La Vigne
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Description

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant — Œuvres complètesLa VigneLA VIGNE.À Monsieur de Pontmenard.Pontmenard, que mon ame estimeD’une passion legitime,Et qui merite d’estre misAu rang des plus parfaits amis,Depuis le jour qu’en la Bretagne,J’erre de vallon en montagne,Je n’ai rien trouvé de si beauComme ta maison de Coybeau.Non pas pour cette belle veueDont le ciel l’a si bien pourveue,Qu’on diroit qu’il a fait ces lieuxPour le souverain bien des yeux ;Non pas pour la frescheur de l’ombreDe ce bois venerable et sombreOù les bergers les plus discretsChantent leurs amoureux secrets ;Non pas pour ces larges campagnesOù Cerès, avec ses compagnes,Seme et recueille tant de blez,Que tes greniers en sont comblez ;Non pas pour ces grandes prairiesQue la saison qu’aux CanariesMes yeux ont veu regner jadisComme en un second paradisEn janvier mesme rend si vertesEt de tant de troupeaux couvertes,Qu’on n’y sçauroit lequel choisir,Ou du profit, ou du plaisir ;Non pas pour ces claires fontaines,Qui, par des routes incertaines,Se fuyant et se poursuivantSous l’ombrage frais et mouvantDe mille arbres qu’elles font croistre,Et qu’en elles on voit paroistre,Accordent au chant des oyseauxLe doux murmure de leurs eaux ;Non pas pour ces longues alléesOù de branches entremesléesDe lauriers, de charmes, de buis,De cyprès, de fleurs et de fruits,Se forment des murailles vives,Qui, par leurs distances captives,Font des chemins plus gracieuxQue n’est ...

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Marc-Antoine Girard de Saint-AmantŒuvres complètes La Vigne
LA VIGNE. À Monsieur de Pontmenard.
Pontmenard, que mon ame estime D’une passion legitime, Et qui merite d’estre mis Au rang des plus parfaits amis, Depuis le jour qu’en la Bretagne, J’erre de vallon en montagne, Je n’ai rien trouvé de si beau Comme ta maison de Coybeau. Non pas pour cette belle veue Dont le ciel l’a si bien pourveue, Qu’on diroit qu’il a fait ces lieux Pour le souverain bien des yeux ; Non pas pour la frescheur de l’ombre De ce bois venerable et sombre Où les bergers les plus discrets Chantent leurs amoureux secrets ; Non pas pour ces larges campagnes Où Cerès, avec ses compagnes, Seme et recueille tant de blez, Que tes greniers en sont comblez ; Non pas pour ces grandes prairies Que la saison qu’aux Canaries Mes yeux ont veu regner jadis Comme en un second paradis En janvier mesme rend si vertes Et de tant de troupeaux couvertes, Qu’on n’y sçauroit lequel choisir, Ou du profit, ou du plaisir ; Non pas pour ces claires fontaines, Qui, par des routes incertaines, Se fuyant et se poursuivant Sous l’ombrage frais et mouvant De mille arbres qu’elles font croistre, Et qu’en elles on voit paroistre, Accordent au chant des oyseaux Le doux murmure de leurs eaux ; Non pas pour ces longues allées Où de branches entremeslées De lauriers, de charmes, de buis, De cyprès, de fleurs et de fruits, Se forment des murailles vives, Qui, par leurs distances captives, Font des chemins plus gracieux Que n’est celuy qu’on voit aux cieux ; Non pas pour ce divin parterre Où le soing de nature enserre Cent mille fleurs, qu’à voir briller Quand elle veut s’en habiller On prendroit pour des pierreries, Qui des drogues les plus cheries, Dont l’odorat est amateur, Auroient l’agreable senteur ; Mais bien pour ce costeau de vigne Qui seul est de ma muse digne, Et que je veux si bien louer, Que Bacchus le puisse advouer. Ha ! brave baron de Sainct-Brice, Pour honorer un tel caprice
Qui m’esveille la verve ainsi, Que n’es-tu maintenant icy ! Nous boirions dedans ta calotte, Et par quelque chanson falotte Nous celebrerions la vertu Qu’on tire de ce bois tortu. Vray Gilot, roy de la debauche, Mon cher amy, mon κουιλλον gauche, Si tu te trouvois en ce lieu, Ô ! comme, à l’honneur de ce dieu Que l’on vit naistre d’une cuisse, Tu chanterois en ton de Suisse, Faisant d’une nape un turban, Ton melodieux Pireban ! Toy de qui le nom effroyable Feroit chier de peur le diable, Grand et hardy Chassaingrimont, Dont le seul regard nous semont À l’agreable excès de boire ; Toy qui, non sans cause, fais gloire, Et crois en payer ton escot, D’esti j de la maison de Pot, Belot, puissant demon de joye, Qui par une secrette voye Nous inspires la volupté De la bacchique liberté, Lors qu’autour d’une table ronde, Faisant raison à tout le monde, La tienne abandonne tes sens À mille plaisirs innocens ; Marigny, rond en toutes sortes, Qui parmy les brocs te transportes, Et dont l’humeur que je cheris M’a pu faire quitter Paris ; Franc Picard à la rouge trongne, Brave Maricourt, noble yvrongne, Qui crois estre sur ton fumier Quand tu presides chez Cormier ; Jeune portrait du vieux Silene, Grand beuveur à perte d’halene, Chère rime de cabaret, Mon cœur, mon aymable Faret ; Brun, qui dans la cité de Dole, Chez toy de raisons tiens escole Pour les plus sçavans, quand tu bois De ton exquis vin blanc d’Arbois ; Bardin, dont la saine doctrine, Incaguant Aristote et Pline, Prouve que le vin seulement Merite le nom d’element ; Grand-Champ, qui vuides mieux les verres Que dans les chiquaneuses guerres, Avec les plus heureux succès, Tu ne vuiderois les procès ; Butte, qui d’un cœur de Pompée, Ne fait pas mieux à coups d’espée Que dedans maint repas divin Je t’ai veu faire à coups de vin ; La Motte, qui parmi les tasses 2 As mille fois plus fait de masses Que ton père, en son plus grand feu, N’en a jamais fait dans le jeu ; Chasteaupers, gardien des treilles, Au nez à crocheter bouteilles, De qui l’aspect est aussi bon Pour faire chifler qu’un jambon ; Cher compatriote de Lâtre, Humeur que mon ame idolâtre, Homme à tout faire, esprit charmant, Pour qui j’avoue estre Normant ; Theophile, Bilot, Moliere,
Qui dedans une triste biere Faites encore vos efforts De trinquer avecques les morts ; Fameux beuveurs, troupe fidelle, Tous ensemble je vous appelle Dans ces lieux de pampre couvers, Pour m’aider à chanter ces vers : Que sous les climats froidureux Les peuples sont bien malheureux De n’avoir aucun sep de vigne ! Tout plaisir leur est interdit ; Le ciel en tout temps leur rechigne, Et la nature les maudit. Ils profanent le cabaret ; De l’eau bouillie au vin clairet Le fade goust on y prefere ; Quand on y boit on est transy, Et l’on n’y sçauroit jamais faire Rubis sur l’ongle, comme icy. Alexandre, le grand beuveur, Bacchus, eust-il sans ta faveur Peu meriter quelque louange, Et l’eust-on jamais veu regner Sur tant de terres que le Gange Prend tant de plaisir à baigner ? Jamais habillemens de Mars, Glaives, boucliers, lances ny dars, N’esclatterent dans son armée, Et jamais mousquets ny canons, Vomissans fer, flamme et fumée, N’y firent abhorrer leurs noms. L’esclat des verres seulement, Plus brillans que le firmament, Y rendoit laveue esblouye ; On n’y vomissoit que du vin, Et rien n’y possedoit l’ouye Qu’un chant bacchique et tout divin. Quand ces pyrates impudents, Bacchus, te monstrerent les dents, N’est-il pas vray que ta vengeance Ordonna, pour son plus grand fléau, Que cette miserable engeance Ne boiroit jamais que de l’eau ? Ô quel severe chastiment ! Boire de l’eau, Dieu, quel tourment ! Quelle ire n’en seroit foulée ! C’est bien pour en desesperer ! Mais encore de l’eau salée, Qui ne sert qu’à les alterer ! Ces maraus furent bien surpris En leur audacieux mespris ! Ils y perdirent leur escrime, Et dedans ces flots tous esmus De l’enormité de leur crime Ils demeurerent bien camus ! Père, aussi tant que je vivray, De tout mon cœur je te suivray, Je t’en fais icy la promesse, Et jure par ces cervelas Que, pour mon baston de vieillesse, Je ne veux rien qu’un eschalas.
1. La plupart des noms cités dans cette pièce nous sont inconnus. Nous avons parlé ailleurs de Marigny, de Cormier, de Faret, de Molière. Nous ne savons rien de Belot, de
Brun, de Grandchamp, de La Motte, de Lâtre, Chateaupers, Bilot. Bardin étoit de l’Académie françoise. Né à Rouen en 1590, il mourut à Paris en 1637. Aucun membre de l’Académie n’étoit mort avant lui. — Son principal ouvrage est intituléle Lycée. — Bilot étoit sans doute de la suite du duc de Retz. Dans le sonnet : Voicy le rendez-vous…, etc., p. 182, Saint-Amant le cite parmi les buveurs qui fréquentoient avec lui le cabaret de La Plante, à Belle-Île. Pour Chassaingrimont, voy. p. 181.
2. Terme emprunté au jeu de dés. —Masse !disoit l’un. —Tope, répondoit l’autre. Et de même enbeuverie. (V. Furetière.)
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