Avis à l’auteur du journal de Gottingue/Mélanges (Voltaire)
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VoltaireAvis à l’auteur du journal de Gottingue1756Œuvres complètes de Voltaire, tome 24A V I S[1]À L’AUTEUR DU JOURNAL DE GOTTINGUE _________Quand un journaliste veut rendre compte d’un ouvrage, il doit d’abord en saisirl’esprit ; quand il le critique, il doit avoir raison. Le journaliste de Gottingue a oubliéentièrement ces deux devoirs, et il se trompe sans exception sur tout ce qu’il dit.Il se trompe quand il dit que l’auteur du Siècle de Louis XIV devait parler deTillotson en parlant de Bourdaloue ; il ne songe pas qu’il ne s’agit que des écrivainsde France.Il se trompe quand il dit que le baron des Coutures ne méritait pas d’être cité. Sa[2]traduction de Lucrèce est la meilleure qu’on ait en France .Il se trompe quand il dit que Desmarets n’était qu’un traducteur. L’abbé Régnier-Desmarets a traduit à la vérité Anacréon en vers italiens avec succès, ce qui est untrès-grand mérite ; mais il a fait des vers français qu’on sait par cœur, et il étaitexcellent grammairien.Il se trompe quand il dit que Bernier n’était pas médecin du Grand Mogol, et qu’il lecroit précepteur du fils d’un aga. Un mahométan indien ne donne point pourprécepteur à sou fils un chrétien de France, qui parle mal indien ; mais on nedemande guère à un médecin de quelle religion il est. Bernier était médecin de[3]l’empereur Sha-Géan , comme on peut le voir dès la page 9 de ses Voyages(édition d’Amsterdam). Voilà pourtant ce que le journaliste appelle une fautegrossière.Il se ...

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Voltaire Avis à l’auteur du journal de Gottingue 1756 Œuvres complètes de Voltaire, tome 24
A VI S [1] À L’AUTEUR DU JOURNAL DE GOTTINGUE_________
Quand un journaliste veut rendre compte d’un ouvrage, il doit d’abord en saisir l’esprit ; quand il le critique, il doit avoir raison. Le journaliste de Gottingue a oublié entièrement ces deux devoirs, et il se trompe sans exception sur tout ce qu’il dit.
Il se trompe quand il dit que l’auteur duSiècle de Louis XIVparler de devait Tillotson en parlant de Bourdaloue ; il ne songe pas qu’il ne s’agit que des écrivains de France.
Il se trompe quand il dit que le baron des Coutures ne méritait pas d’être cité. Sa [2] traduction de Lucrèce est la meilleure qu’on ait en France.
Il se trompe quand il dit que Desmarets n’était qu’un traducteur. L’abbé Régnier-Desmarets a traduit à la vérité Anacréon en vers italiens avec succès, ce qui est un très-grand mérite ; mais il a fait des vers français qu’on sait par cœur, et il était excellent grammairien.
Il se trompe quand il dit que Bernier n’était pas médecin du Grand Mogol, et qu’il le croit précepteur du fils d’un aga. Un mahométan indien ne donne point pour précepteur à sou fils un chrétien de France, qui parle mal indien ; mais on ne demande guère à un médecin de quelle religion il est. Bernier était médecin de [3] l’empereur Sha-Géan, comme on peut le voir dès la page 9 de sesVoyages (édition d’Amsterdam). Voilà pourtant ce que le journaliste appelleune faute grossière.
Il se trompe quand il dit que leJournal des Savants(de Paris) n’est pas le premier qu’on ait fait en Europe. Il se trompe en opposant lesTransactions philosophiques. CesTransactions ne sont point un examen des ouvrages nouveaux de tous les auteurs, comme le Journal des Savants; c’est une entreprise toute différente. Il se trompe quand il croit qu’il y a eu une bonne pharmacopée universelle avant celle de Lémery. Il se trompe quand il dit que leMoréripas le premier dictionnaire français n’est historique qui concerne les faits ; c’est même le premier en toute langue, ceux des [4] Estienne n’étantqu’une courte nomenclature pour l’intelligence des anciens auteurs. Il se trompe et fait pis que se tromper, quand il traite de menteur le P. Daniel, qui ne passe pas pour un historien assez profond et assez hardi, mais qui passe pour un historien très-véridique. Le P. Daniel a erré quelquefois, mais il n’est pas permis de [5] l’appelerun menteur . Il se trompe quand il croit lesContesbadins de La Fontaine plus dangereux que la seconde églogue de Virgile, ou que certaines satires d’Horace, ou qu’Ovide, ou que Pétrone. Il n’a pas senti que la gaieté n’est pas ce qui inspire la volupté. La Fontaine est plaisant ; Ovide est voluptueux ; Pétrone est débauché. Il se trome uandil reroche à l’auteur duSiècle de Louis XIVd’avoir ditu’il vaut
mieux recevoir cent bulles erronées que d’exciter des divisions. Voici le passage duSiècle: « Il vaut mieux recevoir cent bulles erronées que de mettre cent villes en cendres. » Quiconque aura une maison dans une de ces cent villes pensera ainsi ; permis à ceux qui n’ont point de maison de brûler celles des autres pour une bulle. Il se trompe quand il croit que dans leSiècleon immole les jansénistes aux jésuites. On n’a certainement point pris de parti entre ces messieurs. On y dit que Quesnel était un opiniâtre ; que le jésuite Le Tellier, confesseur de Louis XIV, était un méchant homme. L’auteur duSièclen’est ni janséniste ni moliniste. Il se trompe quand il dit que les Français firent des campagnes malheureuses en Bohême, lorsque Louis XV fut à la tête de ses armées. Louis XV, depuis la fin de 1743, n’envoya pas en Bohême un seul régiment. Il se trompe quand il reproche à l’auteur duSiècled’avoir dit que les Allemands ne se mettent jamais en campagne qu’au mois d’août. Jamais l’auteur duSiècle n’a répété cette ancienne sottise. Il se trompe quand il avance que les papes n’ont jamais rendu Castro et Ronciglione. Ils en sont possesseurs, oui ; mais cela prouve-t-il qu’ils ne les aient jamais cédés ? Alexandre VII fut forcé de les rendre pour cent mille écus romains en 1664. Il se trompe quand il dit que l’Encyclopédien’est pas un ouvrage très-utile, et quand il conclut qu’il ne vaut rien, de ce qu’il a été critiqué et persécuté dans sa naissance par des ennemis intéressés. Il devait conclure tout le contraire. Il faudrait tâcher de ne se pas tromper sur tous les points quand on critique un ouvrage. L’auteur duSiècle de Louis XIV n’avu aucune des éditions qui ont été faites en France, en Angleterre, et en Hollande. Il lui est tombé entre les mains une petite feuille volante, dans laquelle on relève plusieurs fautes de l’édition de la Haye, et on en rend l’auteur responsable. Il y a, ce me semble, un peu d’injustice dans ce procédé. Ce n’est pas à lui qu’il faut s’en prendre si on a impriméPigeri pour Gigeri,Burignac pourDaubignac, et si les éditeurs sont tombés dans d’autres méprises. On ne trouvera pas ces fautes dans l’édition de Genève, corrigée par l’auteur même. Ceux qui se hâtent de faire ces critiques devraient y apporter plus d’équité et plus d’attention. Par exemple, on reproche à l’auteur d’avoir dit que le grand Condé mourut à Chantilly en 1680. Cela n’est pas vrai : l’auteur place cette [6] mort en 1686, non pas à Chantilly, mais à Fontainebleau. On lui reproche d’avoir mis en 1700 la mort de Jacques II, roi d’Angleterre. Cela n’est pas vrai : il dit que c’est en 1701. On lui reproche d’avoir placé la mort de Madame, la première femme du frère de Louis XIV, en 1672. Cela n’est pas vrai : il me la place au mois dejuin 1670.On lui reproche d’avoir fait naître MDacier en 1615. Cela n’est pas vrai : il a placé sa naissance en 1651. Au reste, il est difficile que, dans un catalogue de plus de trois cents artistes, on ne se soit trompé sur quelques noms obscurs, et sur quelques dates. Unerrata suffit pour ces bagatelles. Il ne faut pas juger d’un grand bâtiment par quelques pavés qu’un maçon subalterne aura mal arrangés dans la cour.
FIN DE L’AVIS, ETC.
__________
SUPPLÉMENT AU SIÈCLE DE LOUIS XIV (1753)
Cet ouvrage est dans le tome XV, à la suite duSiècle de Louis XIV.
__________
1. ↑Cet opuscule, relatif auSiècle de Louis XIV,fut d’abord imprimé séparément, puis dans la Bibliothèque impartiale,tome VII, deuxième partie, page 316 (cahier de mars et avril 1753). Le journaliste de Gottingue répliqua par unMémoire sur l’Avis,qu’on trouve dans la etc., Bibliothèque impartiale,tome IX, page 457, et tome X, page 123. LeMémoireest quatre fois plus long que l’Avis.Les deux pièces font partie du volume intituléGuerre littéraire,1759, in-12. (B.) 2. ↑Depuis que Voltaire a écrit, ont paru la traduction en prose, par La Grange, et la traduction en vers, par M. Sanson de Pongerville. (B.) 3. ↑Sha-Gean était père d’Aurengzeb ; voyez tome XIII, pages 156 et suiv. 4. ↑LeDictionarium historicum, geographicum et poeticum, de Charles Estienne, est de 1566, et est en latin. C’est, en grande partie, une traduction française de cet ouvrage que donna Juigné Broissinière, sous le titre de : Dictionnaire théologique, historique,etc, 1627, in-4° ; la première édition du Dictionnaire de Moréri est de 1673. ( B.) 5. ↑Voyez, dans laListe des écrivainsDaniel, tome XIV ; et tome XI,, l’article pages 497 et 502. 6. ↑Voyez, tome XIV, pages 6 et 465, les préliminaires et le chapitre xxvii du Siècle de Louis XIV.
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