The Project Gutenberg EBook of Aventures extraordinaires d'un savant russe, by
Georges Le Faure and Henri de Graffigny
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Title: Aventures extraordinaires d'un savant russe
IV. Le désert sidéral
Author: Georges Le Faure
Henri de Graffigny
Illustrator: José Roy
Release Date: March 27, 2008 [EBook #24924]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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G. LE FAURE ET H. DE GRAFFIGNY
Aventures Extraordinaires
D'UN
SAVANT RUSSEIV. LE DÉSERT SIDÉRAL
200 compositions inédites de JOSÉ ROY
PARIS
Edinger, ÉDITEUR, 34, RUE DE LA MONTAGNE SAINTE-GENEVIÈVE, 34,
1896
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
Notre pensée se sent en
communication latente avec ces
mondes inaccessibles.
CAMILLE FLAMMARION.
Les Terres du Ciel.
TABLE DES MATIÈRES
I. Le désert intersidéral
II. Dans la voie lactée
III. Au pôle austral du monde
IV. Dans lequel les choses se brouillent
V. Où Gontran et Fricoulet ont une explication sérieuse
VI. Les rapports entre les passagers se tendent de plus en plus
VII. Le cauchemar d'Ossipoff
VIII. La fin de tout
IX. Où le monde scientifique est dans la joie... et Fédor Sharp aussi
X. Le triomphe de Sharp continue
XI. La boîte à surprise
XII. Où tout le monde est content, sauf Jonathan Farenheit
Les
Aventures extraordinaires d'un Savant Russe
Ouvrage complet en 4 parties
PREMIÈRE PARTIE
La Lune, un volume in-8º, compositions inédites de L. VALLET.
DEUXIÈME PARTIE
Le Soleil et les Planètes. Un volume in-8º, compositions inédites d'HENRIOT.TROISIÈME PARTIE
Les Mondes géants. Un volume in-8º, compositions inédites de JULES CAYRON.
QUATRIÈME PARTIE
Le Désert Sidéral. Un volume in-8º, compositions inédites de JOSÉ ROY.
CHAPITRE PREMIER
LE DÉSERT INTERSIDÉRAL
URANT un long moment, Mickhaïl Ossipoff demeura immobile, les yeux attachés, démesurément
ouverts, sur les leviers que ses mains avaient abandonnés; il était en proie à une sorte
d'hallucination, se demandant s'il était bien vrai qu'il eût fait ce qu'il venait de faire, se refusant à
croire qu'il se fût véritablement rendu coupable de l'infâme trahison qu'il avait commise à l'égard
de ses compagnons de voyage.
Quoi! tout à l'heure encore, il avait juré à sa fille, à celui qui devait être son fils, à ses amis, que
c'en était fini de sa folie astronomique, que, puisque la nature était décidément contre lui, il
renonçait à lutter plus longtemps!
À ses oreilles, bruissaient encore les remerciements émus de Séléna qui retrouvait enfin le père
qu'elle croyait à jamais perdu pour elle, et sur ses joues il lui semblait sentir le doux effleurement
des lèvres de la jeune fille. Et, malgré tout cela, en dépit de son serment, en dépit des promesses
de Gontran, il avait été brusquement ressaisi par sa passion de l'espace, par l'ardente curiosité
qui, depuis des mois, l'entraînait plus loin, toujours plus loin qu'il n'avait dit...
Et maintenant...
Mais, chez un homme comme lui, en lequel le désir de savoir dominait tous les autres
sentiments, toutes les autres passions, cet accablement des premiers instants ne pouvait se
prolonger: presque tout de suite il se trouva repris par la fièvre qui le consumait depuis si
longtemps; le savant l'emporta une fois encore sur le père, la silhouette éplorée de Séléna
s'évanouit, et toutes les forces de son esprit se trouvèrent concentrées sur l'ardu problème que
crée au monde scientifique l'existence hypothétique d'Hypérion.
Oui, il le sentait, cet astre dont Babinet et Forbes ont affirmé l'existence gravitait dans la région
où il se trouvait; il en était sûr!... quelle gloire immortelle devait rejaillir sur celui qui, le premier,
posant son doigt sur une sphère céleste, assignerait sans hésiter au dernier monde du système
solaire, un emplacement certain.Il ne songeait pas qu'en escomptant à l'avance cette gloire en vue de laquelle il venait de
commettre une action aussi insensée, il perdait la raison; car, en admettant même que les
pressentiments scientifiques de Babinet et de Forbes fussent exacts, en admettant qu'il pût, pour
ainsi dire, toucher du doigt cette planète mystérieuse et en étudier la route dans l'espace,
pourrait-il jamais revenir des profondeurs de cet infini, où il se trouvait lancé à présent, pour dire
à ceux de la Terre «j'ai voulu voir, j'ai vu, c'est ainsi».
Sa réflexion ne portait pas si loin; il n'y avait, pour lui, en ce moment, qu'une chose, et une
chose inadmissible: c'était qu'il ne découvrit par de visu ce que d'autres avaient découvert par la
seule puissance de la logique et du calcul.
Il savait bien, mieux que tout autre même, combien le monde savant était divisé par l'existence
problématique de cette planète, que certains audacieux n'avaient pas hésité à baptiser du nom
d'Hypérion, alors même qu'il n'était nullement prouvé qu'elle existât.
Mais, le lecteur a déjà eu occasion de s'en convaincre: Ossipoff était un emballé de l'espace, un
halluciné de l'infini, et, ainsi que l'avait dit un jour Fricoulet, en parlant des théories exagérées du
vieillard, en matière de planètes.
—Avec lui, quand il n'y en a plus, il y en a encore...
Il croyait donc à Hypérion; il y croyait de toute la puissance de son imagination, et de toute la
force de sa science: comme il l'avait dit à Gontran, il préparait sur la mystérieuse planète un long
ouvrage, destiné à prouver péremptoirement l'existence de ce monde hypothétique, et la préface
de cet ouvrage contenait une énergique déclaration de guerre contre tous ceux du monde savant
qui se permettaient de tourner en ridicule l'audace des parrains d'Hypérion.
«Il vous sied bien, s'écriait-il, de plaisanter le génie des Babinet et des Forbes, après avoir eu la
honte de tourner en ridicule l'audacieux génie de Leverrier!
«N'est-ce point par la science seule, et en se basant sur la loi de Bode, que Leverrier, déduisant
des perturbations remarquées dans la marche d'Uranus l'existence d'une planète inconnue, a
cherché et trouvé Neptune à la distance 36.
«En dépit de vos sarcasmes et de vos plaisanteries, il vous a bien fallu cependant vous incliner
devant les faits, et reconnaître la vérité des théories grâce auxquelles Leverrier a si
démesurément étendu les dimensions du monde solaire. Pourquoi alors refuser à Babinet
l'autorisation de procéder d'une manière analogue pour affirmer, au delà de Neptune, l'existence
d'une sphère que nos instruments d'optique, jusqu'à présent imparfaits, ne nous permettent pas de
découvrir! N'a-t-on pas constaté dans la marche de Neptune, tout comme Leverrier l'avait fait
pour l'Uranus, des perturbations graves? et ces perturbations ne peuvent-elles être attribuées à
l'influence, tantôt retardatrice, tantôt accélératrice, d'une sphère extérieure».
Partant de là, le vieux savant en arrivait à examiner les principes scientifiques différents de
ceux de Babinet, sur lesquels d'autres astronomes, le docteur Forbes entre autres, se basaient pour
déclarer qu'Hypérion existait.
Ceux-là, emboîtant le pas à Leverrier, s'élevaient avec force contre les suppositions de Babinet;
à eux, peu importaient la marche de Neptune et ses irrégularités. Le principe de leur recherche
était fondé sur la théorie qui introduit, comme membres permanents, dans notre système solaire,
les comètes considérées comme des corps de composition et de caractères particuliers, qui se
meuvent à travers les espaces stellaires, sujets aux lois de l'attraction.
Si la comète approche d'une planète, avec un mouvement d'une vitesse accélérée, elle décrira
une orbite hyperbolique et ne reviendra jamais vers le soleil; mais si l'action de la planète réduit
la vitesse de translation du corps, elle l'entraînera dans une orbite elliptique, ayant pour foyer
notre soleil.
En cataloguant les distances aphélies de toutes les orbites elliptiques connues, le docteur
Forbes trouve qu'on peut les grouper de telle sorte qu'elles correspondent à la distance de
certaines planètes, et qu'après Neptune, il n'y a que les distances 100 et 300 rayons terrestres qui
forment des groupes nombreux; d'où il conclut qu'à ces distances existent des planètes.
Et combien de fois, se basant sur ces théories que, pour sa part, il adoptait avec une ferveur de
croyant, Ossipoff n'avait-il pas fait tous les calculs nécessaires pour dresser l'état civild'Hypérion d'aussi scrupuleuse façon, que s'il l'eût tenue dans le champ du grand équatorial de
l'Observatoire de Pulkowa: c'était, d'après lui, une planète de la taille de Neptune, gravitant à la
distance 47—toujours d'après la loi de Bode,—suivant une orbite inclinée de 5 degrés sur le plan
de l'écliptique, et circulant autour du Soleil en 138.481 jours, ou 379 années terrestres.
On comprend qu'étant arrivé, par la puissance du raisonnement et des calculs, à posséder sur
Hypérion des renseignements aussi précis, le vieux savant n'eût pu résister à la folie de se
convaincre, par ses propres yeux, de l'exactitude de ses suppositions.
N'était-ce point, à peu près, comme si un provincial ne profitait pas de son passage à Paris pour
s'en aller visiter les merveilles que contient la capitale?
Et maintenant que, sans avoir pour ainsi dire conscience de ce qu'il faisait, il avait détourné
l'Éclair de la route convenue pour le lancer dans l'infini, il se disait qu'en vérité, il eût été bien
fou de négliger une si extraordinaire occasion de soulever le voile de la nature.
Comme nous le disions au début de ce chapitre, la sorte d'hallucination à laquelle il avait été en
proie, après avoir touché aux leviers, ne dura que quelques instants; presque aussitôt, il reprit
possession de lui-même, et rapidement, arriva à établir la positio