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Variétés historiques et littéraires, Tome IVSonge.1616Songe.11616 . In-8.Porté sur les aisles d’un songe2Dans une ville de Xaintonge ,J’ay veu ce que je vay compter :Je vis un homme de la Chine3Quy, brullé d’encre sur l’eschine ,Se faisoit riche à culetter.Il estoit d’assez belle taille,De poil tout propre à la batailleDe ce petit demon d’Amour ;Sa fraize estoit à l’espagnolle,Et sa moustache en banderolleChassoit aux mouches de la cour.Ayant près de luy sa Cassandre,Il se marchoit en Alexandre,Il aboyoit comme un roquet ;Il chevauchoit sur une mule,Et, discourant sur une bulle,Il parloit comme un perroquet.Il avoit la mine d’un prestreEt croy qu’il desire de l’estre4Pour avoir le couronnement ;Mais, n’estant de trempe assez bonnePour bien porter une couronne,Il en porte une à l’instrument.Il portoit dessoubs son aisselleLe bout d’une vieille escarcelleD’où sortoit un fer de cheval,Et je cognus à ceste marqueQue ce n’estoit pas un monarque,Mais seulement un mareschal.5Il parloit de la Normandie ,6Mais il aymoit la Picardie ,Comme un pays tout plein d’honneur,Et, fuyant le sort de sa vie,Il mouroit de rage et d’envie7Pour estre dict le gouverneur .Il estoit bon naturaliste :Il avoit une longue listeDes postures de l’Aretin ;Il sçavoit toute la caballe,Et, monté sur une cavalle,Se panadoit en saint Martin.Pour lui servir de medecine,Il mangeoit la chaude racine,Du plus friand satyrion ;Il portoit un livre assez largeOù ...

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Variétés historiques et littéraires, Tome IV Songe. 1616
Songe. 1 1616 . In-8.
Porté sur les aisles d’un songe 2 Dans une ville de Xaintonge, J’ay veu ce que je vay compter : Je vis un homme de la Chine 3 Quy, brullé d’encre sur l’eschine, Se faisoit riche à culetter.
Il estoit d’assez belle taille, De poil tout propre à la bataille De ce petit demon d’Amour ; Sa fraize estoit à l’espagnolle, Et sa moustache en banderolle Chassoit aux mouches de la cour.
Ayant près de luy sa Cassandre, Il se marchoit en Alexandre, Il aboyoit comme un roquet ; Il chevauchoit sur une mule, Et, discourant sur une bulle, Il parloit comme un perroquet.
Il avoit la mine d’un prestre Et croy qu’il desire de l’estre 4 Pour avoir le couronnement; Mais, n’estant de trempe assez bonne Pour bien porter une couronne, Il en porte une à l’instrument.
Il portoit dessoubs son aisselle Le bout d’une vieille escarcelle D’où sortoit un fer de cheval, Et je cognus à ceste marque Que ce n’estoit pas un monarque, Mais seulement un mareschal.
5 Il parloit de la Normandie, 6 Mais il aymoit la Picardie, Comme un pays tout plein d’honneur, Et, fuyant le sort de sa vie, Il mouroit de rage et d’envie 7 Pour estre dict le gouverneur.
Il estoit bon naturaliste : Il avoit une longue liste Des postures de l’Aretin ; Il sçavoit toute la caballe, Et, monté sur une cavalle, Se panadoit en saint Martin.
Pour lui servir de medecine, Il mangeoit la chaude racine, Du plus friand satyrion ; Il portoit un livre assez large Où l’on vooit escrit en mare
8 Les coyonnades du Coyon .
Sa suitte est de gens d’escritoire Quy cachent d’une robbe noire Un venin d’infidelité, Et quy, comme des chatemites, Attrapent les grosses marmittes, Et tout cela par charité.
Vous eussiez veu ceste canaille, Baillant comme un huistre à l’ecaille Et portant un petit collet, Aprendre à ceux de la pratique Le secret de la rethorique Pour faire un tour de bon vallet.
Ils babillent comme des pies, Ils vollent comme des harpies, 9 Ils sautent comme des genetz , Ils sifflent comme des linottes, Ils trottent doux comme bigottes Et parlent comme sansonnetz.
Aussi froidz que saint de caresme, Les yeux baissez, la face blesme, Leur souche a tousjours le cul net. Ce sont des singes de Seville, Et comme furets de Castille Ils se glissent au cabinet.
Ainsy suivy de ceste trouppe, Il portoit la valise en croupe 10 Et la couardise au devant. C’estoit un second dom Quychotte, Accompagné de sa marotte Pour battre les moulins à vent.
Son bouclier estoit fait de carte, Sa cuirasse d’un cul de tarte, Son casque d’une peau d’ognon ; Sa lance estoit d’une baguette, Son gantelet d’une brayette, Et sa masse d’un champignon.
Il estoit faict en sentinelle ; Ses brassards estoient de canelle, Son pennache de deux harengs, Sa visière d’une raquette, Son hausse-col d’une etiquette, Et sa devise : Je me rends.
Ce n’estoit que rodomontades, Mais en effet les coyonnades Servoient de lustre à son bonheur. C’estoit un Roland en les rues, Pour batailler contre les grues Quand ce venoit au point d’honneur.
Mais je me ris, c’est une fable : Il n’est bon qu’à mettre à l’estable, Ou bien à battre les carreaux, Et, s’il peut servir en bataille, C’est peut-estre en homme de paille Pour faire peur aux passereaux.
Et pour ce qu’en bon astrologue, Vollant au ciel, il n’epilogue Que l’influance des jumeaux, Il faut qu’un Jaquemard d’horloge 11 Luy quitte la placeet le loge Pour faire la guerre aux corbeaux.
12 Il donne bien dans la quintaine,
Il y faict du grand capitaine Et l’embroche le plus souvent ; Mais, s’escartant de la carrière, Il fait la ronde par derrière Pour mieux s’enfoncer au devant.
On ne parle que de ses gestes : Il est mis aux rangs des celestes. Sur un autel faict de chardons Il se panade en effigie, Un catze servant de bougie, Et d’encensoir et de pardons.
Mais cependant que je regarde Ce petit homme de moutarde Bravant au milieu de la cour, 13 Je voy un prince plain de gloire, Un petit Cæsar en victoire Et quy semble un petit Amour.
La Valeur en fait son image, La Fortune luy rend hommage, Et Mars lui donne les lauriers ; C’est le mignon de la Vaillance, Le subject de la Bienveillance Et l’estonnement des guerriers.
Esclatant d’un riche equipage, La Terreur luy servant de page, L’Effroy le suivoit pas à pas ; Sans luy la terre estoit en poudre, Et son bras, comme faict la foudre, Portoit l’horreur et le trepas.
Ce monstre à la teste cornue, Quy bravoit avant la venue De ce miracle de valeur, Plus penaut qu’un loup pris au piège, Et plus leger que n’est un liège, Evite en courant son malheur.
14 Il s’enfuit, quittant sa pratique, Comme un veau qu’une mouche pique ; Faisant de l’aveugle et du sourd, Et craignant le vert de la sauce, Il conchie son haut de chausse, Petant comme un roussin quy court.
Envieux, cesse de le mordre : Ce qu’il en faict, c’est qu’il veut l’ordre Pour estre au rang des chevaliers : Car ainsy, pendant la remise, L’enseigne en est à la chemise, Et le cordon à ses souliers.
Mais, las ! estant pris à la piste, Il jure qu’il est arboriste, Et qu’il ne fouille sans raison, Et dict, touchant l’architecture, Qu’il monte assez bien de nature Pour bien bastir une maison.
Enfin, qu’on luy fasse une grace, Qu’on luy permette qu’il embrasse Les genoux de ce jeune Mars, Qu’il se soumette à sa puissance, Et qu’il luy preste obeissance Comme à la gloire des Cesars.
Admis aux yeux de cest Achille, Il promet de quitter la ville Et de se rendre pellerin, S’en allant faire une neufvesne,
Afin de guerir sa migrenne, 15 Au bonhomme sainct Mathurin.
Mais, chacun luy faisant la morgue, On le soufflette comme un orgue ; On espoussette ses habitz, 16 L’on se met sur sa friperie Comme un gros valet d’ecurie Dessus la souppe et le pain bis.
Ce prince, voyant qu’on le frotte, Qu’on le chatouille à coup de motte, Et qu’il est dessus demy nu, Commande à ses gens qu’on le choie, Et puis aussi tost le renvoie Plus chargé qu’il n’estoit venu.
Au cry qu’il fist je me reveille, Estonné de ceste merveille Et tout esperdu de ce bruit ; Mais, afin de vous faire rire, Icy je l’ay voulu descrire, Puisque ce n’est qu’un jeu de nuit.
1. Cette pièce est l’une des plus curieuses et des plus rares qui aient été faites contre le er maréchal d’Ancre. Nous ne l’avons pas trouvée indiquée à sa date dans le tome 1du Catalogue de l’histoire de France.
2. Je penserois, d’après ce vers, que cette pièce fut faite par quelqu’un de la maison du duc d’Épernon, qui, en cette même année, avoit quitté la cour très mécontent du maréchal et s’étoit retiré dans son gouvernement de Saintonge.
3. Je n’ai pas besoin de faire remarquer l’équivoque qui se trouve dans ce vers.
4. La tonsure.
5. Il étoit gouverneur de Normandie.
6. Le marquisat d’Ancre, qu’il avoit acheté, s’y trouvoit.
7. Il avoit les gouvernements de Péronne, de Roye, de Montdidier, de la citadelle d’Amiens ; mais il eût voulu avoir celui de toute la province.
8. C’est ainsi qu’on appeloit Concini, par le nom qu’il avoit lui-même donné aux Italiens à sa solde,coglioni di mila franchi, comme il disoit. (Tallemant, édit. in-12, tom. 3, p. 190.)
9. Petits chevaux très vifs qu’on faisoit venir d’Espagne.
10. Concini n’étoit pas brave. Tallemant le prouve par une anecdote très significative. (Id., p. 191.)
11. On veut parler ici du petitclocheteur oucrocheteurde la Samaritaine, sous le nom duquel se publioient libelles et chansons dirigés contre Concini, et que pour cela il avoit fait enlever en 1611. V.Première continuation du Mercure françois, in-8, 1611, p. 37.
12. Poteau fiché en terre contre lequel on s’exerçoit à rompre la lance. Souvent il étoit surmonté d’une figure qu’on appeloitle faquin: de là l’expressioncourre le faquin.
13. Le prince de Condé, qui fut si hostile à la puissance du maréchal d’Ancre.
14. Concini s’étoit retiré dans son gouvernement de Normandie, « et n’osoit revenir, dit le continuateur de Mézeray, a cause de la haine que les Parisiens lui portoient. » (Abrégé chronolog. de l’hist. de France, tom. 1, p. 186.)
15. Patron des fous.
16. L’hôtel de Concini, rue de Tournon, aujourd’hui occupé par la garde de Paris, et la maison de son secrétaire, Raphaël Corbinelli, avoient été mis au pillage par le peuple
er pendant trois jours, du 1au 3 septembre 1616.
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