L’Envieux
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V o l t a i r eL ’ E n v i e u xL ’ E N V I E U XCOMÉDIE EN TROIS ACTES, ET EN VERSAVERTISSEMENTl)H lU-UCHOT.� �L'abbé de Lainare étant veim passer (iuel(iue temps à Cirey, dans les derniersmois do 1738, Voltaire, qui lui avait souvent envoyé de l'argent, ne put lui donnerque cent livres; mais il lui remit le manuscrit d'une comédie dont il devait partager leproduit avec un jeune homme plus sage et plus pauvre que lui *. Cette comédieétait celle de l'Envieux. Voltaire croyait n'avoir fait (ju'une action de bon cluétien, etnon un bon ouvrage -, en peignant l'abbé Desfoiilaines sous le nom de l'Envieux..M'"" du Cliàtelet n'approuvait pas cet ouvrage, puisqu'elle désirait qu'il ne parûtpoint ^. 11 n'était question do rien moins que de le liiire représen- ler sur le Théâtre-Français; Voltaire tenait beaucoup à ce projet; M""" du (iliàtelet voulait qu'onl'abandonnât *.Voltaire était malade lorscpie Lamaro envoya à Cirey un gros paquet que .M'" duChàtelet, par sollicitude pour Voltaire ^, ouvrit à son insu : il con- tenait lemanuscrit de l'Envieux.y\'"^ du Chàtelet parle encore de l'Envieux dans ses lettres des 7 janvier et 10janvier 1739. Ce qu'elle désirait eut lieu : cette comédie ne fut pas représentée.L'auteur la perdit totalement do vue, et longtemps on la crut anéantie. Les éditeursde Kehl n'avaient pu se la procurer. Mais longtemps après l'édition terminée, feuDecroix, l'un de ces éditeurs, constant dans ses recherches sur tout ce quiconcernait ...

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Langue Français
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Extrait

Voltaire L’Envieux
L’ENVIEUX COMÉDIE EN TROIS ACTES, ET EN VERS AVERTISSEMENT l)H lU-UCHOT. �� L'abbé de Lainare étant veim passer (iuel(iue temps à Cirey, dans les derniers mois do 1738, Voltaire, qui lui avait souvent envoyé de l'argent, ne put lui donner que cent livres; mais il lui remit le manuscrit d'une comédie dont il devait partager le produit avec un jeune homme plus sage et plus pauvre que lui *. Cette comédie était celle de l'Envieux. Voltaire croyait n'avoir fait (ju'une action de bon cluétien, et non un bon ouvrage -, en peignant l'abbé Desfoiilaines sous le nom de l'Envieux. .M'"" du Cliàtelet n'approuvait pas cet ouvrage, puisqu'elle désirait qu'il ne parût point ^. 11 n'était question do rien moins que de le liiire représen- ler sur le Théâtre-Français; Voltaire tenait beaucoup à ce projet; M""" du (iliàtelet voulait qu'on l'abandonnât *.  Voltaire était malade lorscpie Lamaro envoya à Cirey un gros paquet que .M'" du Chàtelet, par sollicitude pour Voltaire ^, ouvrit à son insu : il con- tenait le manuscrit de l'Envieux. y\'"^ du Chàtelet parle encore de l'Envieux dans ses lettres des 7 janvier et 10 janvier 1739. Ce qu'elle désirait eut lieu : cette comédie ne fut pas représentée. L'auteur la perdit totalement do vue, et longtemps on la crut anéantie. Les éditeurs de Kehl n'avaient pu se la procurer. Mais longtemps après l'édition terminée, feu Decroix, l'un de ces éditeurs, constant dans ses recherches sur tout ce qui concernait Voltaire, parvint a la trouver. Elle devait faire partie d'un supplément qu'il préparait pour les éditions de Kehl II est mort en 1827 sans exécuter ce projet. Quelques heures avant de mouiir, il m'envoya la copie qu'il avait faite de l'Envieux, et c'est sur cette copie unique que j'imprime cette pièce, qui n'avait pas encore vu le jour. Paris, ce 14 décembre 1833. �� 1. Lettre de Voltaire à d'Arj^cntal, du 5 décembre 1738. 2. Lettre de Voltaire à d'Argental, de décembre 1738. 3. Lettre de M""" du Chàtelet à d'Argental, du 25 décembre 1738; voyez Lettres inédites de Madame du Chàtelet, 1806, iii-S" et in-12. 4. Lettre de M""^ du Chàtelet, du 29 décembre 1738. T), Voyez id. ��  PERSONNAGES. �� (XEON, officior général comniiindanl do la province. IIOKTENSE, épouse de Cléon. ARISTON, ami de Cléon et d'Hortense. GLITAXDRH, ami d'Ariston. ZOÏLIN, écrivain de feuilles littéraires périodiques, introduit et accueilli chez Cléon sous les auspices d'Ariston. NICODON, neveu de Zoï in. LAURE, suivante d'Hortense. UN EXEMPT de maréchaussée. LA FLEUR, valet de chambre
d'Hortense. UN LAQUAIS. GARDES. PLUSIEURS VALET.S de la suite de Cléon. �� La scène est dans le cliâteau de Cléon. ��  L'ENVIEUX �� COMEDIE �� ACTE PREMIER. �� SCENE I. ZUlLliN, une gazette à la main, se promenant dans l'antidjambro d'Hortense. Que ces gazettos-lii sont des choses criiellos! J'y vois presque toujours d'afiligeantes nouvelles. A de plats écrivains l'on donne pension, A Valère un emjjloi, des honneurs à Damon ; Le petit monsieur Pince est de l'Académie ; A la riche Chloé Dalinval se marie. De parvenir comme eux n'aurais-jo aucun moyen ? Fortune hizarre! ils ont tout, et moi rien. Aujourd'hui le mérite à cent dégoûts s'expose. Autrefois, au bon temps, c'était tout autre chose... Voyons, tâchons d'entrer'. �� SCENE II. ZOILIN, LA FLEUR, sortant do l'appartement d'Hortense. ZOÏLIN. Bonjour, monsieur La Fleur, Puis-je vous demander si j'obtiendrai l'honneur 1. Comparez la première scène de l'Écossaise. ��  m^ L'ENVIEUX. !)"(Milivr à la toilette, et si madame Ilortense \ou(lra bien at;iver mon luimble révérence? LA FI.Kl H. Non, monsieur Zoïlin. ZOÏLIN. Je n'entrerai point? LA FLEUR. �� Non ; (Il sort.) �� Madame en, ce moment est avec Ariston. SCÈNE ITT. ZOÏLIN. Ce monsieur Ariston est lienreiix, je ravouc : Partout on le reçoit, on le léte, on le loue. Le maître de céans, Cléon, est son appui,
Et laisse, en tout honneur, son épouse avec lui. Je ne suis point jaloux, mais je sens qu'à mon âge Piquer une antichambre est d'un l)as personnage ; Tandis que mon égal, du haut de sa faveur, Se donne encor les airs d'être mon protecteur. Cette amitié d'Hortense est pour moi fort suspecte... Je sais que le public l'estime et la respecte... Le public est un sot; j'appelle, sans détour. Une telle amitié le masque de l'amour. Que le sort d'Ariston m'humilie et m'outrage ^ ! SCÈNE lY. Z OÏ L I X , UN LA () U A I S , porteur d'une lettre. LE LAQUAIS. Monsieur... ZOÏLIN. Que me veux-tu? LE LAQUAIS. C'est, monsieur, un message. l. Voltaire se peint sous le nom d'Ariston. Cléon figure M. du Châtelet, et Hortense n'est autre que la belle Emilie. (G. A.) �� 1 I ��  ACTE I, SCKXE V. ^^n 7. ï 1. 1 \ . l'oiii' moi ? \.V. I.AOIAIS. \()ii pas, c'ost pour \rislon, votre ami. Le dur (rKlhoiirt;' lattond à qii(>!([ii('s pas d'ici. On doit soiipor ce soir choz inadamo Tiillic, Oui nous doiiiic le bal avoe la coiurdic. /OÏI.IN. Kl moi, je n'en suis point ? LE LAQUAIS. Non, monsieur. Dites-inoi Où je i)oiiriai trouver votre ami. ZOÏLIN. Par ma foi. Je n'en sais rien. Cours, clierelie. (Lo laquais sort.) �� SCENE V. ZOÏLIN, seul. lia: je perds i)atience. Que je soufTre en secret! quels d( fj;oûts: I^Jus j'y pense, Moins je puis concevoir comment certaines gens. Avec très-peu d'esprit, nul savoir, sans talents. Ont trouvé le secret d'éblouir le vulgaire. De captiver des grands la laveur passagère. De faire adroitement leur réputation. Chacun veut réussir, veut percer, cherche un nom. Le plus petit gredin, dans l'estime du monde, Croit s'ériger un trône où son orgueil se fonde ; Et ce trône si vain, ce règne des esprits, Ce crédit, ces honneurs, de quoi sont-ils le prix? Je vois qu'on y parvient par cent
brigues secrètes. Par de mauvais dîners que l'on donne aux poètes Qui font bruit au Pont-Neuf, aux cafés, aux tripots. Réussir ([uelquefois est le grand art des sots. Pour moi, depuis trente ans j'intrigue, je compose. J'écris tous les huit jours quelque pamphlet en prose. Quels tours n'ai-je pas faits? que n'ai-je point tenté? Cependant je croupis dans mon obscurité. ��  ois L'EN VIE L'X. SCÈNE VI. ZOILIN, LAURE, sortant de l'appartement d'Hortense. ZOÏLIN. Kli bien, poiirrai-jc entrer? LAURE. Non, monsieur, pas encore. ZOÏLIN. Du moins, en attendant, parlez-moi, ])el]e Laure. Faut-il que le destin, qui comble de ses dons Tant d'illustres faquins, tant de fières laidrons, Puisse au mécbant métier d'une fdle suivante Réduire une beauté si fine et si piquante ! LAURE. Servir auprès d'Hortense est un sort assez doux. ZOÏLIN. Allez, vous vous moquez; il n'est pas fait pour vous. LAURE. Vous le croyez, monsieur? ZOÏLIN. De vous avec Hortense, Savez-vous, entre nous, quelle est la différence ? LAURE. Eli mais, oui. ZOÏLIN. L'avantage est de votre côté. Vous avez tout, jeunesse, esprit, grâces, beauté. Elle n'a, croyez-moi, que son rang, sa richesse. Le hasard qui fait tout la fit votre maîtresse. Moins aveugle, il eût pu la rabaisser très-bien A l'état de suivante, et vous placer au sien. LAURE. Je n'avais jamais eu cette bonne j)ensée. Je la trouve, on effet, très-juste et très-sensée. Vous m'éclairez beaucoup, vous me faites sentir Que j'étais dès longtemps très-lasse de servir. ZOÏLIN. Oui, vous, servir Hortense? et pourquoi, je vous prie? Ce monde-ci, ma fille, est une loterie; Chacun v met : on tire, et tous les billets blancs ��  ACTE I, SCKNE VI. 520 Sont, je ne sais pounitioi, pour les lioniictcs ^cns. Voyez monsieur Cléon, ce lier mari d'Ilortcnse, Qui nous écrase ici du poids de sa puissance; Dont l'insolent accueil est un rire outrageant; Qui m'avilit encor, même en me protégeant ; Qui croit que la raison n'est rien que son caprice; Qui nomme impudemment sa dureté, justice : Cet homme si puissant, entre nous, quel est-il? Un ignare, un pauvre homme, un esprit peu subtil. Cependant vous. voyez, il est chéri du maître; Chacun est son esclave, ou cherche à le paraître; Et moi, dans sa maison, je rampe comme un ver.
LAt RE. Pour moi, je n'ai jamais pu supporter son air. ZOÏLIN. Son front toujours se ride. LAURE. Il est dur, dil'iicile, Parlant peu. ZOÏLIN. Pensant moins. LAURE. Sombre. ZOÏLIN. �� Pétri de bile. �� LAURE. �� ZOÏLIN. �� Si sérieux ! Si noir! LAURE, De madame jaloux, Maître assez peu commode, et très-lacheux époux. Je le planterai là. ZOÏLIX. Vous ferez à merveille. Il faut vous étabhr, et je vous le conseille. Cléon depuis longtemps me promet un emploi ; Mais dès que je l'aurai, je vous jure ma foi Que monseigneur Cléon reverra peu ma face. J'ai fait assez ma cour, je veux qu'on me la fasse. Aidez-moi seulement, je vous promets dans peu De vous faire épouser Nicodon, mon neveu. Théâtre. II. 3i ��  530 . L'ENVIEUX. LAUUE. C'est Irop dhonnour. ZOÏLIN. L'amour sous votre loi rengage. L.VUKK, Bon, bon! c'est un jeune lionime à son apprentissage. Qui ne sait ce qu'il veut, et qui n'est point formé. Il est si neuf, si gauche ! il n'a jamais aimé. ZOÏLFX. Il en aimera mieux. Oui, mon enfant, j'espère Entre vous deux bientôt terminer cette atlaire ; Mais à condition que vous m'avertirez De ce qu'on fait ici, de ce que vous verrez ; De ce qu'on dit de moi chez monsieur, chez madame Je veux savoir par vous tout ce qu'ils ont dans l'âme. Rapportez mot pour mot les propos d'.Vriston,
Et les moindres secrets de toute la maison. Pour votre bien, ma fdle, il faut de tout m'instruirc; Ne parlez qu'à moi seul et laissez-vous conduire. LAURE, Très-volontiers, monsieur ; et tout présentement (On entend la sonnette de l'appartement ) Je veux... Madame sonne,... et voici mon amant. (A Nicodon qui entre.) Bonjour, mon beau garçon ; votre oncle est adorable. Ah, quel oncle! il médite un projet admirable! Il veut... croyez, suivez, faites ce qu'il voudra : Plaisir, fortune, honneur, tout de vous dépendra. (Un entend encore la sonnette, Laure s'enfuit précipitamment.) ZOÏLIN, à part. II est bon de gagner cette franche étourdie. �� SCENE YII. ZOÏLIN, NICODON. ZOÏLIN. Toi, que viens-tu chercher? MCODON. Mon oncle, je vous prie. ��  ACTE I, SCÈNE VII. 531 L'aiiricz-vous déjà vu ? ZOÏLIX. Qui? NICODON. Noire ('lier patron. Mon protecteur, le vôtre? ZOÏLIN. Eh, qui donc? NICODON. Aristoii. ZOÏLIN. Pouniuoi? que lui veux-tu? NICODON. (le (juc je veux? lui plaire... Je voudrais pour beaucoup prendre son caractère; L'étudier du moins, lui ressembler un peu. ZOÏLIN. Dites-moi, s'il vous plaît, mon nigaud de neveu. Bel-esprit de collège, imbécile cervelle. Pourquoi voulez-vous prendre Ariston pour modèle? Pourquoi i)as moi ? NICODON. Pardon, mais, c'est, mon oncle, c'est... Qu'Ariston chaque jour se voit l'été, qu'il plaît. Qu'il réussit partout ; c'est que, sans peine aucune. Le chemin du plaisir le mène à la fortune; Que chacun le recherche, et protite avec lui ; Tandis que toujours seul vous érissez d'ennui. Je sens ue e ourrais, our eu u'on me seconde,
Devenir ci mon tour un lîonime du beau mondée ZOÏLIN, à part. Pauvre garçon ! NICODON. Comment en trouver le moyen ? ZOÏLIN, à part. Le plaisant animal ! il a, je le vois bien. Juste l'esprit qu'il faut pour faire des sottises. Par sa simplicité poussons nos entf-eprises. �� 1. L'original de Nicodon doit être le j-eune Linant, que Voltaire fit admettre à Cirey comine précepteur et qui s'y conduisit avec beaucoup de légèreté. Voyez la Correspondance (année 1734, ITio, etc.). (G. A.) ��  .')3"2 L'ENVIEUX. (A Nicodon,) Mon ami, du beau uioiide avant pou tu seras; Suis mes conseils en tout, et tu réussiras, MC0DO\, Vous n'avez (|u"à parler, " ZOÏLIX, H faut, sur toute chose, Lorsqu'au taraud jour du monde un jeune homme s'expose, Il faut, pour débuter, aimer quelque beauté Un peu sur le retour, riche, et de qualité; Hortense, par exemple. NICODON. Ah! c'est me faire injure De penser... ZOÏLIN, Non, ma foi! c'est la vérité pure. Je sais cent jeunes gens plus sots, plus mal tournés, De leur bonne fortune eux-mêmes étonnés. Tout le secret consiste... NICODON. Ah ! c'est madame Hortense. ZOÏLIN. Oui, son cher Ariston avec elle s'avance. NICODON. Qu'ils me plaisent tous deux ! �� SCENE YIII. HORTENSE, ARISTON, ZOÏLIN, NICODON. HORTENSE, à Zoilin et à Nicodon, Avec plaisir vraiment Je vous rencontre ici tous deux en ce moment. Apprenez de ma bouche une heureuse nouvelle, Qui doit vous réjouir, NICODON , faisant une grande révérence. Madame, quelle est-elle ? HORTENSE, à Zoïlin. Vous connaissez, monsieur, ce beau poste vacant, Et que tant de rivaux briguaient avidement? ��  ACTE I, SC1:NE Mil. 533 ZOÏLIN.
Oui, madamo, et j'ai cru... HORTENSE. La brigue étail bien l'ortc : Enfin c'est Ariston, votre ami, qui l'emporte. MCODON, basa Zoilin. \ ous pâlissez, mon oncle ! ZOILIN", à Ariston, avec contrainte. Ail ! recevez, monsieur, (Bas, à part.) (Haut.) Mes compliments... J'enrage. Et c'est du fond du cœur. AIUSTON, .le veux l)ien ra\ouer; la part si peu commune Que chacun daigne prendre à ma bonne fortune Est un très-grand honneur, un bien plus cher pour moi. In phiisir plus touchant que cet illustre emploi; Et ce qui plus encor flatte en secret mon àme, C'est qu'un tel clioix n'est dû qu'aux bontés de madame. Mais elle sait aussi que la seule amitié IVut remplir tout mon cœur, à ses bienfaits lié. Touché, reconnaissant de lui devoir ma place. J'ose lui demander encore une autre grâce. ZOÏLIN, avec étonnement. Oh, oh! ARISTON. C'est de souffrir qu'on puisse y renoncer En faveur d'un ami qu'on voudrait y placer. ZOÏLIN, d'un air satisfait. Bon, cela. ARISTON. C'est pourquoi je parlais à madame. Un tel bienfait, sans doute, est digne de son âme ; Car enfin cet emploi, l'objet de tant de vœux. Si je le peux céder, rend deux hommes heureux. ZOÏLIN. Deux heureux à la fois ! votre âme est généreuse : Cette noble action sera très-glorieuse. J'ai bien pensé d'abord (jue ce poste, entre nous. Quelque beau qu'il puisse être, est au-dessous de vous. HORTENSE, à Ariston. Non, gardez cette place : elle en sera plus belle. ��  534 L'ENVIEUX. Et pourquoi la (|uittor? c'est le i)nx du vrai zèle, C'est le prix des taleuts; et les cœurs vertueux (Car il en est encor) joignaient pour vous leurs vœux. Ce choix les satisfait, il remplit leur idée.
Songez qu'au vrai mérite une place accordée Est un bienfait du roi, pour tous les gens de bien. Je vous ai toujours vu penser en citoyen. Et vous savez assez qu'à son devoir docile, 11 faut rester au poste où l'on peut être utile. ARISTON. J'en demeure d'accord ; mais ce n'est pas à moi De penser que moi seul puisse être utile au roi. Je sais qu'un honnête homme est né pour la patrie ; Mais, sans vouloir m'armer de fausse modestie. Je connais bien des gens dont l'esprit, dont l'humeur De ce fardeau brillant soutiendraient mieux l'honneur. Enfin, je l'avouerai, ces places désirées A'e seraient à mes yeux que des chaînes dorées. Mon esprit est trop li])re, il craint trop ces liens : On ne vit plus alors pour soi ni pour les siens. L'homme (on le voit souvent) se perd dans l'homme en place. Je vis auprès de vous : tout le reste est disgrâce. La tranquille amitié, voilà ma passion : Je suis heureux sans faste et sans ambition. Sans que le sort m'élève et sans qu'il me renverse, Je suis né pour jouir d'un sage et doux commerce, Pour vous, pour mes amis, pour la société. Dès longtemps rien ne mancjue à ma félicité : Votre noble amitié, sur qui mon sort se fonde, Me tient lieu de fortune et des honneurs du monde. Que me vaudrait de plus un illustre fardeau? (Ju'obtiendrai-je de mieux de l'emploi le plus beau? Dans les soins qu'il entraîne, et les pas qu'il nous coûte, Que pourrait-on chercher? c'est le bonheur sans doute; Mais ce bonheur enfin, je l'ai sans tout cela. Qui sait toucher au but ira-t-il par delà? ZOÏLIN. Vous parlez bien. Cédez à votre noble envie : Il ne faut pas, monsieur, se gêner dans la vie. Dans vos justes dégoûts sagement affermi. Faites de cet emploi le bonheur d'un ami. Vous saurez le choisir prudent, discret, capable. ��  ACTE I, SC[:NE VIII. o3o ARISTON. Oui. ZOÏLIN.
Plein (rosprit, ARISTON. Assez. ZOÏI.IX. Qui soit d'âge sortable. AIIISTON. D'un îige mûr. ZOÏLIN. Qui sache écrire noblement. AIUSTON. Oui, très-bien. ZOÏLIN, lias, à part. Ma fortune est laite en ce moment. (A Ariston.) Ainsi donc votre choix, monsieur, est... AIUSTON. Pour Clitandre. ZOÏLIN , stupéfait, les derniers mots à part. fllitandre!... ouf, ouf! HORTENSE, à Ariston, après un moment de silence. Eh bien, puisqu'il faut condescendre A ce que vous voulez, je me console : au moins L'amitié désormais obtiendra tous vos soins. ZOÏLIN, à part. Oh ! que de cet ami je voudrais la défaire ! HORTENSE. Votre présence ici m'était bien nécessaire : Je trouve en vous toujours des consolations, Des conseils, du soutien dans les afflictions; \a\ ami vertueux, éclairé, doux, et sage. Est un présent du ciel, et son plus digne ouvrage. NICODON, à Zoilin. Oh! comme en l'écoutant mon cœur est transporté! Que de grâce, mon oncle, et que de dignité ! Quel bonheur ce serait que de vivre auprès d'elle ! Z ï LI N , bas à Nicodon. Ce monsieur Ariston lui tourne la cervelle. HORTENSE, à Ariston. C'est par exemple encore un trait digne de vous, ��  536 L'ENVIEUX. D'avoir, par vos conseils, engagé mon époux A jeter dans le fen l'injurieux libelle Dont hier, en secret, un flatteur iniidèle Avait voulu, sous main, rallumer son courroux
Contre le vieux Ergaste, en procès avec nous. ARISTON. KJ! 1 madame, eu cela quelle était donc ma gloire? .Vai trop iacilenuMit gagné cette victoire : L'ouvrage était si plat, si dur, si mal écrit! Sans doute il fut forgé par quelque bel-esprit, Quekiue bas écrivain dont la main mercenaire Va vendre au j)lus vil prix son encre et sa colère ^ ZOÏLIN, bas à part. Ail! morbleu! c'était moi... Connaîtrait-il l'auteur? Fuyons! je suis rempli de honte et de fureur. ARISTOX, à Zoïlin. Vous ne connaissez pas ce misérable ouvrage? ZOÏLIN. Moi? ARISTON. Je souhaiterais qu'on pût guérir la rage De ces lâches esprits tout remplis de venin. ZOÏLIN. Oui. ARISTON. Qui, toujours cachés, bravent le genre humain ; De ces oiseaux de nuit que la lumière irrite, De ces monstres formés pour noircir le mérite. Que je les hais, monsieur ! HORTENSE, à Ariston. Vous avez bien raison. ZOÏLIN, à NicoJon. Sortons. iMCODON. Eh non, mon oncle. ARISTON, à Nirodon. Écoutez, Nicodon ; Gardez-vous pour jamais de ces traîtres cyniques. 1. Voltaire fait allusion ici au libelle que Desfontaincs avait écrit contre lui en sortant de Bicêtre, et que Thiériot fit mettre au feu. Voyez la Correspondance à cette époque. (G. A.) ��  ACTE I, SCÈNE IX. 537 Vous liantoz los cjilV's où ros postos |)iil)li([nos Vont, (lit-on, (|ii('l(|ii(»l'ois l'aire los bcaiix-osprits, Raiiiassor les poisons qu'on voit dans leurs écrits. Vous êtes jeune, et simple, et sans expérience; Le monde jus([u'ici n'est pas votre science; Vous pouvez avec eux aisément vous gâter : Madame vous protège, il le faut mériter. Étudiez beaucoup, acqu( rez des lumières  Pour entrer au harreau, pour régir les aiïaires; Rendez-vous digne enfin de quelque lionnête emploi. Surtout ne prenez point votre exemple sur moi'. (A Hortcnsc.) Madame, pardonnez cette leçon di/Tuse ; Mais vous le protégez, et c'est là mon excuse. Permettez qu'avec vous j'aille trouver (Iléon, Pour résigner remploi dont vous m'avez l'ait don. (Hoilcnso sort avec Aristim ) �� SCENE IX,
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