Le Portugal depuis la révolution de 1820
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Le Portugal depuis la révolution de 1820Jules de LasteyrieRevue des Deux Mondes4ème série, tome 27, 1841Le Portugal depuis la révolution de 1820ILe Portugal est si près de nous par ses révolutions et tellement éloigné par sesmœurs et ses sentimens, qu’il est très difficile de faire comprendre tout ce qu’il y ade différent et d’opposé dans la situation d’un peuple qui se présente à nous sousdes dehors à peu près semblable aux nôtres. Nous ne connaissons guère les paysétrangers que par leurs journaux, partout les gazettes parlent à peu près la mêmelangue, et quand les hommes qui se mêlent des affaires n’ont pas une vie communeavec la masse de la nation, celle-ci reste ignorée ou méconnue. Le public écouteceux qui parlent et néglige les autres ; il entend les mots de despotisme et deliberté, d’égalité et de privilèges, il croit que ces mots ont en tout lieu la mêmevaleur, et qu’en France et en Portugal il s’agit absolument des mêmes choses. Bienque ce temps soit l’ami du paradoxe, personne ne peut être soupçonné de penserque la liberté et le despotisme influent médiocrement sur le sort des peuples. Il fautcependant reconnaître qu’il y a, indépendamment de toute combinaison politique,quelque chose comme des mœurs nationales, et que les idées théoriques et lesformes de gouvernement qu’elles engendrent ne sont pas tout dans ce monde, EnPortugal, ce sont des intérêts presque secondaires. De la solution des questionsconstitutionnelles ne dépendent pas ...

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Langue Français
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Extrait

Le Portugal depuis la révolution de 1820
Jules de Lasteyrie
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 27, 1841
Le Portugal depuis la révolution de 1820
I
Le Portugal est si près de nous par ses révolutions et tellement éloigné par ses
mœurs et ses sentimens, qu’il est très difficile de faire comprendre tout ce qu’il y a
de différent et d’opposé dans la situation d’un peuple qui se présente à nous sous
des dehors à peu près semblable aux nôtres. Nous ne connaissons guère les pays
étrangers que par leurs journaux, partout les gazettes parlent à peu près la même
langue, et quand les hommes qui se mêlent des affaires n’ont pas une vie commune
avec la masse de la nation, celle-ci reste ignorée ou méconnue. Le public écoute
ceux qui parlent et néglige les autres ; il entend les mots de despotisme et de
liberté, d’égalité et de privilèges, il croit que ces mots ont en tout lieu la même
valeur, et qu’en France et en Portugal il s’agit absolument des mêmes choses. Bien
que ce temps soit l’ami du paradoxe, personne ne peut être soupçonné de penser
que la liberté et le despotisme influent médiocrement sur le sort des peuples. Il faut
cependant reconnaître qu’il y a, indépendamment de toute combinaison politique,
quelque chose comme des mœurs nationales, et que les idées théoriques et les
formes de gouvernement qu’elles engendrent ne sont pas tout dans ce monde, En
Portugal, ce sont des intérêts presque secondaires. De la solution des questions
constitutionnelles ne dépendent pas seulement la force et le repos de ce pays faible
et tourmenté. C’est chose évidente pour qui à quelque temps habité cette terre.
Tant qu’au lieu d’essayer des combinaisons artificielles, on n’a ra pas ranimé les
forces vives de la nation, celle-ci sera toujours ballottée entre un despotisme
flétrissant et une anarchie désolante. Les évènemens qui disposeront de son sort
lui seront comme étrangers ; entraînée par un mouvement tout moderne, il semble
qu’elle ne sache vivre que dans le passé. Les Portugais sont uniquement les
héritiers de leurs ancêtres. Dans leur caractère, rien de sérieux ne se découvre qui
soit d’importation étrangère ou date de notre siècle ; tout appartient encore aux
temps chevaleresques. Si l’empreinte primitive est ternie, aucune nouvelle trace ne
se distingue, et le Portugais de nos jours, mutilé si l’on veut, n’est pas transformé.
La situation générale de la société ne peut s’expliquer que par ses anciennes
mœurs et la nature des atteintes successives qu’elles ont subies. II faut donc, pour
connaître le Portugal savoir son histoire et surtout les traditions qui enchaînent les
imaginations. Là se retrouvent les sentimens, s’il en existe encore, ou du moins les
regrets du peuple ; mais le peuple est la mer que les vents soulèvent ! Quels sont
les vents ? d’où vient la tourmente ? Les partis les gouvernemens, ont causé les
agitations du Portugal ; leur action a pesé sur la nation, qui, sans se laisser pénétrer
par les idées libérales, leur ouvre un passage facile et s’affaiblit sans s’éclairer. II
n’y a point d’harmonie entre le pouvoir et le peuple. Leurs tendances diffèrent, et
leur union est forcée ; de là un Portugal nouveau, plein de disparates et de
contrastes, où la société est vieille et le gouvernement moderne. Comment rendre à
ce pays l’ensemble et la vie qui lui manquent ? Les théories politiques qui n’ont pu
guérir ses maux ne suffiraient pas même à les définir : Mais chercher comment
s’est formé le caractère national, c’est apprendre encore aujourd’hui, à juger la
société contemporaine ; pénétrer dans les mouvemens qui l’ont agitée depuis vingt
années ; c’est connaître les gouvernemens et les partis. Je demanderai donc au
passé quelles causes ont produit et développé les mœurs et les idées du Portugal,
avant d’examiner quelle conduite doit être désormais suivie pour lui donner un
gouvernement à la fois libre et national.
Un fait dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui domine toute
l’histoire portugaise. Les nobles aventuriers qui se rangèrent sous l’étendard du
comte Henri et des rois ses descendans, ne vinrent pas asservir un peuple riche et
puissant pour fonder leur existence féodale sur la perte de ses richesses et de ses
libertés. Loin de là. Quand la race chrétienne, fort clairsemée dans le pays, eut vu
reculer les infidèles, les guerriers étranges furent considérés comme des
libérateurs ; ils trouvèrent les terres abandonnées, le sol à peu près inculte ; et ;
comme il fallait sans cesse refouler la nation vaincue, la population chrétienne,
même la plus infime, profita de tous les succès et s’y associa. Chaque combat lui
donna un nouveau territoire à exploiter, et ce fut à ces glorieux rois et à ces vaillans
chevaliers que les uns durent leur liberté, les autres leurs terres, tous une patrie. En
Portugal, l’histoire n’offre aucune trace de ces sentimens de haine et de jalousie
que dans d’autres contrées le peuple a nourris contre les nobles. La raison de cette
différence est fort simple. L’origine de la noblesse portugaise est la délivrance du
pays ; l’origine de la noblesse dans presque toute l’Europe est la conquête.
Aussi les deux grandes classes qui partout ailleurs divisent la société paraissent-
elles unies par un lien de confiance, de respect et de familiarité ; singulier mélange
qu’un Français à peine à comprendre. Le cours des évènemens accrut encore
l’harmonie qui s’était si facilement établie entre des guerriers et leurs compagnons.
La civilisation romaine avait laissé peu de traces en Portugal ; si la langue est latine
et colorée d’un reflet arabe, tous les sentimens primitifs, toutes les libertés sont de
race germanique, et le génie des Visigoths plane sur ce peuple, enfant de la foi et
de la chevalerie. Après le gouvernement des Maures, il n’existait point de ces villes,
centres de sociétés particulières, où aurait pu se former une bourgeoisie avec des
intérêts différens de ceux des autres classes de la nation. Celle-ci n’avait donc
devant les yeux qu’un seul état de choses plus aristocratique que féodal, et la
masse sociale n’était travaillée ni par le mépris ni par l’envie. La noblesse avait fait
le peuple, et avec l’aide du peuple conquis sa gloire et sa puissance ; le Portugais
pauvre ne connaissait d’autre moyen de s’enrichir que de prendre les armes. « Tout
soldat est noble, » dit un vieil axiome national. Il ne s’offrait pas d’autre carrière qui
pût exciter l’ambition. On n’entreprenait de guerres que pour le salut commun ou par
un esprit de zèle religieux qui devait resserrer l’union des chefs et des soldats, et
donner un but sacré aux efforts de toutes les classes.
Le souvenir de leurs rois, des guerriers des premiers temps, n’est resté si
profondément gravé dans le cœur des Portugais, que parce qu’ils reconnaissent en
eux les sauveurs de la patrie, les défenseurs de la foi. Il n’est pas un homme du
peuple qui n’admire avec un patriotique enthousiasme Alphonse Henrique, le
premier et le plus grand de ses rois, le vainqueur des Maures et de la Castille. Le
cœur du plus humble se gonfle d’un légitime orgueil au nom éclatant d’Aljubarotta.
Comment oublier Jean Ier, le glorieux bâtard, et son magnanime connétable ? Nuno
Alvarès est le plus poétique des chevaliers portugais. « Ce n’est pas, dit Camoens,
un homme qui s’élance au combat, c’est un lion qui bondit et brise les remparts de
fer. » Le Portugal était, à vrai dire, plutôt un nid de héros que la demeure d’un
peuple. Toujours sous les armes, il fallut que les chevaliers, à peine vainqueurs des
Maures, défendissent plus d’une fois leur conquête contre les Castillans. Souvent
aussi ils se liguèrent avec ces nouveaux adversaires pour aller combattre au nom
de la religion leurs ennemis anciens et invétérés. Le pays tout entier ne fut long-
temps qu’un camp de croisés ; il se retrempa sans cesse dans cet esprit guerrier et
chrétien qui avait présidé à sa formation. On peut encore en découvrir la trace dans
la commanderie d’un des trois ordres rel

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