Linda Moreno, "Les tours du silence"
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J.L. BOULBRIA présente : Linda Moreno Les tours Du silence « On est tous pareils et on ira tous au même endroit. » (L’Evangile selon Linda) 2014 2 Extraits du Livre inimitable de Zandor « Au commencement, il y avait la Lumière et les Ténèbres. Mazda régnait sur le monde de la Lumière et Ahriman régnait sur le monde des Ténèbres. La nature de la Lumière est le Bien, le Positif, la Vérité et la Création. La nature des Ténèbres est le Mal, le Négatif, le Mensonge et la Corruption. Les deux mondes étaient séparés par la Terre du Milieu, où tantôt se manifestait la Clarté, tantôt l’Obscurité, selon un cycle immuable. Il y avait un astre d’or dans les cieuxqui commandait au Jour. Et un astre d’argent qui régnait sur la Nuit. Alors Mazda créa les humains… Il les créa mâle et femelle en les façonnant dans l’argile. Puis il les mit à dorer au Soleilpour qu’ils se chargent d’énergie positive. Mais c’est Ahriman qui, la Nuit venue, leur insuffla la Vie… Ainsi l’homme et la femme ont une double nature, bonne et mauvaise à la fois…» 3 CHAPITRE FIRST « Samir…Samir…Je t’en supplie… Réveilletoi ! » Accroupie à côté du corps inanimé de Samir Bakri, la grande brune ne savait plus à quel saint se vouer. Elle s’appelait Zeena. Elle ne portait qu’un string et un soutiengorge de dentelle noire, ayant ôté sa petite robe rouge avant de passer à la casserole.

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Publié le 03 octobre 2014
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Langue Français

Extrait

J.L. BOULBRIA présente : Linda Moreno Les tours Du silence « On est tous pareils et on ira tous au même endroit. » (L’Evangile selon Linda) 2014
2
Extraits du Livre inimitable de Zandor  « Au commencement, il y avait la Lumière et les Ténèbres.  Mazda régnait sur le monde de la Lumière et Ahriman régnait sur le monde des Ténèbres.  La nature de la Lumière est le Bien, le Positif, la Vérité et la Création.  La nature des Ténèbres est le Mal, le Négatif, le Mensonge et la Corruption.  Les deux mondes étaient séparés par la Terre du Milieu, où tantôt se manifestait la Clarté, tantôt l’Obscurité, selon un cycle immuable.  Il y avait un astre d’or dans les cieuxqui commandait au Jour. Et un astre d’argent qui régnait sur la Nuit.Alors Mazda créa les humains… Il les créa mâle et femelle en les façonnant dans l’argile. Puis il les mit à dorer au Soleilpour qu’ils se chargent d’énergie positive.Mais c’est Ahriman qui, la Nuit venue, leur insuffla la Vie…Ainsi l’homme et la femme ont une double nature, bonne et mauvaise à la fois…»
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CHAPITRE FIRST  « SamirSamir…Je t’en supplie… Réveilletoi ! »  Accroupie à côté du corps inanimé de Samir Bakri, la grande brune ne savait plus à quel saint se vouer. Elle s’appelaitZeena. Elle ne portait qu’un string et un soutiengorge de dentelle noire, ayant ôté sa petite robe rouge avant de passer à la casserole.  Un instant auparavant, Samir Bakrivenait de s’effondrer comme une masse au pied du grand lit circulaire qui occupait le centre de la chambre. Samir…Je t’en supplie… Relèvetoi ! supplia la jeune femme en essayant de relever le corps inanimé.  En vain. Il était aussi flasque et inerte qu’une méduse échouée sur la plage de Malibu. Linda! s’écria soudain Zeenacomme on lance un SOS.  Alors, la fille aux cheveux gris,coiffée d’une queue de cheval et vêtue une guêpière noire, daigna abandonner le lit. Elle vint s’agenouiller près du corps deSamir Bakri et passa plusieurs fois la main devant ses yeux vitreux.  Le verdict tomba, implacable comme un couperet : Te fatigue pas, ditelle. Il est mort, ce fils de pute ! ? renvoya Zeena. Tu connaissais saPourquoi tu dis ça mère ? Laisse tomber sa mère, rétorqua Linda agacée par tant de bêtise.C’est plutôt d’un croquemort dont il aurait besoin ! Tu...tu veux dire qu’il est mort? bredouilla Zeena. Ouais, il vient de quitter prématurément ce basmonde pour cause de décès…résuma Linda. Et avant de planter une croix sur sa tombe, tu peux en faire une sur ta carrière cinématographique…
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Le défunt n’était pas franchement un Apollon, avec sa calvitie précoce et sa taille replète. Il venait de succomber à une crise cardiaque foudroyante. En plein effort. Avant de passer à l’action, il s’était bourré de Viagra, lapetite pilule bleue qui fait des miracles. Parce qu’il voulait faire l’amour avec deux filles, ce qui n’est pas prudent lorsqu’ona déjà fait un infarctus à cinquante ans.  Alors Zeena se jeta sur le cadavre de Samir et le secoua comme un prunier. Salaud! s’écriatelle. Salaud… Espèce de salaud! Tu aurais pu attendre un peu avant de crever !  Quelques minutes auparavant, Samir Bakri lui avait promis un second rôle dans le prochain film qu’il devait produire. C’est queSamir Bakrin’était pas n’importe qui.C’était un richissime homme d’affaires libanais, établi depuis des lustres à Los Angeles et qui prenait du bon temps à Las Vegas, la Mecque du Jeu.Son empire s’étendait des cimenteries à la restauration rapide prétendument « halal » et il venait de prendre le contrôle de laMillennium Company, l’une des Majors d’Hollywood. Quandon habite à L. A., c’est difficile d’échapper au mirage du cinéma. Hélas ! Trois fois hélas ! Ses rêves d’empiremultimédia venaient de s’écrouler lamentablement dans la suite d’un luxueux hôtel de Las Vegas, le «Doomsday’s Palace», pour ne pas lui faire de publicité.  Maintenant, il se faisait insulter comme du poisson pourri par la pulpeuse Zeena, un top lassé des podiums et qui avait rêvé, un bref instant, du tapis rouge des Oscars et, qui sait, peutêtre même du tapis rougede la Croisette… Adieu, red carpet, sunlights, limousines, palaces…* * *
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─ Mais qu’estce qu’on va faire? gémit Zeena en repoussant du pied le cadavre de Samir Bakri. ! répliqua Linda. Moi, jeTu te démerdes, ma grande me tire ! Non, attends ! protesta Zeena. Tu ne vas pas me laisser toute seule avec ce cadavre! On n’a rien à se reprocher ! Il est mort d’unecrise cardiaque provoquée par une surdose de Viagra, aucun médecin ne dira le contraire ! Tu veux appeler les flics ? demanda Linda. Je nesais pas… On pourrait avertir la direction de l’hôtel…Qui va appeler les flics ! poursuivit Linda. ─ T’as raison! Merde, je suis dans de beaux draps ! !Dis plutôt que tu nous as foutu dans de beaux draps répliqua Linda. C’est toi qui m’as supplié pour que je vienne, histoire de pimenter la soirée ! Parce que tu avais peur de rester seule avec lui… Et moi, comme une conne, j’ai marché dans la combine ! ─ Je suis désolée, Linda… murmura Zeena.─ Pas autant que moi… Bon, voilà ce qu’on va faire: tu vas avertir la direction de l’hôtel et moi, je file! Bien sûr, tu ne m’as jamais vue, ici ni ailleurs ! ─ Alors, tu me laisses tomber… balbutia Zeena. Linda observa le visage pathétique de sa copine. Un visage d’un ovale parfait, avec de grands yeux de biche surmontés de sourcils en accent circonflexe, un long nez aquilin, une bouche sensuelle et des pommettes saillantes. Zeena Yazdi était d’origine iranienne. Ses parents avaient émigré aux USA au tout début des années 2000, pour fuir le régime des mollahs. Zeena avait reçu une bonne éducation et elle avaitfréquenté l’université. Mais elle était fascinée, comme tant de filles, par le monde sulfureux de la Mode et l’argent facile qu’on peut y gagner.
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 Alors elle avait entamé une carrière de mannequin, contre l’avis de ses parents, ce que lui permettait sonphysique généreux. Mais au lieu de défiler sur les podiums pour les grands couturiers, elle posait pour des catalogues de lingerie sexy et de maillots de bain…De l’avis de Linda, c’était une dinde qui tombait dans tous les panneaux. Sa dégringolade avait débuté le jour où elle avait commencé à prendre de la coke. Dans ce milieu, la cocaïne est le carburant indispensable pour fonctionner nuit et jour, pour être toujours au top. Mais Zeena n’était pas préparée à affronter cet univers impitoyable où les jeunes femmes sont des proies faciles et toutes désignées pour les grands requins du showbusiness. Des proies presque offertes sur un plateau d’argent.Alors, en face d’un cadavre, Zeena commençait à perdre les pédales. ─ Je t’en supplie! gémit Zeena. Ne m’abandonne pas!  Des larmes coulaient sur ses joues hâves. Mais non, ma chérie, je ne vais pas te laisser tomber ! reprit Linda d’une voix calme et posée. Elle attira Zeenadans ses bras et l’actrice avortée se blottit contre elle. Un bref instant, elle parvint à s’abstraire de la situation tragique dans laquelle elle se trouvait.  Mais pourquoi ce salaud était mort au moment même où il venait de consentir de lui donner un rôle, même second, dans une de ses productions? Bien sûr, c’était unraisonnement très égoïste, mais Zeena était obnubilée par sa petite personne. Individualiste jusqu’aux bouts des ongles.C’est vrai qu’elle avait attiré Linda dans ce guêpier parce que la fille aux cheveux gris lui servait de fairevaloir. Après tout, àce qu’on disait,ce n’était qu’une prostituée. Le regard de Zeena s’arrêta soudain sur le cadavre de Samir Bakri qui gisait sur la moquette de haute laine.
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─ C’est bizarre, ditelle. On dirait que la présence de ce cadavre ne te dérange pas… Linda la prit de nouveau dans ses bras et lui chuchota à l’oreille: «Je vais te révéler un secret…»  Zeena fut brusquement traversée par un frisson étrange. Je ne peux pas avoir peur des morts parce que je suis déjà morte !attesta Linda. ─ Mais qu’estce que tu veux dire ?! sursauta Zeena.  En guise de réponse, Linda planta ses canines dans la gorge diaphane de Zeena, au niveau de la veine jugulaire. Non! s’écria la jeune femme.Mais c’était trop tard… Déjà Linda buvait avidement le sang de la malheureuse, ce qui lui procurait une indicible jouissance.  Zeena ressentit une violente douleur dans la nuque. Puis la douleur s’apaisa doucement. Elle ferma les yeux. Maintenant, elle n’avait plus mal. Au contraire, elle se sentait envahie par une douce sensation de plénitude. D’enivrement. De volupté. Comme lorsqu’on inhale des vapeurs d’éther…─ Linda… murmura Zeena. Mais qu’estce qui m’arrive? Tu es en train de quitter ce basmonde pour l’autre monde… répondit calmement Linda.─ Je ne veux pas mourir… gémitZeena. ─ La mort n’est rien… répondit mystérieusement Linda. Astu senti quand tu es née ? Eh bien,c’est pareil! ─ Mais il y a tellement de vitrines que je n’ai pas encore léchées… soupira Zeena. Au seuil de la Mort, elle était encore hantée par ses délires defashion victim. Décidément, songea Linda, elle ne méritait pas de vivre… « Non ! Laissemoi !» s’écria Zeena en se débattant pour tenter d’échapper à l’étreinte mortelle de Linda.
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 La fille aux cheveux gris planta ses canines acérées dans la gorge de Zeena, à l’endroit où elle avait déjà frappé. Elle aspira une pinte de sang frais qui irrigua son être en lui procurant une sensation proche de l’extase. Alors, elle redoubla d’ardeur et se cramponna au corps de Zeena.L’Iranienne voulut crierde nouveau mais aucun son ne parvint à sortir de sa bouche. L’instant d’après, elle bascula dans l’autre monde. Linda la retint dans ses bras et la porta jusque sur le lit.  Elle déposa délicatement le corps de Zeena sur le drap immaculé. Puis elle lécha doucement les deux vilaines petites plaies provoquées par l’incision pour arrêter l’hémorragie. Elle palpa le poignet de Zeena.  Le pouls était nul.Le cœur avait cessé de battre. Les yeux de la topmodel étaient ouverts sur le néant. D’un geste plein de tendresse, Linda baissa doucement les paupières de Zeena pour lui fermer les yeux.  Puis elle approcha ses lèvres brûlantes de la bouche entrouverte de la morteet l’embrassa goulûment. Linda lui força les dents, introduisant sa langue dans la bouche de cette dinde stupide qui rêvait de faire du cinéma.  Comblée, elle se releva en se pourléchant les babines comme une chatte qui aurait lapé une écuelle de lait.
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CHAPITRE SECOND  Le médecin légiste rejeta le drap sur le visage de Zeena et repoussa à l’intérieur de la cellule mortuaire la civière tout en inox sur laquelle était allongé son corps. ─ On va la garder ici jusqu’à la mise en bière… déclara le praticien en blouse blanche. ─ J’ai commandé un cercueil plombé pour le transfert en avion, répondit le père de Zeena, un homme âgé dont le visage s’ornait d’une épaisse moustache grise. Un vieux monsieur accablé par la mort de sa fille, qui portait un costume sombre.  Pour les parents de Zeena, la mort de leur fille était une tragédie. D’abord parce que c’était leur unique enfant et ensuite parce que selon des préceptes de la religion de Zarathoustra, les cadavres devaient être exposés aux vautours au sommet des « tours du silence » où les charognards les décharnaient. Puis les ossements blanchis au soleil étaient jetés dans un puits central où, avec le temps, ils tombaient en poussière… Evidemment, ce rite funéraire était interdit aux EtatsUnis et dans les pays occidentaux. C’était même interdit en Iran depuis le règne de Mohammed Reza Pahlavi, le dernier Shah d’Iran renversé par l’Imam Khomeiny. Et ce n’était pas la République islamique qui allait restaurer cette pratique impie aux yeux des religieux chiites. La région de Mumbai, en Inde, était le seul endroit au monde où on pouvait encore pratiquer ce rite funéraire propre aux adeptes de Zarathoustra, grâce à la présence d’une forte communauté parsi. Les parents de Zeena étaient résolus à transférer le corps de leur fille à Mumbai, où il serait exposé aux becs crochus des vautours au sommet d’une tour du silence.
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 En attendant son transfert en Inde, le corps de Zeena était conservé à la morgue de l’hôpital Bethany à Los Angeles.Je vous raccompagne ? demanda le médecin légiste.  Bahram Yazdi répondit négativement, puis il serra la main du docteur et quitta la salle principale de la morgue, où étaient conservés les corps. Quelques instants plus tard, il s’engouffrait dans une cabine d’ascenseur et appuya sur la touche du niveau 1, la morgue étant située au deuxième soussol de l’hôpital. Il était bouleversé par les circonstances dans lesquelles sa fille avait trouvé la mort. On avait retrouvé le corps sans vie de Zeena dans la suite présidentielle du Doomsday’s Palace, un hôtelcasino de Las Vegas. Le corps de Zeena gisait sur un lit, à quelques mètres du corps du producteur Samir Bakri.  Ce dernier avait succombé à une crise cardiaque, cela ne faisait aucun doute. Au sujet de Zeena, l’autopsie n’avait pas permis d’établir les causes exactes de la mort. Elle avait perdu beaucoup de sang, mais son corps ne présentait aucune lésion externe ou interne pouvant justifier d’une telle hémorragie. Le médecin légiste de la police de Las Vegas avait bien remarqué deux petites plaies cautérisées à la naissance de la gorge. Au niveau de la veine jugulaire. Des plaies qui évoquaient les traces d’une morsure. La morsure d’un vampire. Mais les flics sont formels : lesvampires n’existent pas. Les seuls cas connus de vampirisme s’apparentent à la nécrophilie. C’est d’ailleurs l’avis de la science…L’ascenseur s’arrêta au niveau 1 et la porte coulissa, pour s’ouvrir sur le hall de l’hôpital Bethany.Une lumière d’aquarium filtrée par d’immenses baies vitrées baignait la grande salle égayée par des plantes vertes et des cactus prélevés dans le désert tout proche. Bahram Yazdi sortit de la cabine et s’engagea dans le hall de l’hôpital. Il ne s’était jamais senti aussi seul de sa vie…
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