Christophe Sanchez, Le dedans du dedans
64 pages
Français

Christophe Sanchez, Le dedans du dedans

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Description

Le dedans du dedans Christophe Sanchez Le dedans du dedans Christophe Sanchez L’infini des mots. Le rouage, le pliage ou l’effleurage. Alambiqués, nébuleux ou déliés. Tourner, retourner. Les mots bifurquent, me lorgnent du haut de leurs ambages. Je me détourne. Surtout ne pas les prendre au pied de la lettre. Souffler. Arrêter. Déposséder. Me voilà en proie à l’insurrection des mots. Mes doigts déroulent sur le clavier la parole qui se voudrait d’autres. Un personnage, des personnages. Et pourtant, ils me spolient, ces mots polis. A l’intérieur, enchaînés à mes synapses, c’est bien une partie de moi qui se dévoile. Mon histoire, mon vécu piégé dans le prisme de l'imagination. Romancés, magnifiés, leurs détours et contours ne mentent pas. Je les vois s’agiter sur l’écran tels des révélateurs d’un inconscient à peine voilé. Que faire ? Rien. Je laisse tourbillonner la danse des phalanges sur les périphériques de mon entrée en scène. Azerty bien averti. L’écran blanc nacré noircit et dessine ma feuille virtuelle. Les autres, elle, et moi. Leurs pages, mes pages. Tourner, retourner. Et laisser faire l’infini des mots. 2/64 Le dedans du dedans Christophe Sanchez Des vies d’eau. Et ce débit d’eau. Impressionnant déversement continuel, malingre filet au printemps ou en été, grosse effusion en automne et sous fine couche de glace l’hiver, son cours pourtant jamais ne s’arrête.

Informations

Publié par
Publié le 21 mai 2014
Nombre de lectures 228
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Extrait

Le dedans du dedans
Christophe Sanchez
Le dedans du dedans
L’infini des mots.
Christophe Sanchez
Le rouage, le pliage ou l’effleurage. Alambiqués, nébuleux ou déliés. Tourner, retourner. Les mots bifurquent, me lorgnent du haut de leurs ambages. Je me détourne. Surtout ne pas les prendre au pied de la lettre. Souffler. Arrêter. Déposséder. Me voilà en proie à l’insurrection des mots. Mes doigts déroulent sur le clavier la parole qui se voudrait d’autres. Un personnage, des personnages. Et pourtant, ils me spolient, ces mots polis. A l’intérieur, enchaînés à mes synapses, c’est bien une partie de moi qui se dévoile. Mon histoire, mon vécu piégé dans le prisme de l'imagination. Romancés, magnifiés, leurs détours et contours ne mentent pas. Je les vois s’agiter sur l’écran tels des révélateurs d’un inconscient à peine voilé. Que faire ? Rien. Je laisse tourbillonner la danse des phalanges sur les périphériques de mon entrée en scène. Azerty bien averti. L’écran blanc nacré noircit et dessine ma feuille virtuelle. Les autres, elle, et moi. Leurs pages, mes pages. Tourner, retourner. Et laisser faire l’infini des mots.
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Le dedans du dedans
Des vies d’eau.
Christophe Sanchez
Et ce débit d’eau. Impressionnant déversement continuel, malingre filet au printemps ou en été, grosse effusion en automne et sous fine couche de glace l’hiver, son cours pourtant jamais ne s’arrête. Permanence de la nature, circuit immuable de l’eau qui s’évapore puis redescend, pleut puis ravine, sans aucune errance, l’eau trace sa route. Elle sait d’où partir, des cimes, elle creuse la haute montagne et par où passer, sinusoïde trouée entre les vallées, elle file sans retenue. Et enfin au bout du chemin, elle n’hésite plus, se jette à cours perdu dans la grande marre, qu’elle soit mer ou océan. Elle était fluide, vierge et pure, tout juste souillée par quelques limons inoffensifs, et la voilà, corrompue, attaquée par un sel rongeur, elle se dissout, perd de sa fluidité, s’oublie dans les profondeurs que d’autres eaux forment avec elle. Elle meurt.
Et si ce cycle de l’eau n’était qu’une piètre allégorie de nos vies, de nos chemins branlants, de nos routes empiriques tracées par nos aïeux ? On use des mêmes canaux, fleuves ou rivières. Le cours d’eau comme cours de l’existence. Certains coulent plus vites que d’autres. D’aucuns ont même leur propre fleuve, aux berges rectilignes en béton armé comme autant de garde-fou à tout débordement. Une eau limpide qui dévale avec un débit puissant que rien n’arrête. Ils sont forts, grands et beaux. Ils filent à grande vitesse avalant avec eux quelques affluents plus faibles, avortons qui n’ont alors d’autre solution que de se jeter dans leur lit. Mais chacun, maigre ruisselets ou grande destinée fluviale, finira par atteindre le grand estuaire et terminera le parcours dans la même mer âcre, anonymes parcours noyés dans un grand tout, noir et silencieux. On meurt.
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Le dedans du dedans
Absence.
Christophe Sanchez
J’arrive et on m’attend, souvent. Dialogues nourris, joyeusetés, entraînante conversation amicale que l’on espère de moi. Et je ne suis pas là, du moins pas à l’endroit où l’on me souhaite. On me patiente, me soupire, me veut au mieux de moi et je l’ignore ou feins de ne pas le percevoir. Corps réellement présent mais idées et pensées diffuses dans un lointain, je survole, me noie dans l’anonymat des relations, perce une nuit dans le jour qu’on m’expose. Détaché, distant et froid, je m’éparpille autour, entend sans trop écouter, écourte l’interaction quand elle se fait trop proche.
Et là, secret et taciturne, je me retrouve trop peu de mots en bouche, insipide compagnie qu’on subjugue. Aucune mauvaise volonté, ni autre dédain ne me côtoie. Bordé de personnes que j’aime, je suis pourtant ailleurs, incapable de maintenir la répartie exigée, je me dérobe sans reproche pour personne et me drape d’un silence incompris. Une absence douce pour moi, être entouré sans déployer la parole inutile, celle qui n’apportera rien de nouveau mais qui, au contraire, pourrait être tentatrice d’en dire trop. Une absence rebelle pour l’autre, le « on » qui me contient, les interlocuteurs surpris de cette langueur étrange déroulent alors paranoïa à leur encontre. Perdus dans mon aphasie inaccessible, ils se sentent coupables d’une rupture morale. Et pourtant, le lien demeure malgré l’absence, je suis simplement entre d’eux.
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Le dedans du dedans
Inspiration.
Christophe Sanchez
S’écrire pour tout dire, quelle belle hérésie ! S’écrie-t-il quand soudain il comprit qu’elle s’était enfuie. Sur son pupitre, deux pages volées, un encrier empli de chimères liquides, ses coudes en contrepoids d’une tête prise par le vertige. Ah la belle ingénue ! Il lui a fait confiance, il l’a crue lorsqu’il s’attela à la tâche, certain de tenir la bride de son histoire échevelée, persuadé d’avoir la trame de loin écrire et emballé qu’il fut par ses courbettes vertueuses.
Quelques lignes et remaniements évaporés, boules de papier froissé dans la corbeille, maintenant, il décrie, l’œil contrit, devant une série de pages d’un incorrigible blanc. Blanc et ses pensées noires du dedans, enfermées dans son corps, interdites de mots à retoucher, de synonymes à troquer, de verbes à malaxer.
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Le dedans du dedans
Lumières vives.
Christophe Sanchez
La ville s’empourpre de lumières vives sur le vert pastiche des arbres en plastique. Et comme chaque année, moi, je prends la tangente, je freine, je fixe les petites lampes qui me flouent. J’envoie des sondes au passé retrouver les émotions enfantines. Mais rien, ou si peu, du candide de croire à celui aujourd’hui de feindre. Pourtant, les odeurs de marrons chauds et les rieurs dans les allées me font tant de bien.
Et dans la ville, à la faveur de la nuit, une fois au moins, écouter les chansonnettes en dépit des enseignes qui saignent aux quatre veines ma résistance à consommer. Je ronge mon frein sur la chute inconsciente d’après l’agitation. L’angoisse de la fin et celle du renouveau, le cœur manque au tourment. Confusion. Je rôde, m’agrippe à la foule fardée, puis je lâche, me laisse aller aux sirènes. Il sera assez tôt demain d’atterrir, de me dire que c’est fini jusqu’à l’an prochain.
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Le dedans du dedans
Quel temps ?
Christophe Sanchez
C’est sûr, il faut avoir le temps. Le temps de digresser sur ce temps imperméable, insaisissable qui fuit et qui pleut. Amusante homonymie qui fait passer le temps comme la pluie passe à l’arrivée du beau temps. Que ce soit l’une ou l’autre, définitions qui nous intéressent, il nous importe de quantifier celui qu’il nous reste ou de qualifier celui qu’il fait. Le matin du jour où il est temps de se lever, pas un pas en avant sans s’aviser du temps, au-dehors mais aussi au-dedans, le ciel et l’heure, le bleu et le blues.
Et toute la journée, il va nous suivre. Quel temps ! Ainsi le voisin nous saluera. Aucune équivoque possible sur celui-ci. On n’imagine pas Léon - c’est mon voisin - s’exclamait de la sorte pour s’haranguer du temps qui passe en impulsant une profonde réflexion philosophique sur les ressorts de l’époque et leur impact sur notre vie quotidienne. Non, Léon parle bel et bien de la météo que ce soit des jours sombres d’hiver pour dénoncer le froid piquant ou des matins déjà saturés de soleil aux belles saisons. Autant se le dire, les deux temps sont rarement mêlés et la principale préoccupation de Léon est majoritaire. Rares sont ceux qui vont nous parler au bureau et d’un air détaché du temps qui s’écoule, de notre relative existence sur cet infini qui se déplie.
Et pourtant, ici et là, c’est bien celui-ci qui fascine, qui déroute et qui nous obsède plus que de raison. Le temps et sa litanie de rythmes qui cadencent nos journées. Courir après, le prendre quand on peut, le laisser filer pour respirer. Et à chaque chaos de reprendre en chœur comme si nous pouvions le maîtriser : il est venu le temps de. Il en va même pour certains l’outrecuidance de vouloir se l’accaparer et des plus oisifs de déclamer, bravant ainsi une impossibilité notoire : j’ai le temps. Avoir le temps, le posséder, le manipuler, voire l’arrêter tant qu’on y est ! Hérésie ! Nous n’avons pas le temps, jamais. C’est lui qui nous possède comme autant de rouages dans son déploiement, nos vies pour une imperceptible escarbille. Oui, Léon, quel temps de chien ! Les nuages montent et menacent vers le Sud, vous voyez là bas au loin, je crois qu’il va pleuvoir.
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Le dedans du dedans
S’encombrer du monde.
Christophe Sanchez
S’encombrer du monde, être là parmi sans vraiment. Cultiver dichotomie du moi, social ou pas, pas social, asocial. Ne pas être schizo mais moi si. Aimer être avec mais préférer souvent sans, parce que seul, entier, remède à confronter l’autre, celui qui mais qui ne fait pas. Alors subdiviser, couper ce « je veux » en quatre, briser l’élan et retourner. Va-et-vient, réveil, avancer sur glace quand et puis non, pourquoi et puis oui. Réchauffer, fondre, m’oublier après on verra.
S’encombrer du monde. Aimer sans être apte, recouvrir, ne plus voir. Demain, oui, demain, et finalement rien. Pas pouvoir ou ne pas vouloir. Descendre bien bas pour pousser sur talon du fond, rebondir haut, baliverne. Retourner dans les sens contraires. Alors, me voiler, donner le change pour que rien ne change. Mordre la lisière, trisser le temps. Masque affable, à fable de moi. Me mentir d’abord après on verra.
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Le dedans du dedans
Une aspérité.
Christophe Sanchez
Comme une aspérité sur mon temps, une parenthèse muette qui renferme un vide. Une occlusion interne, un point d’arrêt pour réfléchir, se voir de l’intérieur. Mais l’ascète que je suis, ne veut voir que clair et dans cette profonde excursion, n’apercevoir que du sombre. Pas du noir mais du voilé, c’est un gris abscons.
Comme une aspérité sur mon temps, naviguer à vue limitée, près d’un récif indéfini, une peur inconnue qui oscille entre les bornes. Trouble d’un ennui déprécié. Et dessiner l’axiome d’une bouée jetée à la mer – grande, opaque et vide – qui doit me ramener au bord, me ramener au début, avant l’ouverture de la parenthèse. Mais c’est ne pas pouvoir s’accrocher au bouchon et l’hypothèse se grippe, file comme un savon entre les doigts, à la fois rescousse et menace.
Comme une aspérité sur mon temps, un écueil sur mon embarcation, mélange rugueux sur folle digression, tempête sous un crâne. Et le frêle esquif de disparaître, clore l’assertion d’amertume et c’est continuer sans savoir, ni pourquoi, ni comment. Se réveiller.
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Le dedans du dedans
Petites peurs.
Christophe Sanchez
Il a plein de petites peurs. Des peurs quotidiennes qui n’ont pas de nom, qui s’immiscent sournoises partout, dans chaque recoin de la vie. Le téléphone qui sonne, appel masqué, et il a peur. Le téléphone qui ne sonne plus, réseau déficient, il vérifie car il a peur. Du courrier anonyme, enveloppe blanche sans expéditeur, probables mauvaises nouvelles et il a peur. Un message, précis, correspondant identifié, connu, vu, aimé même peut-être, il a gagné ou perdu, retour de prétention, il ouvre ou pas, il hésite car il a peur.
Il a plein de petites peurs. Le matin, tard trop tard, le jour présent est beaucoup trop là, pour lui aussi va savoir il peut, heures constructives, nécessaires retour à la vie, mais il évite, ferme les yeux, feint l’assoupissement car il a peur. Le soir, déjà trop vite tombé et le vide autour, noir trop noir, il a pas vu passer le jour, l’a évité, confondu dans le sombre d’un sans soleil et maintenant, il a peur. L’autre face à lui, prés trop prés, éclaire, exhorte, pousse, bouge, tourmente, trop de trop pour avancer, trop de choses à faire, à penser, à mûrir, d’acter il a peur. Peurs primaires dans le cortex.
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Le dedans du dedans
Christophe Sanchez
Boue. Je ne distingue plus l’angoisse de la gêne, la peur de l’embarras. Ne sens plus mon corps, instinctif et transparent, j’évolue désormais dans un magma, une fange lourde à mes pieds. Je marche. Du noir ou du blanc. A l’aveugle qui perçoit encore la lumière. A droite ou à gauche. Sans but ni direction que je ne puisse identifier. Dans ma tête, martèle un anathème lancinant. Imprécation de l’au-delà, retour à des valeurs prieures. Un glas pour l’homme sur les tempes rouges du blasphème. Je marche. Mon corps en parenthèses, l’âme cuisante sur le bûcher de mes pensées veules. A l’intérieur, tout semble se repentir, de déambulation impie en chemin de croix, Dieu me rattrape et moi, je m'enterre. Boue gluante sous mes pas, fragile surface glaise couleur chair de ma peau qui fond sur la route. Désincarnation en coulée. Du chaud ou du froid. Plus aucune sensation vivante. Je marche. Perds connaissance, de moi, du monde autour. Consistance flasque de mon existence, j’évacue dans un amas liquide toute espérance terrestre. D’âme ou de chair. Je marche. M’enfonce jusqu’aux genoux, pris au piège de sables émouvants, captif de mon corps en dissolution de sentiments. Le tocsin dans mon crâne évidé persiste à battre une mesure qui assomme ma force et noie mes efforts d’absolution. Je ne marche plus. Je m’enterre. La bourbe jusqu’au cou, en suffocation nerveuse et imploration vaine, je disparais.
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