Projets, impasses, surprises : la littérature romande au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.53, pg 95-109
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2001 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 95-109
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 50
Langue Français

Extrait

Daniel Maggetti
Projets, impasses, surprises : la littérature romande au XIXe
siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2001, N°53. pp. 95-109.
Citer ce document / Cite this document :
Maggetti Daniel. Projets, impasses, surprises : la littérature romande au XIXe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale
des études francaises, 2001, N°53. pp. 95-109.
doi : 10.3406/caief.2001.1413
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2001_num_53_1_1413IMPASSES, SURPRISES PROJETS,
LA LITTÉRATURE ROMANDE
AU XIXe SIÈCLE
Communication de M. Daniel MAGGETTI
(Université de Lausanne)
au LIIe Congrès de l'Association, le 4 juillet 2000
Longtemps, dans l'historiographie des lettres romand
es, le XIXe siècle a été considéré comme une sorte de
purgatoire. En amont, un XVIIIe siècle aux fastes presti
gieux et aux imprimeries de renom, placé sous les auspi
ces de Jean-Jacques, d'Isabelle de Charrière, puis du
groupe de Coppet ; en aval, C. F. Ramuz, les Cahiers
vaudois, et toute une floraison esthétique avec, aux
premières loges, Charles-Albert Cingria et Biaise
Cendrars, mais aussi nombre d'autres auteurs majeurs du
XXe siècle. Entre Rousseau et Ramuz, une étendue aux
contours imprécis, généralement tenue pour désertique,
du moins sur le plan littéraire : la Suisse de langue fran
çaise n'aurait alors pas compté d'écrivains marquants,
mais se serait illustrée dans la théologie, notamment grâce
à un Alexandre Vinet, voire dans la philosophie, avec par
exemple Charles Secrétan.
Depuis quelques années, plusieurs travaux, dans le
domaine de l'histoire de l'édition, mais aussi en histoire et
en sociologie de la littérature, sont venus documenter
l'exceptionnelle densité de la vie littéraire en Suisse
romande pendant cette époque, non sans faire vaciller, du DANIEL MAGGETTI 96
même coup, des jugements tenus pour définitifs. A partir
des années 1830, dans la foulée des mouvements romanti
ques d'autodétermination culturelle, la Suisse de langue
française rêve de se doter d'une expression esthétique
spécifique, à la fois indépendante et subtilement reliée à la
nation helvétique, d'un côté, à la France, de l'autre. Si l'on
regarde ces efforts d'un œil distant, on ne peut certes
s'empêcher de penser que leurs initiateurs cherchaient la
quadrature du cercle, et qu'ils étaient fatalement voués à
l'échec. Ils n'ont pas moins débouché sur une transforma
tion radicale du contexte institutionnel dans lequel les
écrivains évoluent. Les enjeux qui entourent la question
de la littérature romande, sur le plan de l'identité cultur
elle, ont eu des répercussions aussi bien sur l'univers de
l'édition, dont une large partie s'est spécialisée dans la
prise en charge des écrivains du cru, que dans celui de la
presse, où des espaces réservés à la production locale
apparaissent et s'affirment ; dans une moindre mesure,
cette « nationalisation » a même des incidences sur les
programmes scolaires. Sans vouloir ni pouvoir ici retracer
les étapes de cette véritable institutionnalisation de la
littérature romande, il importe de rappeler qu'elle a
consacré un certain nombre de postures et de thémati
ques, en les rendant indissociables de ce qu'on s'acco
rdera à nommer « l'esprit romand » : le goût de
l'introspection, attribué à l'influence du protestantisme, y
épouse le sentiment de la nature, et s'enracine dans une
conception de la littérature où la beauté le cède à l'utilité
et à la morale. On s'aperçoit dès lors que cette institution
nalisation a figé, voire naturalisé, le décalage culturel des
Romands vis-à-vis de la France. Si l'on ne tient pas
compte de ces facteurs, il est ardu, voire impossible de
comprendre, entre autres, l'origine des tentatives esthét
iques de Ramuz, ou d'analyser correctement tant son
implantation dans le paysage culturel de Suisse française
que les rapports qu'il entretient avec Paris. XIXe SIECLE 97 LE
A la relire dans le respect de sa logique première, celle
qui vise la constitution d'un univers littéraire possédant
des règles et des principes de jugement propres, la littéra
ture romande du XIXe siècle est donc loin d'être dénuée
d'intérêt. Mais la disqualification dont cette période a été
victime dans les travaux critiques, et à laquelle j'ai fait
allusion, reposait sur une évaluation strictement circons
crite aux œuvres publiées, et à leur qualité intrinsèque,
mesurée à l'aune de seuls critères esthétiques. Il y aurait
beaucoup à dire sur cette généralisation, voire sur cette
absolutisation d'une lecture dont le bien-fondé est lié à
des pratiques particulières et historiquement datables. Tel
n'est pas non plus mon propos. Plutôt que de contester
sur pièces une mise à l'écart trop systématique pour ne
pas être suspecte, je vais même y souscrire, partiellement
du moins. Mon but sera d'abord de comprendre pourquoi
on peut considérer que la grande majorité de la product
ion des écrivains romands du XIXe siècle est bel et bien
décevante, voire inaboutie, aux yeux d'un lecteur
moderne. Après avoir proposé un éclairage de cette quest
ion, c'est-à-dire après avoir, en quelque sorte, présenté la
règle générale, je vais, comme on s'y attend, m'intéresser
aux exceptions, c'est-à-dire à quelques réussites littérai
res, en tâchant, là aussi, de poser des jalons pour mieux
comprendre leur éclosion.
UN AUTEUR PROTÉIFORME : RODOLPHE TÔPFFER
Le premier auteur que je vais aborder, et qui va en quel
que sorte me servir de modèle, est Rodolphe Tôpffer. Né
en 1799, mort en 1846, cet écrivain éminemment genevois
a produit une œuvre aux facettes multiples, qui
comprend aussi bien des critiques d'art, des essais et des
pamphlets, que des nouvelles, des romans, des récits de
voyage, des pièces de théâtre, sans oublier les « histoires
en estampes », sur lesquelles je vais revenir. Dans le
contexte du XIXe siècle romand, Tôpffer peut faire figure DANIEL MAGGETTI 98
de cas d'école, tant les retombées de son enrôlement dans
les troupes de la littérature nationale sont évidentes.
Après une jeunesse placée sous le signe de la liberté de
ton et de l'insolence stylistique, en 1832 ce fils de peintre
est admis, par cooptation dirait-on de nos jours, dans le
corps professoral de l'Académie de Genève - qui consti
tue, à cette époque, le fief de l'oligarchie réactionnaire
locale. Le revers de cette ascension sociale, c'est le tour de
plus en plus moralisateur et sérieux qu'elle va imprimer à
ses écrits. Devenu le porte-parole d'une classe qui l'a
accueilli, et politiquement engagé dans les rangs conser
vateurs, Topffer va aussi soumettre sa plume aux besoins
de l'édification et de la propagande. La fraîcheur qui
caractérise son premier récit paru en 1832, La Bibliothèque
de mon oncle, où il évoque avec une grande justesse les
émois et les rêves de l'adolescence, et où il cherche à pein
dre, non à prêcher, s'estompe dans sa production success
ive. Ses autres Nouvelles genevoises, parues en volume en
1840, conjuguent la volonté de s'opposer aux modèles
esthétiques du romantisme français, la célébration du
paysage alpin comme source du patriotisme suisse, et des
visées moralisatrices évidentes. Ces visées moralisatrices,
Topffer les explicite d'ailleurs dans plusieurs articles qu'il
publie au cours des années 1830 dans la revue genevoise
la Bibliothèque universelle : il y défend notamment le prin
cipe d'une production littéraire dont l'un des premiers
buts serait de fournir aux classes populaires à la fois des
modèles à suivre, et des idées à embrasser. A la théorie,
Topffer ne tarde pas à joindre la pratique : ainsi, il fait
s'incarner l'horreur du vice, la beauté de la vertu, la séré
nité de la religion ou l'attachement au pays natal dans ses
romans Le Presbyt

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