Balzac et l opéra - article ; n°1 ; vol.17, pg 25-36
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1965 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 25-36
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 70
Langue Français

Extrait

Professeur Rose Fortassier
Balzac et l'opéra
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1965, N°17. pp. 25-36.
Citer ce document / Cite this document :
Fortassier Rose. Balzac et l'opéra. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1965, N°17. pp. 25-36.
doi : 10.3406/caief.1965.2276
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1965_num_17_1_2276BALZAC ET L'OPÉRA
Communication de Mme P. FORTASSIER
{Paris)
au XVIe Congrès de V Association, le 27 juillet 1964.
De Balzac à l'Opéra, Léon Gozlan nous a laissé une image
éblouissante, qui fait à jamais partie de l'iconographie balza
cienne :
« Après avoir rempli le monde de ses succès, nous dit-il, Balzac,
demeuré jusque-là caché dans les mines de la méditation, revêt
l'habit d'Humann, endosse le gilet blanc, hausse le carcan de sa
cravate, saisit une canne d'or, et vient, en pleine lumière d'Opéra,
se carrer dans la belle loge d'avant-scène, à côté de Mr Véron.
Nous voyons encore son entrée ; nous le voyons, pendant tout un
hiver, se complaire à ce spectacle dans le spectacle. »
Non seulement pendant un hiver, mais pendant des années,
Balzac qui, dit encore Gozlan, « n'aimait pas accorder une
longue attention à un spectacle quelconque » et «. qu'on n'a
peut-être pas vu trois fois dans sa vie au foyer de la Comédie
française », n'a trouvé de distraction à un travail harassant
qu'à l'Opéra.
Sans doute, en 1834, prétend-il y aller pour digérer ь. parce
qu'il n'y a là ni à penser, ni à parler ». Mais on le voit, cette
même année, mettre ce spectacle au-dessus de tout : « Je
n'ai plus de distractions que par les ressources les plus
extrêmes de la pensée : Beethoven, l'opéra. »
Mais ce qui nous intéresse surtout, c'est ce que le romancier 26 P. FORTASSIER
a transporté dans son œuvre de son expérience de spectateur
et d'auditeur. Aussi verrons-nous, si vous le voulez bien,
successivement et « crescendo » :
Balzac, historien d'une société, et dilettante, accompagner
ses personnages à l'Opéra ;
Balzac, esthéticien et critique musical, « repenser » l'opéra ; romancier et psychologue, utiliser sa profonde con
naissance de l'opéra pour expliquer le réel et déchiffrer le
cœur humain.
* # #
« A quel théâtre irons-nous ?
— A l'Opéra ! »
« Ce soir aux Italiens ! »
« Où vous rencontrer désormais, Madame ?
— Mais, au Bois, aux Bouffons, chez moi... »
A l'Opéra, aux Italiens, tout le monde va entendre l'opéra.
Balzac, entrepreneur de la comédie humaine, loue en quelque
sorte la salle Favart ou Ventadour, ou « le temple de la rue
Le Peletier » pour ses grands raouts. Le prix d'une loge aux
Italiens, voilà un des étalons monétaires de La Comédie
Humaine. La même société d'abonnés se retrouve le lundi, le
mercredi, le vendredi à l'Opéra ; le mardi, le jeudi, le samedi
aux Italiens. C'est là le lieu des rendez-vous et des adieux,
des déclarations et des affronts. C'est aux Italiens que Ras-
tignac fait la connaissance de Mme de Nucingen, et toute la
carrière mondaine de Lucien de Rubempré tient entre la
soirée à l'Opéra dans la loge de Mme d'Espard, et la soirée
aux Italiens dans celle de Mme de Sérisy.
Comme dans la réalité, la loge, salon à Paris, boudoir à
Venise, est le spectacle dans le spectacle. Balzac a sa troupe à
lui, dont la saison parisienne commence avec la réouverture
des Italiens, dont la prima donna est Mme de Langeais ou
Mme Firmiani, reine de Paris pour une saison. Cette troupe
joue, dans la salle, parallèlement à la scène, son propre opéra,
comprenant un ballet en règle : au premier acte, le mari est ET L'OPÉRA 27 BALZAC
dans sa loge, près de sa femme. Au premier entr'acte, il la
quitte pour faire place à l'amant, et se rendre lui-même au
près de sa maîtresse. A la fin du spectacle, il rejoint sa femme
pour la reconduire galamment. Ainsi Rastignac, cavalier ser
vant de Mme de Beauséant, cède sa place au marquis d'Ad-
juda-Pinto pour aller trouver Mme de Nucingen, à laquelle le
marquis se fait un plaisir de le présenter. M. de Nucingen a
disparu. Il revient à la fin du spectacle, cependant qu'Eugène
va rejoindre Mme de Beauséant. Et tout rentre dans l'ordre.
Mais que jouait-on ce soir-là aux Italiens ? Nous ne l'a
pprendrons que le lendemain, par Rastignac qui en informe
ses commensaux de la rue Neuve- Sainte-Geneviève : ce n'é
tait rien moins que Le Barbier de Seville. « Je n'avais jamais
entendu de si délicieuse musique », dit-il. C'est qu'il était
auprès de Mme de Nucingen.
Ce sont les amoureux, en effet, qui nous ramènent à la mus
ique, car ils l'écoutent, eux, y retrouvant les élans de leur
cœur. « Ma passion, dit Raphaël, était dans l'air, sur la scène,
elle triomphait partout... » Or l'opéra qui facilite le plus cette
équivalence musique-amour est évidemment l'opéra italien.
« Hélas ! nous n'avons plus d'Italiens dans un mois, écrit
Louise de Chaulieu à son amie. Que devenir sans cette ado
rable musique, quand on a le cœur plein d'amour ? » On sait
le goût des personnages balzaciens pour Mozart, Cimarcsa,
Zingarelli, Bellini, et, naturellement, Rossini. Jamais ils ne
vont écouter Obéron, Euryanthe, le Freischutz ou Fidelio, que
Balzac aurait pu entendre salle Favart. Ils ne vont pas davan
tage à l'Opéra-Comique, dont Balzac connaît pourtant le
répertoire, spécialité de Vautrin.
Aux Italiens il est de mode de n'écouter que les grands airs,
virtuoses ou passionnés. Balzac en cite une quinzaine qu'il a
entendu chanter par les grands artistes du temps, dont les
noms reviennent sous sa plume : Rubini, Nourrit, Pellegrini,
la Pasta, la Fodor, la Malibran.
Comme le croyant se réfère aux textes sacrés, les person
nages de Balzac trouvent toujours un air d'opéra pour tra
duire leurs amours ou leurs humeurs. Le rapport est parfait
entre l'air choisi et la circonstance. Ainsi Charles Grandet, 28 P. FORTASSIER
débarrassé de la corvée qu'est une lettre à sa cousine, fr
edonne l'allègre Non piu andrai des Noces. Raphaël, sortant
ruiné de la maison de jeu, le mélancolique Di Tanti Palpiti
de Tancrède. Et Vautrin, pour prévenir Eugène qu'il veille
sur lui, entonne ironiquement :
О Richard, ô mon roi ! Moi seul, dans l'univers,
L'univers t'abandonne ! Voudrais briser tes fers
Sur la terre il n'est donc que moi Et tout le reste t'abandonne.
Qui s'intéresse à ta personne !
Les fers y compris, c'est bien là un air fait pour Vautrin !
On ne se contente d'ailleurs pas de fredonner, dans La
Comédie Humaine. Certains personnages, quoique simples
amateurs, sont dotés de voix qui s'égalent aux plus célèbres :
Julie d'Aiglemont, Francesca Soderini, Camille Maupin.
Francesca, chantant avec la Tinti, la fait pâlir de jalousie ;
quant à de Marsay, Barbaja, le grand entrepreneur de spec
tacles napolitain, paierait sa voix à prix d'or.
Tout naturellement, les êtres qui s'aiment, comme Emilie
de Fontaine et Maximilien de Longueville, se disent par le
truchement de Pergolèse, de Cimaroea et de Rossini ce qu'ils
n'oseraient confier à des mots.
Pour Balzac, le duo de deux voix magnifiques s'enlaçant
l'une à l'autre paraît le symbole et l'expression la plus par
faite de l'harmonie des cœurs ; et c'est évidemment ce qu'il y
a de plus profond et de plus valable dans son engouement
pour l'opéra italien.
# * #
Balzac aurait pu en rester là au point de vue musical, si
Schlesinger ne lui avait demandé en 1836 une nouvelle mus
icale pour sa revue, où il faisait se rencontrer les musiciens
qui possédaient une plume et les écrivains qui s'intéressaient
à la musique, les Berlioz et les Balzac. Or, à La Gazette Music
ale, on méprise « les cavatines à cabalettes et les airs de cres
cendo ». Meyerbeer y est dieu et Schlesinger, son prophète.
Balzac pouvait se contenter, comme d'autres, d'une affabu- BALZAC ET L'OPÉRA 29 <

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