La Numération ordinale en ancien français
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Zeitschrift für romanische Philologie, tome 21, 1897Paul MarchotLa numération ordinale en ancien françaisLa Numération ordinale en ancien françaisEn français, -ēsimu, devenu dans le latin populaire de la Gaule -ẹsmu, aurait dûdonner -ẹsme avec e fermé dans la plus ancienne période de la langue, puis -ęsmee [1]avec e ouvert à partir du commencement du XII siècle siècle . C’est ce queprouve à toute évidence le traitement du lat. vulg. *quadresima (pourquadragesima) qui devient en a. fr. quaresme. Or, ce n’est pas -esme qu’on trouve,comme on sait, dans le plus ancien français, mais -isme, -ime : dizisme, tresime,trentisme, uitisme, etc., qui fut plus tard remplacé par la terminaison -iesmedevenue -ième en français moderne. Quelle est donc l’origine de -isme, -ime ?C’est ce qu’on n’a pas encore pu établir d’une façon certaine, pas plus du restequ’on n’est parvenu à expliquer la raison de la substitution de -ième à -isme,[2]-ime . Dans le présent article, je ne m’occuperai que de l’origine de -isme, -ime.Les théories.M. Köritz a montré le premier que, contrairement à ce qu’on croyait, -isme, -ime,mod. -ième ne pouvait être -esimu. C’est lui qui a le premier en 1885 dans sadissertation Ueber das S vor Consonant im Französischen, p. 7 ss., traité inextenso la question et a, pour la résoudre, montré la voie. Il convient de reproduireen entier ce qu’il dit sur le sujet : « Mentionnons ici les ordinaux en -i(s)me. Dansl’introduction du Comput (p. 91), Mall ...

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Zeitschrift für romanische Philologie, tome 21, 1897 Paul Marchot
La numération ordinale en ancien français La Numération ordinale en ancien français
En français, -ēsimu, devenu dans le latin populaire de la Gaule -ẹsmu, aurait dû donner -ẹsmeavecefermé dans la plus ancienne période de la langue, puis -ęsme e [1] aveceC’est ce quesiècle .XII siècleà partir du commencement du ouvert prouve à toute évidence le traitement du lat. vulg. *quadresima (pour quadragesima) qui devient en a. fr.quaresme. Or, ce n’est pas -esmequ’on trouve, comme on sait, dans le plus ancien français, mais -isme, -ime :dizisme,tresime, trentisme,uitisme, etc., qui fut plus tard remplacé par la terminaison -iesme devenue -ièmefrançais moderne. Quelle est donc l’origine de - enisme, -ime? C’est ce qu’on n’a pas encore pu établir d’une façon certaine, pas plus du reste qu’on n’est parvenu à expliquer la raison de la substitution de -ième à-isme, [2] -ime. Dans le présent article, je ne m’occuperai que de l’origine de -isme, -ime.
Les théories.
M. Köritz a montré le premier que, contrairement à ce qu’on croyait, -isme, -ime, mod. -ième nepouvait être -esimu. C’est lui qui a le premier en 1885 dans sa dissertationUeber das S vor Consonant im Französischen, p. 7 ss., traitéin extensola question et a, pour la résoudre, montré la voie. Il convient de reproduire en entier ce qu’il dit sur le sujet : « Mentionnons ici les ordinaux en -i(s)me. Dans l’introduction duComput(p. 91), Mall fait observer que les ordinaux depuisunzime jusqu’àseizime« et peut-être au delà » ont seulement -ime, non -isme. Il entend par « au delà » les nombres formés avecsettime,oitime,novime comme dissettime, etc. On sait bien que les formessettime, etc. ne sont pas celles du plus ancien français ; les précédentes qui sont aussi celles à développement régulier, sont plutôtsedme(Alexis 116a),oidme,noefme(Rol. etc.), et celles-ci persistèrent encore longtemps après dans la langue. À côté d’elles il ne peut avoir existé concurremment une seconde série d’ordinaux à terminaison différente dans la langue parlée. Les autres qu’on rencontre aussi, spécialement dans les textes savants, en -ime,settime,oitime,novime, et aussi en -isme,settisme, etc. (v.Dial. Grég.11. 51, 12. 236, 21) ne peuvent donc être que des formations 32, postérieures. De mêmedoziesmesW. Brut 2685,quatorziesmeW. Rou III 7387 ne se trouvent que plus tard. Des reformations de cette espèce sont aussi naturellementdissettisme, etc. Quel peut donc être le fondement étymologique de cet -ime, -isme, -iesme ?Les ordinaux dépassantseizime (jusqu’à19), ne se e e rencontrent pas encore au xisiècle, et au xiine se rencontrent que très rarement. Ceux au delà,vinti(s)me, etc. n’apparaissent non plus que rarement dans les textes e qui nous sont transmis par des mss. duxii siècle(p. ex.Rois143, 303, 394,Dial. Grég.). Comme ils se montrent surtout dans des mss. d’une époque qui présente des exemples de l’amuïssement de l’s, l’examen de l’orthographe ne fournit aucune indication pour l’étymologie. Mall (p. 91) tient la forme -isme pourcorrecte (cf. Comput 2251 ACtrentisme) et pose un lat. -esimus. À l’avis de Mall s’est rangé récemment Knoesel dans sa brochureUeber die altfrans. Zahlwörter, Erlangen 1884. Une dérivation de -esimus est pourtant impossible ; celui-ci pouvait donner seulement -esme, non -isme (cf.quadragesima:caresme:carême). En outre, un transfert du suffixe latin des nombres ordinaux de dizaines vicesimus, tricesimus, centesimus, etc. aux noms de nombres cardinaux (tren-tisme,quarant-isme, etc.) n’aurait été possible qu’à condition que ces formes latines en -esimus se fussent [3] maintenues dans la langue jusqu’au temps de la formation detrent-isme, etc. Or, non seulement elles font défaut au français, abstraction faite du mot devenu substantifquaresme, mais elles manquent même aux autres langues romanes ; du moins les ordinaux tirés des cardinaux là aussi sont les formes populaires. Il est donc invraisemblable qu’une action du lat. vicesimus, tricesimus, etc. se soit exercée dans la formation des noms de nombres ordinaux. D’autre part, s’ils sont d’origine savante, ils peuvent aussi bien avoir été formés d’après un autre modèle. Les formes en -ime(oitime,novime, etc.) peuvent être une imitation desett-ime= septimus qu’on doit considérer comme savant à cause de son changement d’accentuation (populairesedme) ou bien encore s’être modelés surprime = primus. Pour les noms de dizainesvintisme,trentisme, etc., on peut penser à une influence du motdisme, qui revient très souvent et a toujours unes. Le suffixe ordinal -ismeainsi formé pouvait également être transporté aux nombres ordinaux d’unités de 7 à 9 (settisme, etc.), comme le suffixe d’unités aux nombres de
dizaines (vint-ime, etc.). Les formes en -isme desdizaines se trouvent particulièrement dans lesDial. Grég., celles en -imedans lesRoispar exemple… L’histoire de la formation de ces ordinaux est incertaine, et de la formetrentime, etc., on ne peut pas conclure à l’amuïssement de l’s, pas plus que de la forme [4] trentisme, on ne peut conclure au maintien des. »
En 1887, M. Horning penche en faveur d’une influence dedisme: « Dansdizisme, trezime,trentisme,uitisme», dit-il, « la finale -ismene répond pas à -ēsimum (cfr. quaresme= quadragesimam), mais pourrait représenter un suffixe -ęcimus qu’on aurait tiré de dęcimum devenu régulièrementdisme, de même qu’on a formé [5] oidme(*octimum) d’aprèssetme(septimum). »
C’est cette explication que Schwan un an après dans saGrammatik des [6] Altfranzösischenfait aussi sienne, en y introduisant une toute petite modification [7] à propos de l’origine dedisme.
Tout au contraire, c’est à l’influence desettimeque croit M. Meyer-Lübke dans sa Grammaire des langues romanes: « -ime», dit-il, « ne provient pas de -ẹsimu ; la graphie -ismede date récente, mais cette désinence a été empruntée à des est mots savants tels queseptime, etc., et elle s’est ensuite imposée aussi à meesme :meïsmedéjà dans le Roland et le Psaut. d’Oxford. » Puis en note, M. Meyer-Lübke rejette définitivement l’autre opinion : « L’explication du français -isme est donnée par Koeritz dansS vor Konson. 7 sqq. A. Horning 22 Rem. 1 a une [8] autre opinion moins vraisemblable. »
C’est plutôt un recul que marque en 1894 leCours de grammaire historique de la langue françaised’A. Darmesteter. Mais il est juste de faire remarquer que c’est une publication posthume, faite pour la partie qui nous intéresse, la morphologie, e par M. Sudre. Darmesteter revient encore à -esimus ; « Au xiisiècle cependant, la formation savante avait repris au latin classiquesecond, en même temps que la formation populaire tirait dedeux unnouvel adjectif à l’aide d’un nouveau suffixe. e Ce suffixe que nous allons retrouver dans tous les noms d’ordre, est auxii siècle e -ismeou -imeet quelquefois -iesme-, au xiiiiesme, plus tard -ième; il représente, [9] ce semble, une terminaison latine -esimus. »
On ne trouve rien sur la question dans lePrécis de phonétique française deM. Bourciez (1889), dans le livreLe français et leprovençal deM. Suchier (1891), [10] dans l’Altfranzösische Grammatikdu même (1893), ni dans le tout récentEssai de grammaire de l’ancien françaisde M. Etienne (1895). La récente édition de la Grammaire historiquede M. Brunot n’est pas à ma portée.
er ee La numération ordinale de 1à 19jusque vers le milieu du xiisiècle. e Apparition au ixsiècle de -imedans la sérieonzimesezime.
Chacun sait et les grammaires élémentaires enseignent que dans le plus ancien français (en tout cas au moins jusqu’en 1150) les dix premiers adjectifs ordinaux étaientprim oupremier,altre (etsecont quiest savant et apparaît déjà dans le Comput) ,tiers,quart,quint,sist,sedme ousetme,uidme ouuitme,nuefme, disme. Telles sont les formes usitées uniquement dans l’Alexis(sedme, 116a), le Pèlerinage, leRoland, leComput. Les plus anciens exemples que l’on relève des formes analogiquescinquième,sixième, etc. ne datent que de la seconde moitié e d u xiisiècle : ainsicinquismes dansErec1165), des formes de (verssixième dans lesSaisnes, l’Alexandrede Lambert le Tort,Oger le Danois(dernier tiers du e xii siècle),setiesmel’ dansAlexandre,oitisme dansleRoman de Troie (vers 1160),neuviemela dansPrise d’Orange (vers1150) etnoevieme dansGarin le e [11] Loheraintiers duxii s.), (derniersdiesiesme dansleRoman de Troie. Deuxième,troisième,quatrième apparaissentles derniers en date et c’estaltre, tiers,quartqui sont évincés en dernier lieu.
C’est dansonzime,dozime,trezime,quatorzime,quinzime,sezimela finale que -ime(dont -ime sanssdoit être la forme primitive, voir plus loin) est originelle. On sait que l’a. fr. exprimait les nombres ordinaux, intermédiaires des dizaines, par l’adj. cardinal de la dizaine suivi de l’adj. ordinal de l’unité, les deux étant reliés ou [12] non par la conjonctonet: il disait, par exemple,vint e siste,trente uidme, etc. e e Mais il y avait une exception pour les ordinaux du 11au 16; jamais l’a. fr. n’a dit dis e premier,dis e altre ousecont,dis e tiers,dis e quart,dis e quint,dis e [13] sisteces nombres non plus, il n’a jamais possédé de représentants. Pour o ulaires de undecimus, duodecimus ni de formes vul aires, refaites sur le
[14] modèle de ceux-ci, tredecimus, quattuordecimus, quindecimus, sedecimus,et encore moins des formes classiques tertius decimus ou decimus tertius. e L’a. fr. a dit dès les premiers jours (tout au moins dès le xisiècle ; je ne veux rien préjuger de la période préhistorique), les plus anciens textes le prouvent,onzime, dozime,trezime,quatorzime,quinzime,sezime. LePèlerinage1060) a (vers quatre foistrezime: e Latrezimeest en mi, bien seelee et close (3éd. Koschwitz, v. 117) Avoec els letrezime, onc ne vi si formet (ib., v. 138) Letrezimevois querre, dont ai oït parler (ib., v. 153) Litrezimesen mi est tailliez a compas (ib., v. 428). LesLoisde Guillaume le Conquérant (vers 1075) ontdudzime: e si jurrad seidudzimemain (Bartsch,Chrest.50, 40)6 éd., si s’en escundirad seidudzimemain (ib., 52, 39) [15] seidudzimemain (ib., 53, 2). LeComput(1119) compte ainsi (je construis ce tableau en relevant les exemples donnés dans les nomenclatures de Knoesel et en vérifiant ses citations dans Mall) : primier primerain, secunz, tierz, quart, sist siste, setmes, uitme, nofme,unzime, quatorzime,quinzime. e e Du 17au 19, le plus ancien français a eu son système ordinaire d’exprimer les nombres intermédiaires de dizaines. Il a ditdis e setme,dis e uitme,dis e e nuefme: on adis e uitmedans lesRoiss.),(dernier tiers du xiidis e nofmedans l eComput. Cependant, il est juste d’ajouter que dedis et setme onn’a pas d’exemple historique (probablement parce que ce nombre venant directement [16] après la sérieonzime —sezime) : c’est ainsi queétait soumis à son influence dans lesRoison adis e setimeà côté dedis e uitme etdis e nofme(d’après le Dict. général). Un exemple plus ancien même duBrutWace (1155) présente de déjà cette forme :disetismes(d’après Knoesel, leDict. gén.n’a que l’exemple des [17] Rois). e e Voici encore la série des ordinaux de 1à 19dans quelques textes de la seconde e moitié du xiisiècle, qui confirment pleinement les résultats auxquels nous sommes arrivé jusqu’à maintenant. Les deux premiers tableaux sont dressés d’après Knoesel, le troisième l’est en combinant les citations de Knoesel, de Koeritz p. 17 e ee et duDict. général.et 19, 18pour 17 Roman de Troie(vers 1160) : premier primerain, segons, tierz, quarz, quint (Knoes. p. 67), sisaine, se(p)tmes, oimes oitaineoitisme, noveins none noines, dismes disainediesiesme,onzisme,dozismes 'dozeisme, trezeins trezainetrezismes treziesme, quatorzainequatorzismes, quinzainequintismes, sezainesezismes, dis [18] et oitaine. Roman de Rou(entre 1160 et 1174) : premerain, secunz, tierz, noemes, diesme, [19] dozieme,quatorzieme,sezime. e e Rois: secunz, setme, uitme, nuefme nofme, (3xii s.)tiers duunzime,duzime, quatorzime,quinzime,dis e setime, dis e uitme, dis e nofme. Quelle peut bien être l’origine de cet -imedans la sérieonzimesezime? En ce qui concerne la forme du suffixe, le fait que l’on atrezime etdudzime dans des textes antérieurs à l’époque de l’amuïssement de 1’s devantm (époquedu Roland) n’est pas absolument décisif, parce que les mss. de ces textes sont naturellement de date postérieure auRoland. Entre lePèlerinageet leRoland, du reste, l’intervalle est peu considérable. Cependant elles constituent une présomption sérieuse en faveur de -ime contre-isme etune action dedisme. D’autre part tous les mss. duComputs’accordent toujours pour écrire -ime; il faut e bien admettre pourtant auxii siècle,comme à toutes les époques, une tradition orthographique, laquelle est toujours essentiellement conservatrice et qui à côté de dismeeu une tendance à maintenir auraitonzisme, etc., d’autant plus que des scribes de cette époque auraient encore perçu le rapport deonzisme àdisme comme ils devaient percevoir celui deuidmeàsedme. La constance de la graphie [20] -ime danslePèlerinage, lesLois, leComputdonc une première constitue présomption en faveur de -ime contredisme. Mais il est d’autres raisons qui
doivent faire rejeter définitivement l’hypothèse d’une action exercée pardisme. Si celui-ci avait agi, en vertu de sa compositiondis-me, c’estonz(e)me,doz(e)me, etc. qu’il aurait produit, commeset-me (aidésans doute dedis-me) agissant sur uit,nuef, produisituitme,nuefme, et commedis-me(aidé sans doute de la série set-me,uit-me,nuef-me) agissant sursis produisitplus tardsisme, usité e [21] conjointement àsist,sisteest si vrai qu’on trouve une forme au xiisiècle. Cela e sezmeformée de cette façon (dans les= 16Chroniques Anglo-normandes, ap. [22] Knoesel, p. 40).Enfin un argument décisif contre une influence dedismeest que -imen’a pas dans les dialectes le traitement de decimus. En lorrain, où l’on devrait avoir -ei(s)me(d’aprèsdei(s)me), on a -ieme, -i(s)me:Psaut. lorr.sisieme96, 12 septieme12 et 108, 30 ; 96,Serm. de St. Bern.seiximes4 et 129, 11 113, [23] settisme129, 14.Dans les dialectes du Nord-Ouest d’oïl, où l’on devrait avoir -ei(s)me, -e(s)me (d’aprèsdei(s)me,de(s)me), on a -ie(s)me :troisieme, cinquieme,sisieme,diziesme,vintiesme,ouettiesme, etc. (voy. Görlich,Nordw. [24] Dial., pp. 32 et 76). À une influence deprime(autre supposition de Köritz), il ne faut même pas penser. La forme primitive de celui-ci estprim,prime, dont le féminin ne triomphe que tardivement, et elle eût produit une série d’ordinaux à deux genres :onzim,onzime, etc. (comme dansonzain,onzaine). Il faut donc écarter les deux hypothèses de Köritz : une influence desetime(savant) donnant lieu d’abord àuitime,novime, puis influençant toute la série, parce que les formessetime,uitime, etc. sont bien postérieures à la sérieonzimesezimedéjà attestée dans lePèlerinage, lesLois, leComput(voy. plus haut la date tardive de e e e l’apparition de 5, 6, 7, etc.) ; et aussi une influence exercée parprime. Quant à la théorie Horning-Schwan de l’influence dedisme, on a vu qu’elle était définitivement à rejeter. Dans ces conditions, une seule explication me paraît possible : c’est d’admettre que -ime, d’origine savante, est primitif dansonzimeetdozime, qui, étant donné la similitude entreonze,dozeles quatre cardinaux suivants, auraient ensuite et entraînétrezime,quatorzime,quinzime,sezime. Cet -imeaurait été emprunté par les clercs et les lettrés à undecimus, duodecimus et ajouté à la forme cardinale onze,doze. C’est ce procédé, de nature savante, qu’emploie par exemple l’italien qui forme ses ordinaux (en partie du moins), par l’adjonction d’une finale -esimoaux adjectifs cardinaux : ainsiventesimo,trentesimo, etc. En faveur de l’extraction savante de la sérieonzime —sezime plaidele fait qu’undecimus, duodecimus e e n’ont pas donné de représentants populaires en a. fr. et que du 13au 16l’a. fr. n’a jamais eu son système ordinaire de numération ordinaledis e tierz,dis e quart, etc., et encore moins des représentants des formes classiques decimus tertius, etc. Si l’on cherche à s’expliquer la chose, on en verra la raison dans l’état rudimentaire e e de civilisation et de littérature avant lexi siècle.Au delà du 10 , les parlers populaires ne paraissent pas avoir éprouvé le besoin d’exprimer les adjectifs ordinaux. C’est un fait, car autrement on aurait des dérivés vulgaires d’undecimus, duodecimus et des ordinaux de dizaines vicesimus, tricesimus, etc., comme on en a eu un de quadragesima maintenu exceptionnellement par l’effet d’une cause morale. Qu’on se rappelle que des peuplades très primitives ne comptent pas, même dans l’ordre cardinal, au delà de trois, quatre ou cinq et que du reste chez e des peuples et dans des langues déjà cultivés l’emploi des ordinaux au delà du 10 est assez restreint : ainsi la masse déjà imposante des textes qui précèdent le Pèlerinagecontient pas d’exemple. Tout s’accorde pour faire attribuer à la n’en sérieonzimesezimeune origine savante et dès lors le caractère conventionnel, artificiel qui apparaît dans sa formation ne doit plus étonner. Les langues parlées seules emploient des procédés aussi naturels que des reformations surprime ou surdisme(par exempleuitmesursetme, etc.). Les ordinaux de dizaines. Leur apparition (Comput). Obscurité de leur formation. e Les ordinaux de dizaines ne nous sont attestés que relativement tard, au xiisiècle, à une époque par conséquent où l’sse prononce déjà plus et peut dans la ne graphie -ismeparagogique. Les plus anciens exemples qu’on en ait sont être [25] trentismedans leComput(1119) ,çantiesme dansErec(vers 1165),vintiesme dans leR. de Rou (1160-74),quarantismedans laVie de St. Thomasde Garnier [26] ee (1173),cinquantime danslesRoistiers duxii s.)qui ont également (3 vintime,trentime,quarantime(Koeritz, p. 17). À pareille époque, la présence d’s dans -ismene peut avoir aucune portée.
Je ne crois pas que, pas plus que pour la sérieonzime —sezime, on puisse penser àdisme pourexpliquer le suffixe des ordinaux de dizaines. Je tiens pour assuré quedis-meagissant sur des cardinaux tels quevint etcent, par exemple, n’eût pu produire quevintme etcentme(de même qu’on asisme, voy. plus haut). D’autre part, on ne peut pas admettre un emprunt direct et immédiat fait par les lettrés à vigesimus, trigesimus, etc. ; dans ce cas, on trouverait le suffixe sous la forme plus naturelle et plus adéquate de -esme. S’il y a réellement emprunt à -esimus, il faut admettre alors que les clercs ont été influencés pardismeet la série e ee onzimesezimesiècle avec ou sans, écrits à volonté au xiis, onà 16(de 10 avait donc à cette époque une finale écrite -ismeou -imeet prononcée -ime). C’est plutôt à l’influence pure et simple de cette série que je crois dans la création de vintisme,trentisme, etc. Il est clair qu’en raison de son étendue, cette série devait donner à la longue l’illusion d’un suffixe ordinal -ime. On a utilisé ce suffixe, le jour où l’on a été amené à créer vingtième, trentième. Si Philippe de Thaon écrit trentisme àcôté deonzime —sezimedu reste l’un et les autres de (prononçant même), c’est en vertu d’une arrière pensée étymologique (qui est fausse).
Conclusion. Ma conclusion est donc que -imeen v. fr. est d’origine savante et qu’il est primitif seulement dansonzime,dozime(undecimus, duodecimus). Il aurait d’abord donné lieu à la sérieonzimesezime, puis la sériedi(s)mesezi(s)meaurait entraîné les ordinaux de dizaines :vinti(s)me. Je rejette les hypothèses de Koeritz d’une influence deprimeou desetime,uitimeet celle d’une influence dedismesoit à la fois sur tous les adjectifs ordinaux (Horning-Schwan), soit seulement sur ceux de dizaines (Koeritz). Si ces résultats sont loin d’être assurés, un fait certain en tout cas se dégage de la présente étude : c’est que la finale -ime(plutôt -imeque -isme) se présente pour la e première fois auxi siècle(trezime duPèler.,dudzime desLois) dans la série onzime —sezimequ’elle influence l’ordinal suivant : etdis e setme. Il n’est pas complètement assuré que le suffixe des ordinaux de dizaines qui apparaît pour la première fois dans leComputsoit ce même -ime. Il peut être le résultat d’influences multiples, par exemple un compromis entre une forme exclusivement savante e e -esmeet une finale -i(s)meà 16.qui se rencontrait alors dans les ordinaux de 10 e e C’est plus tard seulement (2moitié duxii s.)que -i(s)medans les apparaît ordinaux d’unités et là il a pu être motivé à la fois par le -i(s)me dedi(s)me — sezi(s)meet par celui devinti(s)me,trenti(s)me, etc. Un autre fait certain est quedisme n’apas provoqué la sérieonzime —sezime, nous l’avons vu par les traitements dialectaux. On ne pourrait affirmer cependant que nulle part, dans aucun dialecte, une fois cette série créée, elle n’ait pas été influencée dans sa forme pardisme(aidé desisme). C’est ainsi qu’il y a lieu de se demander sionziesme,doziesme, etc. qui apparaissent dans leRouet dansTroie (voy. plus haut) et déjà dans leBrut (doziesmes) au moins aussi souvent que onzi(s)me,dozi(s)me, etc., ne seraient pas dûs à la forme dialectale de l’Ouest diesme(traitement phonétique dedecimusdans une partie de l’Ouest). Ce serait là une explication satisfaisante pour le français postérieur -iesmedont on n’a pas encore trouvé l’origine et qui serait de provenance occidentale. La question mériterait d’être examinée. En ancien wallon également, on trouve une forme -e(m)me,eyme (quaranteimele dansSermo de sapientia, ap. Köritz, p. 23 ; syesemme,siseme,quatreme,chinquemme,quatreyme ;chinqueymes dansJ. de Hemricourt, ap. Doutremont,Ét. sur J. de H., pp. 33 et 41), qui ne peut équivaloir phonétiquement à -imeni à -iemeet qui décèle le traitement de decimus du Nord [27] wallon (principalement du liégeois).C’est peut-être d’ailleurs -esimus.
Post-scriptum inséré pendant l’impression.
Cet article était écrit, tel que je l’ai donné, quand j’ai pris connaissance du deuxième volume de la Grammaire de M. Meyer-Lübke. L’auteur y change d’opinion (voyez § 561) et se rallie maintenant à la thèse Horning-Schwan (action exercée pardisme), je me borne à la citation du passage, croyant en avoir déjà fait la réfutation dans mon article : « ... anciennement on y (dans le domaine français) trouvaitautre,tierz,quart,quint,sist,sedme,dizmepar analogie avec eux, et, oidme,nuefme;oitieven’était que subst. Mais, concurremment avec ces formes, de bonne heure déjà, il s’en présente avec -isme, en norm. -iesme RouIII 7387, wall. -eimeS. 298, 3, dont on doit chercher le point de départ dans decimus, S. devenu au centredismeau Nord-Ouestdiesmeà l’Estdeisme. Onourrait donc
admettre que l'exemple dedismeaurait d’abord fait substituernovisme ànuefme et, d’autre part, entraîné la formation deonzisme etdouzisme... Il est moins etc. facile d’expliquer le moderne -ièmeoù l’on n’est pas autorisé à voir un emprunt pur [28] et simple à la littérature normande. »
D’autre part, en relisant la thèse de M. Gauchat sur le patois de Dompierre, j’y ai rencontré (§ 37) une troisième théorie, d’aspect passablement séduisant au premier abord, que je ne connaissais pas : « La forme commune de l’ancien français n’est pas -iesme, mais (à partir de 10) -isme. La meilleure explication en est celle qui fait devenir -ẹsimu =isimul’influence d’une palatale sous précédente. » Précisément c’est dans la sérieonzimesezimequ’on trouve cette condition de la palatale ; les faits s’expliqueraient donc fort simplement. Malheureusement il faut en rabattre. Cette explication va à rencontre d’une règle phonétique élémentaire. En effet, -ẹsimu est traité en roman comme ayant unentravé, cf. les traitements de quadr(ag)-esima (et ceux aussi de *cinqu(ag)-esima (Pentecôte), liégeoissẹkwęm, ici même, IX, 484). Or, pal. + entr.>:cel,cest, cep, etc. Donc *undec-esimu donneraitonzesme.
1. ↑Les premières assonances d’ :ę setrouvent dans leBrendan(1125) : Horning,Gramm. de l’anc. français, § 48, dans Bartsch et Horning. 2. ↑Une difficulté de même nature existe pourcirge>cierge,virge>vierge. 3. ↑On pourrait cependant objecter ici à M. Koeritz que le lat. vulg. aurait pu avoir des formes *vintesimus, etc., au lieu de vicesimus, etc., comme il a eu *vinti, *trinta, au lieu de viginti, triginta, etc. L’argument le plus fort est, en définitive, que -esimu donnerait -esme. 4. ↑Le but direct de M. Koeritz était de rechercher à quelle époque et dans quelle étendue de territoires devantcons. s’est amuï. Il arriva donc à cette conclusion qu’il ne peut baser ses recherches sur les ordinaux en -isme ou -ime. 5. ↑Gramm. de l’a. franç. p. 16. e 6. ↑I édition,1888, § 386. Je ne puis voir si Schwan a modifié son opinion dans sa récente édition, que je n’ai pas sous la main. 7. ↑Dismepour lui est un mélange dediz,diset de *dime, forme phonétique de decimu. 8. ↑I. tr. fr. p. 126. On le voit, M. Meyer-Lübke apointisse un peu ce qu’avait dit Koeritz. 9. ↑II, § 137. Une note, sans doute de M. Sudre et faite probablement d’après la Grammaire deM. Horning, remarque cependant : « La formation de ce suffixe (-ime, -isme) est encore obscure. Pourquoi -esimu n’a-t-il pas donné -esme, -ême? » 10. ↑On trouve seulement, p. 27,setime donnécomme savant et tiré de septimum. 11. ↑L’exemple decinquismesest duDictionnaire général, les autres sont tirés des listes données par Knoesel, pp. 35 ss. Pourdixième, leDict. généraln’a qu’un exemple postérieur de Bodel :diseme. 12. ↑C’est encore le système usité :vingt-sixième, etc. 13. ↑De même qu’il ne disait pasdis e un,dis e deux, etc. 14. ↑Ces formes, qu’on s’étonne réellement de ne pas trouver, eussent donné : ondisme,do(d)isme,tre(d)isme,quatre(d)isme,quindisme,se(d)isme. 15. ↑Ces exemples sont déjà dans Knoesel ainsi que ceux duPèlerinage; je n’ai pu dépouiller lesLois, comme j’ai fait duPèlerinage. Aucun des textes antérieurs n’a d’exemple de -ime, voy. Stengel,Wörterb. der ält. franz. Sprache, p. 165, III. Zahlwörter. LaPassion adezen —dézen= decimus ou dez+enprovençal. 16. ↑Influence, pourrait-on admettre, qui a été aidée par celle de la forme latine : decimus septimus. Mais commeseptimusn’agit pas directement sursetme (voir plus haut) ni survint e setme,trente setme desRois(cités par Koeritz, p. 17), je crois plutôt à l’influence de la série. 17. ↑ M. Knoesel, p. 43 de sa brochure, cite une formedis et setme sans référence. Mais c’est une forme qu’il suppose pour la facilité de son exposition. 18. ↑ La finale -ain, -aine estpropre à des textes de l’Ouest. Je la crois empruntée àderrain, ayant passé d’abord àprimerain, puis aux autres ordinaux. Comp. l’inverse dans l’a. esp.postremero, mod.postrerorefaits sur primero, dansdernierrefait surpremier. 19. J’aivérifié les citations dans l’éditionAndresen. Je n’ai niTroieni lesRois
à ma disposition. e 20. ↑Toutefois le ms. du Pèlerinage n’est que du xivs., et le texte y est assez maltraité. 21. ↑Le rapport était en effetdis:dis-me,set:set-me, etc. ; -meétait la flexion et non -isme. 22. ↑Si toutefois ce n’est pas une faute du ms. ou de l’éditeur, Fr. Michel. 23. ↑Les patois reportent uniquement à ces formes en -ieme, -ime(d’après les monographies de Zéliqzon,This,Horning). 24. ↑ Ces traitements dialectaux,ne concordant pas toujours avecdisme, font aussi rejeter une hypothèse que l’on pourrait faire, à savoir queonzisme < onze+ *ondismede undecimus, etc. 25. ↑À côté deunzime,quatorzime,quinzime, mais l’sest amuïe dans la langue duComput(Koeritz, p. 11). 26. ↑Çantiesmeest l’exemple duDict. général;vintiesme etquarantisme sont tirés de Knoesel. 27. ↑Sont peut-être à rapprocher de cette forme :diseme desSaisnes, à côté desisimedu reste : (ap. Knösel),dozemes duFloovent(ib.) qui n’a pas de poids pour le lorrain, en présence des formes duPsautierdu etSt. Bernard e mentionnées supra (quintesmela plus ancienne traduction du15 de = Lapidaire742 est tout savant, cp.quintismes deTroie). Ces deux mots sont du reste pris à d’anciennes éditions fort médiocres et peut-être de simples fautes de lecture. LeGirard de Roussillonbourguignon a, à côté de -ime, une forme secondaire -aime, -eime, -emene doit pas étonner, puisque ce qui teste présente pour -in, -inela graphie - aussiain, -aine (Breuer,Sprachl. Untersuch. des G. de Ross., Bonn, 1884, §§ 31 a, 111 et 39 ; Breuer voit erronément dans -aime-esimus. 28. ↑Une remarque seulement : -ain, -ainen’équivaut pas, comme le dit M. M.-L. quelques lignes plus haut, à -enus, -ena (des distributifs, prov. -en) : c’est -anus, -ana, on peut le démontrer par les assonances ; du reste on n’a pas -oin dans l’Est.
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