´equence historique est caract ´eris ´ee par un d ´ecalage
temporel entre les transformations rapides de l’e´ conomie, et donc des
comp ´etences techniques exige´ es par l’industrie, et la stabilite´ relative
d’un syste` me d’enseignement supe´ rieur endossant une fonction de
reproductionsociale.Ced´ecalagetemporelalimentel’oppositionentreles
«compe´tencesdefait»misesenavantparlesing´enieurscivilslie´sa`
l’industrie et les « compe´ tences de droit » attach ´ees aux de´ tenteurs de
titres scolaires juridiquement garantis, donc dote´ s d’une valeur
(relativement)universelleetintemporelle.Lagene`sedesactivit´esdeconseilest
profonde´ ment marque´ e par cette structure d’opposition qui, nous le
verrons, se renouvelle constamment au cours de la p ´eriode e´ tudie´ e tout en
mettant aux prises des groupes d’agents diffe´ rents pour chaque contexte.
Avec la seconde industrialisation, ces positions d’experts techniques
´
sediff´erencient:silafiguredel’expertmandat´eetlie´`al’Etatsemaintient,
notammentauseinducorpsdesPontsetChausse´es,lesing´enieursdu
corps des Mines, mais aussi certains ing ´enieurs civils, sont de plus en plus
fre´ quemment appel ´es par les conseils d’administration des firmes, et tout
particuli `erement bancaires, `a occuper une position d’auxiliaire de
direction ; ils produisent des connaissances technico-e´ conomiques et prennent
une part plus grande dans les processus de d ´ecision. Alors qu’augmentent
´
e
a` la fin duXIXsi `ecle les pantouflages des inge´ nieurs de l’Etat a` la t ˆete des
entreprises et que la R ´epublique promeut la science et soutient la cre´ ation
d’instituts universitaires de formation des inge´ nieurs, une fraction des
inge´ nieurs civils se regroupe en 1912 en une premi `ere association
professionnelle, la Chambre des inge´ nieurs-conseils de France (CICIEF), qui
pose les bases de l’organisation de la profession en e´ laborant un code de
d ´eontologie. Celui-ci fait des activite´ s d’expertise judiciaire, endosse´ es au
´
coursdelape´riodepre´ce´denteparlesing´enieursdel’Etat,une´etape
pr´ealablea`l’exercicedelafonctiond’ing´enieur-conseil.L’autorite´
conf ´er ´ee par l’institution juridique offre alors une caution symbolique
qui permet au groupe des ing ´enieurs-conseils de mettre en avant les valeurs
d’inde´ pendance, d’impartialit ´e et de compe´ tence, associ ´ees au mode` le des

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Introduction

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professions