le sommet
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LE SOMMET I- Comme ils venaient juste de recouvrer leur indépendance, vingt deux pays parlant la même langue et pratiquant la même religion, voulaient se lancer dans le cortège des tendances et former, eux aussi, un bloc économique ; un marché commun qui rivaliserait avec les autres marchés existants de par le monde. Mais bien que ces pays aient beaucoup de points communs au niveau linguistique, culturel, traditionnel et religieux, de nombreux problèmes surgirent le jour même où l’idée de s’unir, leur effleura l’esprit. En effet, loin d’être homogène, le bloc envisagé présentait déjà des fissures menaçantes, et risquait de s’écrouler avant même sa construction, puisque sur les vingt deux pays candidats, on pouvait compter au moins vingt deux régimes politiques différents, se répartissant en monarchies, principautés et républiques. Héritage colonial. Avant de restituer les vingt deux pays aux autochtones, les colonisateurs avaient habilement intronisés des chefs d’Etats qui pérenniseraient l’occupation tout en veillant sur les intérêts des métropoles. Les nouveaux dirigeants furent donc triés sur le volet parmi les plus dévoués et les moins intelligents. Ceux-là mêmes qui collaboraient sérieusement avec l’occupant. Là où les populations avaient montré une certaine résistance à l’hégémonie étrangère, le colonisateur choisit de jeunes chefs guerriers. Il les façonna et les forma avant de leur passer les rennes du pouvoir.

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Publié le 17 juillet 2013
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Langue Français

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LE SOMMET  I Comme ils venaient juste de recouvrer leur indépendance, vingt deux -pays parlant la même langue et pratiquant la même religion, voulaient se lancer dans le cortège des tendances et former, eux aussi, un bloc économique ; un marché commun qui rivaliserait avec les autres marchés existants de par le monde. Mais bien que ces pays aient beaucoup de points communs au niveau linguistique, culturel, traditionnel et religieux, de nombreux problèmes surgirent le jour même où l’idée de s’unir, leur effleura l’esprit. En effet, loin d’être homogène, le bloc envisagé présentait déjà des fissures menaçantes, et risquait de s’écrouler avant même sa construction, puisque sur les vingt deux pays candidats, on pouvait compter au moins vingt deux régimes politiques différents, se répartissant en monarchies, principautés et républiques. Héritage colonial. Avant de restituer les vingt deux pays aux autochtones, les colonisateurs avaient habilement intronisés des chefs d’Etats qui pérenniseraient l’occupation tout en veillant sur les intérêts des métropoles. Les nouveaux dirigeants furent donc triés sur le volet parmi les plus dévoués et les moins intelligents. Ceux-là mêmes qui collaboraient sérieusement avec l’occupant. Là où les populations avaient montré une certaine résistance à l’hégémonie étrangère, le colonisateur choisit de jeunes chefs guerriers. Il les façonna et les forma avant de leur passer les rennes du pouvoir. Pour les pays dociles, il prit les chefs des tribus dominantes ; généralement des hommes vieux et analphabètes. Des tessons brisés, cassés, piteusement archaïques. De vrais fossiles. Aussi, cette mosaïque de régimes, cette forêt amazonienne fut-elle très vulnérable puisque, sans faire de bruit, l’ours soviétique s’y infiltra facilement. Il commença à courtiser les jeunes chefs militaires tout en les mettant en garde contre d’éventuels opposants à leur régime qui pourraient constituer une réelle menace. A cette mise en garde, les tigres en papiers eurent peur. Très peur. Ils se voyaient déjà à la merci de leurs adversaires. Ils n’arrivaient plus à dormir à cause des cauchemars qui hantaient leurs esprits. Heureusement, L’ours soviétique les rassura en leur proposant des armes et des munitions. Pour faire preuve de sa générosité, il leur proposa même des formateurs et des techniciens contre quelques « privilèges », selon ses dires Les chefs de tribus, habitués aux grandes espaces et à la chasse au faucon, virent de mauvais œil cet arsenal. Réputés par leur mauvaise foi, ils n’avaient jamais cru, ni compris les raisons de ce surarmement. Méfiants, ils firent, tout simplement, appel au condor américain, célèbre par son regard perçant et ses attaques foudroyantes. Les opposants ne se manifestèrent jamais, mais ce n’était pas là une raison pour ne pas continuer à se doter d’armes les plus sophistiquées et les plus meurtrières. Ne serait-ce que pour les montrer lors des défilés militaires qui se déroulaient le jour de la fête nationale.
Cette atmosphère de psychose poussa les chefs des vingt deux pays récemment « indépendants » à brader leurs richesses minières aux deux super puissances. Leur seul souci : garder le pouvoir. Pour cela, toute décision ne pouvait être prise que par la bénédiction des soviétiques ou des Américains, ou des deux à la fois. C’est donc pour cette raison, que le jour où un chef d’Etat parla à ses vingt et un homologues de « son rêve de bâtir un marché commun», le jour où ces derniers trouvèrent que ce « rêve » était amusant, ils se précipitèrent chacun vers son protecteur pour l’informer de cette aventure qui ne pourrait être que « plaisante ». Soviétiques et Américains se concertèrent et conclurent qu’il s’agissait vraiment d’un « rêve », « d’un beau rêve mais qui ne doit en aucune manière se réaliser », qu’il ne fallait, en tout cas, pas frustrer leurs jeunes proies. Ils déléguèrent même leurs ministres des affaires étrangères pour féliciter les rois, les princes et les présidents. « -Amusez-vous bien ! », leur dirent-ils. Cette phrase fut prise pour un ordre. Les superpuissances avaient raison. Le premier sommet devait se tenir sous le signe de l’amusement. Tout le monde se mit à la recherche des moyens et des outils qui permettraient de bien se défouler. Le premier sommet est un événement ! Un événement heureux ! Les chefs d’Etats étaient tenus à le fêter comme il se devait. Alcool, musique, danse, gâteaux, filles, drogue… Certains voulaient que la rencontre ait lieu en montagne. « - Le mot « sommet » n’évoque-t-il pas l’idée de pic, de crête, d’altitude ? », demanda le président irysien à son homologue d’Uniseti. D’autres préféraient le désert. «La torpeur, la chaleur, le calme, la sieste, le secret… ». Après des rencontres bilatérales, trilatérales, multilatérales, ils finirent par prendre une décision. Le premier sommet aurait lieu au mois de juillet, dans un palais, près de la mer.
II- Ils étaient là depuis presque une semaine. Venus de vingt deux pays, ils avaient la lourde mission de préparer le premier sommet de leurs dirigeants. Rien ne devait être laissé au hasard. L’inspection des lieux où se déroulerait la rencontre leur avait pris trois journées entières. Ils avaient visité la salle des conférences, les restaurants, les buvettes, les salles des jeux, les bars, les cuisines. Ils discutèrent longuement les marques de vins, de cigares, de briquets… Chaque représentant défendait farouchement les intérêts de son chef d’Etat. La disposition des fauteuils dans la salle des conférences leur avait donné du fil à retordre. Le représentant de la République d’Ebylie ne voulait pas que son président soit installé à côté du roi de Baraie Ousadite. « - Une république
révolutionnaire populaire liée à une monarchie, c’est le monde à l’envers ! », déclara-t- il. Il ajouta : « L’ennemi juré des prolétaires, c’est le capitalisme». Personne ne comprit ce qu’il voulait dire par sa deuxième phrase. Lui-même en ignorait le sens. Il l’avait apprise de la bouche se son Guide sans se poser de questions. Ce dernier l’avait apprise de la bouche de Breijneev, sans poser de questions. Le peuple ébylien l’avait apprise par cœur sans se poser de questions. La république de Galérie ne voulait pas, non plus, prendre place à côté de celle de Danous. « Le parfum qu'utilise le président danousais est insupportable ». « -Ce n’est pas du parfum, c’est son haleine », chuchota quelqu’un . Comme le prince du Taarq était de petite taille, son représentant exigeait que le fauteuil réservé à son pays soit « un peu plus élevé ». « Son excellence doit paraître de la même taille que ses homologues ». Le ministre Tygepétin souhaitait que son président trône bien au milieu de ses confrères. On lui fit remarquer que l’immense table était parfaitement ronde. Une fois le problème de la disposition des fauteuils résolu, on s’attaqua aux jardins, aux piscines, aux terrains de golf et de tennis. On vérifia que l’accès à la mer était facile. On inspecta les parasols, les bateaux de plaisance... Le représentant Ebylien choisit une place bien ensoleillée au milieu de la pelouse. « - C’est ici que l’on doit dresser la tente de Notre Guide ». On le prévint qu’elle cacherait une bonne partie des jardins, mais il ne voulut rien savoir. Le représentant d’ Owetki se réserva, lui aussi, une bonne partie du terrain du golf. « - Je couvrirai de sable cette partie et j’amènerai des dromadaires. Les piscines serviront d’abreuvoir pour les bêtes. Je ne veux pas que notre Prince se sente dépaysé ». Le ministre Kairien s’appropria ce qui restait de ce terrain pour le transformer en champ de tir. «- C’est le sport préféré de mon président ». On comprit alors pourquoi ce jeune dirigeant, arrivé récemment au pouvoir comme la plupart de ses homologues, ne quittait jamais son arme. Il était toujours prêt à tirer sur tout ce qui bougeait. Aussi, prit-on la sage décision de placer toutes les cibles du côté de la mer. La question des « secrétaires particulières » des chefs d’Etats leur prit une nuit entière. Comme l’expression « secrétaire particulière » n’est qu’un euphémisme pour dire « une femme qui donne du bonheur sans amour », les émissaires étaient tenus à ne rien laisser au hasard sur ce point. La couleur d’un string mal ajusté peut coûter la tête à un ministre. On ne badine pas avec la sensualité d’un chef d’Etat. « -Il faut qu’elles soient blondes ! « - Non, brunes ! « - Non, grosses ! « - Plutôt minces ! «- De préférence, élancées ! Le représentant Taarqi sursauta : « - La taille des secrétaires de mon Prince ne doit en aucune manière dépasser un mètre quarante ! On se souvint de quelques célébrités de petites tailles et on
chercha parmi leurs descendances s’il n’y avait pas de filles qui répondaient à ce critère : Edith Piaf, Péguy March, Margaret Mitchell, mère Térésa, MIdori Ito… On décida finalement de déléguer des commissions au Japon, en Chine, au Népal pour dénicher ces oiseaux rares. « - Des françaises ! « - Non ! Des soviétiques ! « - Non, des américaines ! « -Non des suédoises ! « -Non, des nigériennes ! Voyant que les négociations ne progressaient pas, le représentant du pays hôte distribua des feuilles de papier et invita chacun de ses homologues à mentionner les désirs de son chef d’Etat. On leur apporta des stylos. Le représentant du Birhane saisit cette opportunité pour mentionner que : « Vu les penchants de mon roi pour les jeunes garçons, il serait souhaitable de lui offrir des athlètes à la place des secrétaires ! » Personne ne prêta attention à sa doléance. - Il faut qu’elles parlent notre langue ! Tous les ministres étaient d’accord pour ce dernier critère qui ne suscita aucune réaction. En effet, comme leurs dirigeants ne parlaient aucune langue étrangère, il était inconcevable d’imaginer des secrétaires qui allaient vivre trois jours avec des hommes qui ne comprenaient pas ce qu’elles disaient. Surtout la nuit quand ils se retrouvaient tous seuls dans leur pavillon privé. -En tout cas, ce n’est pas un problème, souligna le représentant taraqi. On peut s’exprimer parfaitement par des gestes. De plus, nos chefs d’états ne vont pas faire des conférences à leurs secrétaires particulières. Les sujets dont ils vont leur parler sont facilement traduisibles en gestes. On discuta le nombre de secrétaires par chef d’état. Six femmes pour chaque personne. Le ministre Monai trouva que c’était peu. « - Non ! Pour trois jours, je trouve le nombre suffisant. Deux par jour, c’est très raisonnable, jugea l’émissaire de Bijoutid. « - Nous ne sommes que des hôtes après tout, précisa le représentant du Mynee Après de longues controverses, on se mit d’accord sur la nourriture, les amusements, les parties de chasse, de pêche. On parla des orchestres, des chanteurs, des genres musicaux. Les uns préféraient les chants populaires, d’autres appréciaient plutôt les chants militaires, et de préférence, les chants de guerre. On finit par opter pour des chanteurs japonais. Comme ils étaient exténués, les émissaires ne voulaient pas se lancer une seconde fois dans l’inextricable problème de disposition des résidences privées des chefs d’Etats. Ils se contentèrent d’examiner les vastes chambres à coucher aux lourds rideaux brodés en fil d’or, et aux tapisseries évoquant des voyages au fin fond des déserts, les larges lits où pouvaient s’allonger une dizaine de personnes à la fois (Le prince du taarq avait bénéficié d’un lit ayant les mêmes dimensions que ceux de ses homologues), les salles de bain avec leurs immenses baignoires en marbre, leurs lavabos, leurs bidets… Ils inspectèrent méticuleusement les mini bars, qui en fait, n’avaient de « mini » que ce
qualificatif ; puisqu’on y trouvait toute sorte de vins : américain, bourguignon, californien, français, algérien, marocain, vin de Champagne, de Chypre, d’Espagne…. Les verres étaient alignés sur trois étagères : des chopes, des flûtes, des verres à vin, à champagne, à dégustation, des verres à pied, à patte, des verres ballon, des verres tulipe… Il n’y a que l’ordre du jour de ce premier sommet qui ne fut pas abordé. Les problèmes soulevés et les décisions prises par leurs majestés et par leurs excellences doivent rester ultra secrets.
III- Accompagnés de leurs ministres des affaires étrangères, ils débarquèrent le 8 juillet. D’immenses avions atterrissaient toutes les vingt minutes. Drapeaux ! Tapis rouges ! Hymnes nationaux ! Habillés d’amples gandourahs blanches, les invités suivaient un protocole bien stricte qui avait nécessité beaucoup de répétitions de leur part. Sur une large estrade, ils restaient debout pour écouter l’hymne de leur pays et celui du pays hôte. Le vent qui soufflait de la mer mettait nettement en évidence les contours de leurs sexes. Si on avait à distribuer des primes pour ces joyaux de la famille, le président du Danous remporterait la palme d’or. Un sexe parfait ; de l’avis de toutes les jeunes femmes et les jeunes filles qui s’étaient amassée près de l’aéroport. D’ailleurs c’est le seul sexe qui bénéficia de plus de cris hystériques et de youyou. Apéritifs : homards, langoustes, crevettes, caviar, huitres… Les chefs d’États étaient exténués. Quarante cinq minutes de sieste ! Le soir même, la séance d’ouverture se tint à huis clos. On accorda dix minutes aux photographes. Avant le discours inaugural, on fit entrer, par une porte dérobée, deux secrétaires pour chaque chef d’Etat. Un certain remue-ménage régna sur la grande salle. Excitation ! Salutations ! Ébahissements !
On ferma les portes à clés. On les verrouilla. Après avoir vérifié que les micros marchaient bien, après avoir toussoté un peu, le président du pays hôte ouvrit les travaux du premier sommet historique en souhaitant la bienvenue à ses frères dans leur deuxième pays. Son discours fut long et ennuyeux, si bien que personne n’écoutait. Presque tous les dirigeants étaient occupés à faire connaissance avec leurs secrétaires. Avec son costume blanc bariolé de galons, de grades et d’insignes, avec ses lunettes noires qui cachaient la moitié de son visage, le guide de la République révolutionnaire fixait le plafond. On sentait qu’il voulait impressionner les deux étrangères qui étaient assises à sa droite. Le roi du Bihani, qui ne fumait jamais de cigarettes et qui se désintéressait royalement des deux jeunes femmes assises à côté de lui, se cassait la tête pour savoir comment fonctionnait le briquet qu’on avait déposé devant lui. Les deux secrétaires le regardaient faire en riant aux éclats. Le président du Kair, lui, trouva ce moment propice pour démonter son révolver. Ses deux accompagnatrices étaient blêmes. Elles tremblaient Perché sur son fauteuil, le prince du Taraq ne parvenait pas à poser ses pieds par terre, ce qui faisait rire ses deux petites secrétaires dénichées à la dernière minute sur une île perdue au Pacifique. Comme le président du Mynee avait pris quelques verres de whisky avant de rejoindre la salle des conférences, il avait du mal à ouvrir les yeux. Sa tête vacillait entre les malheureuses jeunes femmes qui devaient prendre soin de lui. Il sursautait de temps en temps en essayant d’ouvrir les yeux avant de replonger à nouveau dans son sommeil. Il ronflait. Une bave épaisse et visqueuse dégoulinait de sa bouche entrouverte Le président du Tygept avait placé ses deux secrétaires à sa droite pour pouvoir bavarder avec la très jolie dame qui était à sa gauche et qui accompagnait le dirigeant danousais. Cette discussion ne plaisait pas à celui-ci. Son épaisse moustache tremblait. Son nez avait triplé de volume. Il grignotait nerveusement un clou de girofle pour masquer son haleine dégoutante et exhiber sa nervosité. Applaudissement ! La séance fut levée. « - Nous reprendrons nos travaux demain à quatorze heures », déclara le   président. Tout le monde se retrouva dans ce qui restait des jardins. Le soleil venait de se coucher. Des groupes se formèrent. Sous la lumière blafarde, le guide de la révolution se pavanait radieux et vaniteux comme un paon, distribuant des sourires à droites et à gauche aux différentes étrangères qui gazouillaient bruyamment. L’alcool coulait à flot. Beaucoup de chefs d’Etats un verre de vin à la main, se promenaient en titubant. On avait dressé des barrières le long des piscines. Sécurité oblige. Le prince d’Owetki oublia ses deux secrétaires et commença à compter ses chameaux qui ruminaient paisiblement sur le sable.
« Impossible ! Il en manque un ! »  Se sentant délaissées, les deux jeunes femmes l’abandonnèrent pour rejoindre le président sablinai, un bel homme, au physique attirant. Beaucoup de chefs d’Etats avaient rejoint leur résidence privée pour s’adonner à leurs occupations préférées. Six d’entre eux s’étaient rendus directement chez le président d’Uniseti pour une partie de poker qui dura toute la nuit. Au moment du diner, seuls trois vieux rois, un prince obèse et le représentant du Birhani qui avait une attirance plus que particulière pour les jeunes garçons se retrouvèrent à table. Le repas se prolongea jusqu’à une heure tardive de la nuit. En quittant la salle à manger, les chefs d’Etats parvinrent miraculeusement à rejoindre leurs pavillons. Ils avaient complètement oubliés les secrétaires sensées les réconforter au lit. Dehors le prince d’Owetki se rendit compte qu’il ne lui manquait pas seulement un chameau, mais que, mêmes ses secrétaires s’étaient volatilisées. Comme la femelle d’un gnou à qui la lionne avait ravi son petit, il tournait la tête, le regard vide, dans l’espoir de les retrouver. Il savait que ces proies étaient très prisées par les prédateurs qui rodaient silencieusement dans la pénombre des immenses jardins. Pieds nus, le prince du Taraq, l’air honteux, arpentait la plage presque illimitée. Lui aussi avait été abandonné par ses accompagnatrices. Fatigués, ils se retrouvèrent tous les deux sous un immense arbre. Le président du Danous les rejoignit quelques minutes plus tard. Il mâchait continuellement son clou de girofle. Faisant les détectives, les trois malheureux chefs d’Etats se lancèrent dans des supputations dignes d’amateurs médiocres. « - Depuis la séance d’ouverture, déclara le président danousais, je sentais que le président du Tygépet tournait autour de mes secrétaires. Avec son sourire de grenouille, il se prenait pour le président le plus virile de la planète. Mais croyez moi, à partir de maintenant, je lui rendrai la vie difficile ».   « - Je suis sûr, lui répondit le prince d’Owetki, que mes « femmes » sont maintenant en train de s’amuser, malgré elles, avec le président du Kair. Son arme à la main, aucune femme ne peut lui résister. D’ailleurs nous-mêmes nous ne pouvons pas le contredire. Ce sadique est imprévisible ». « - Peut-être que les miennes sont parties avec ce bellâtre président chrétien de Blina », avança le prince du Taraq  « - Ou avec ce bédouin d’Ebylie qui ne quitte jamais sa tente, précisa le prince d’Owetki. Maintenant, je comprends pourquoi ce fou refuse catégoriquement que sa bâche en poils de chameau soit équipée du courant électrique. C’est pour s’embusquer dans l’obscurité. Mais, ne vous en faites pas, nous nous vengerons ».
« Je ne sais pas ce qui m’a pris, déclara le prince du Taraq en soupirant. J’aurais dû prendre mes secrétaires et rentrer chez moi sans participer à ce sommet de mes… ». Il ne termina pas sa phrase. Ils passèrent le reste de la nuit sous l’immense arbre. Ils élaborèrent plusieurs scénarios pour se venger.
IV - Le jour suivant, la mort dans l’âme, tous les chefs d’Etats qui s’étaient sentis lésés dans leurs plaisirs sensuels et qui avaient bêtement perdu les traces de leurs accompagnatrices quittèrent le pays hôte, tôt le matin. Ils craignaient d’être confrontés aux regards moqueurs des autres et aux blagues qui allaient être déversées à leur sujet. Ils étaient nombreux à avoir passé la nuit seuls dans leurs larges lits. En effet, beaucoup de jeunes secrétaires destinées aux vieux chefs d’Etats avaient quitté discrètement leurs résidences, pour aller s’amuser avec des gens plus jeunes et plus dynamiques. Le prince du Taraq attérit en Suisse et se rendit directement chez Suzanne, une infirmière, une vieille connaissance, pour oublier sa déconfiture. Malheureusement, sa longue cure aux pieds des Alpes lui coûta son trône. Il reçut, de la part de son fils ainé, un télégramme très concis qui l’informait que sa place de prince dirigeant du pays était déjà prise. L’autre prince se rendit en Australie et s’installa dans l’hôtel d’un luxueux casino. Il noya son chagrin dans l’alcool. Il mourut loin des siens. Le premier sommet échoua. Il échoua parce que le président Tagypétien avait accaparé les deux tiers des secrétaires particulières. Il échoua parce que les deux petites accompagnatrices du prince du Taraq ne parlaient aucune langue étrangère. Il échoua parce que le prince d’Owetki avait perdu un de ses chameaux. Seul le roi du Birhane sortit gagnant de cette rencontre entre frères. Il avait troqué ses six accompagnatrices contre un des gardes du corps du président galérien, un géant tout en muscles. Sa majesté s’enferma avec sa nouvelle acquisition. Il n’ouvrit la porte de sa chambre à coucher que lorsque des gardes arrivèrent, trois jours après, pour lui annoncer que les travaux du somment avaient pris fin depuis plus de vingt-quatre heures et qu’il était peut-être temps de regagner son pays. Il emporta avec lui son trophée, un peu froissé, mais toujours en marche.
Des conséquences fâcheuses germèrent à la suite de cet échec et devinrent, avec le temps, tellement inextricables qu’elles finirent par se transformer en révoltes, en guerres, en coups d’état. Le prince du Taraq et le prince d’Owetki tinrent leurs promesses et parvinrent à se venger du président tegypetien et du guide ebylien. Le premier fut emprisonné et le second tué atrocement dans une grotte. D’autres manifestations éclatèrent dans tous les pays qui avaient participé à ce premier sommet. Certains chefs d’Etats prirent la fuite et se réfugièrent loin de leurs pays. D’autres préférèrent la manière forte et commencèrent à massacrer, sans scrupule, leurs populations.
Le premier sommet qui devait se tenir sous le signe de l’amusement ne fut en fait qu’une calamité pour tous les pays participants
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