Deux aspects du mythe orphique au XXe siècle : Apollinaire, Cocteau - article ; n°1 ; vol.22, pg 215-227
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1970 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 215-227
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 49
Langue Français

Extrait

Professeur Michel Décaudin
Deux aspects du mythe orphique au XXe siècle : Apollinaire,
Cocteau
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1970, N°22. pp. 215-227.
Citer ce document / Cite this document :
Décaudin Michel. Deux aspects du mythe orphique au XXe siècle : Apollinaire, Cocteau. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1970, N°22. pp. 215-227.
doi : 10.3406/caief.1970.961
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1970_num_22_1_961DEUX ASPECTS DU MYTHE ORPHIQUE
AU XXe SIÈCLE :
APOLLINAIRE, COCTEAU
Communication de M. Michel DËCAUDIN
(Paris-Nanterre)
au XXIe Congrès de V Association, le 24 juillet 1969.
Mythe. Non thème, ni image, ni symbole. La première
tâche du critique ou de l'historien de la littérature est de
définir les termes dont il se sert. A plus forte raison quand
ces termes sont, comme « mythe », de ces vocables magiques
dont le pouvoir semble inversement proportionnel à la pré
cision.
Qu'est-ce donc qu'un mythe en littérature ? Sensible à
Yaura religieuse et sociologique du mot, M. Trousson s'en
défie et dit : « Ne parlons pas de mythe ». Plus audacieux,
M. Albouy propose une définition. Pour lui, le mythe litté
raire doit répondre à deux caractéristiques : reprendre l'his
toire traditionnelle, lui donner une signification nouvelle.
Ainsi, M. Trousson reconnaît bien les fondements essentiels
du mythe, mais il recule devant l'usage de cette notion en
littérature. Quant à M. Albouy, il l'accepte et lui assigne un
contenu nettement déterminé ; il néglige en revanche ce qui
faisait la raison principale des réticences de M. Trousson,
la valeur sacrée du mythe, telle que M. Caillois, en particu- 21 6 MICHEL DÉCAUDIN
lier, Га analysée. Ces attitudes, qui me paraissent également
insuffisantes, se complètent plus qu'elles ne s'opposent. Il
suffit d'ajouter à celles qu'a exposées M. Albouy une tro
isième condition, conforme aux justes préoccupations de
M. Trousson, pour obtenir un concept satisfaisant du mythe
littéraire. Cette condition, c'est que la signification nouvelle
du mythe ne soit pas limitée à la seule expérience de l'au
teur, mais qu'elle réponde à une attente et à une disposition
de la société qui la reçoit — que le mythe soit vraiment,
comme le dit M. Caillois, un « catalyseur ». Prenons un
exemple. Je suis en parfait accord avec M. Albouy quand
il dit qu'il n'y a pas de mythe dans YŒdipe de Corneille :
en effet, celui-ci se contente d'illustrer la légende sans l'enri
chir. Je me sépare de lui, en revanche, quand il voit un mythe
dans YŒdipe de Gide parce que, cette fois, le personnage est
en même temps le héros antique et un autre héros, celui de
l'individualisme moderne. Pour que l'on puisse parler de
mythe, il faudrait selon moi que ce thème de l'individualisme
éveille chez le lecteur une connivence telle que la seule réfé
rence à Œdipe l'atteigne à un niveau quelconque de la cons
cience et déclenche dans sa sensibilité et son imagination
tout un jeu de relations essentielles, qu'elle agisse — je
cite encore M. Caillois — comme une «puissance d'inves
tissement » de cette sensibilité. Ce qui se produirait, si le
nom d'Œdipe était devenu une sorte de message codé im
médiatement perçu. Or ce n'est pas le cas. Œdipe occupe
sans doute une place capitale dans la mythologie gidienne,
son destin n'est pas pour autant lié à une représentation de
l'individualisme au xxe siècle — et nous pensons à tout
autre chose quand nous parlons du complexe d'Œdipe.
Exemple inverse, celui de Salomé. Au thème traité par les
peintres et quelques écrivains depuis le Moyen Age fait suite,
de 1870 à 1920 environ, l'épanouissement du mythe. Non
seulement les œuvres qui rappellent l'histoire de la fille
d'Hérodiade ou simplement s'y réfèrent deviennent alors
très nombreuses, mais elles tendent vers une même inter
prétation. Salomé devient l'image physique et morale d'un
certain type de femme, la femme enfant, cruelle et incons- ASPECTS DU MYTHE ORPHIQUE AU XXe SIÈCLE 217 DEUX
ciente, foncièrement perverse et sensuelle. Son seul nom
renvoie à un jeu de connotations communes au créateur et
au public, atteignant celui-ci dans ses impulsions les plus
profondes et les plus secrètes. Les éléments du mythe sont
dès lors tous en place ; ils disparaîtront d'ailleurs lorsque,
après 1920, une autre image de la femme surviendra qui
laissera désormais sans écho la référence à Salomé.
C'est à la lumière de ces considérations que je tenterai
de situer Orphée dans l'œuvre d'Apollinaire et dans celle
de Cocteau ; je vous avouerai immédiatement que, dans la
perspective du mythe ainsi entendu, mon propos ne mènera
pas très loin, si bien que le titre de cette communication
devrait être plutôt : « Contribution à l'étude de l'absence du
mythe d'Orphée chez deux poètes du XXe siècle ».
#
D'Apollinaire, je pourrais en effet répéter ce que M. Aust
in disait ce matin de Mallarmé : on ne cesse de parler d'Or
phée à son sujet, et lui-même en a peu parlé (plus, cependant,
que Mallarmé). J'écarterai quelques allusions fugitives ;
j'écarterai aussi un poème de 1917 intitulé Orphée, dont
l'interprétation nous entraînerait loin hors de notre sujet,
pour ne m'arrêter qu'à trois aspects significatifs.
En premier lieu, Le Bestiaire ou cortège d'Orphée. C'est,
on le sait, une suite de blasons illustrés de bois de Dufy, qui
ont parfois été rapprochés des bestiaires du Moyen Age et
de la Renaissance. Lorsqu'il parut pour la première fois dans
La Phalange du 15 juin 1908, ce Bestiaire s'appelait La Marc
hande des quatre saisons ou le bestiaire mondain, et c'était
cette marchande qui annonçait les diverses catégories d'an
imaux : « elle loue, disait une note, les images au trait, gra
vées sur bois, qui accompagneront, lorsqu'il paraîtra en
librairie, le divertissement dont nous donnons ici un poé
tique fragment. » L'ouvrage est publié trois ans plus tard
sous le titre que nous lui connaissons, et avec des poèmes
ajoutés. Dans cette version définitive, Orphée ne fait pas
seulement son apparition au titre — cortège d'Orphée — il se 2l8 MICHEL DÉCAUDIN
substitue également à la marchande (sans d'ailleurs que les
strophes primitivement attribuées à cette dernière soient
modifiées).
Que s'est-il passé ? Je me rallierai volontiers à l'inte
rprétation proposée par M. Poupon dans son article sur Quel
ques énigmes du « Bestiaire » (publié dans Guillaume Apolli
naire 5). M. Poupon voit dans la composition du Bestiaire
un processus de maturation analogue à celui qu'on a déjà
mis en lumière pour Alcools et pour Le Poète assassiné. On a
en effet montré comment la recherche d'une organisation
définitive avait conduit Apollinaire à douer ces deux
œuvres d'une nouvelle dimension qui, selon toute apparence,
ne lui était pas d'abord apparue. Le seul fait de l'agencement
des poèmes réunis dans Alcools a donné à chacun d'eux, et
par voie de conséquence à tout le recueil, une signification
qui a provoqué d'ultimes modifications, comme, dans Le
Poète assassiné, le destin de Croniamantal et les circonstances
de sa vie semblent naître autant de la conception du poète
que des matériaux disparates appelés à la fabrication du livre.
N'est-ce pas de la même manière que le Bestiaire s'est trans
formé en s'augmentant ? Les animaux ajoutés par Apolli
naire de 1908 à 19 11 illustrent, moins par une volonté déli
bérée que par l'orientation de l'imagination créatrice, les
thèmes de l'amour, de la ferveur et de la poésie ; ils modifient
ainsi la coloration de l'œuvre, atténuant son caractère « mond
ain » de « divertissement » sans prétention, et ils appellent
en quelque sorte le personnage d'Orphée, avec sa valeur sym
bolique, à la place de la bonimenteuse qu'était la marchande.
Tout se passe comme si Apollinaire, ayant pri

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