Paul Valéry, « Teste » ou « Faust » ? - article ; n°1 ; vol.17, pg 245-256
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1965 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 245-256
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 69
Langue Français

Extrait

Monsieur Lloyd J. James Austin
Paul Valéry, « Teste » ou « Faust » ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1965, N°17. pp. 245-256.
Citer ce document / Cite this document :
Austin Lloyd J. James. Paul Valéry, « Teste » ou « Faust » ?. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1965, N°17. pp. 245-256.
doi : 10.3406/caief.1965.2291
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1965_num_17_1_2291PAUL VALÉRY : « TESTE » OU « FAUST » ?
Communication de M. Lloyd James AUSTIN
{Cambridge)
au XVIe Congrès de Г Association, le 29 juillet 1964.
Vous devinez ma conclusion : cette opposition est factice.
Valéry est à la fois Teste et Faust, ou plutôt il est au-dessus
des deux, étant leur créateur. Et Teste contient Faust en
germe, et Faust est toujours Teste. Regardons les faits d'un
peu plus près.
« Bien (dit M. Teste). L'essentiel est contre la vie» (II, 73) (1).
M. Teste, on le sait, fut « la créature exceptionnelle d'un
moment exceptionnel » (II, 13). Mais Valéry ne l'en a pas
moins reconnu pour son « enfant » ; et l'on peut se demander
dès lors si ces mots n'expriment pas véritablement son att
itude à lui envers la vie et sa valeur. Le rôle du refus, de la
négation, du scepticisme généralisé, dans la vie et dans la
pensée de Valéry, est si grand et si constant que cette con
clusion a bien souvent paru s imposer à certains de ses lec
teurs. Pour eux, Valéry n'aurait édifié son idole de l'intellect
que sur la ruine de tout ce qui fait normalement le prix de la
vie. L'aboutissement de cette tendance essentielle serait
Le Solitaire, au sous-titre significatif « Ou les malédictions
(1) Les chiffres romains et arabes désignent les volumes et les pages de
l'admirable édition des Œuvres de Paul Valéry procurée par Jean Hytier
dans la Bibliothèque de la Pléiade (Pans, Gallimard, t. I, 1957, t. II,
i960). Les renvois aux Cahiers de Valéry, publiés par le C.N.R.S., sont
précédés de la lettre C. 246 LLOYD JAMES AUSTIN
d'univers » Là, Faust s'exprime avec une « immense amer
tume » ; il est «. excédé d'être une créature » ; et les Fées lui
déclarent : « Tu ne sais que nier », « Ton premier mot fut
NON », « Qui sera le dernier » (II, 402-403). De nombreux
critiques ont cru que ce NON fut effectivement le dernier
mot de Valéry lui-même, et l'image d'un Valéry lucide et
parfaitement désespéré a souvent été évoquée et contemplée
avec complaisance, ou bien, au contraire, avec réprobation.
Mais, naturellement, les choses ne sont pas aussi simples.
Le Solitaire est une version de la légende de Faust. Mais cette
« féerie dramatique » a été écrite simultanément avec la « coméd
ie » de Lust, ou la Demoiselle de Cristal, les deux œuvres
composant ensemble ce que Valéry appelait «. Mon Faust ».
Et cette pièce, dont le titre même signifie « Joie », contient,
dans sa partie achevée, une véritable apothéose de la vie,
et dans les notes et ébauches du quatrième et dernier acte qui
manque, la formulation magnifique d'un idéal de l'amour
humain où la sensibilité et l'intelligence s'unissent pour
atteindre une valeur unique. Tout lecteur averti des œuvres
antérieures à « Mon Faust » aurait certes pu discerner déjà que
le culte de l'intellect chez Valéry n'excluait nullement les
dons les plus rares de la sensibilité, tant morale que physique.
En réalité, Valéry a cherché la satisfaction, esthétique et log
ique à la fois, d'adopter à tour de rôle des points de vue diffé
rents ou même contradictoires, et de les pousser jusqu'à leurs
conséquences les plus extrêmes. Et cependant, même alors,
un courant sous-jacent d'ironie souriante ou insidieuse ne
laisse jamais perdre de vue l'existence du point de vue opposé.
Parfois enfin, et surtout dans les grands poèmes, un débat
se poursuit, un dialogue passionné. La Jeune Parque et
Le Cimetière marin, après avoir évoqué avec force l'ardente
aspiration vers un absolu inconcevable, se terminent par
l'acceptation plénière de la vie et de ses limites nécessaires.
Mais il a fallu la publication de « Mon Faust » et surtout des
ébauches du quatrième acte, ainsi que la révélation des
Cahiers, pour que l'on se rende pleinement compte des ambit
ions secrètes de Valéry et de l'unité fondamentale que mas
quaient leurs contradictions apparentes. VALÉRY : « TESTE » OU « FAUST » ? 247 PAUL
Car la primauté accordée à l'intellect a certainement déte
rminé chez Valéry un mépris (fort légitime dans son principe,
d'ailleurs), de « l'humain, trop humain ». Par moments,
Valéiy en vient à englober dans une même condamnation
absolue toutes les émotions humaines, comme également
néfastes. « Considérer ses émotions comme sottises, débilités,
inutilités, imbécillités, imperfections — comme le mal de mer
et le vertige des hauteurs, qui sont humiliants... Quelque
chose en nous, ou en moi, se révolte contre la puissance invent
ive de l'âme sur l'esprit » (II, 70). Si les émotions humaines
sont ainsi condamnées, c'est qu'elles peuvent être les ennemies
les plus puissantes de l'esprit, et surtout, il va de soi, chez
ceux qui, comme Valéry, sont doués, ou affligés, d'une sensi
bilité très vive.
Le « principe de négation » et le « pouvoir qui en résulte »
(C. XXIX, 537) sont au centre de l'Introduction à la méthode
de Léonard de Vinci. La négation universelle est la loi même
de la conscience, qui est « une perpétuelle exhaustion, un
détachement sans repos et sans exception de tout ce qu'y
paraît, quoi qui paraisse... Tous les phénomènes, par là
frappés d'une sorte d'égale répulsion, et comme rejetés
successivement par un geste identique, apparaissent dans une
certaine équivalence. Les sentiments et les pensées sont enve
loppés dans cette condamnation uniforme, étendue à tout
ce qui est perceptible » (I, 1225). Léonaid, on le voit, est
déjà M. Teste, symbole de l'intellect pur dont le seul but est
la lucidité totale et la précision parfaite dans l'observation
de sa propre activité. « Ceci est comme au delà de toute
" affectivité ". C'est connaissance pure, avec une sorte de sin
gulier mépris et détachement du reste » (II, 70-71). Dans un
Cahier de 1910, Valéry fait parler Teste : « Je n'ai envie
que àe. pouvoir, disait-il, — je déteste la rêverie et l'acte [...].
Je ne compte pour rien l'amour, l'histoire, la nature
Etre poète, non. Pouvoir l'être » (C. IV, 378, cité dans I,
1383). Et ici encore, Teste s'identifie avec Léonard, dont
Valéry a dit : « Vivre, et même bien vivre, ce n'est qu'un
moyen pour lui : quand il mange, il alimente aussi quelque
autre merveille que sa vie [...] Agir, ce n'est encore qu'un LLOYD JAMES AUSTIN 248
exercice. Aimer, je ne sais pas s'il lui est possible » (I, 1216).
Quelques semaines seulement avant sa mort, Valéry définit
une dernière fois ce regard détaché, de « refus total, de néga
tion universelle, qui égalise toutes choses [...], qui les annale
toutes [...], de même [que] la fermeture des paupières, ou bien
l'extinction de la lumière, abolit quoi que ce soit de la vue »
(C. XXIX, 873).
Ce л regard de refus total » est celui du Solitaire, dans le
volet négatif du grand diptyque valéryen final, « Mon Faust ».
Le Solitaire est comme La Tentation de saint Antoine de Flau
bert, œuvre inspirée elle aussi en partie du Faust de Gœthe,
et qui est également une œuvre absolue, de négation totale,
et qui a souvent la même tonalité et le même bestiaire où
dominent les pourceaux et le loup. Dans Le Solitaire, Faust
rencontre un étrange personnage qui incarne « la solitude
essentielle, l'extrême de la raréfaction des êtres », « ce quel
qu'un qui est unique et seul par essence », sel

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