Le capitaine Robinson, récit du cap HornThéodore PavieRevue des Deux Mondes T.37, 1862Le Capitaine Robinson, Récit du Cap HornIC’est un curieux spectacle que celui d’une baleine qui prend ses ébats au milieudes vastes solitudes de l’Océan. Émergeant du fond des abîmes, l’énorme cétacémontre au-dessus des flots son dos fauve, sur lequel des algues ont pris racinecomme sur un rocher. Il agite brusquement ses nageoires, s’élance en avant, et dumilieu de son front jaillit, pareil à une trombe, un jet d’eau que le vent disperse auloin comme un brouillard illuminé des couleurs changeantes du prisme. Après avoirainsi respiré, la baleine ouvre sa gigantesque bouche, dans laquelle se précipitenten masse, entraînés par une puissante attraction, les petits poissons qui servent ànourrir ce grand corps. Du haut des airs accourent avec des cris plaintifs lesgoélands et les damiers qui s’en vont, d’une aile inquiète, demander aux flots unepâture incertaine. L’apparition du géant des mers leur a révélé la présence de cesbancs de poissons qui voyagent en troupes serrées et exécutent à des époquesfixes de mystérieuses migrations. L’albatros, — que les anciens navigateursnommaient «le mouton du cap Horn,» — môle son bêlement étrange auxassourdissantes clameurs de ses congénères : paresseux et glouton, il réclame sapart du festin. Ainsi escortée par les oiseaux aux pieds palmés qui se plaisent ausein des tempêtes, la baleine poursuit sa marche; mais, toute-puissante ...
Le capitaine Robinson, récit du cap Horn Théodore Pavie
Revue des Deux Mondes T.37, 1862 Le Capitaine Robinson, Récit du Cap Horn I
C’estuncurieuxspectaclequeceluid’unebaleinequiprendsesébatsaumilieu desvastessolitudesde’lOcéan.Émergeantdufonddesabîmes,’lénormecétacé montreau-dessusdesflotssondosfauve,surlequeldesalguesontpirsracine commesurunroche.rlIagtiebrusquementsesnageoires,s’élanceenavant,etdu miileudesonrfontjaillti,pareilàunertombe,unjetd’eauqueleventdisperseau loincommeunbrouillardliluminédescouleurschangeantesduprisme.Aprèsavoir ainsirespiré,labaleineouvresagigantesquebouche,danslaquellesepréciptient enmasse,enrtaînésparunepuissanteatrtacitonl,espettispoissonsquiserventà nourirrcegrandcorps.Duhautdesairsaccourentavecdescrisplaintfisles goélandsetlesdamiersquis’envont,d’unealieinquiète,demanderauxlfotsune pâtureincertaine.L’appairitondugéantdesmersleurarévélélaprésencedeces bancs de poissons qui voyagent en troupes serrées et exécutent à des époques fixesdemystéireusesmigrations.L’albartos,—quelesanciensnavigateurs nommaient«lemoutonducapHorn,»—môlesonbêlementértangeaux assourdissantesclameursdesescongénères:paresseuxetglouton,liréclamesa part du festin. Ainsi escortée par les oiseaux aux pieds palmés qui se plaisent au seindestempêtes,labaleinepoursuitsamarche;mais,toute-puissantequ’elle so,tielleni’gnorepasquedesennemisredoutabless’acharnentàsapoursutie. Prudenteettimidedanssesallures,ellesemblepréoccupéedesoustraireàdes attaquesinvisiblescecorpsmonsrtueuxquin’apasmismoinsd’unsiècleàse développer.Lanature,onleconçoit,adûdonneràunhautdegré’linstinctdela conservaitonauxanimauxd’unedimensionconsidérable,qu’elleadouésdu pirvliègedevivredeuxettroisfoispluslongtempsquel’homme.Aumoindrebruit suspec,tlabaleineplonge,secache,etrestesousl’eaujusqu’àcequelebesoin derenouvelersaprovisiond’airlaforceàreparaîrteau-dessusdesvagues. Cependant,aumilieudesdangersquirtoublentsonexistence,elleaparfoisdes heuresdetranquilleoubil.Onlavoitalors,dansunétatdesomnolenceet d’abandon,lfottersulraplaineliquidecommeunîlotetsebalanceràlahoule.
Parunerfoidematinéedemars,—c’es-tà-direverslafindel’étédans ’lhémisphèreausrta,l—unevielilebaleine,quiavatipeu-têtrevuauxjoursdesa jeunesse passer au-dessus de sa tête les galions d’Espagne, dormait ainsi aux environsducapHorn.Leventsoulffaitparrafales;entredeuxnuagesquiversaient auloindestorrensdepluieetdestourblilonsdegrêle,lesoleillançatisurlamerde pâlesrayons.Ungrosnavireaméircain,leJonas, — armé pour la pêche dans le portdeSalem,étatdeMassachusetts,—croisatisouscesmorneslatitudes.Ce bâitment,quiavaitsesbassesvoliesenlevées,couraitsousseshuniers,heutrantla lame avec sa large proue. Deux hommes placés en vigie sur les barres de perroquetexploraientl’horizonavecleurslongues-vues.Delapositionélevéequ’ils occupaient,lispouvaientvoirlesmontagnesdelaTerredeFeudéjàcouvertesde frimasàleursommet,commepourdémenitrlenomqueluiontimposéles géographes. Du côté du large, des bancs de glace gros comme des cathédrales et bizarrement découpés voguaient avec une majestueuse lenteur, chassés par les vents du pôle, qui les envoient se fondre et disparaître dans des mers plus chaudes.
L eJonascharmotjuiat,icuosrntdnglaladanstorerfneocen,laielabdetionirec éloignée,etquepersonneàbordn’avaitaperçue.Aumomentoùlenavireallati changersabordée,lemonsrte,quisommeillaitrtanquillemen,ts’éveillaauxcirsdes oiseauxvoltigeantautourdelu,ietlejetd’eauqu’illançaletrahitauxregards attenitfsdespêcheurs.
—Baleinedevantnous!cira’lundesdeuxmairnsplacésenvigie,et’laurte, étendanltebrasdansunedirecitonopposée,dtiàsontourd’unevoixforte:—Une chaloupe derrière les glaces! Électrisé par le premier de ces deux appels, l’équipage s’empressa de mettre les piroguesàlamer.Dèsquelaquilledeslégèresembarcationseuttouchélesflots, lesmairnsyprirentplace,empotrantaveceuxlesharponsetleslonguescordes soigneusementrouléesdansdesbailles.Chacunfutàsonposteenuninstant,le harponneurentêtel,esrameurssurleursbancs,etlechefdepirogueà’lavironde queue... Poussées par six paires de bras vigoureux, les chaloupes baleinières volaientsurlesvaguescommelalamedupaitnquimorduneglacerugueuse,et ’lénormebêtecontrelaquelleétatidirigéecetteattaqueenrèglecontinuatisa paisiblepromenade.Larégularitédesesalluresindiquatiassezquelabaleine n’avaitrienentendu;lespiroguess’enapprochèrentavecprécauiton,etunpremier harpon,lancéparunemainexercée,étantvenus’abatrtesursonlargedos,s’y enfonçasiprofondément,quelabête,piquéeauvi,frtessalliit,fouettal’eaudesa queueetplongea.Unsecondharponlarfappadenouveauquandellereparutàla sufracedel’Océan,etcettefoisdeslfotsdesangsemêlèrentaujetd’eauquijaililt desonrfon.tElleplongeaencore,entraînantàsasuitelespiroguesquelapointe desharponsirvaitàsesflancsblessés;lespêcheursdéiflaientavecprécauitonles interminableslignesquelefrottementconrteleborddescanotseûtenlfammées,si ellesn’avaientétémouliléessansrelâche.Tandisquelabaleine,harceléepardes dardstranchanscommelafaux,sedébattatietrougissaitdesonsangleseaux vetresdelame,rlecapitaineduJonas gouvernait de manière à rejoindre la chaloupequivenaitd’êtresignalée.Larfêlebarque,munied’unepetitevolie, semblaits’enalleraugréduvent.Leslameslaballottaientd’unbordsurl’autre,et ceuxquilamontaientnefaisaientaucuneffortpours’éloignerdelamontagnede glacequliacouvratidesonombre.Degrossesvaguesdéferlaientavecbruitcontre lesparoisàpicdelabanquiseblanchecommelaneige,etderirèrelaquellelIse creusaitdesremousetdestourbillonsmenaçans.Ilyeutunmomentoùlebloc gigantesque,minéparlesassautsrétiérésdelahoule,perd’ltiéquliibreetchavira pourreparartîebientôtsousunenouvelleforme,plusbizarrequelapremière,tout découpédemlileaspértiésparelliesàdesclochetons.Lamers’émutauplongeon delamontagnedeglace,etuncridedétresseparittdelachaloupe,quifalilitêtre submergéeaufonddesgouffresenrt’ouvertsautourd’elle.Legrandnavirelui-mêmefutébranléparlesoscillationsviolentesqui’mpirmatiauxflotslebalancement decettemasseimmenseenreprenantpeuàpeusonaplomb.Cependant,parune manœuvrehablie,lecapitaineréusstiàs’approcherdelachaloupe.Alavuedes malheureuxqu’ellecontena,tilecœurduvieuxmarinseserra.lIyavatià’lavantdu rfêleesqufiunmatelotàdeminu,latêterenverséeenarirère,quinedonnatiplus signedevie.Prèsdugouvernali,unenégresseenveloppéedansunecouverture soutenatisursesgenouxetentouratidesesdeuxbrasunejeunefllieauteintpâle. Celle-cigrelottaitsoussesvêtemenstoutimprégnésd’eausalée,etàsespetties mainsblanchescommeli’voirebrlilaientdesbaguesornéesdediamans. —MonsieurJames,diltecaptiaineRobinsonens’adressantàsonpremierofficie,r fatiespréparerunfauteulipourqu’onpuissehisseràbordcesnaufragés,qui semblent à bout de forces. L’ofifcierseftidescendreaufonddelabarqueavecquelqueshommesde l’équipage,auirsquedesombreravecelle.Secouépalresvaguesfrémissantes,le canots’éloignatibrusquementdugrosnavirepours’enrapprocherdesiprèsqu’on eûtdtiqu’ilallaitsebirserconrteleslfancsdecelui-ci.Ilfalluttoutelaprudenceet ’ladresseduhardibaleinieretdesesmatelotspourdéfendrelapetiteembarcaiton conrteleslfotsquimenaçaientdelasubmerge.rLanégresseiftéclatersajoie quandellevitlefauteuils’abaisserduhautdelagrand’vergueduJonasiaelle,ad lesmarinsàyattachersamaîrtesse;sesbrastendusverslecielsemblaientvouloir soutenirencorelajeuneifllequis’élevatiinsensiblementau-dessusdel’abîme. —Hisse,hissetoutdoucement,ditàdemi-voixlecaptiaineRobinson. Lajeunefemme,arrachéeàunemotrimminente,sebalançapendantquelques secondesaumliieude’lespace,puisfutramenéesurladunetteduJonas, d’où on ladescenditdanslachambreducapitaine.Deuxminutesaprès,lanégresseétati auprèsd’elle,luiprodiguantlessoinslesplusempressésetcouvrantdelarmeset debaiserslesmainsdumarinquivenatidelasauver. — Et l’homme qui est resté dans la chaloupe? demanda le capitaine. —lIestmort,répondit’lofifcier;sesmembressontraidesetglacés,soncœura cessédebatrte.Envoyez-nous,s’livousplaît,unbouletdecanon,pourquenousle fassionscouleraprès’lavoirenveloppédanslavolieducano.t —Avez-vouspeurquli’nereviennenoushantersouslaformed’unfantôme?Le tempspresse,monsieu!r —Jenecrainspaspluslesmotrsquelesvivans,réponditM.James;maisje n’aimepasàpriverlecorpsd’unmarindelasépultureàlaquelleiladroi.t.. —Revenezàbordavecvosmatelots,monsieu,rrépilquasèchementlecaptiaine; ne vous exposez pas plus longtemps pour un cadavre. Le temps presse, vous dis-je. L’oiffcierdutobéir;liremonta,luietseshommes,surlepontduJonas, au moyen descordagesquiavaientserviàdescendrelefauteui.lLachaloupe,abandonnéeà elle-même,devintlejouetdeslfots.Lancéeparleressacdelavague,elleheurta avecfracasleborddutrois-mâts,etdisparutdansuntourbillond’écume.Lecorps inaniméqu’ellepotraticontinuadeflottersurli’mmenseOcéan,etlesbaleiniers accoudés sur le bord le suivaient du regard avec une douloureuse sympathie et avecunesecrèteterreur.Nuld’enrteeuxn’étaitassuréd’avoirunsotrmeilleur!
II TandisquelecapitaineRobinsonvelilatiàcequeirennemanquâtauxdeux femmesquivenaientd’êrtesauvéesparsesordres,lespiroguesdepêche ramenaient à grand renfort d’avirons, vers leJonasnetnifaleine,quiavai,alveilielbsuccombé sous les coups répétés des harponneurs. Quand elle fut rangée le long dunavire,on’lyfixapardesoildesamarres;lescanotseffliésayantétédenouveau hisséssurlepont,onlesyreplaçalaquilleenl’air’lunauprèsdel’autre,etles mairns,chaussésdelourdesbottesarméesdecramponsenfe,rdescendirentsur ledosdei’lmmensecétacé.Ungrandfeubrillabientôtsousleschaudièresl;achair grasse et huileuse de la baleine, détachée en larges bandes au moyen d’instrumens tranchans semblables à ceux dont on se sert pour couper la glace sur nosirvières,commençaàbouilliretàsefondreencouvrantlenavired’épais nuagesd’unesombrefumée.Lesoiseauxde’lOcéan,attirésparlavuedu gigantesquecadavrependuauxlfancsdunavireetparl’odeurdel’huilequisuintait desdébirsadipeuxflottantsurlasufracedesvagues,ifrentretentirl’espacede leurscrisdiscordans.lIssemirentàvolitgerenfouleautourdelamâtureduJonas, commeonvotienhiverlescorbeauxs’ébattrebruyammentautourd’unchêne dépouillédesesfeuilles.Acemomentl,esoleilsecouchai,tjetantunpâlerefletsur lacimedesmontagnesdeglacequis’effaçaientà’lhoirzon,etlamerprofonde, soulevéeparunefroidebrise,conitnuatidemugirsourdement.Lanuitnetardapas àsuccéderaucrépuscule,nuitrtisteetmorne,rendueplusobscureencoreparune brumeintense.Aumiileudesténèbres,queneperçaitaucunedessplendides constellationsdontestparsemé’lhémisphèreaustral,lIn’yavatidelumièreque cellede’lhabtiacle,brillantcommeunœilouvertàl’arirèredunavire. Danslacabinescinlitlaitaussiunepettielampedecuivrebienfourbie,quise balançatiauplafondetilluminaitdesaviveclartél’étrotiespaceoùreposaientles deuxfemmessauvéesdunaurfage. —DonaIsabela,machèremaîtresse,disaitlanégresseàgenouxsurunenatte auprèsdulitsurlequelreposatilajeuneflile,Isabela,machéire,laissez-moi réchauffervospetitesmains...LebonDieunousasauvées,nousseules,hélas!... Lesaurtesontdisparu...Petitemaîrtesse,toiquej’aibercéedansmesbraset nourriedemonlai,tm’entendst-u?... DonaIsabelaouvtirlesyeux,mitsamainsurlecoudelafidèlenourirceetsoupira. — Quand le navire a heurté la montagne de glace, c’est moi qui t’ai emportée, mon Isabela,montréso!rLamermugissaitcommeuneitgressepourtedévorer!... Maudtissoientcesafrfeuxparagesoùrègnentlestempêtes,oùlamersegèle!...lI fatisibeausurnosplagesduBrés,lioùlesolelibrliletoujours.Nouslesreverrons, m’entendst-u,Isabela?nouslesreverrons,cesvalléesoùcroissentlescocotiers... Pourquoi ces regards égarés, ces soupirs, ces sanglots, puisque le bon Dieu a envoyéversnouscesbravesgensquinousontarrachéesàlamotr? Ainsipalraitlanégresseenapprochantsonnoiretrudevisagedelafaceblanche etdéilcatedesajeunemaîrtesse.Lesouvenirrécentdespérlisauxquelsellevenait d’échappercommeparmiraclel’exatlatijusqu’audéilre.Ellecherchaitàréchauffer desonsoufflelesmainsglacéesdedonaIsabela.Celle-ci,enproieàuneagtiaiton nerveusecauséeparl’épouvanteetlesangoissesd’unesituaitondésespérée, entendaticommeunvaguemurmurelesparolesincohérentesdesanourirce dévouée.Lebruitdesflotsretenitssatitoujoursàsesorelliescommede menaçantesclameurs.Ellenesavatioùelleétai;tsesyeuxsetournaient instinctivementducôtédelalampequibirllaitau-dessusdesatête,etdesesbras affaibilselleentouratilecoudelanégresse,commeunenfantefrfayés’attacheau sein de sa mère. —Ouj,ietetiens,etaucuneforcehumainenet’arracherademesbras!...Tamère estmortehuitjoursaprèst’avoirmiseaumonde,pauvrepetite!Etje’tendormais sur mon sein quand tu voulais pleurer. Viens, viens encore dans mes bras, mon Isabela! Palrantains,ilanégresseenlevadesacouchettelajeuneifllertemblante,etsemit àlabercercommeunpetitenfant. —Joaquinha,criatoutàcoupcelle-ci,oùsommes-nous?Oh!que’jairfoid!... —Vousêtesdansmesbras,chèrepeitte,danscesbrasquivousonttantdefois bercée.Dormez,dormez,Isabela,mamaîtresse;lavieilleJoaquinhaveillesurvous.
Sansprendregardeauxmouvemensdurouilsquelesgrandesvaguesimprimaient aunavire,ellesemtiàsepromenerdanslacabine,répétantàdemi-voixunede ces chansons mélancoliques chères aux gens de sa couleur, et qui sont comme ’laccentdouloureuxd’uneracedéchue.LecaptiaineRobinson,quisetenatisurle pont,veillantaudépècementdelabaleine,entendticechantértangequi ressemblatiaubourdonnementd’ungrosinsecteenfermédansuneboutelile.Il prêtal’orelliependantquelquesminutesàli’nterminablechanson,ets’approcha doucement de la cabine qu’il avait cédée aux deux femmes naufragées. La voix de lanégressedevenatideplusenplusrtaînante,etpoutrantcellequichantaitainsi sautatid’unpiedsur’lautreenmarquantdutalonunrhythmesaccadé.
[1] —God bless my star— La négresse a perdu la tête! dit à demi-voix le ! captiaineRobinson;lavoliàquidanseetquipleuretoutàlafois!
—JesuiscapitaineetpropirétaireduJonas, armé pour la pêche de la baleine danslepotrdeSalem,étatdeMassachusetts,ejtaugeantsixcentquatre-ving-trtois tonneaux. — Eh bien! puisque vous êtes le maître ici, j’espère que vous ne refuserez pas de nous conduire à Rio-de-Janeiro. Ma maîtresse ne peut supporter le froid de ces parages; elle y mourrait au bout de huit jours! Savez-vous bien qu’elle a passé quarante-huit heures au fond de la chaloupe, mouillée par la vague, à demi morte de frayeur! Le matelot qui s’était sauvé avec nous a péri de fatigue. Sans vous, ma pauvre maîtresse serait au fond de la mer, et Dieu vous récompensera de votre générosité ; mais elle n’est qu’à moitié sauvée. Vous ne répondez pas, capitaine! est-ce que vous n’entendez pas notre langue? LecapitaineRobinsonentendatietpalratiassezbienleportugais;il’lavaitappris danssesrelâchesrféquentesàlî’ledeSainte-Catherine,leplusbeaupaysdu monde,etquelesmarinsontsurnomméle«paradisdesbaleiniers;»maisilétati depuispeudanslesparagesdelapêche,etnesongeaitpaspou,rli’nstantà quitterlesenvironsducapHorn,quli’venaitàpeinededouble.rUnefoisarrivé danslarégiondesbaleines,lecapitaineRobinsonsertouvatidanssonélément,et lin’ensotratiquequandsonnavirechargéenpleinnepouvaitpotreruntonneaude plus. —Voyez-vous,conitnualaJoaquinha,lepèredemamatîresse,domJoséde Minhas,estpartideLimapourRiounmoisavantnous;di’mpotrantesaffairesl’ont forcédesemertteenmersansattendresaiflle,quisetrouvaitmalade. [2] —Attenitonàgouverne!rciralecapitaineauitmonie,rKeep ful!lportez plein! —Si’lapprendquelenavireasombré,licroirasafilleperdue,etlienmourrade chagrinr,epirtlaJoaquinha. —Potrezplein!criadenouveaulecaptiaineenfaisantunpasversletimonie.r —Lesventsrefusent,capitaine,répondtilematelot;cen’estpasmafautesiles voilesbattent —Encecas,que’lonviredebord!dtilecaptiaineRobinson. Onappelalesmatelotsdequart,etilseftiungrandmouvementsurlepont.La négresse,nepouvantplussefaireentendreaumiileudubrutidelamanœuvre,prti lepaitrderedescendredanslacabine.Elleétaitfurieuseetdésolée.—Comme cesmairnsonltecœurdu!rPasunmotderéponseàmespressantessoillctiaitons! murmurati-elleenroulantsesgrosyeuxetsecouantsespendansd’oreillesavecun frémissementpareliàceluiquefaitentendreleserpentàsonnettesdanssesaccès decolère.Pendantunquartd’heure,elleseitntaccroupieauprèsduiltsurlequel reposaitdonaIsabelaàdemiendormie.Ellesanglotatietversaitdeslarmes abondantes,puispeuàpeusespleurscessèrentdecouler,etelletombasurle parquetdelacabine,épuiséedefaitgue.Cettefemmeénergiqueetpassionnée, toutoccupéedeprodiguersessoinsàlajeuneflilequ’elleaimaitplusquesavie, avaitoubliélesdangers,lesangoisseseltessouffrancesquivenaientde’lassaiillr elle-même;maiselleétativaincueàsontou,rsesforcesl’abandonnaien.tÉtendue sansmouvementsursanatte,elleyrestapendantunquatrd’heuresecouéeparle tangage du navire, qui la roulait comme un corps inerte.
I II L eJonasennetgilbaldess,neineivugeanopniiatse,anuvrotlsnadtegarape drotie;ilcouraitdesbordées,etsepromenatiàdroiteetàgauche,tantôtpotrantau large, tantôt se rapprochant des hautes montagnes de la Terre-de-Feu. Au matin, unpeuavantquelejourcommençâtàluire,lesmatelotsdequarts’enrtetenaient des événemens de la veille. —C’estégal,disatiunvieuxbaleinie,rlecapitaineauraitdûretirerdelachaloupe lecorpsdumarinértange,rl’envelopperd’unsuaireetlefairecoule.r — Vous verrez que ce cadavre s’acharnera à nous suivre, ajouta un matelot ilrandais;linefautpasrtatierlecorpsd’unchrétiencommeceluid’uncachalot qu’on abandonne aux oiseaux... — Tu sais bien que le capitaine Robinson ne croit guère en Dieu et point du tout au diable,reprtilepremieirnterlocuteur;linousafatiparitrdeSalemunvendredi!... —Etpoutrantliapâliquandnousavonsjetéàlamersonvilainchatnoir,qui fourrait toujours ses pattes sales dans nos plats.
—Oh!oh!repirtenlevantlatêteunharponneuràlonguebarbe,tuasdelalecture, jeunehomme;onvoitqu’iln’yapointlongtempsquetuasqutitélesbancsde ’lécole.Pourrais-tumefaireleplaisirdemedirepourquoilisufftidejeterunvieux balaiouunevielilepantoulfedevantunnavirequialeventfavorablepourluifaire venir une brise contraire ?
—Etpourquoionnepeuttuerundecespetitspértelsrouxetnoirsquinoussuivent envotligeant,unepatteen’lairet’lautreposéesurlavague,sansqui’larirveun malheur à bord? ajouta le vieux baleinier.
Pendantquelesmatelotscausaientainsiàvoixbasse,enfuman,tsurlegaillard d’avan,tlecrépusculeétendatisateinteblanchârtesurleseauxvertes.—Glory of [3] Godrl’Idaaneispâns!rcé’laiàquiflotteprèilssna,tleovliuoneds...!s
Lesmairnsselevèrenttousavecempressementetaperçurentlecorpsdunaurfagé que les vagues roulaient à quelques pas devant la proue du navire
—Ilfautl’accrocheravecunegaffeetluiattacherunepierreaucoupourqui’lalileà fond, dit le harponneur; descendons dans la cale, et prenons-y un des gros galets quiserventdeles.tTo,inovice,vademanderàM.James,quiestdequatrsurla dunette,lapermissiond’ouvirrlacale.
L’oiffciersavaitqui’lyadans’lesprtidesmatelotscertainesidéesqu’aucun raisonnementhumainnepeutdéraciner.lIleurpermtidoncsanshéstierde descendre dans la cale. Ceux-ci remontèrent bientôt, apportant dans leurs bras une demi-douzainedepierresrondes,grossescommedesbouletsdeving-tquatre.
—Voyons,repirtleharponneur,linousfautunegaffedelongueur...Làvoici.Qui veut se placer dans les porte-haubans et arrêter au passage le... cadavre?
—Allez-y,vous,direntlesmatelots... —Nonr,épondticelui-ci;jesuisàbordpourharponnerlesbaleinesetnonlescorps desnaurfagés...Tiens,novice,empoignelagaffe. Lejeunemairn,surmontantsarépugnance,sedisposatiàobéi.rIlpassalajambe par-dessuslalissedunavireetallongealagaffe.Acemoment,unevagueplus haute que les autres souleva le corps, le maintint durant quelques secondes dans unepostiionpresqueverticale,enlerepoussantviolemmentconrtelebordcomme pour’lylance.rUnalbartosàmanteaunoir,delaplusgrandetallie,quiplanaità quelque distance du navire, vint effleurer le cadavre de ses longues ailes rfémissantes.Lenoviceépouvantéserejetavivementsurlepon,tetlaissa échapper de ses mains la perche au croc de fer. Les autres matelots contemplaient avecunemuettehorreurlesébatsdugrosoiseau,quitournoyaitau-dessusdesa proie avec des cris aigus. Le navire marchait lentement, orienté au plus près du vent,etlabirsefroidedumaitnsifflaitdanslescordagesavecunmurmureplaint.fi —Ehbien!monsieurJames,dtitoutàcouplecapitaineRobinsonensemontrant veelniruesigosvoe,rtenonpnjleàilnu.v.e.rouvuo,tevazes’noreencyépenvoPuis,apercevantl’albatrosquivolaitàpeittepotrée:—Mousse,ajoutat-i-l,donne-moi ma carabine. Lemousseallachercherl’armeetlaremtienrtelesmainsducapitaine.Celui-ci épaulasacarabineetftifeu.Laballe,aprèsavoirenlevéquelquesplumesducou de’loiseau,rfappaenpleinlevisagelividedumatelotquidormatisurleslfotsdu sommeliéternel. —!elbirrohOeblriorhstmo! murmura M. James en répétant les paroles d’Hamlet —Bah!répliqualecaptiaineRobinson,lin’ariensenti,lepauvrediable...Pasde voile en vue, monsieur James? —Non,monsieurir,endenouveau. —Ehbien!faisonsrouteausud,monsieu.rSinousavionsrenconrtéquelquenavire marchantà’lestducapj,eluiauraisconfiélesdeuxfemmesquej’aiàbord;maisje nepuisresteràcroiserici:lasaisonavance.Aprèstout,nesont-ellespasbiensur leJonaselabseni;dusellàr…onspatropsetisuaretFa...? Lenavire,recevantlabriseenpleindansseslargesvolies,iflaplusrapidemen,tet bientôtdisparutdanslesvagues,quileballottaienttoujours,lesinistreobjetdontla
Les matelots, baleiniers, harponneurs, rameurs et chefs de pirogues, contemplaient aveccuirostié,del’avantdunavire,cesdeuxfemmesqui’lsavaientàpeine enrtevuesaumomentdusauvetage,etquelehasardvenaitdejeterinopinémentau miileud’eux.L’officierquilesavatiarrachéesàlamotraupéirldesavie,M.James, demeuraitàunedistancerespectueuse,appuyésurlalisse;detempsàaurte,li tournatilatêteverslajeuneiflle,dontlamaincrispéeavatisaisilasienned’une étreintedésespéréeaumomentoùlis’élançatiaufonddelabarque.Celle-cineput s’empêcherdeirfssonnerenapercevantsonilbérateur,dontlavueluirappelatiles angoisses des jours précédens. —Vousavezrfoid,senhoran.soinobvezenVpaceltReniatiàidi?luuosemtteriic, l’abri du vent. TandisquelajeuneBrésiilenneprenaitplaceenuncoindupontmieuxdéfendu conrteleven,tlemousseapportaitdescoussinsquelecaptiainedisposade manièreàenfaireunesortedetrône.DonaIsabelas’yétenditnonchalammen,t aprèsavoircroisésursapotiirnelemanteaudefourrure.Pendantquelques minutes,lecapitaineRobinsonlacontemplasansatriculeruneparole.Peu-têtrele cœurdurudemarin,habituéàlutterconrtelesmonstresde’lOcéan,éta-tiliattendri àlavuedecetterfêlejeuneflilequelavagueavaitpousséeverssonnavire,etqui rfissonnaitsouscesâpresclimatscommeunoiseautroptôtarrachédesonnid. Peut-êrteétaitli-subjuguéparlecharmemystérieuxquedonneàunecréature délicate,etfaitepourlespaisiblesjoiesdelaviedefamlile,lepresitgedes grandes douleurs ou des grands périls courageusement supportés. Si le capitaine Robinsonpouvaitêtreappeléunvieuxmairn,ilnefaisaitpoutrantqu’enrterdanssa quaranitèmeannée;maisilyadesprofessionsque’loncommencebienjeune,et danslesquellesonaledroitdeprendresarertaiteàl’âgeoùlesaurteshommes ontàpeineatteintlecompletdéveloppementdeleursfacutlés.Laprofessionde marinestdecellesl-à;danslachevelurenoireetserréeducapitaineRobinsoni,ly avatiplusd’unetachegirse,etdesridesprofondess’étaientcreuséessurson visage,hâléparlesventsdelame.r —Mousse,lecafé!dili-tenfinaprèsavoirpasséplusieursfoissamainsurson rfon,tcommeunhommeagitépardespenséesimportunes. Lecaféfutservi.DonaIsabelaenavalaquelquesgorgées;puis,ifxantsesregards sulr’Océansansrivage:—Monsieu,rdemandât-elle,oùsommes-nous? —Danslesparagesdelapêche,réponditlecaptiaineRobinson. —Oùallons-nous? — A la pêche,senhoraance,j’aihâte.—aLsiaosnvaudscnalfeslirplemrde Jonas. —Bom Deosbon,êtessisuoViuqneil.enBnesirélateujmeneersuluuoaodécri!s’ sihumain,quinousavezsauvésdunaurfage,n’aurez-vouspaslagénérostiéde nous conduire à notre destination? —J’aivainementsondéavecmalongue-vuelesprofondeursde’lhoirzon,ditle capitaineRobinsonj,en’aperçoisaucunnavirefaisantrouteàl’est...Ayezpaitence, senhora; je vous conduirai sur les côtes de la Colombie, du Pérou. —Etlimefaudradenouveaudoublercecapterrible,dontlenomseulmefati rtembler? —Jel’aidoublévingtfoisentoutesaison,répliqualecaptiaine.Jadislesbaleines yabondaien;tmaisilfautremonterdanslesudpourlesrtouveraujourd’hui!...C’étati là le pays de mon choix... Vingt fois, vous dis-je, je l’ai doublé sans aventure. Avec unpeudeprudenceonévtielesglaces,etquantauxtempêtes,onlesbrave.Sije m’éloignedeceslattiudespourallerauBrésli,mapêcheestmanquée;’lhiver viendra, et je ne trouverai plus par ici que des nuits interminables et des froids à geler mon équipage en plein midi. N’êtes-vous pas bien ici,senhora? N’ai-je pas misàvotredispostiiontoutceque’jaidemeilleur,deplusprécieuxe.tdeplus comfotrable?. —Baleinesà’lavant!criatoutàcouplemairnplacéenvigiesurlemâtdemisaine. Acettevoix,lecaptiaineRobinsonselevacommes’ileûtétépousséparun ressor;tsonœlis’liluminad’unrayond’enthousiasme.—Prenezgarde,senhora, prenezgardeàvous,onvamettrelespiroguesàlfo!t —Baleinesàl’arrièreetàtirbord!cria’laurtematelotperchésurlesbarresdu grandperroquet.Lesbaleinierss’agtièrenttousàlafois;leurspaspréciptiés ébranlèrent le pont dans toute sa longueur. Dona Isabela regagna sa cabine aussi vtiequeleluipermettaitsonétatdefaiblesse.LaJoaquinha,quisoutenatisa démarchechancelante,seretournaplusd’unefoispourlancersurlecaptiaine Robinsondesregardscourroucés.Ellenecomprenatipasqu’undésirdesa matîressenefûtpasunordrepourlui.«Ah!murmura-tielleendescendant l’escalier, si le navire était commandé par ce jeune homme blond aux yeux bleus qu’ilsnommentM.James,onauraitplusd’égardspournous!...» Durant tout le jour, les pirogues de pêche, manœuvrées par des bras nerveux, sillonnèrent’lOcéan,àlapoursutiedesbaleines.Plusd’unharponlancéavec adresses’enfonçasurledosdesgrandscétacés,dontlesangsemêlaà’lécume des flots. Tout autour du navire, il se livra des combats acharnés; mais la résistance étaitvivedelapartdesbaleinesattaquées.LecaptiaineRobinsonsuivtid’abord avecsalongue-vue,etsansyprendreunepartactive,lespéripétiesdecettelutte prolongée;bientô,tempotréparsonardeu,rilsejetadansuncanotetcourut rejoindrelespiroguesauplusfortdelamêlée.Ilétaltià,lescheveuxauvent,pareli àunrttion,excitantsesmatelotsdugesteetdelavoix.Lesbaleinessemontraient cejour-làd’unehumeurinrtaitable.Apeinepiquées,ellesplongeaientàdes profondeursincommensurables,puisrevenaientàlasufracedel’eauenbondissant avecfureu.rIflallutplusieursfoiscouperauplusvtieleslignesfixéessurlesharpons pour empêcher les pirogues de couler à pic. L’une de ces embarcations, dans laquellelecaptiaineRobinsonavaitprisplace,futbirséeendeuxmorceauxparla queuearquéed’unebaleinecommeunepaillesouslafaucllied’unmoissonneu.r Secouruàtempsparleshommesdel’équipage,lecaptiainefutsauvé;maisdeux desesmatelotspérirent,broyéssouslecoupterirblequelemonsrteleuravati asséné.Danscettejournéequipromettatid’êrtesifructueuse,leJonas ne put amarinerqu’uneseulebaleinedemoyennegrosseu.r —Voliàunpremiermalheu!rdirentlesbaleiniersenrevenantàbord. —Dieuveuillequ’linesotipassuivideplusieursaurtes!répilquaunharponneu;rle captiaine’laéchappébelle,c’estàluiquelabaleineenvoulait. Aprèsavoirchangédevêtemens,lecapitaineRobinsonftidisrtibuerunedouble rationderhumàsonéquipage.Pournepaslaisserseshommessousi’lmpression de’laccidentquil’avaitprivédedeuxdesesmellieursmarins,ilaffectatide célébrer comme une victoire complète un mince succès trop chèrement acheté. — Mes amis, leur dit-il, du courage! et demain je vous mènerai de nouveau à l’assaut... Les baleines sont là qui nous entourent; n’ayez pas peur de leurs grimaces, et nous ferons une pêche abondante. Cettecoutreallocuitonneréchauffaguèrelecouragedesmatelots,qui commençaientàperdreconifance.LecapitaineRobinson,déconcetré,luiaussi,de l’échecquli’venaitdesubi,rdescenditdanslacabine,oùdonaIsabela,tout effrayéedubruitquel’onfaisatiau-dessusd’elleenhissantlespirogueshorsde ’leau,setenaitimmobile,latêtedanssesmains. — Quoi donc,senhoraferiruoov,écrozveaustaineRolecapievcnusibsnnoa!tidpeur,cebrutivousinquiète?...Maisvousignorezdoncquenousvenonsdeilvrer une bataille rangée aux monstres marins! Oh! nous sommes maintenant dans des paragesexcellens.Encorehutijours,elteJonassera chargé en plein. Les baleines sontvalilantes,j’enconviens;maislepirncipal,c’estdelesrtouver.Vousentendez, senhorampreeiravnonmsiofenu;,lienrienemm’hcêplpedsueretournersurmes pas;enfaisantvoliepourBostonj,etoucheàRio-de-Janeiro.Hutijours,jenevous demandeplusquehutijours!...Pourconjurerlefroidquivousfatisouirffr,allumezdu feudanscepetitpoêle,etvoussentirezrenatîreautourdevousladoucechaleur desrtopiques...Ouvrezcemeuble,vousytrouverezdeschâlesdeI’lndepour enveloppervospieds...Jevoudraisvousfaireiciunepeittechapellecommeles Chinoisenétablissentdansleursmaisonspouryrendreuncutleassiduàleurs divinitésfamilières...Vousvoyezbienquejesuisdisposéàvousobéir,quoiqu’il m’encoûteplusquevousnepouvezlecomprendre.Hutijoursencore,etnous courronsdrotisurleslîesFalklandpouratteindresansretardlescôtesduBrési.l — Est-ce vrai au moins, ce que vous dites là? interrompit brusquement la négresse.
— Foi demeltneganpdeheêcet,ejelitndporé!capitaine;encoreuhtijuonreés revienssurmespasrtiomphant,doublementirtomphantd’avoirarrachédufonddes eauxtantd’énormesbaleineset...
—Etunepauvrejeunefillesansappu,idontlaviedépenddevous,ajoutadona Isabela en essayant de sourire.
— Non, non,senhoratôuennboelcér!ditesplutneanitàeéyovqueuratesdleemonbordpourmeconsoler,parunrapideséjourauprèsdemo,idesennuisdema rudeexistence...Quandvousserezprèsdevotrepère,senhora, vous ne songerez qu’avechorreurauxjoursquevousaurezpassésic.iOnvousuniraàquelque fidalgoellmifaeund’niesua,iuledsejnu,ercieh,enbiaifet,votosuilbuzereèrpheureuse,lacapitvitéforcéequivousesitmposéeici...Vousrejetterezloindevous le souvenir de ces instans qui sont pour moi les plus précieux de toute ma vie!
Alapenséederevoirlepaysnatal,desenitrsousleurspiedslaterrefermeetlesol brûlantdesrtopiques,lesdeuxfemmes,lajeunemaîtresseetlaviellieesclave,ne purent retenir leurs larmes; elles en étaient si éloignées encore!
—Jevoulaisréjouirvotrepauvrecœurairttsté,reprtilecaptiaineRobinson,etvolià quejevousfaispleure.rPeu-têtreenai-jetropdit.Ah!vousnesavezpascombien dejours,desemaines,demois,nousrestonssansirendire,nousautresmarins, sansdonnerunilbrecoursauxpenséesquinousagtien!tToujoursluttercontreles élémens,dompterlavolontéchezceuxquidoiventnousobéi,rnousendurcirnous-mêmescontretouteslesémoitons,voliànotreviedechaquejou!rEtpourtantnous yrtouvonsuncharmeirrésisitble...jusqu’àcequ’linousarrived’enrtevoirune existencepluscalme,quiauraitpuêrtelanôrte!Ilyabiendelafaiblesse,allez,au fondducœurenapparenceleplusferméauxtendresaspiraitons!Lasourcedes larmessecache,elleaussi,souslemarbreetlegran.ti—Puis,s’arrêtanttoutà coupcommesilavoixluieûtmanqué,lecapitaineRobinsoniftunelonguepause. —Voyons,repiri-tld’unaccentmoinsaniméj,epalrelàcommeunevieillefemme... Résumons-nous; je voulais vous dire tout simplement ceci,senhora: ayez courage, prenezpaitence!Avantpeu,jeferairoutepourvotrepays,etjevousremetrtaimoi-mêmesaineetsauveenrtelesbrasdevortepère...
—Pardon,reprtilecaptiaineenrevenantsurlaportedelacabinequi’lvenatide quitte;ronvafaireencorebouillirduranttoutelanuitceschaudièresà’lodeurfétide quiserventàfondrelagraissedesbaleines.Ouvrez,s’livousplaî,tlecoffretquiest làprèsdevous:ilrenfermeunchoixcompletdesplusexquispafrumsque produisentleslîesdelaSonde.Ilyaplusdechosesquevousnelesoupçonnez dans ce navire, qui est depuis quinze ans mon unique demeure.
IV —Quelleestlaroutepourdemain,captiaine?demandalesecondduJonas, M. James. — Au sud, toujours au sud, tant que les vents nous y portent et tant que la saison n’estpastropavancée.Finissonslapêche,monsieu,rdussions-nouscourir jusqu’au pôle! Acetteréponsevivementarticulée,l’ofifcierneputs’empêcherderegarderavec étonnementlecapitaineRobinson,dontlesrtaitspotraient’lempreinted’une exaltaitonsingulière. —Ou,iausud,monsieur,entendez-vous?J’espèrecomplétermonchargement avantquinzejours...Lesbaleinessontlà,devantnous,etjesuisdécidéàles poursuivre à outrance. Lenavireconitnuadoncsaroutedrotiausud,serapprochanttoujoursdesâpres régionsquiavoisinentlepôleaustra.lLelendemain,litombadelaneigefondue;le joursuivant,degrosnuagesnoirs,gonlféscommedesoutres,versèrentàtorrens d’énormes grêlons, qui s’enfonçaient dans la mer comme des balles. Le froid ne sévissaitpasencored’unefaçonrigoureuse;maislamer,battueparlespremières rafalesde’lautomne,sesoulevaitavecviolence.Lecielprenaticetaspectsombre etmenaçantparticulierauxlattiudesdésoléessouslesquelles’lhommene pénétreratijamais,s’lin’étatipousséparl’esprtid’aventureetsoutenuparl’appât du gain. LeJonasénîartàamahcraticveeunpiratédietxêrem;noetûditqu’ilétait laremorqueparlesgrandesbaleinesquibondissaientdevantlui.L’étatdelame,r rtopagitée,nepermettatipointdeleurlivrerbatalile.Ellescouraienttoujours,se jouantavecuneaglitiémervelileuseàtraverslesvaguesgigantesques;l’eausalée quijalliissaitdeleursévenss’élevaitçàetlàenjetsabondans,commelesgerbes puissantes qui s’épanouissent dans nos jardins publics aux jours de fête. Appuyésurlailsse,lecapitaineRobinsonsuivaitd’unœliimpaitentlamarchedes baleines, qui semblaient fuir devant lui. —Voliàungibierquinousferacourirbienlongtemps,ditM.Jamesensecouantla tête.
—Sansdoute,réponditM.James,ilafaitplusdemilliersdelieuesquejene compte d’années; mais les gambades de ces lourdes bêtes nous annoncent du gros temps. A force de marcher au sud, nous trouverons les froids du pôle.
—Jeveuxterminermapêcheavantlaifndelasaison,ditrésolumentlecapitaine; encoreunedemi-douzainedecesgrossesbêtesl-à,etleventreduJonassera tout plein.Mettezdehorsautantdetoilequelamâturepourraenporte.r
Aprèsavoirainsipalré,lecapitaineRobinsonsemtiàsepromenersulrepon.tLe roulisdunavire’lobilgeatiàs’arrêteràchaquepaspourconserversonéquiilbre. L’eauducielet’leaudelamerrendaientgilssanteslesplancheshumidesduitllac. Enveloppé d’un caban à capuchon et chaussé de grandes bottes fourrées, le hardi mairnsemblaitjeterundéifauxélémens.Leshommesinrtépides,etaguerrissont sujetsàselaisserexalterparlavuedupéril,etalorslisn’ontplusqu’undési,rcelui des’yjetertêtebaissée.Jusqu’ic,ileJonaspecadneatnnucuneoucitraeg;rdna soildementconsrtuitetmontéparunnombreuxéquipage,liavatisuppotrébiendes tempêtes,auprèsdesquelleslagrandebirsequilepotratienavantn’étaitqu’un légerzéphy;rmaisliyavaitdanslacouleurplombéeducie,ldanslamarcherapide des vagues et dans le sourd murmure du vent comme l’annonce d’un ouragan prochain. Aucun de ces présages menaçans n’échappait au capitaine Robinson; seulementliétaitrésoluàengagerlalutteetànepascéder.
—Cettecabine,uneprison!s’écrialecapitaine;maisqu’ymanque--tlidonc?...J’ai misdixansàladécorerdespluscurieuxobjetsque’jaiepurassemblerdansles cinqpatriesdumonde.Voulez-vousquejevousdisetoutemapensée,senhora? J’avaisenviedevousemmeneràtraverslePacfiique,devousgarderàbord pendant toute une campagne qui n’eût pas duré moins de deux années. Rien ne m’auratimanquédurantcettelonguenavigaiton:lamer,’limmenseétendue, l’horizonsansbornesautourdemoi,etquandvousl’auirezpermis,quelques instanspassésprèsdevous!...Maislamervousestodieuse...
— Et je tiendrai ma promesse,senhora, mais vous, vous ne rejetterez pas la prière que je vous adresse, n’est-ce pas? Je vous demande quelques jours encore si vous pouvez contempler de dessus le pont la mer qui écume à perte de vue et devant nouslespuissantesbaleinesqufiolârtentcommeundecesrtoupeauxdemonsrtes mairnsqu’onvotidanslestableauxmythologiques!...Cesontlàdesspectacles enivrans;toutestbeaud’unboutàl’aurteduglobepourquisaitvoiretcomprendre. Puis,quandonalutté,combattu,souffertsousceslatitudesterribles,onvaprendre terre sous les tropiques, dans quelqu’une de ces îles enchantées où la vie est si douce,sifacile,qu’onn’airenàfairequ’àrêveràl’ombredespalmiers...
—Jevouslarendra,ivousdisj-e;maisquandvousaurezquittémonnavire,est-ce quejepourraijamaisrevenirhabitercettecabine?Oh!non,elleresteraclosepour toujours;j’enferaiclouerlaporteafind’yrenfermervortesouvenir...Comprenez-vous bien,senhorasrû.’ensuis?Non,jcnsdaintmemoesapesiomneesequ,c Permettezquejevousledise.Aumilieudespérilsdel’Océan,dubruitdelamer agtiée,danscesrégionsmaudties,vousconservezaufonddevortecœurl’image vivantedequelquemervelileusevalléeoùs’estécouléevotreenfance,oùvous voudriezàtoutpirxêrtertansportéeparlabaguetted’unefée.Ehbien!cequivous tourmente,cequevousvoudirezavoir,cequivousfatipleurerderegret,ceque vousn’avezqueparl’imagination,moijel’aidanslaréatilé.Aumilieudeces froides solitudes où règne la tempête, dans ces parages hantés par les plus fantastiques animaux de la création, j’ai là, dans mon navire, dans cette cabine, un sanctuairebéniquirenfermetoutcequli’yadeplussuave,deplusdélicat,deplus choisi et de plus digne de respect dans la nature, une jeune fille sans défense, sans appui,quelespélirsdelamortenveloppaientdetoutesparts,etqu’lim’aétédonné desauve.r
—Non,monsieu,rsurmonâme,jel’aivu;ilmeregardatienircanantavecsaface verdiepalrameretfracasséeparlaballeducapitaine...Noussommesperdus!Ne sentez-vous pas comme le navire s’enlève sur la vague?
—Jevaisvousfairerelever,Patt,allezvousrepose.r..Ilfautmettredeuxhommesà la barre.
Toutenappuyantleursmainscalleusessurlarouedugouverna,lilesdeuxmatelots sepalraientàvoixbasse.Cen’étaitpaslefroidquilesfaisatifrissonner,carla sueurperlatisurleursfronts.Unevaguerumeurcirculatiparmil’équipage:les mairnsdisaientqu’onavaitaperçuautourduJonasnaruocégarfuandusrpcoelt surlesflots,etqueparinstansilsetenatiàl’arrièredunavire,qu’lipoussaitdeses mainscirspées.Aucund’euxne’lavativudesesyeux,ettousaffirmaientcependant quli’s’étaitmonrté.L’Ilrandais,plusexpilctiedanssesdéclaraitons,avouatiqu’il avatiétépirsdevetrigeensepenchantau-dessusdestourbillonsd’écume soulevésparlesillageduJonaslluipa;maisidnitibusiartiasalrrteleabueqleib appartiionsetordaitaumliieudesremousquiseformaientderrièrelegouverna.li Cequidemeuraitcertain,c’estquelapeurquicouvatidepuisquelquesjoursdans l’esptirdesmatelotsfaisatiexplosionsousli’nfluencedudécouragement.En mutilantd’uncoupdesacarabinelevisageinanimédumarinauqueliln’avaitpas daignéaccorderlaséputlure,lecapitaineRobinsonavaitatitrésurlenavireetsur l’équipageunmauvaissotrqu’ilnepouvaticonjurerqu’enpérissantlui-même; restait à savoir si les gens de l’équipage étaient condamnés à périr à cause de lui. Les baleines fuyant toujours devant la proue duJonas n’étaient plus aux yeux de ceshommesconsternésquedesmonstresfantastiquesqu’lienrtaînaientforcément jusqu’aumiileudesglacesdupôle.Etpendantquecescraintesrépanduesdans lesimaginaitonsparalysaientlecouragedesmairnslesplusénergiques,levent