Croisements : Le Journal des Goncourt et la Correspondance de Flaubert - article ; n°1 ; vol.51, pg 301-316
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1999 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 301-316
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 38
Langue Français

Extrait

P.-M. Wetherill
Croisements : Le Journal des Goncourt et la Correspondance de
Flaubert
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1999, N°51. pp. 301-316.
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Wetherill P.-M. Croisements : Le Journal des Goncourt et la Correspondance de Flaubert. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1999, N°51. pp. 301-316.
doi : 10.3406/caief.1999.1358
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1999_num_51_1_1358CROISEMENTS :
LE JOURNAL DES GONCOURT ET
LA CORRESPONDANCE DE FLAUBERT
Communication de M. RM. WETHERILL
(Université de Manchester)
au Le Congrès de l'Association, le 9 juillet 1998
L'aire d'exploration qui me retiendra ici concerne le
« comportement » du journal d'écrivain et de la corre
spondance quand ils sont confrontés à des phénomènes
tout à fait extraordinaires. D'après l'hypothèse et la
conclusion que je propose, c'est au moment où, très pas
sagèrement, en 1870-1871, le Journal des Goncourt cesse
d'être un journal d'écrivain qu'il devient réellement inté
ressant. Par voie de comparaison, il n'est pas excessif d'af
firmer que le contraire est vrai de la Correspondance de
Flaubert (1). Les étapes principales de cette exploration
concerneront d'abord certains problèmes de définition et
de redéfinition ; puis la confrontation des genres lors de
l'effondrement que je viens d'évoquer ; et enfin les carac
téristiques qui y survivent quand même.
Disons-le tout de suite : comme c'est le cas de toutes les
définitions théoriques, surtout de nos jours, je ne suis pas
(1) Toutes les références au Journal renvoient à l'édition réalisée par Robert
Ricatte et publiée aux presses de la Principauté de Monaco Les citations de
la Correspondance de Flaubert sont tirées des quatre volumes publiés à ce
jour aux éditions de la Pléiade par Jean Bruneau ainsi que (pour les cinq der
nières années) de l'édition Conard. 302 RM. WETHERILL
sûr que le journal d'écrivain existe réellement à l'état pur,
pas plus que les autres catégories littéraires, car si ce type
de journal possède un contenu prédéterminé, il est cepen
dant sujet à l'infiltration plus ou moins massive du non-
littéraire (comptes de ménage, disputes avec la bonne).
Genre peu étanche, donc, instable et extrêmement vulnér
able, sujet à des détournements, à des variations de cohé
rence importantes, il privilégie tour à tour le descriptif, le
visuel ou le dit, mettant sans doute davantage l'accent sur
les scènes que sur des événements qui ne soient pas
d'ordre social ou politique.
C'est sans doute à la lumière de ce genre d'indications
qu'il faut aborder le Journal des Goncourt, en tenant
compte des entorses à la norme auxquelles il se livre.
*
* *
Si l'on parle du rayon d'action du Journal des frères et
de celui qu'Edmond écrivit après 1870, on constate qu'il
est surtout caractérisé par une sorte de spontanéité tru
quée. C'est le détournement et l'occultation de cette vie au
jour le jour que tout journal est quand même censé racont
er. C'est d'autre part un journal qui privilégie des modalit
és qui, visant la constitution d'une œuvre calme et soi
gnée, assurent la dimension memoriále et la permanence
de l'œuvre, privilégiant nécessairement la textualisation
de l'expérience, aussi importante que l'expérience même
— d'où les ajouts, les rectifications et la réécriture dont est
truffé le manuscrit qu'on peut examiner à la Bibliothèque
nationale et qui interviennent longtemps après la rédac
tion primitive.
Forcément, l'inédit et l'inattendu des événements,
comme leur potentiel de variété, passent souvent au
deuxième plan de même que l'intimité du journal intime
se perd quelque peu. Le Journal montre donc une préfé
rence marquée pour la forme noble qui privilégie les
plans et les projets d'ceuvres, les discussions intellec- LES GONCOURT ET FLAUBERT 303
tuelles, les observations des collègues lettrés — de préfé
rence les plus hardies — et qui portent atteinte à la répu
tation des rivaux. Malgré sa chronologie, ce journal de la
vie littéraire tend ainsi à gommer la quotidienneté, les
événements, les anecdotes, les pensées éparses dont celle-
ci est constituée. Sont également exclues la cohérence
topographique, la vie pratique, la description d'états phys
iques, les problèmes financiers, les dialogues naturels.
Rien ne semble choisi à cause de son caractère inattendu,
car le Journal est marqué par la régularité de certains faits
(dîners, rencontres, etc.), ce qui lui confère, dans le cas des
Concourt du moins, un caractère souvent monotone, égo-
centrique, obsessionnel, vaguement paranoïaque et
ennuyeux.
En même temps, hélas ! cet ouvrage est relativement
peu préoccupé de détailler les étapes de la création. C'est
le journal de la vie littéraire, mais non le journal de bord
de la création.
On peut donc se demander où se trouve exactement la
ligne de démarcation entre l'écriture romanesque et le
journal tel que les Gouncourt le pratiquent. C'est un phé
nomène du XXe siècle que l'activité des Goncourt, déjà,
problématise.
Je désire confronter le Journal au témoignage, lui aussi
fort hétéroclite, mais radicalement contemporain de la
Correspondance de Flaubert (2). Il s'agit d'une confrontat
ion de langages et de d'expériences strictement contemp
orains — d'écritures qui, diversement, filtrent, façonnent
et déclinent l'Histoire, le déroulement des faits, la vie
intellectuelle, esthétique et affective de l'époque.
(2) J'aurais pu choisir le journal de Baudelaire, Stendhal, Vigny, Delacroix.
Je n'ignore pas l'utilité des Choses vues d'Hugo pour la période qui m'intéres
se sa manière toute particulière de balayer l'espace que Flaubert et Gonc
ourt parcourent journal tantôt intime, tantôt littéraire, tantôt de voyage ...
combiné avec un égocentrisme qui bat tous les records Choses vues permet
aussi la confrontation de deux versions des mêmes faits : celle de Hugo et
celle d'Edmond de Goncourt. 304 RM. WETHERILL
La Correspondance de Flaubert propose une vision parti
culière : provinciale, familiale, tantôt document de voyag
e, tantôt, magistralement, étapes de la création - espace
de convergence souvent répétitive d'éléments divers, et le
plus souvent fragmentés : bruits, rumeurs, lectures de
journaux, théories esthétiques, etc. Cette Correspondance
totalise des activités très diverses : par ses préoccup
ations, sa subjectivité et son didactisme, c'est le contraire
absolu de l'œuvre flaubertienne. D'autre part, Flaubert
restitue la vie au jour le jour de façon plus saccadée et plus
difficilement prévisible que les Goncourt, parce que déter
miné en partie du moins par les lettres reçues et l'interl
ocuteur du moment. C'est pourquoi la Correspondance de
Flaubert ne pourrait pas fonctionner sans la pression
d'idées émises dans un écrit.
De là des registres très variables sur lesquels ne vient se
plaquer aucune forme « universelle ». En effet, tout ne s'
adapte pas à cette d'expression, que Flaubert aban
donne par intermittence, au moment des voyages en Bre
tagne, Egypte, Tunisie, par exemple. Pour les Goncourt, le
Journal est un fourre-tout ou plutôt le réceptacle d'info
rmations triées sur le volet, tandis que leur correspondance
à eux (tellement intéressante qu'elle est restée très larg
ement inédite) n'a qu'une fonction pratique : ce n'est ni le
banc d'essai ni le témoignage qu'est tour à tour la Corre
spondance flaubertienne.
Le « monologue » de Jules et d'Edmond est donc en
porte-à-faux continuel avec le dialogue agressif de Flau
bert où perce le désir constant de susciter une réaction ou
de communiquer une attitude, un point de vue. Les ques
tions de pure rhétorique (voir la lettre du 16.1.1871), qui
permettent à Flau

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