L exil, de Charles d Orléans à Du Bellay - article ; n°1 ; vol.43, pg 7-23
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1991 - Volume 43 - Numéro 1 - Pages 7-23
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 68
Langue Français

Extrait

Yvonne Bellenger
L'exil, de Charles d'Orléans à Du Bellay
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1991, N°43. pp. 7-23.
Citer ce document / Cite this document :
Bellenger Yvonne. L'exil, de Charles d'Orléans à Du Bellay. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1991, N°43. pp. 7-23.
doi : 10.3406/caief.1991.1750
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1991_num_43_1_1750DU BELLAY:
L'EXIL ET LA CONNAISSANCE DE SOI
Communication de Mme Yvonne BELLENGER
(Reims)
au XLIIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1990
«Exsul eram» (1), écrit Ovide banni loin de Rome.
Est-il légitime de considérer le Du Bellay des Regrets
comme un poète de l'exil au même titre que le Latin ou
qu'un Charles d'Orléans prisonnier de guerre pendant
vingt-cinq ans? Rien n'est moins sûr, même s'il a plu à
Joachim d'accumuler les références à l'exilé de Tomes
dans son recueil. Toutefois, il faut aussi considérer que
le terme d'«exil» est couramment employé en français
pour désigner non seulement un bannissement judiciaire
ou une captivité loin de chez soi, mais de manière figurée
«tout changement de résidence volontaire ou non, qui
provoque un sentiment ou une impression de dépayse
ment» (2). D'ailleurs le premier sens du mot attesté en
français n'est-il pas, dans la Chanson de Roland, celui
de « détresse, malheur, tourment » (3) ?
C'est ce sentiment de «détresse, malheur, tourment»
(1) Ovide, Tristia, IV, I, 3.
(2) Définition du T.L.F., s.v. «Exil», A. 2.
(3)Ibid., ETYMOL. et HIST., in fine. Le vers de La Chanson de Roland est
le suivant : « Ki tei ad mort France ad mis en exil » (Celui qui t'a tué a mis la
France en détresse), v. 2935. YVONNE BELLENGER 8
que les plus célèbres des sonnets des Regrets chantent
avec un art admirable :
Quand revoiray-je, helas, de mon petit village
Fumer la cheminée...? (s.31).(4)
Sans doute, il ne faut pas se méprendre, et l'on sait
que la critique récente se méfie des lectures « naïves » —
même si elle commence à y revenir un peu quelquefois.
Il est possible que Du Bellay n'ait pas aimé Rome. Il est
avéré que «l'hostilité envers le gouvernement pontifical
[était] vivace parmi les humanistes français qui [avaient]
subi l'influence d'Erasme» et que «la fidélité même de
Du Bellay à la monarchie française le port [ait] à une
comparaison défavorable pour le gouvernement pontifi
cal » (5), et par là à toute la Ville. Il est certain enfin que,
dans les comportements, dans les arts et dans les modes,
vestimentaires et autres, la mélancolie était en vogue : on
pétrarquisait, on se vêtait de noir, on marchait la tête
baissée, etc., et le personnage du malcontent intéressait.
Que Joachim ait jugé bon de combiner ces divers éléments
pour en tirer une image et une musique poétiques nouv
elles, rien de plus probable. Dans cette intention, l'exem
ple d'Ovide tombait à point. Aux Tristia latins, il conven
ait de faire succéder des Regrets français. Tout cela est
au demeurant fort connu. Les Regrets, donc, sont la
contribution majeure de Joachim à cette veine mélancol
ique qui parcourt le siècle de la Renaissance, et son
chant d'exilé.
Cela ne laisse pas d'être un peu paradoxal. Car, pour
qu'il y ait exil, pénal ou sentimental, physique ou moral,
(4) Les citations des Regrets sont suivies du numéro du sonnet entre paren
thèses Tous les textes de Du Bellay sont cités d'après l'édition Chamard des
Œuvres poétiques à la S.T.F.M. (t. II pour les Antiquités de Rome et Les
Regrets)
(5) Henri Weber, La Création poétique au XVIe siècle en France, Paris,
Nizet, 1955, p. 462 (et la note). DU BELLAY, L'EXIL ET LA CONNAISSANCE DE SOI 9
réel ou figuré, il faut trois composantes : un pays qu'on a
quitté, un pays qu'on voudrait quitter, et un homme qui
rêve de ce qu'il a quitté. Rome. «La France, et mon
Anjou, dont le désir me poingt» (s.25). Et celui qui écrit
cela : le poète.
Or, malgré ce que je viens de dire sur l'hostilité de
l'intelligentsia française de ce milieu du XVIe siècle à la
curie romaine, Rome n'en jouit pas moins d'un prestige
incomparable. C'est l'aima mater des humanistes. « Rome,
quoique sans armée redoutable, était la capitale du
monde. Paris, en 1559, était une ville de barbares assez
gentils » (6), écrivit justement Stendhal et, bien avant lui,
Rabelais, en septembre 1534, dans une lettre adressée à
Jean du Bellay qui n'était pas encore cardinal, parlait de
«Roma... urbis caput»(J). Capitale décevante, haut lieu
maltraité par des habitants peu respectueux de la mémoire
et des vestiges de leurs grands ancêtres : ces faits ne sont
pas inconnus (8), non plus que la surprise de bien des
voyageurs devant tant de dévastations, depuis le très obs
cur Georges de Lengherand, « Mayeur de Mons en Hay-
naut» par exemple, qui s'ébahissait, trois quarts de siècle
avant Joachim :
... la ville se diminue fort et les murailles d'icelle: et tiens la
moitié desdictes tombées en ruyne. Au dehors dudit Romme
y a apparence d'avoir eu plusieurs grans chasteaux et pallaix
qui tous sont totalement en ruyne et desolacion... (9).
(6) Chroniques italiennes, « La Duchesse de Palliano », in Romans et Nouv
elles, éd H Martineau, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1947, p. 701.
(7) La phrase vaut d'être citée en opposition à la manière dont Du Bellay
parle de Rome. «Nam quod maxime mihi fuit optatum ют inde ex quo in
littens pohtionbus ahquem sensum habui, ut Itaham peragrare, Romamque
orbis caput inuisere possem. » (En effet, depuis que j'ai acquis que l'intelligence
de la littérature polie, mon plus vif désir a été de voyager en Italie, et de
visiter Rome, capitale du monde. Trad Geneviève Demerson), in Rabelais,
Œuvres complètes, éd. Guy Demerson, Paris, Seuil, L'Intégrale, 1973, p. 955
col. b (la traduction . p. 957, col b)
(8) Voir le livre de Gladys Dickinson, Du Bellay in Rome, Leyde, Brill, 1960.
(9) Georges Lengherand, Voyage, éd Godefroy-Mesnilglaise, Mons, Société
des Bibliophiles belges de Mons, 1861, (n° 19 des publications), p. 75. En date
du 16 avril 1486. 10 YVONNE BELLENGER
jusqu'à notre poète s'écriant dans les Antiquités de Rome :
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n'apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme (10).
C'est cette Rome abîmée, par surcroît corrompue, que
Du Bellay esquisse d'un crayon souvent féroce, donnant
de la ville une image excessive, véhémente et satirique,
peut-être injuste mais haute en couleur et extraordinaire-
ment vivante. La Rome de Du Bellay, pour n'être pas
celle que cherchait le «nouveau venu», existe et se re
connaît. Si bien que nul ne s'y est trompé : voir les raisons
embarrassées qu'aligne laborieusement le poète dans sa
lettre du 31 juillet 1559 au cardinal furieux (11) du mauv
ais tour que lui avait joué son petit cousin. On l'a même
menacé de l'Inquisition (12) ! C'est dire combien l'attaque
portait juste.
Car telle est la loi de la satire, œuvre poétique, littéraire,
pourvue de tous les prestiges de l'imagination, mais qui
n'a de sens que si elle se rapporte à un élément de la
(10) Antiquités de Rome, s. 3.
(11) Cette lettre a été publiée par Marty-Laveaux dans son édition des
Œuvres françoises de Du Bellay, Paris, Lemerre, 1866-1867; par Pierre de
Nolhac, Lettres de Joachim du Bellay..., Paris, Charavay, 1883 ; et par A. van
Bever à la suite de son édition des Divers Jeux rustiques, Pans, Sansot, 1912.
La fureur du cardinal se devme à l'empressement avec lequel le poète se
défend contre la calomnie et aussi à l'abondance de ses justifications, ainsi, il
faut le dire, qu'à la maladresse de beaucoup.
(12) « Quant à l'Inquisition, qui est le principal point dont on veut me faire
peur, je voudrais être aussi assuré, Monseigneur, de devoir regagner votre
bonne grâce que j'ai peu de c

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