Concours à l Académie française et derniers travaux sur Pascal
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Concours à l’Académie française et dernièrs travaux sur PascalG. LibriRevue des Deux Mondes4ème série, tome 31, 1842Concours à l'Académie française et derniers travaux sur PascalSoumise, comme toute chose, à l’empire et au caprice de la mode, la gloire passeet revient, et les hommes qui semblaient devoir fixer à tout jamais l’admiration de lapostérité sont appréciés diversement par des générations qui se succèdent sansse ressembler. Ce n’est pas seulement à l’égard des rois et des guerriers quel’opinion se montre si mobile : la réputation des philosophes et des écrivains estpareillement soumise à d’étranges vicissitudes. Pour trouver des exemples de cesrévolutions il n’est pas nécessaire de remonter à une antiquité reculée, ni de mettreen parallèle les opinions de peuples opposés d’habitudes et de mœurs. Peud’années suffisent pour faire éclore, dans un même pays, les jugemens les plusdivers sur des hommes prônés et blâmés tour à tour, négligés même parfois aprèsavoir été l’objet d’une espèce de culte et d’adoration.Le XVIIe siècle, qui possède de si beaux titres à l’admiration de la postérité, offre,dans trois des hommes qui ont fait le plus pour la gloire de la France, un exempleéclatant des caprices et des retours de l’opinion. Fermat, Descartes et Pascal,illustres rivaux qui assurèrent de leur temps la supériorité d’un pays où vivaient enmême temps Corneille, Racine et Molière, ont donné lieu, d’âge en âge, à desappréciations différentes. Fermat, ...

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Extrait

Concours à l’Académie française et dernièrs travaux sur Pascal
G. Libri
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 31, 1842
Concours à l'Académie française et derniers travaux sur Pascal
Soumise, comme toute chose, à l’empire et au caprice de la mode, la gloire passe
et revient, et les hommes qui semblaient devoir fixer à tout jamais l’admiration de la
postérité sont appréciés diversement par des générations qui se succèdent sans
se ressembler. Ce n’est pas seulement à l’égard des rois et des guerriers que
l’opinion se montre si mobile : la réputation des philosophes et des écrivains est
pareillement soumise à d’étranges vicissitudes. Pour trouver des exemples de ces
révolutions il n’est pas nécessaire de remonter à une antiquité reculée, ni de mettre
en parallèle les opinions de peuples opposés d’habitudes et de mœurs. Peu
d’années suffisent pour faire éclore, dans un même pays, les jugemens les plus
divers sur des hommes prônés et blâmés tour à tour, négligés même parfois après
avoir été l’objet d’une espèce de culte et d’adoration.
Le XVIIe siècle, qui possède de si beaux titres à l’admiration de la postérité, offre,
dans trois des hommes qui ont fait le plus pour la gloire de la France, un exemple
éclatant des caprices et des retours de l’opinion. Fermat, Descartes et Pascal,
illustres rivaux qui assurèrent de leur temps la supériorité d’un pays où vivaient en
même temps Corneille, Racine et Molière, ont donné lieu, d’âge en âge, à des
appréciations différentes. Fermat, génie sublime qui en plusieurs rencontres eut
l’avantage sur Descartes, et qui, dans une science continuellement progressive, a
le mérite unique d’avoir devancé son siècle, et deviné des choses auxquelles les
efforts des plus grands géomètres n’ont jamais pu atteindre depuis, cultivait avec
modestie, on dirait presque avec indifférence, ces mathématiques dans lesquelles
il était si supérieur. Aux dédains affectés de Descartes, qui semblait vouloir se
venger par un mépris apparent des succès de son redoutable antagoniste, Fermat
répondait avec la plus rare simplicité. : « Je proteste que M. Descartes ne sçauroit
m’estimer si peu que je ne m’estime encore moins. » Ce grand géomètre était si
dénué d’amour-propre, que non-seulement il ne publia jamais ses admirables
inventions, mais qu’il négligeait même de garder copie des démonstrations dont il
faisait part à ses amis. Il n’était fier de sa supériorité que lorsqu’il pouvait la faire
sentir aux Anglais. Aussi ne les ménageait-il pas dans les défis scientifiques qu’il
leur proposait sans cesse, et dans lesquels il était presque toujours victorieux.
Fermat était conseiller au parlement de Toulouse, et à tous ceux qui le pressaient
de rédiger et de publier ses recherches, il se bornait à répondre que les obligations
de sa charge l’en empêchaient. Ce n’est pas sans une profonde émotion que nous
avons découvert récemment dans les archives de l’ancien parlement de Toulouse
une foule de rapports écrits ou signés par cet homme éminent, qui préféra toujours
le devoir à la réputation. Géomètre et érudit du premier ordre, Fermat, dans un
siècle où les grands modèles abondaient, était aussi considéré comme un poète
des plus élégans, et il faisait des vers latins, français et espagnols qui charmaient
les oreilles les plus délicates. Une excessive modestie nuisit d’abord à cet homme
qui semblait destiné à tous les genres de succès. Après sa mort, son fils chercha
vainement un mathématicien qui voulût se charger de diriger la publication de ses
admirables conceptions. Tout le monde s’excusa : en attendant, les papiers que
Fermat avait confiés à divers savans furent dispersés, et lorsqu’enfin Samuel
Fermat se décida à publier seul les manuscrits de son père, il ne put en réunir qu’un
très petit nombre, et peu de personnes firent attention aux œuvres posthumes du
grand géomètre de Toulouse. Les Anglais seuls, qui avaient éprouvé ses coups,
donnèrent de vifs regrets à une perte à laquelle la France ne se montra pas assez
sensible. Pendant long-temps, Format parut oublié, et ce ne fut que vers le milieu du
XVIIIe siècle qu’Euler et Lagrange réhabilitèrent cette illustre mémoire. Depuis lors,
Fermat a repris son rang parmi les géomètres, mais sa gloire n’est pas populaire.
Elle n’est connue que de quelques adeptes, et le suffrage universel n’a pas
sanctionné le jugement des esprits les plus élevés. Il serait digne du ministre qui a
voulu honorer si dignement la mémoire de Laplace, d’élever un monument
semblable au génie de Fermat, dont les manuscrits les plus importans peut-être,
retrouvés récemment, restent encore inédits. Il est temps que tout le monde sache
en France que Fermat est tel, qu’on peut l’opposer à tous les géomètres du monde,
sans excepter Archimède et Newton.
On ne saurait pas dire que ce soit précisément l’excès de la modestie qui ait nui à
Descartes et à sa renommée. Chef d’école, repoussé vivement par les uns, admiré
sans réserve par les autres, il eut au XVIIe siècle une immense réputation. Plus
tard, l’esprit analytique des encyclopédistes ne put s’accommoder des erreurs de
l’auteur du Discours de la Méthode, et il fut jugé avec une telle sévérité, que Voltaire
ne craignit pas d’écrire dans le Dictionnaire philosophique : « L’ignorance
préconise encore quelquefois Descartes, et même cette espèce d’amour-propre
qu’on appelle national s’est efforcé de soutenir sa philosophie. » De telles paroles
prononcées par l’homme qui régnait en maître au XVIIIe siècle semblaient devoir
porter une atteinte irréparable au cartésianisme, et pourtant, de nos jours, non-
seulement Descartes a eu d’éloquens apologistes, mais, par une réaction qui nous
paraît excessive et par conséquent peu durable, on a voulu proclamer en lui
l’intelligence la plus élevée, l’esprit le plus vaste que la France ait jamais produit.
On sera étonné de nous voir citer l’auteur si applaudi des Provinciales parmi les
hommes dont la réputation a été soumise aux caprices de l’opinion ; mais, si
l’admiration s’est toujours soutenue à l’égard de Pascal, elle a porté, à différentes
époques, sur des qualités diverses et quelquefois opposées. Sa foi sincère
contribua, autant que son génie, à lui mériter au XVIIe siècle l’estime de ses
contemporains. Dans le siècle suivant, on honora le géomètre, on prôna l’éloquent
ennemi des jésuites, mais l’on attribua à un affaiblissement d’esprit ses croyances
si vives, et l’on sait que, lorsque Condorcet se préparait à composer l’éloge de
Pascal, Voltaire lui disait : « Mon ami, e ne vous lassez point de répéter que,
depuis l’accident du pont de « Neuilly, le cerveau de Pascal était dérangé. » flot
souverainement injuste, car, depuis cet accident, il était sorti de ce cerveau
dérangé les Provinciales et les théorèmes sur la roulette. De notre temps, ce qui
paraît frapper le plus dans Pascal, c’est son style admirable, c’est l’action qu’il a
exercée sur la prose française ; mais plusieurs fois on l’a taxé d’injustice envers les
jésuites [1], et l’on a été même jusqu’à vouloir douter de sa profondeur dans les
sciences et de la supériorité de son esprit. A la vérité ce ne sont là que des
opinions passagères ; néanmoins, en confirmant notre assertion, elles montrent
que, comme ses illustres contemporains, Pascal, depuis deux siècles, a été
diversement jugé et apprécié.
C’est pour prouver qu’elle était plus constante dans ses opinions, que l’Académie
française a mis au concours, il y a deux ans, l’éloge de Pascal. Le prix a été
partagé entre MM. Faugères et Demoulin, auteurs de deux travaux estimables,
mais de nature différente, et qui avaient à lutter contre un grand nombre de

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