Les fables de La Fontaine dans les arts de la gravure et de la sculpture : le perçu, le réel, l imaginaire - article ; n°1 ; vol.26, pg 159-172
17 pages
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Les fables de La Fontaine dans les arts de la gravure et de la sculpture : le perçu, le réel, l'imaginaire - article ; n°1 ; vol.26, pg 159-172

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1974 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 159-172
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Josèphe Jacquiot
Les fables de La Fontaine dans les arts de la gravure et de la
sculpture : le perçu, le réel, l'imaginaire
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1974, N°26. pp. 159-172.
Citer ce document / Cite this document :
Jacquiot Josèphe. Les fables de La Fontaine dans les arts de la gravure et de la sculpture : le perçu, le réel, l'imaginaire. In:
Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1974, N°26. pp. 159-172.
doi : 10.3406/caief.1974.1058
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1974_num_26_1_1058FABLES DE LA FONTAINE LES
DANS LES ARTS DE LA GRAVURE
ET DE LA SCULPTURE :
LE PERÇU, LE RÉEL, L'IMAGINAIRE
Communication de Mlle Josèphe JACQUIOT
(Cabinet des Médailles)
au XXVe Congrès de l'Association, le 26 juillet 1973.
Les mots écrits étant à leur manière un dessin, et le
monde des formes mêlé à notre activité intellectuelle,
c'est le poète, dans la fable, qui a créé, avant l'artiste,
l'illustration même de sa pensée. Les arts des mots, et
ceux du dessin, se rencontrent alors dans l'imitation du
monde visuel ; se prêtant un mutuel appui, ces deux arts,
dans la fable, sont inséparables parce que chacun révèle
à l'autre la richesse et la profondeur du monde qu'il explore,
pour nous faire atteindre aux réalités morales. En illustrant
les fables, l'artiste en extrait les images expressives, le
réel et l'imaginaire, afin de nous les faire mieux lire.
Alors, le merveilleux de la fable est introduit dans le
monde réel, faisant reconnaître derrière celui-ci, la réalité
figurative, transfigurée par l'imagination du poète. Et
comme les hommes ont toujours copié les mêmes réalités
à travers les illustrations des fables publiées et illustrées
dès la fin du XVe siècle, on remarque, au-delà de cette
permanence, une diversité de styles aussi nombreux que
les générations. Et, bien que les illustrations des fables
à une même époque se soient ressemblées entre elles,
alors que d'une génération à l'autre elles ont été diffé
rentes, le réel et l'imaginaire de la fable sont restés des l6o JOSÈPHE JACQUIOT
vérités permanentes, qui ont établi, au mépris des siècles,
une véritable esthétique dialectique entre le fabuliste
et chacun de ses interlocuteurs. En effet, les représenta
tions figurées des fables, comme les fables elles-mêmes,
constituent un système de liaison d'un type particulier,
impliquant la notion de signe-relais, depuis les premières
vignettes sur bois, taillées par des imagiers pour illustrer
les fables d'Ésope et de Phèdre à la fin du xve siècle et
au xvie siècle, en passant par les représentations gravées
en taille douce, contemporaines de la parution des fables
de La Fontaine au xvne siècle, pour aboutir aux illustra
tions multiples, dans toutes les branches des arts, de ces
mêmes fables, jusqu'au xxe siècle. A travers le temps,
bien que le perçu se modifie, l'image, dans sa conception
différenciée, donne à la fable une valeur renouvelée, sans
pour cela que la morale de celle-ci s'en trouve altérée.
Seul, le fait particulier, l'événement politique ou social
du règne de Louis XIV auquel la fable faisait une allusion,
s'estompe, tandis que le réel et l'imaginaire demeurent
les témoins de la pensée première du poète. La réalité
figurative de cette est l'élément vivant, qui perpétue
le lien intellectuel qui existe entre les actes et les signes
révélateurs des schemes de la pensée, tant du fabuliste
que de la nôtre. Désormais la fable illustrée ne se situe
plus uniquement par rapport à la pensée de son auteur,
mais comme une communication visuelle de sa pensée,
laissée en survivance aux générations. N'est-ce pas préc
isément le propre de l'image de garder et de perpétuer
une valeur active d'interprétation, et de faire qu'en l'occur
rence la fable reste ainsi toujours contemporaine ? La
représentation figurée nous introduit de cette manière
dans le domaine psychologique permanent d'interpréta
tion visuelle de la pensée, qui constitue pour l'étude des
fables une véritable esthétique collective, établie entre
l'œuvre créée par l'artiste, et celle qui est l'œuvre du
poète.
La fable de La Grenouille qui veut se faire aussi grosse
que le Bœuf, est typique de la représentation figurée qui Plan с н к I Planchjk II
-*"
"**. Ú,M^:
i s LES FABLES DE LA FONTAINE DANS LES ARTS l6l
perpétue l'interprétation visuelle du poète (i). Quels sont
les éléments de la mise en scène ? Deux animaux, une
grenouille et un bœuf ; deux traits de caractère semblables
chez ces deux êtres de puissance dissemblable ; le goût
de la grandeur reflété par un sentiment de vanité et
d'envie ; deux séjours différents : l'eau, séjour instable
et changeant, et la terre. Ces éléments vont se situer dans
la gravure conformément à l'image que le poète fera naître
dans l'imagination de l'artiste. L'imaginaire devra aider
à personnaliser le réel. L'artiste qui le premier a illustré
la fable de Phèdre, dans le recueil paru en 1610 (2), a
placé en vis-à-vis, sur les rives opposées d'une mare, une
grenouille qui tente de s'enfler, face à un bœuf manifes
tement indigné, furieux d'une telle outrecuidance, prêt
à charger le pauvre petit animal, mais retenu dans l'élan
de sa colère par l'eau qui le sépare de lui. François Chau-
veau, en 1668 (3), pour illustrer la fable de La Fontaine,
imaginera la scène différemment. Une mare au bord
de laquelle sont, près d'une touffe de roseaux, deux gre
nouilles ; une qui se gonfle, l'autre plus petite qui semble
répondre aux questions de la première. A côté d'elles, un
bœuf placide, indifférent dans son mépris, la tête tournée
ailleurs, regarde au loin, voulant ignorer que d'autres
animaux soient les hôtes des lieux paisibles où il vit, envi-
(1) Fables mises en vers par Jean de La Fontaine, texte établi et
présenté par V.-L. Saulnier, T. I, livre I, fable III, p. 79. Notes et variant
es, p. 299.
(2) Mythologica Aesopica Isaaci Nicoli Neveli, Francfort, 1610,
Î). 403. Dans ce recueil, Nevelet a publié, outre les fables d'Esope, avec
eur traduction en latin, d'autres fables, notamment de Fhèdre. La
publication est enrichie de gravures. Il faut encore citer : Les Fables de
Phèdre, af francky d'Auguste, enrichies de figures en taille douce. A Paris,
chez Cochart, au Palais, en la Gallerie des Prisonniers, au Saint-Esprit.
MDC. LXIX. Avec Privilège du ROY. Livre I, fable XXIII, p. 43,
« La grenouille qui crève d'orgueil ».
(3) Chauveau (François), Fables choisies, mises en vers par Monsieur
de La Fontaine, figures gravées en taille douce par François Chauveau.
A Paris, chez C. Barbin, 1668, p. 5. Les gravures de Chauveau
ont été reprises par Henri Causé, qui a apporté peu de modifications
aux gravures originales, si ce n'est d'inverser la scène : Causé (Henri),
Fables choisies, mises en vers par Monsieur de La Fontaine et par luy
reveiies, corrigées et augmentées de nouveau. Suivant la copie imprimée
à Paris et se vendant à La Haye, chez Henry van Bulderen, M. DC.
LXXXVIII. IÓ2 JOSÈPHE JACQUIOT
ronné ďun paysage dans lequel tout témoigne d'une force
égale à la sienne : un chêne, une maison basse et large,
aux assises sûres, une haute montagne aride, et au loin
une belle végétation (PI. I, n° i). C'est là la peinture
vivante de la pensée du fabuliste :
Une grenouille vit un bœuf,
Qui lui sembla de belle taille,
Elle qui n'estoit pas grosse, en tout, comme un œuf.
Envieuse s'estend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur ;
Disant, regardez bien ma sœur,
Est-ce assez ? Dites-moi : N'y suis- je point encore ?
Nenny. M'y voicy donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point...
La scène semble fixée à ce point précis du dialogue, où
la grenouille fait l'effort suprême

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