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RETOUR D'EXPÉRIENCE / REVUES LE MATRICULE DES ANGES : THIERRY ...

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RETOUR D’EXPÉRIENCE / REVUES
LE MATRICULE DES ANGES: THIERRY GUICHARD, MENEUR DE REVUE
En entrant à l’école de journalisme de Strasbourg, Thierry Guichard avait déjà cette idée de créer une revue de littérature. Parallèlement il animait une émission littéraire sur Radio Bienvenue Strasbourg, en compagnie de Philippe Savary avec qui il lanceL ed e sM a t r i c u l eA n g e s, sans argent, sans moyens. En octobre 1992, le premier numéro sort, vendu dans la rue, les cafés, dans les librairies où le projet est souvent pris de haut. Aujourd’hui,A n g e sd e sM a t r i c u l eL e tireà plusieurs milliers d'exemplaires. * * * C O N TREVO X: Po u r q u o ia v e zv o u sa p p e l év o t r er e v u e ,atricule des AngesLe M ?
Thierry GUICHARD : Il y a deux versions. L’officielle est qu’il fut uneépoque où les intellectuels se posaient des questions sur le sexe des anges et que nous nous serions dit qu’aujourd’hui ces anges auraient au moins un matricule. En réalité, lorsque nous étions sur ce projet d’émission de radio, nous devions rapidement fournir un titre aux responsables de la programmation. Aussi, dans un restaurant, nous avions commandé quelques bouteilles, avec comme objectif, la dernière goutte de Gewürztraminer bue, d’avoir trouvé ce titre. Le résultat obtenu, le Matricule des Oies, ne me satisfaisait pas et bien qu’il n’y ait plus rien eu à boire, j’ai proposéA n g e sd e sM a t r i c u l eL e, et nous en sommes restés là.
Q u e l l ec o n c e p t i o na v i e zv o u sa l o r sd uj o u r n a l i s m e?
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
http://www.multimania.com/acg
Le journalisme littéraire, en France, consiste le plus souvent à faire de la communication ou du renvoi d’ascenseur... Nous, nous voulions nous adresser à des lecteurs et non pas à une maison d’éditions ou à un auteur que nous aimions, et fonder notre travail sur le seul texte. Avec en filigrane, la philosophie que nous partageons, Philippe et moi, de revenir à la source, de ne pas faire un journal pour avoir de l’argent ou du pouvoir, mais parce que nous aimons ça ; et de ne pas nous perdre dans les voies qui, malheureusement, sont celles empruntées par pas mal de journaux aujourd’hui, où l’on fait une Une et un événement pour faire vendre et non parce que l’événement existe.
J u s t e m e n t ,B o b i ne tT a b u c c h io n tf a i t ,e n t r ea u t r e s ,l e sc o u v e r t u r e sd uMatricule. E s t  c eu n ev o l o n t éd em e t t r ee nv a l e u rd e sa u t e u r sq u ev o u sa i m e zo ub i e nu n e a c c r o c h ed e s t i n é eà fa i r ev e n d r e?
Ce sont forcément des gens que nous aimons, c’est un préalable. Ensuite, lorsque nous faisons un article sur Jacques Lèbre par exemple, nous ne lui apportons rien en mettant en Une un auteur qui va nous amener cinquante lecteurs. Par contre, si nous mettons Bobin en Une et que nous avons 3000 acheteurs, ce qui était le cas, ce sont autant de lecteurs potentiels pour l’article sur Jacques Lèbre. Il y a donc un équilibre à trouver, même si, idéalement, j’aimerais faire des couvertures sur des gens totalement inconnus. Ce qui serait grave, ce serait de faire Bobin en Une et, par exemple, Jean d’Ormesson en deux, je ne sais quoi en trois, parce que là, nous caresserions dans le sens du poil. Et puis il y a des gens qui ne seront jamais en Une comme Alexandre Jardin, encore que j’aie eue l’idée un jour de le faire et, en tout petit, de mettre « Alexandre Jardin n’est absolument pas dans ce numéro », mais ce serait lui faire de la publicité supplémentaire. Pour ce qui estde Tabucchi, des bibliothécaires, des professionnels donc, à qui j’annonçais mon intention de lui réserver une couverture, m’ont avoué ne pas le connaître. Malheureusement, nous en sommes encore là, à savoir que les bestsellers parmi les littéraires ne sont pas connus. Bobin est peut être ce que nous avons sorti de plus commercial, mais c’est grâce à lui je peux le dire aujourd’hui  que nous continuons d’exister.
V o sp r o p o sc o n f o r t e n tl es e n t i m e n tq u is ed é g a g eà la le c t u r ed uMatricule des A ngeso i sa f, à ln i v e a ua ue x i g e n c eu n er é a l i s m eq u ia n i m ed el ’ e s p r i te tu nl ar e v u e , d a n sl af a ç o nd em e n e rà bi e nl ej o u r n a l . . .
Mieux vaut faire un papier plus concis, plus schématique de cinq cents signes, qui donne envie aux gens de lire ou non un auteur, qu’un article de cinquante feuillets extrêmement intelligents sur un auteur que personne ne lira. La seule exigence est de faire le numéro le mieux possible, de recommencer deux mois plus tard, d'évoluer, et d'être toujours attentifs à ce qui se passe. Je m’oblige ainsi à lire des auteurs que je n’aime pas a priori.
V o u sd é f i n i s s e zatricule des AngesLe M c o m m ej o u r n a lu nd ’ i n f o r m a t i o n sl i t t é r a i r e s . Q u em e t t e z  v o u sd e r r i è r ec ec o n c e p t?
Le mot important est information. Une information qui porte sur la littérature en général, ce qui ne veut pas dire obligatoirement objectivité, premièrement parce que nous
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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choisissons ou non de parler d’un texte qui sort, et qu’ensuite nous donnons des raisons, forcément subjectives, qui font que nous n’avons pas aimé les bouquins de la collection de Besson au Rocher, ou pour lesquelles nous avons aimé Bernard Noël. Libre ensuite aux lecteurs d’aimer Bernard Noël et de ne pas avoir envie d’acheter les bouquins du Rocher ou le contraire. L’important est qu’ils sachent que ça existe et pourquoi ils ont envie de le lire ou non. Notre conception de l’information est de permettre l’existence et l’émergence d’éditeurs, d’auteurs, parce qu’ils sont, positivement ou négativement, intéressants.
Q u id i tc h o i xd el ’ i n f o r m a t i o nd itc h o i xd el ’ a c t u e l ,n ’ e s t  c ep a sa u s s il ec h o i xd e l ’ é p h é m è r e?
Nous n’avons pas l’ambition de rester dans l’histoire, mais celle toute simple d’être une revue d’information. Le texte, lui, doit rester, notre rôle est juste de le faire apparaître. Nous ne défendons pas non plus une littérature, nous ne sommes pasL ’ I n f i n i.
D a n sc h a q u es o m m a i r e ,o nt r o u v el ’ i n t e r v i e wd ’ u np e t i té d i t e u r ,e s t  c el av o l o n t é d es o u t e n i rl ap e t i t eé d i t i o n?
L’idée est qu’aujourd’hui nous sommes dans un monde qui se sclérose, parce qu ’en crise, et que ceux qui ont le pouvoir, pour le conserver, ferment les portes. La création, ce qui nous intéresse, n’est pas dans le pouvoir, mais dans l’antipouvoir, dans la marge. Elle apparaît dans des associations, chez les petits éditeurs, qui ont rarement accès à la presse, au nom de raisons économiques. Alors il y a des petits éditeurs qui meurent, ce n’est pas très grave quand ils font de la merde, je trouve qu’il faudrait éliminer tout ce qui prend de la place dans une librairie et qui ne vaut pas grandchose, au profit de ce qui est bon. Malheureusement, on se rend compte que ce qui est mauvais dans les librairies, ce sont souvent les gros éditeurs, et non pas avec un exemplaire dans un rayon, mais avec une demi table, parce qu’il y a une promotion.
 Es t  c eq u ec e l av a u té g a l e m e n tp o u rl e sr e v u e s?
Il y a également une création qui se passe dans les petites revues, je pense àD é c h a r g e, à Littéraéditions qui font de très bonnes choses et qui n’ont pas l’accès au lecteur, c’est frustrant. Déjà nos lecteurs nous disent avoir du mal à trouverM a t r i c u l eL e, qui bénéficie quand même d’une diffusion de huit mille exemplaires, alors qu’en estil des petits éditeurs ? Tirant à 800 exemplaires, personne ne parlera de vous, à moins que vous ne puissiez vous payer un espace publicitaire. Nous, nous pouvons nous permettre d’en parler, nous n’avons pas d’espaces publicitaires, et d’un point de vue journalistique un Mehdi Belhaj Kacem qui sort chez Tristram, par exemple, c’est prodigieusement intéressant. Mais si les gens de chez Gallimard souhaitent me rencontrer pour parler de tel auteur qui leur parait digne d’intérêt, je suis ouvert. Cela étant, la création se passe beaucoup chez les petits éditeurs, et Gallimard, Grasset et d’autres récupèrent ensuite.
L ec o n c o u r sd en o u v e l l e sd uMatricule des Angesl ad er o c è d e  t  i l pm ê m e d é m a r c h e?
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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Oui, dans le domaine de la création pure, il y a des auteurs qui écrivent et qui n’arrivent pas à trouver d’éditeur, pour diverses raisons. Ça nous paraissait donc logique de laisser trois pages à une création littéraire, avec ce concours de nouvelles, en espérant que nous permettrions à des gens qui ont du talent de l’exprimer. Je ne suis pas sûr que nous ayons bien réussi jusqu’à présent, même si certaines nouvelles sont de qualité. A posteriori je me dis que beaucoup de leurs auteurs ne seront pas écrivains.
V o u sé v o q u i e zl an é c e s s i t éd ’ u np o i d sé c o n o m i q u ep o u ra v o i rd r o i tà un ea u d i e n c e . 8 . 0 0 0e x e m p l a i r e s ,d i s t r i b u t i o ne nk i o s q u e ,e s t  c eu nc h o i xd é l i b é r éd a n sc es e n s?
Nous avons effectivement voulu nous donner les moyens pour queM a t r i c u l ed e sL e A n g e s toucheun nombre important de lecteurs. Le choix d’un fort tirage tient à une volonté d’encourager la lecture, parce qu’en province, par exemple, il n’y a pas une librairie dans le Gers, et, dans la région Centre où je travaille, sur six départements, je ne vois que trois librairies littéraires. Et pour tous ces gens qui n’ont pas de librairie à cinquante kilomètres à la ronde, le fait de trouverL eM a t r i c u l ed e sA n g e s chezleur marchand de journaux leur permet d’être informés pour ensuite commander leurs livres par Minitel, ou passer une fois par mois chez le libraire les acheter. Et sansL eA n g e sd e sM a t r i c u l e, sans leM a g a z i n e L itté r a ir e, sansL aQ u i n z a i n eL i t t é r a i r e, je ne parle pas deL ire quine présente aucun intérêt, et sans le supplément littéraire des quotidiens, tous ces lecteurs ne pourraient assouvir leur passion pour la littérature, c’est donc vital.
E s t  c eq u ’ i ln ’ ya pa su nr i s q u ed ed e v e n i ri n s t i t u t i o n n e l?
Devenir institutionnel, ça veut dire quoi ? Qu’on se regarde le nombril, que l’on est content d’avoir du pouvoir ? Mais nous n’avons pas de pouvoir. J’en veux pour exemple qu’un auteur m’a remercié parce que nous avions publié un article sur son livre qui lui avait fait vendre une douzaine d’exemplaires, c’est ridicule, nous ne faisons pas vendre, simplement nous permettons l’émergence de quelque chose qui existe, qui prendra peut être son envol si notre article coïncide avec d’autres, si les libraires prennent le relais.
Le Matricule des Angese nc o n c e p t i o nu e l l e; qr i t i q u ea cà lp l a c el a r g eu n e a c c o r d e a v e z  v o u s?
Je vais prendre une image qui n’est absolument pas vendeuse auprès des gens qui s’intéressent à la littérature, mais tant pis. J’ai couvert un match de football pour France Inter, dans une émission qui s’appelle le Multiplex. Le match, en l’occurrence Toulon Marseille, était nul, et le responsable de l’émission me disait : Fais le vivre, sinon les auditeurs vont nous quitter, et de me lancer systématiquement, Alors Thierry, il se passe quelque chose ? Il ne se passait rien sur le terrain, et il fallait que j’enchaîne en disant : Eh oui, mais, oh la la malheureusement vraiment ils ont été contrés par la défense ! La critique littéraire, c’est le contraire. On lit un livre et, parce qu’on s’adresse à des gens qui ne savent pas que ce livre existe, il faut qu’on leur dise très rapidement, parce qu’on n’a pas
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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de place, quel en est le thème, le genre, qui l’a écrit et qu’on prenne un angle pour exprimer la façon dont nous l’avons perçu, tout ceci avec vigilance et honnêteté.
L ac r i t i q u ed a n ss o ne n s e m b l ee s t  e l l eh o n n ê t e?
Je pense que l’honnêteté est assez partagée par les critiques de tout poil, contrairement à ce que pensent beaucoup. Ils sont assez honnêtes dans ce qu'ils disent, mais quand on leur laisse comme choix, pour des raisons économiques, de faire un papier sur Sulitzer ou sur Jardin,l’honnêteté est quand même restreinte par ce choix. Nous, nous n’avons pas ce problème là.
V o u sp a r l i e zé g a l e m e n td ev i g i l a n c e?
La vigilance c’est d’essayer de voir ce qu’il y a dans le livre, de ne pas se faire parasiter par le monde extérieur, par ses problèmes personnels, et surtout, c’est la chose sur laquelle j’insiste le plus auprès des collaborateurs, c’est d’écrire pour une seule personne, le lecteur ; celui duA n g e sd e sM a t r i c u l epriorité, le lecteur de livres. Nous en n’écrivons pas pour faire plaisir à l’auteur, ni pour faire plaisir à l’éditeur. Nous voulons être un filtre, retenir des choses, dont les lecteurs feront ce qu’ils voudront. La critique, c’est s’adresser à un lecteur, et je crois que beaucoup l’ont oublié.
A v e zv o u s ,à ce pr o p o s ,u n ei d é ed ul e c t o r a tq u ev o u st o u c h e z? Es t  c ec e l u iq u e v o u sv o u l i e za t t e i n d r e?
Nous n’avions pas de cible sinon Le Lecteur, le grand lecteur d’après les critères de l’INSEE, qui doit acheter trois à quatre livres par mois. A travers le courrier nous savons que nous avons énormément de jeunes, qui nous envoient des nouvelles, mais aussi des gens qui ont passé l’âge d’avoir des ambitions naïves au niveau de la littérature, mais qui lisent, des grands lecteurs vraiment. Je crois qu’en fait, et c’est dramatique, nous avons beaucoup de gens qui ont du temps, non pas pour lire, on trouve toujours le temps quand on est passionné, mais pour aller acheter des livres, ce qui est plus difficile quand la librairie la plus proche se trouve à plus de cinquante kilomètres.
V o u sn ’ é p r o u v e zp a sl eb e s o i nd ec o n n a î t r em i e u xv o sl e c t e u r s?
Pour quoi faire, pour se plier à leurs goûts ? Certains lecteurs nous disent adorerLe M a t r i c u l ed e sA n g e s, mais voudraient que nous parlions de Djian. Je n’ai pas envie de le faire parce qu’ils sont abonnés. Mais ce qui est évident c’est que notre potentiel est d’au moins cinq mille, et que nous n’arrivons pas à les tenir, pour des raisons de distribution, de diffusion, de gens qui refusent de nous vendre. C’est révoltant de ne pas pouvoir toucher tous les lecteurs potentiels.
Q u e lg e n r ed ep r o b l è m e sr e n c o n t r e zv o u sa un i v e a ud el ad i s t r i b u t i o nd ev o t r e r e v u e?
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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D’abord il y a une question de poids économique, et puis il y a énormément de gens imbéciles qui ont le pouvoir de censurer, et je vais en donner deux exemples. Un kiosquier à qui je demandais en tant que clientL eM a t r i c u l ed e sA n g e s, m’a répondu ne pas l’avoir, alors que je savais qu’il l’avait reçu. Son explication a été que la revue, n’étant pas connue, ne se vendrait pas. Voilà quelqu’un qui exerce une forme de censure, parce qu’il juge que nous somm esdes “intellos ” ou que nous sommes plus petits que lui. Deuxième exemple, dans l’éditorial du numéro sept j’écrivais que les libraires avaient une part de responsabilité dans la crise du livre, parce que beaucoup ne commandaient pas les livres qu’ils ne recevaient pas par le système de l’office ou ne s’intéressaient pas à la petite édition, parce qu’ils avaient autre chose à faire  ce qui est vrai, mais je crois qu’aujourd’hui, il faut être militant pour faire du livre, le vendre, le fabriquer, l’écrire. La réponse de certains qui nous vendaient jusqu’à présent, a été de retirerA n g e sL ed e sM a t r i c u l e dela vente, c’està dire de nous censurer. Nous rencontrons des difficultés pour apparaître sur le marché, parce qu’il y a des gens, qui n’ont aucun rapport avec ce qu’on fait, qui nous en empêchent, des gens qui ont un pouvoir non pas légal, mais effectif de ne pas nous mettre en vente. Et nous ne pouvons rien faire par rapport à ça, si ce n’est trouver d’autres gens qui aient envie de nous vendre.
V o u sê t e sc o n f i a n t ,q u a n dm ê m e ,s u ru n ei s s u ep o s s i b l e . . .
Je crois qu’effectivement, nous sommes arrivés à une époque charnière que je rapprocherais d’une manière très schématique de la Renaissance, dans la mesure où, tout d’abord, nous subissons depuis plus de vingt ans une crise entraînant la sclérose des pouvoirs. Un pouvoir fonctionne avec des entrées, des sorties, comme un barrage, qui, tant qu’il y a des possibilités de passer, n’explose pas. La sclérose des pouvoirs se traduit par un blocage, donc explosion du barrage. Dans le domaine de la création, on a beaucoup glosé sur la glose, les gens lisent des articles sur les livres plutôt que les livres, et parallèlement à ça il y a des créateurs qui ont envie de s’exprimer. Dernière chose, nous sommes à une époque où faire un journal ou une revue ne coûte relativement pas cher, où les ordinateurs permettent de maîtriser soimême tout ou partie de la fabrication, où nous avons accès aux outils pour faire exister quelque chose en dehors des systèmes.Le M a t r i c u l ed e sA n g e sen est un exemple,I n r o c k u p t i b l e sL e sle rock en est un autre. dans Donc je suis confiant sans l’être, dans la mesure où je crois à tout ce qui est de l’impulsion, du désir, malgré toute cette espèce de censure non dite, toutes ces espèces d’amollissements de la pensée, “la castration mentale” comme dit Bernard Noël. Sans aller voir du côté de Freud, je crois beaucoup au désir, à la libido pour faire avancer le monde. Dans la littérature, il n'y a pas que le cognitif qui compte, il y a le sensuel, l’émotion, le fantasme ; s'il y a l’esprit et l’intelligence, il y a aussi le physique, il y a des textes qui sont physiques. Par contre je ne crois pas aux marionnettes de la standardisation, aux produits à l’identique, prêts à consommer, qu’on essaie de nous imposer actuellement. Mais retourner à l’être humain, retourner à la source, me parait fondamental, et l’époque m’y parait propice, c’est la seule chose positive que je verrais, parce que pour le reste...
E s t  c eq u ev o u sp e n s e zq u el e sr e v u e so n tu nr ô l eà jo u e rl àd e d a n se tl ef o n t  e l l e s?
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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Les revues ont un rôle très important au niveau de la création, autant que les libraires, ou que l’éditeur. Des revues commeB a l m o r a lT h é o d o r e oucommeD é c h a r g ev e cs e s, a imperfections, le jouent remarquablement. Ensuite elles ont peutêtre un rôle d’information, mais là je suis beaucoup plus sceptique sur la façon dont elles le remplissent, à part certaines encore une fois, dans la mesure où les revues s’enferment dans des ghettos et ne vont pas vers le grand public, c’estàdire parlent d’Ortlieb ou Lèbre à des gens qui connaissent Ortlieb ou Lèbre. La revue a donc un rôle fondamental mais, surtout, la revue exerce un contrepouvoir. Mais il y a aussi des revues qui sont néfastes parce qu’elles sont au service d’une idéologie, ou plus fréquemment parce qu’elles sont l’expression (quelles que soient leur taille ou leur notoriété) d’aigreurs, de sentiments individuels, des revues de poésie notamment, où la poésie est rimée, où “nuit ” ri m eav e c“ ennui” ,“ tues partia v e c“ ma vie”, et dont l’unique objet est de soigner son ego ou de se donner une médaille d’argent de la poésie du quartier sudest de Vierzon... On ne peut pas dire que, par exemple pour un jeune lecteur qui découvre l’univers des revues et qui tombe làdessus, cela constitue un encouragement à aller plus loin dans sa démarche.
E n l e v o n sl e sc o n t r a i n t e sm a t é r i e l l e s ,l e sf r e i n s ,l et e m p sq u im a n q u e ,q u e ls e r a i tLe Matricule des Angesv o u sr ê v e r i e z? d o n t
Les contraintes sont tellement présentes, que je n’ai jamais imaginé ce que ce serait si elles disparaissaient. Hebdomadaire, avec de la quadrichromie, des photos plus belles, des interviews plus longues et plus fournies, avec moins de coquilles...Avoir une équipe que nous laisserions travailler pendant trois mois sur un dossier de fond... Passer à quarante quatre pages bimestrielles ou devenir mensuel. Il n’y a pas d’objectif précis. Si, j’aimerais queA n g e sd e sM a t r i c u l eL eacheté et lu par cinquante millions de personnes, parce soit que ce serait bien, si nous arrivions à faire en sorte qu’un Bernard Noël, plutôt qu’un auteur médiocre, vende 60.000 exemplaires, sans que ça l’empêche de faire ce qu’il fait. En fait il n’y a pas de rêve duA n g e sd e sM a t r i c u l e ;déjà, c’est presque un miracle qu’il soit là. Ça signifie qu’il intéresse les lecteurs, qu’il y a une demande, surtout en Province, e tc ’ e s tr a s s u r a n t. . E s t  c eq u eç av o u sp a r a î tê t r eu n eb o n n ec o n c l u s i o n?
Disons qu’il n’y a pas de conclusion, c’est bien qu’il n’y ait pas de conclusion.
ãThierry GUICHARD, Dominique LEBRUN et CONTRE6VOX, 1995 photographie : droits réservés
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