Marot et l archaïsme - article ; n°1 ; vol.19, pg 27-37
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1967 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 27-37
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 12
Langue Français

Extrait

C.-A. Mayer
Marot et l'archaïsme
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1967, N°19. pp. 27-37.
Citer ce document / Cite this document :
Mayer C.-A. Marot et l'archaïsme. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1967, N°19. pp. 27-37.
doi : 10.3406/caief.1967.2329
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1967_num_19_1_2329MAROT ET L'ARCHAÏSME
Communication de M. С A. MAYER
{Liverpool)
au XVIIIe Congrès de V Association, le г*] juillet 1966.
Traiter de l'archaïsme chez Marot, c'est, sans le moindre
doute possible, une entreprise extrêmement difficile, et cela
pour plusieurs raisons. Ne dit-on pas souvent que Marot est
le dernier poète du Moyen Age, qu'il est le dernier Rhéto-
riqueur, qu'il reproduit fidèlement les thèmes et clichés de la
poésie médiévale ? Dans ces conditions, ce qui nous paraît
archaïque pourrait fort bien ne pas l'être au sens strict du
mot.
Il faudrait donc commencer par résoudre le problème de la
place exacte de Marot dans l'histoire de la poésie française.
Inutile de dire qu'une telle entreprise représente au fond une
pétition de principe, et qui plus est, une pétition de principe
qui entraînerait un cercle vicieux, puisqu'il faudrait déclarer
que Marot est différent des Rhétoriqueurs, qu'on peut par
conséquent considérer certains aspects de son œuvre comme
archaïques, et que l'étude de ce côté archaïque nous permet
de mieux apprécier la distance qui sépare Marot des poètes
du XVe siècle.
Cette pétition de principe, je ne puis l'éviter entièrement.
Une façon d'y échapper, ce serait d'accorder à Marot le titre
de poète de transition, comme on l'a fait souvent, mais cela
ne nous aide guère. Le terme a peut-être une certaine valeur, С. A. MAYER 28
mais d'un point de vue purement historique, quand le critique
se place résolument à notre époque pour juger du passé un
iquement par les idées de son temps. Il est donc permis de se
demander si, dans notre cas, une telle appellation est justifiée.
Ne suppose-t-elle pas en effet quelque chose de conscient
chez l'auteur, la volonté non seulement de rompre avec le
passé, mais de mener vers un but qui se trouve entièrement
dans le futur ? Que Marot ait voulu s'écarter de la tradition
des Rhétoriqueurs, j'en suis convaincu ; qu'il ait voulu faire
œuvre de novateur, je le crois. Mais qu'il eût l'intention de
préparer la voie aux Odes de Ronsard et aux Regrets de Du
Bellay, voilà qui est évidemment absurde. Par conséquent, le
terme de poète de transition me paraît abusivement histo
rique, menant à une critique placée entièrement au point de
vue de l'évolution, comme s'il y avait dans les arts un progrès
continuel ; de plus, cette appellation ôte toute possibilité
d'un jugement de valeur absolu et surtout d'un jugement
historique tenant compte de l'intention de l'artiste. De cette
façon, le terme de poète de transition nous mène inévitabl
ement à la conception de la création inconsciente, dont l'e
xpression la plus amusante me paraît être cette phrase du grand
Pierre Villey, précisément à propos de Marot :
Après avoir forgé dans ses Pseaumes l'instrument du lyrisme,
il semble ne pas se douter de ce qu'il vient de faire (i).
Plutôt donc que de traiter Marot de poète de transition, je
le considère, tout simplement, comme innovateur. J'espère
que l'étude de l'archaïsme dans sa poésie pourra apporter
un élément à la discussion du problème. De cette façon, nous
pourrons éviter jusqu'à un certain point la pétition de piin-
cipe. Comme il faut quand même dire quelques mots sur les
rapports entre Marot et ses devanciers, j'aime mieux, pour
les raisons déjà données, me placer à un point de vue personn
el.
Depu s le xvie siècle, certainement depuis VArt poétique
(i) P. Villey, Les grands écrivains du XVIe siècle, Marot et Rabelais,
Champion, Paris, 1923, p. 146. MAROT ET L ARCHAÏSME 29
de Thomas Sebillet (2), on a vu dans Marot le premier poète
de la Renaissance, on a insisté sur l'abîme qui le sépare de ses
prédécesseurs immédiats, les Grands Rhétoriqueurs. Ce n'est
que récemment qu'on a tâché à tout prix d'insister sur les mér
ites de ces poètes méprisés. Le problème me semble être la
rgement une question de goût. Henri Guy a montré tous les
ridicules des Rhétoriqueurs (3). Peut-être a-t-il eu tort de
consacrer une étude entière au simple éreintement. Pourtant,
il est extrêmement difficile de dire qu'il a exagéré. Aussi la
plupart des défenseurs des Rhétoriqueurs n'essayent-ils
guère de le réfuter, mais plutôt de montrer le côté positif de
poètes comme Molinet et Cretin. Dans le détail, en citant
quelques vers et quelques idées, il est effectivement possible
de démontrer que les Rhétoriqueurs n'étaient pas aussi igno
rants qu'on l'a dit, que bon nombre des idées que nous asso
cions avec la Renaissance et même avec la Pléiade se trouvent
déjà exprimées par des hommes comme Machault, Robertet
et d'autres, qu'ils avaient l'amour de la langue, qu'ils expéri
mentaient les formes poétiques. Ainsi, j'ai pu montrer que la
célèbre ode de Ronsard « Bel aubepin » est imitée d'assez près
d'un poème de Molinet : « Noble englentier florissant », dont
elle reproduit la forme distinctive (4).
Et pourtant, lorsqu'on en vient à passer des détails à l'en
semble, lorsqu'on lit, non pas des extraits, mais des pages,
des livres entiers des Rhétoriqueurs, il devient beaucoup plus
difficile d'y trouver goût. C'est, évidemment, dans une large
mesure, un jugement personnel.
J'en reviens donc à ceci, que Marot me semble non seul
ement meilleur poète que les Rhétoriqueurs, mais encore et
surtout un innovateur à presque tous les points de vue, et
que sa poétique n'a presque rien de commun avec celle des
poètes de la fin du xve siècle. Si jamais on peut parler de rup
ture, de changement violent, c'est, me semble-t-il, avec
(2) T. Sebillet, Art poétique françoys, éd. F. Gaiffe, S.T.F.M., Paris,
1910.
(3) H. Guy, Histoire de la poésie française au XVIe siècle, t. I, L'Ecole
des Rhétoriqueurs, Champion, Paris, 1910.
(4) C. A. Mayer, Ronsard et Molinet, B.H.R., t. XXVI (1964), PP-
417-8. A. MAYER С.
l'avènement de Clément Marot. Il est donc légitime de traiter
d'archaïque, dans la poésie de Marot ou du moins dans la
poésie de la maturité de Marot, tout ce qui rappelle de façon
claire et évidente l'école des Rhétoriqueurs. Une telle analyse
est intéressante non seulement du point de vue de l'a
rchaïsme, mais encore plus précisément du point de vue de
l'évolution de l'œuvre de Marot, et de sa place dans la poésie
française.
En fonction de tous ces problèmes que je viens de soulever,
il me semble qu'il convient de distinguer, dans l'œuvre de
Marot, entre l'archaïsme inconscient (ou peut-être incons
cient) et conscient.
Un exemple possible d'archaïsme inconscient me semble
l'imitation d'auteurs du Moyen Age. La plupart des emprunts
que Marot a faits à ses prédécesseurs se trouvent évidemment
dans ses poèmes de jeunesse, et n'ont donc qu'une impor
tance relativement restreinte pour notre étude. Pourtant,
qu'on considère la Complainte de Jacques de Beaune, seigneur
de Semblançay (5), imitée, de façon fort maladroite du reste,
de la Ballade des Pendus de Villon. Il est possible que Marot
ait voulu suivre une tradition bien établie et que l'archaïsme
de ce poème soit donc parfaitement conscient, ayant pour but
d'obtenir un effet d'art populaire. Il me semble plus probable
que Marot, éditeur de Villon, ait tout simplement voulu
imiter la puissance, la beauté macabre de la célèbre ballade,
sans y arriver, ce qui nous vaut un poème de valeur médiocre
dans un style désuet, exemple d'archaïsme inconscient. On
peut ajouter qu'ici l'archaïsme est le résulta

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