André Chénier athée avec délices - article ; n°1 ; vol.10, pg 200-210
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1958 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 200-210
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Gérard Venzac
André Chénier "athée avec délices"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 200-210.
Citer ce document / Cite this document :
Venzac Gérard. André Chénier "athée avec délices". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958,
N°10. pp. 200-210.
doi : 10.3406/caief.1958.2131
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1958_num_10_1_2131CHÉNIER ANDRÉ
«ATHÉE AVEC DÉLICES»?
Communication de M. le Chanoine Géraud VENZAG
(Institut catholique, Paris)
au IXe Congrès de l'Association, le 23 juillet Î957
Le poète dont je vais avoir l'honneur de parler devant
vous, mesdames et messieurs, est André Chénier.
Né en 1762, mort en 1794, André Chénier appartient
par sa vie, et plus d'ailleurs que par sa vie, au
xviii* siècle.
Mais son oeuvre poétique, ignorée de ses contempor
ains, sauf ses amis personnels, ne fut connue que par
l'édition qu'en donna Henri de Latouche, en 1819, et
son influence poétique, non négligeable, ne s'exerça que
sur la poésie du xixe siècle, de Vigny, si l'on veut, à
Heredia.
C'est la raison pour laquelle un congrès consacré à
« la poésie d'inspiration païenne au xixe siècle » peut
s'entretenir de lui. Ce n'est pas par quelque extrapola
tion due par exemple au fait que la poésie d'André Ché
nier pourrait peut-être, plus que toute autre, satisfaire à
l'idée de poésie païenne.
L'objet de ma communication est l'histoire, le com
mentaire, et la discussion d'un mot célèbre sur André
Chénier. Ce mot, dont la fortune fut immédiate, et la
vogue universelle, c'est celui-ci : « André Chénier était
athée avec délices. »
Je voudrais essayer de répondre aux questions sui
vantes :
— Qui a dit cela ?
— Pour quelles raisons a-t-on pu le dire ? VENZAC 201 GÉRAUD
— Quelles réserves y oppose-t-on aujourd'hui de plus
en plus, et pourquoi ?
I. Un mot de Rivarol ?
On attribue souvent ce mot à Rivarol. Sans raison
décisive. Voici les faits :
C'est Sainte-Beuve qui a livré ce mot au public dans
un long article de la Revue des Deux Mondes de juin
1849 (pp. 717-771), consacré au poète Chênedollé. On le
lit page 737 de cette livraison de la revue. Nous verrons
tout à l'heure de qui il le tenait.
On le trouvera plus commodément (édition in-8° aussi
bien qu'édition in-18) au t. II, p. 182 du Chateaubriand
et son groupe littéraire sous l'Empire. Non pas dans
l'une des vingt et une leçons du cours de Liège, que
Sainte-Beuve a recueillies dans cet ouvrage, et qui, don
nées en 1848-1849, ne furent publiées sous cette forme
qu'en 1860 (datées de 1861). Mais dans un des append
ices, si nourris, si savoureux, qu'il ajouta lors de l'édi
tion : celui, plus précisément, consacra au poète
Chênedollé (pp. 145-326).
Emigré en 1791, Chênedollé fait campagne avec l'armée
des Princes. Après la déroute, il vient se fixer en Alle
magne, à Hambourg. Attiré, à la vérité, non pas spécia
lement par cette ville, fasciné plutôt par la réputation»
alors véritablement éblouissante, de Rivarol. Rivarol, en
effet, émigré lui aussi, habitait, près de Hambourg, à
Hamm, une agréable maison de campagne qui fut bientôt
le rendez-vous envié de tous les hommes d'esprit, ajou
tons aussi, avec Sainte-Beuve, de tous les roués de
l'Emigration.
Comme tant d'autres, Chênedollé fut émerveillé jus
qu'à l'ensorcellement. Il passa deux ans auprès de
Rivarol. C'était en 1795-1797.
Assez longtemps après la mort de Chênedollé, survenue
en 1833, sa famille communiqua à Sainte-Beuve ses
papiers intimes, ou, pour parler comme en ce temps-là,
ses portefeuilles. C'est là que Sainte-Beuve a puisé pour
le copieux essai qu'il consacra à Chênedollé. Et c'est de
Sainte-Beuve qu'on s'autorise pour l'attribution à Ri- GÉRAUD VENZAC 202
varol du mot sur André Chénier « athée avec dé
lices » (1).
Ou plutôt, on a cru, pour cette attribution, pouvoir
s'autoriser de Sainte-Beuve. L'attentif historien et cri
tique qu'était Sainte-Beuve, en réalité, n'a pas pris parti.
Il a seulement cité une note de Chênedollé. Mais dans
des conditions très insolites. Sainte-Beuve consacre le
chapitre II de son essai (pp. 158-182) aux Relations
(de Chênedoilé) avec Rivarol, et il y cite abondamment,
d'après les manuscrits du poète, les conversations de
Rivarol rapportées et notées par Chênedollé. C'est au
terme de ce chapitre, et dans les toutes dernières lignes,
qu'il écrit ceci :
« — Dans un tout autre genre (2) [Sainte-Beuve vient
de parler des « roués » qui constituaient l'ordinaire
société de Rivarol à Hambourg], ce dut être aussi de
bonne source, et sans doute auprès des Brazais et des
de Pange, que Chênedollé apprit sur André Chénier et
sur ses sentiments philosophiques des détails intimes
qu'il a résumés dans une note très brève, et que /e livre
comme je la trouve, sans rien qui l'explique : « André
Chénier était athée avec délices. »
On voit pourquoi le mot est si souvent attribué à
Rivarol : parce que Sainte-Beuve l'a inséré dans le cha
pitre de son essai qui rapporte, d'après les notes de
Chênedollé, des conversations de Rivarol. Absolument
pas d'autre raison.
Or, pour le faire, il faut ne retenir que le mot lui-
même et le titre du chapitre — Relations avec Rivarol —
où il est inséré. En réalité, on vient de le voir, le
contexte immédiat exprime très clairement l'aveu d'igno
rance de Sainte-Beuve :
— « dans un tout autre genre » (que les conversations
qu'il vient de rapporter) ;
— (ce qu'il va dire, puisé, dit-il), « sans doute auprès
des Brazais et des de Pange » (Sainte-Beuve fait allu-
(1) Cf. vg. le meilleur, ou plus exactement le seul, historien
de Chênedollé, Mme Paul de Samié, Extraits du journal de Chêned
ollé (1922), p. VII : « C'est à Chênedollé que nous devons le
mot fameux... » En note 8 : « II le tenait lui-même de Rivarol... »
Et, pour seule référence de tout ce passage, le Chateaubriand et
son groupe de Sainte-Beuve.
(2) C'est nous qui soulignons. VENZAC 203 GÉRAUD
sion (3) au marquis de Brazais et à François de Pange,
deux amis d'André Chénier bien connus, comme tels,
de ses historiens) ;
— (mot, enfin), « que je livre comme je le trouve,
sans rien qui l'explique ».
Au total donc, « André Chénier était athée avec dé
lices » est une note de Chênedollé, retrouvée dans ses
papiers, et publiée, par Sainte-Beuve, dans un article
de la Revue des Deux Mondes de 1849.
Cette note exprime-t-elle la pensée de Chênedollé ? ou
rapporte-t-elle l'opinion de François de Pange, du mar
quis de Brazais, de Rivarol ? Le document n'en dit rien.
II. Notre hypothèse : Joubert.
Sil faut donner mon opinion, j'inclinerais volontiers
à l'exprimer en deux propositions :
— athée avec délices : forme et fond, ce mot définit
merveilleusement l'idée que le xvni* siècle pouvait et
devait se donner d'André Chénier ;
— ce mot pourtant ne traduit ni le ton ni la pensée
de Chénier.
Et la raison de cette antithèse, c'est que le xviii* siècle
n'a pas connu André Chénier, ou plutôt n'a pas connu
notre André Chénier.
Jusqu'en 1790, on ne connaît que son frère, Marie-
Joseph Chénier, dont la tragédie de Charles IX, qui vit
en novembre 1789 les débuts de Talma, avait même été
un véritable triomphe. C'est de Marie-Joseph que parle
Rivarol quand il parle de M. de Chénier. C'est Marie-
Joseph Chénier que Rivarol égratigne, à sa place alpha
bétique, dans le Petit almanach de nos grands hommes.
La piqûre fut cuisante, et le dialogue entre Rivarol et
Chénier, ce fut l'éch

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