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ELOGES
HISTORIQUES-
Avec Permission 1771.
ELOGE
HISTORIQUE
DE MESSIRE
FRANÇOIS DE LA FAYETTE,
EVESQUE DE LIMOGES.
A LIMOGES,
Chez PIERRE CHAPOULAUD, Impri-
meur & Marchand Libraire, Place
des Bancs.
3
A
- ELOGE HISTORIQUE
DE MESSIRE
FRANÇOIS DE LA FAYETTE,
EVESQUE DE LIMOGES.
L
ES Fartes de l'Eglise de
Limoges mettent, Messirè
François de la Fayette ,
au rang des plus grands
Evêques qui l'ont gouvernée. Sa
memoire est cherie dans ce Diocese,
elle doit être précieuse à quiconque
estime la verru. Pour rendre à cet
Illustre Prelat le tribut de loiianges
qu'il merite, il faudroit des talens
qui me manquent ; Ci pour y sup-
pléer il suffisoit d'exprimer simple-
ment ceque m'inspire la vénération la
plus profonde , je me promettrois
les suffrages du Public , il les doit
à ce qui fait le sujet de cet Eloge.
4.
M. François de la Fayette, Evê-
que de Limoges, fut le troisième des
Enfansde Claude de la Fayette , &
de Marie d'Alegre. Il naquit vers
l'année 1592, au Château de l'Ef- ,
pinasse en Auvergne. Sa Famille
étoit ancienne & titrée. Gilbert ,
du nom , un de ses Ancêtres , Fils
de Guillaume, Chambellan de Char-
les VII, se signala à la Bataille de
Bauge en 1421. , l'état en reçut de
grands fer vices 5 il sur un des prin-
cipaux chefs qui chasserent les An-
glois, de la France,fous Charles VII.
Antoine Bifayeulde François dont
je parlerai dans cet Eloge His-
torique , fut fait par Louis XII. ,
Grand-Maitre de l'Altillerie. Ces
Emplois , & plusieurs autres, ont
illultré le nom de la Fayette , qui fut
ctteint en la personne de Marie
Magdelaine de la Fayette, Fille uni-
que qui épousa en 1706, Charles Bre-
tagne de la Tremouille , Prince de
Tarente.
Les d'Alegre , dont etoit issu ,
par sa Mere , François Evêque de
Limoges, font connus dans i'Histoi-
re par les dignités ou les éleverent
leur mérite & leur Noblesse. Ces
s
deux Familles ont reçu un nouveau
luttre de leurs alliances avec les Mai-
sons de Lorainne & de Mercœur ,
de Vendôme & des Comtes de Lu-
'de' de Joyeuse & de la Rochefou-
caur , de Senecé & de Polignac &c.
« Une descendance si glorieuse assu-
roit , à M. de la Fayette, un rang
distingué dans le monde; iL n'eut ja-
mais l'ambition de le desirer , il mit
toute sa gloire à servir Dieu dans le
Sanctuaire : en s'y consacrant, il y
porta les lumieres & les vertus que
demande le Sacerdoce. Il fut fait
Comte de Lyon,ensuite premier Au-
mônier de la Reine , Anne d'Autri-
che , mere de Louis XVI. L'air de la
Cour n'eut rien de contagieux pour
les moeurs. On le vit modeste & re-
servé dans le centre des grandeurs ;
le tumulte & les dangers qui les en-
vironnent n'affoiblirent point sa
pieté. Anne d'Autriche , Princesse
des plus vertueuses , lui donna dans
piufieurs occasions des marques de
Ion estime , & de sa bienveillance.
La réputation de M. de la Fayet-
te le fit connoître à Louis XIII.
qui le nomma à l'Evêché de Limo-
ges ,le Il Janvier 1627. Urbain VIII,
6
connrma cette nomination. & le 19
.Mars 1628. M. de la Fayette fut
Sacré Évêque à Paris, par Mgr.
André Fremiot Archevêque de Bour-
ges , assisté de Mgrs. Augustin Po-
tier Évêque de Bauvais 9 & Étien-
ne Puget alors Évêque de Dardanie,
enfuire de Marseille.
Anne d'Autriche) Jean Baptiste
Gaston Duc d'Orléans, d'autres Prin-
ces , le Nonce du Pape & plusieurs
Seigneurs de la Cour. affilièrent à
cette cérémonie : dans le temps qu'on
Ja faiîoit, la Reine ôta de son doigt
une bague précieuse qu'elle envoya
à M. de la Fayette , comme une mar-
que de sa c on fide ration pour ce
nouvel Évêque, & comme un gage
de l'union qu'il contractoit avec l'E-
glise de Limoges. Pour rappeller le
souvenir d'un fait si glorieux à et
Prélat, on le représente dans ses Por*
traits, avec deux Bagues. Pour gar-
der la fidelité dont il avoit reçu le
Symbole , il refusa plusieurs Evêchés
beaucoup plus considérables que ce-
lui dont il étoit pourvu.
M. de la Fayette en arrivant dans
la Capitale du Limousin, trouva cet-
te Province dans un état des plus
t
déplorables. Les troubles des guer*
res civiles , y avoient atfoiblis les
sentimens de la Réligion de nos Pe-
res. L'héresie de Calvin faisoit des
tentatives continuelles pour s'insi-
nuer dans ce Diocese: elle a voit ele-
vé une espece de Synagogue pref-
qu'aux portes de Limoges: aux envi-
rons de cette Ville, quelques Brebis
du troupeau étoient déjà infedées du
venin de l'erreur. Ceux qui avoient
été assés heureux pour conserver la
pureté de leur Foi, avoient peine à
le garantir de l'altération des mceurs.
Une ignorance profonde , & une
conduire scandaleuse , rendoient mé-
prilables & dangereux la plûparc
des Ecclesiastiques. L'indigence ou les
avoient reduit l'injustice & l'avarice
des Seigneurs , usurpateurs sacrilé-
ges des biens de l'Eglise , mettoit
les Ministres dans la nécéssité de se
rabaisser à des Emplois indignes de
Ja sublimité-de leur état. La Simo-
nie procuroit les Bénéfices que la
confidence n'avoit pu ménager. Le
peuple manquoit de Guides & de
Modeles : il se livroit à la per-
verfité de ses pallions & on ne lui.
enfeiZuQit.pas les vérités Chrétien-
8-
nes. On voyoit alors dans le Sano
tuaire quelques Prêtres éclairés &
vertueux, on trouvoit aulli dans le
monde des ames pieuses & timorées i
mais la multitude vivoit dans le deà.
règlement.
M. de la Marthonie , PérdécefTeur
immédiat de M. de la Fayette , avoit
publié en 1619 des Statuts pour re-
nouveiler dans ton Clergé l'Esprit
Sacerdotal. La vigilance de ce digne
Prélat ne négligeoir rien pour arrê-
ter les desordres répandus dans ton
Diocese. Le succès né répondit pas
à ce qu'on devoit attendre de ton
zélé & de ses foins. M. de la Fayet-
te fut plus heureux. Le premier obr
jet de sa solicitude vrayement pafto-
raie , fut la visite de (on Troupeau *
il la commenca dès l'année 1629? &
il l'acheva en 1631. Il tint ensuite
des Synodes ou il représenta aux Pas-
teurs des ames, leurs devoirs & leurs
fondions. Il fit imprimer les ordon-
nances faittes dans ces Synodes * sa
sagesse les avoit dictées, sa fermeté
les fit exécuter , & la discipline Ec-
clesiastique fut bien-tôt retabiie dans
le Diocese de Limoges. ! (
.,L'Illustre Préla, s'occupoit à des
*
9
travaux si louables & si utiles, lors-
qu'il fut obligé de se rendre à Paris,
pour assister a l'Assemblée générale
du Clergé de France , tenue en 1635.
M. de la Fayette y soutint la haute
idée qu'on avoit de sa régularité,
de sa prudence , & de son inrelligen.
ce dans les affaires. Dèsque cette
Assemblée eut finit ses délibérations,
il revint à Limoges, & il s'empreifi
de remplir le plan qu'il s'étoit tracé
pour rétablir & affermir le bon or-
dre dans son Diocese.Il eut la consola-
tion de reüssir.Employant ladouceur,
usant de ton authorité , felon que
les conjonctures l'éxigeoient, il obli-
gea plusieurs Seigneursà rendre les
Biens Ecclesiastiques, qu'ils avoiertt
usurpés. Par un Arrêt du Conseil pri-
vé , il fit déclarer tomme incompa-
tibles les Canonicats avec les Cures,
& ordonner à ceuxqui'les possedoient
ensemble , qu'ils eussent à faire leur
option dans trois mois. Le même
Arrêt enjoignit aux Curés la refiden-
-dence dans leurs Paroisses , fous peig-
ne d'être privés de leur Bénéfice,
avec permission à l'Erêque d'y pour-
voir , lorsqu'on feroit refractaire à
la Loi. Ce Reglement, folicité & ob-
10
tenu par M. de la Fayette , parut si
important qu'on le rendit général
pour tout le Royaume.
L'infradion des regles avoit in-
troduit le relâchement dans quel-
ques Communautés. Ce vigilant Pas-
teur y fit garder les observances pref-
crittes par les Fondateurs. Des Ab-
bayes se prétendirent exemptes de
la Jurifdittion Episcopale, & il les y
fournit. L'Abbaye de Notre Dame
de la Regle fut du nombre. M. de la
Fayette en renouvella les constitu-
tions avec tant de prudence que les
Religieuses s'y rendirent fidelles:
ce Monastere , un des plus anciens
& des plus celebres du Royame , est
aussi un des plus reguliers & des plus
édifians.
En 1649 , M. de la Fayette fit en-
core une visite générale de son Dio-
cese, il la finir en 1652 avec la sa-
tisfaction d'avoir aboli plusieurs a-
bus, fait cesser de grands scandales ,
& rendu au culte de Dieu la decence
convenable. Les Pasteurs gouverne-
rent leurs Paroisses avec plus d'at-
tention & d'assiduité, les inftruftions
furent plus fréquentes , & les moeurs
devinrent plus Chrétiennes dans le
Il
Diocese de Limoges ; le bon ordre
qu'on y vit regner fut principale-
ment le fruit des conférences qu'a-
voit M. de la Fayette avec Mrs. les
Curés. Il les affembloit deux fois
chaque année , pour leur rappeller
leurs devoirs , leur donner des avis
& ranimer leur zele. l
Pour donner un azile à la vertu
des Vierges Chrétiennes, ce pieux
Evêque facilita l'érabliifement de
pluûeurs Monasteres. C'est durant
le cours de ton Episcopat que les
Religieuses de ja Visitation vinrent
à Limoges , ainsi que les Filles de
Notre Dame ; ces dernieres furent
également fondées à St. Leonard
par les foins de M. de la Fayette ,
qui travailla avec le même succès
pour procurer des Ursulines à Ussel
& à Eymoutiers : il n'eut pas moins
de part à l'institution des Soeurs de
la Providence dans la Cité de Li-
moges. On ne sçauroit trop appré-
cier les avantages que procurent, à
l'Eglise & au Public , tcutes ces
Communautés. C'est dans ces faintes
Maisons que les Epouses de Jefus-
Christ nous obtiennent ses dons ,
par l'assiduité & la ferveur de leurs
ii
prieres. C'est là que nous trouvons
des exemples continuels des vertus
les plus sublimes. C'est dans ces
écoles de la Religion & de la piété b
que des Maîtresses aussi zelées qu'ex-
périmentées , forment l'esprit & le
cœur des Filles Chrétiennes , dont
l'éducation leur est confiée.
Dans un des Fauxbourgs de Li.
moges , font d'autres Religieuses qui
se cachent aux yeux du monde, pour
se rendre plus agréables à ceux de
Dieu ; leur Regle prescrit tout ce
qui peut conduire une ame à la
perfection Evangelique ; elles s'y
elévent sans celse par l'austerité de
leur vie , & par la pratique de tou-
, tes les vertus. Ces Religieuses font
les Clairettes qui doivent leur éta-
blissement à Mademoiselle de Meil-
hac. Cette vertueuse Fondatrice
trouva de grands obstacles, qui
s'opposerent à l'exécution d'une
œuvre si fainte; elle les surmonta par
le secours de la protedion & des
conseils de M. de la Fayette.
Ce très digne Prélat n'oublia pas les
Pauvres dans les différens projets qui
l'occupoienr. Il y avoit à Limoges
éeux Hôpitaux, celui de St. Gérard ,
l'autre
1J
B
l'autre de 'St. Martial : leur récidlàd
parut nécéssaire ? on ne pou voit
i'exécuter qu'en batissant une maU
son assès vaste pour contenir les in-
digens , fains & malades qui vou.
droient s'y retirer. Un Prêtre des plus
riches & des plus vertueux de cette
Ville (Mr. Maledent de Savignac)
entreprit de faire conûruire TEdi-r
sice , iLy consacra une grande par-
tie de ses Biens ; les quêtes qu'il fit,
le credit & les libéralités de M. de la
Fayette, fournirent d'autres refour-r
ces. L'Hôpital fut achevé , & le
même Prelat en fit confirmer l'Erec-
tion par des Lettres-Patentes. On
nomma des Administrateurs , le ,'i.
gilant & charitable Pasteur fut assi-
du à leurs assemblées; il vifitoit fou,
vent les pauvres, & pour les soula-
ger il retranchoit sur ses propres
besoins.
Le nombre des. indigens augmen-
te chaque jour ; c'eftce qui rend né-
ceffarre l'agrandissement de cet Hô;
pital , on y travailloit , mais les
fonds manquent pour le continuer.
On le conduiroit bien-tôt à sa per-
fection si nos Peres nous avoient
transmis leurs sentimens en nous
14.
laissant leurs Biens. Que les Riches
donnent à la charité cequ'ils accor..
dent au luxe & à leurs passions ;
alors les pauvres qui se trouvent
sans retraite & sans pain , feront
logés & secourus.
Pour se charger des foins penibles
& multipliés , que demandent les
différens besoins réunis dans un Hô-
pital , il faut des personnes rem.
plies d'un zele infatigable , d'une
charité toujours agissante , & d'une
patience à toute épreuve. C'est ce
qu'on trouve dans les Sœurs de
St.Alexis : elles doivent leur institu-
tion à Mademoiselle Petiot dirigée
par les conseils de Mr. de Savignac.
Cette vertueuse Fille rassembla cel'
les qui voulurent à son exemple ,
se consacrer au service des Pauvres.
M. de la Fayette, qui connut tout
l'avantage de cet établissement, l'éri-
geat en Communauté.
Il ne suffisoit pas qu'on eut ainsi
pourvu au soulagement temporel des
Pauvres de l'Hôpital , il falloit aussi
des Prêtres qui fussent chargés de
les instruire , de leur administrer les
Sacremens , & de leur donner la
sepulture. Mr. de Savignac trouva
15
des Ecclehaftiques qui le devouerent
à ces fondions. Il leur fit construi-
re une Maison & elever une Eglise.
Il affura à ces dignes Cooperateurs
de son zele , un revenu fuffiftnt pour
les nourrir & les entretenir. Il voulut
n'ils ne bornaffent pas leur Mi-
nistere aux secours spirituels qu'en
recevoit l'Hôpital, il exigeat enco-
re qu'ils siflent des Missions & qu'ils
travaillaffenr, parriculierement, à la
sanctification des gens de la Campag-
ne. C'est à quoi s'occupent ces Ou-
vriers Evangeliques , avec un succès
qui les console , dans les contradic-
tions que leur font quelque fois
éprouver d'injustes préjugés, & la
perversité de notre Siecle. Tel est
souvent le partage des Ministres qui
se sacrifient pour détruire l'empire
de Sathan, & pour étendre le regne
de Jesus-Christ.
M. de la Fayette vit avec une sa-
tisfaction inexprimable, une Com-
pagnie de Miffionaires unique-
ment occupée au salut de son Trou-
peau. Il leur donna dans toutes les
occasions , des marques de son es-
time , de sa confiance, & de sa
bienfaisance,
16
Tous les vœux de ce Prélat cô-
toient pas accomplis : il desiroit y
depuis long-tems , l'établissement
d'un Seminaire ou les jeunes Clercs
pussent connoitre l'étendue de leurs
devoirs , s'affermir dans la vertu ,
& acquerir la science de leur état.
M. de la Fayette ayant formé le def-
Ífin de cet établissement, enjoignit
à tous ceux qui afpiroient aux iaints
Ordres dè s'y disposer , durant une
année dans son Seminaire. En atten-
dant qu'il y eut une Maison bâtie
pour cet effet, le Seigneur Evê-
que, se priva de son Chateau d'me
pour y loger les Ordinans. Lors-
qu'on eut achevé de construire la
Maiion de la Mission,les Seminaristes.
y furent transférés : comme leur
nombre augmentoir confidérable-
ment , il leur falloir un Bâtiment
plus vaste ; l'inépuisable Mr. deSa-
vignac s'empressa de le leur procu-
rer. Étant à la fênetre de sa cham.
bre avec M. de la Fayette , ils ap-
perçurent une Vigne qui par la
beauté de sa situation * & par l'é-
tenduë de ion terrein ? leur parut
très convenable pour y placer le