Le retour du petit homme (Chapitre 2)
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Le retour sur le devant de la scène du Comte de Magypolka s'annonce laborieux... Une majorité de Hobbitts aurait préféré qu'il restât dans sa tour d'ivoire...

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Publié le 11 octobre 2014
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Langue Français

Extrait

CC.RIDER
LE RETOUR DU PETIT HOMME
Editions Emma Jobber
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CHAPITRE 2 Des débuts laborieux En ce triste mois d'octobre 12014, depuis son fauteuil rehaussé par quatre bottins et trois coussins, le petit gouverneur passait mentalement en revue ses troupes en compagnie de son éminence grise de toujours, Brice Boutepeu, chevalier rouquin de l'Auverpinade profonde. – Majesté, lui annonçait celui-ci, il ne va pas être facile de reconstituer votre dream team de 12007... – Tu veux me parler de la bande de bras cassés que j'avais promu Sinistres et qui ont causé le plus grand tort à mon génie des Courtpattes. – Sans doute, admit l'homme qui s'était cru capable de faire trembler la racaille orquine, ce sera difficile vu que pas mal de monde est déjà passé dans le camp fioniste. – Ne me parle pas de ce traître encore plus ramolli du bulbe que le gélatineux lui-même... – Sire, je ne me permettrais surtout pas d'en parler. Je pense juste à cette pauvre Rosamonde Matelotte qui a réussi à se rendre indispensable dans toutes les boites à troubadours. – Qu'elle y reste sur ses plateaux, cette grosse truie qui m'a ridiculisé avec ses vaccins contre le trip H1NinNin achetés par millions... Elle m'a fait un tort immense. A cause d'elle, on m'a prêté je ne sais quels penchants à la corruption passive alors que je n'ai jamais touché un seul centime des guildes d'apothicaires industrialisés. A cause d'elle, mon honneur a été trainé dans la boue. Qui pourra me le rendre un jour ?
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A peine commencé, l'entretien prenait déjà une mauvaise tournure. Nulco se tortillait sur son siège. En apercevant une série de tics s'emparer de la face et des épaules du petit homme, Boutepeu comprit qu'il s'énervait et que son calme olympien n'allait plus durer bien longtemps. Malgré tous ses revers, tous ses ennuis judiciaires et toutes ses déroutes financières, il était décidément toujours le même... En pire ! Il commençait même à radoter. Cette histoire d'honneur perdu et jamais retrouvé, il l'avait déjà entendue cent fois. Tout comme l'antienne : « L'affaire Bigbadlion ? Mais je ne suis pas au courant ! Je n'ai jamais entendu parler de cette organisation... L'abus de faiblesse ? Je ne suis pas au courant. Je n'ai jamais entendu parler du moindre abus de ce genre...» Nulco pratiquait systématiquement la méthode Couette. Toujours répéter la même chose devait permettre de transformer un mensonge en vérité et remplacer un corbeau noir bien faisandé par blanche colombe bien innocente. Sans doute dans l'obscurité du chapeau claque d'un très bon prestidigitateur. Du moins s'en persuadait-il. Son conseiller n'en continua pas moins l'énumération de tous les rats et rates qui avaient déjà quitté le navire. – Le belle Ramatoulaye Chiadé a rejoint Boureleau... Elle ne reviendra pas vers vous... – Disons qu'elle roule pour elle, l'ambitieuse bongolaise... soupira Nulco. – Dommage, elle mettait un peu de couleur dans le paysage... Même chose pour la Fadela Marmara, le Jean-Marie Teckel, l'Eric Boisson, le bon docteur Kirchner et le sulfureux Fredo de la Miteuse Errance... – Bof, une blackette, une beurette, deux trouducs, un humanitaire has been et un vieux crapaud du Marais, tout ça se
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remplace aussi facilement qu'une vieille camisole usée. Je claque des doigts et je t'en ramène autant que tu veux ! – Espérons-le... J'ai battu le rappel pour vous, Monseigneur. J'ai envoyé des messagers aux quatre coins de la Comté. Un peu partout, ils ont essuyé des refus pas toujours polis. J'ai comme l'impression que les gens se méfient de vous... Toutes ces affaires judiciaires, tous ces nouveaux adversaires qui se dressent sur votre route... – Ne me parle pas de ça, mon vieux Brice. Le trio de traitres composé de Javier Bertram, Bruno Dsamère et Hervé Baryton, je vais n'en faire qu'une bouchée. Je vais les ridiculiser, les passer à la moulinette avertie. Chaque fois que ces idiots voudront organiser un mitinge quelque part, j'en ferai un la veille au même endroit. Je leur couperai l'herbe sous le pied à grands coups de faux mortelle. Je rassemblerai des milliers et même des dizaines de milliers de fans alors qu'à eux trois, ils n'en réuniront jamais que quelques petites centaines. S'il le faut, on en rameutera de partout en chars Poulemann. Et le lendemain, ces salopards n'auront que leurs yeux pour pleurer...
– C'est un peu déloyal, Sire, mais tellement génial. J'en reste confus et muet d'admiration... lança Boutepeu de sa voix la plus suave.
Le petit homme apprécia le compliment à sa juste valeur. Ses tics et ses tortillements s'arrêtèrent un moment. Un sourire proche du rictus apparut sur son visage amaigri et mal rasé.
– La politique est une guerre faite de coups tordus, de duels à mort et de saloperies en tous genres. Ces gens veulent ma peau... Les juges roses m'ont épinglé sur leur mur de la honte. Ils veulent mon scalp. Les journaleux ricanent et me trainent tous les jours dans la boue... Qui me rendra mon honneur ?
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– L'Avenir vous rendra justice, Monseigneur. Vous serez celui qui a vaincu l'adversité, l'homme qui a survécu à tous les enfers juridiques. Si vous arrivez à vous emparer de l'Union des Mollassons et des Paresseux puis du trône du Gouvernorat Général de la Comté, vous aurez réalisé deux exploits qui feront de l'ombre à ceux de feu Naboléon...
– Restez vraisemblable dans vos flatteries, Brice et dîtes-moi plutôt sur qui je peux vraiment compter pour mener cette reconquête. – Magali Kukusko-Cerisaie... – Une dinde qui s'est fait plumer par la volaille rose de la capitale ! – Nadine Médrano...
– Deux neurones dans le ciboulot ! – Badugroin et Veaupied, les jeunes rénovateurs... – … aux dents longues... Ces deux-là, ils me soutiennent comme la corde soutient le pendu. Ce soir-là, Brice Boutepeu quitta Nulco en se disant qu'en plus d'être hystérique, mono-maniaque, mythomane, binaire, hyperactif et mégalomane, le petit homme était en train de virer paranoïaque, ce qui n'augurait rien de bon pour la suite...
* Suite qui arriva assez vite avec un nouveau revers. Les Roses ayant perdu un bon nombre de places de Bourgmestres et la Haute Assemblée devant être renouvelée, la majorité risquait de basculer en faveur du parti bleu. Ainsi en allait la démocratie représentative et populaire. Un coup rose, un coup
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bleu, un coup bleu, un coup rose. Passe-moi le sel, je te renvoie le poivre... La confrérie des Francs-Boulangers, société secrète qui faisait la pluie et le beau temps en ces lieux marécageux et ailleurs, organisa discrètement cette alternance en regrettant d'ailleurs que deux représentants des notables de couleur bleue marine aient réussi à se glisser dans cette honorable bergerie. Deux loups déguisés en agneaux. L'un était le plus jeune élu jamais désigné. L'autre portait costume cravate et ne semblait pas si méchant que cela. Les frères boulangers à tabliers de toile blanche considéraient que ces deux-là représentaient la part du feu et qu'ils seraient quantité négligeable vu leur nombre réduit. Restait la présidence de la Haute Assemblée, poste plus honorifique que réellement important. Deux candidats s'affrontaient : Gérard de L'Arche, un bon gros frangin baveux, qui ne demandait qu'à retrouver son siège, son sceptre et ses pantoufles vertes et Jean-Pierre Navarin, ancien Premier Sinistre dont les Hobbitts ne se rappelaient que les « navarinades », sortes de lapalissades pas très amusantes. Navarin roulait pour Nulco alors que de L'Arche était le poulain de Franck Fion. Devinez qui l'emporta ? Le gros de L'Arche, bien sûr, signe que les frangins eux aussi se méfiaient du petit homme.
Nulco en fit une crise de nerfs, trépigna, avala son chapeau mais déclara avec une sérénité calculée : « La Haute Assemblée, c'est le cimetière des éléphants, la maison de retraite des vieux politicards, la réserve des battus à plate couture... Ils avaient bien raison, les Roses, de vouloir s'en débarrasser ! Pourquoi ne l'ont-ils pas fait ? »
Comme un malheur n'arrive jamais seul, les nouveaux résultats des sondes d'opinion tombèrent ce jour-là. 66% des Hobbitts estimaient que le retour du petit homme était une mauvaise chose pour la Comté. Le petit Badugroin eut la
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sottise d'en parler au Comte de Magypolka, très occupé à peaufiner sa stratégie. « Et alors ? Ils étaient 70% la semaine dernière ! J'ai donc progressé de quatre points ! Pas si mal. A ce rythme-là, dans dix semaines, ils ne seront plus que 26% à me rejeter. Badugroin, vous devriez toujours voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide...
– Sans doute, Majesté, sans doute... Et qu'est-ce qu'on fait pour vos réunions... Ca ne se bouscule pas au portillon pour vous recevoir dans la Comté d'en bas...
– Apprenez, jeune crétin, qu'il faut toujours faire confiance à sa bonne étoile et qu'en politique, le désespoir est une sottise absolue. Les chattemites de l'A-Justice rose se sont imaginés capables de m'abattre. Ils se fourrent le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Je suis indestructible. Les petits Hobbitts le savent et c'est pour cela qu'ils me suivent...
Badugroin ne releva pas, bien que l'envie l'en démangeât fortement. Il revint très vite à la triviale réalité : « Sire, nous n'avons qu'une proposition pour vous. Moulinsart ! Chez Gérald Garemamain, le seul édile nulcozyste du coin... J'avoue que c'est un peu le trou du c... du monde, mais enfin des fans comme Gérald, c'est plutôt rare. Là-bas, vous serez reçu avec le tapis rouge... – Tu parles d'une galère, grogna Nulco, MOULINSART ? Ce bled perdu dans les brumes de l'enfer du Nord ! Mais tu me prends pour qui, Badugroin ? Pour un petit Mickey de bande dessinée ! Moi, aller faire le guignol avec le capitaine Paddock ? Et pourquoi pas avec Pimpin et Pilou, Poule et Pile, Pomme et Chéri. Si ça continue comme ça, tu vas finir par m'envoyer faire des bonds au plafond comme un vulgaire Parpupulami ! Le jeune conseiller retint un fou rire. Décidément son petit
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maître était trop drôle. Il marqua un temps, histoire de laisser passer l'orage. – Je t'interdis bien de te moquer, lança l'ex-gouverneur vexé. – Je ne me le permettrais jamais, Votre Eminence. Je me demandais juste si un petit mitinge en cambrousse ne vous rapprocherait pas des Hobbitts terreux. Vous leur paraîtriez plus simple, plus proche, plus sympathique. Ce serait du meilleur effet pour votre image. De plus, pour remplir la salle, nous pourrions affréter une bonne douzaine de cars de militants intermittents tout terrain. Moyennant une petite prime et quelques cadeaux, ils viendraient avec oriflammes, cornes à brume, écharpes et casquettes et ils mettraient une ambiance du tonnerre de Zeus. – Attention, jeune homme, s'agirait pas de recommencer un coup de Bigbadlion ! – J'avais pensé que... commença le boutonneux. – Je n'étais au courant de rien. Je ne connaissais pas cette organisation. Tout s'est passé à l'insu de mon plein gré...
*
Ce soir-là, le gymnase omnisport de la modeste bourgade de Moulinsart sous Maroilles se retrouva bondé à craquer pour l'évènement. Rempli pour moitié de Hobbitts curieux qui se demandaient comment avait évolué Nulco et de militants stipendiés aussi braillards que chauffés à blanc. Garemamain avait bien fait les choses. Il avait réussi à rameuter le ban et l'arrière-ban de tous les déçus du Nullandisme et de tous les
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inconditionnels du Nulcozysme que comptait sa région septentrionale. Telle une rock star, Nulco avait fait attendre deux bonnes heures un brave public composé d'un gros millier de Hobbitts. Certains avaient fait des centaines de lieues à pied, à cheval, en carriole à huile noire et même en diligence pour pouvoir ovationner leur idole à talonnettes. On agitait des drapeaux, on soufflait dans des bubuzelas, on brandissait des oriflammes. Les murs étaient recouverts d'affiches bleu aquarium portant des slogans enthousiasmant comme « Nulco, mon président ». L'ambiance était électrique. Un groupuscule d'ultra-nulcozystes osa même entonner un révolutionnaire: « Ah, ça ira, ça ira,
les Rosâtres à la lanterne.
Ah, ça ira, ça ira,
le Nullande on le pendra ! »
Quand enfin, l'ex-gouverneur apparut sur la petite scène, l'excitation parvint à son paroxysme. Nulco resta un long moment bras en l'air dessinant le V de la victoire, dressé sur la pointe de ses escarpins, se gorgeant avec volupté des bonnes vibrations montant de la salle. « Une standing ovation ! C'est trop, beaucoup trop ! Lança-t-il, faussement modeste. Je ne suis pas Mikael Paxton, juste un malheureux zompolitic à qui on veut voler son honneur. Mais, je vous le demande, mes amis, qui me le rendra, mon honneur ? Non, gardez vos applaudissements pour une vraie artiste comme Bianca Biondi... »
Une élégante manière faire ovationner sa moitié qui l'accompagnait partout sans sa guitare. Très vite, il embraya sur les mornes réalités. Oui, il acceptait l'organisation et le verdict des primaires. Oui, il avait changé. Oui, les épreuves l'avaient
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bonifié. Non, il n'acceptait pas l'acharnement que montrait le bataillon de juges accroché à ses basques. Il se permit même quelques contrattaques ironiques : « Vous n'imaginez pas combien de monde je fais travailler à moi tout seul ! Ils peuvent me remercier au Sinistère de l'Injustice ! Grâce à moi, elle marche bien, leur petite entreprise. Ces messieurs ne connaissent ni la crise ni les affres du chômage ! Et s'ils n'ont pas d'autre délinquant que moi à se mettre sous la dent, braves gens, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles et laisser sortir vos filles tous les soirs ! »
Il y eut quelques rires jaunes et autres sourires pincés. Tout le monde se demandait comment le petit homme allait pouvoir s'en sortir avec autant de casseroles au derrière. Même les plus convaincus étaient au courant des huit principales affaires dans lesquelles Nulco était impliqué : le bus piégé du Kakistan, l'abus de faiblesse sur Mamie Zinzin, l'arbitrage scandaleux de l'escroc Pâtis, les rétro commissions du Zakakstan, les sondages, écoutes téléphoniques et autres enregistrements louches du Palais Balisé, le trafic d'influence, l'affaire Bigbadlion et, la toute dernière en date, le dépassement des comptes de campagne de l'ex-gouverneur qui avait entraîné une lourde amende. Les Bleus, connaissant la radinerie légendaire du petit homme, avaient organisé un Nulcothon, sorte de quête géante destinée à régler la fameuse pénalité, ce qui n'avait pas du tout été apprécié par l'A-Justice. Seul, le coupable devait payer sa dette. Et sur ses propres deniers et sans faire le moins du monde appel à la charité publique... Pourtant personne n'osa remettre cette incroyable histoire sur le tapis.
Seul un barbu, sans doute un infiltré rose, osa intervenir au sujet d'une guerre sainte menée par deux sortes d'orques aux lointains confins orientaux de la Comté, en fait très au-delà de la grande mer intérieure. Que pensait Nulco des décisions de
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Nullande ? Le petit homme déclara qu'ils les approuvait totalement et qu'il appuyait de toute la force de ses petits bras la politique étrangère de son adversaire. On sentit comme un souffle de déception dans les rangs de ses partisans. Les monstres verts avaient quand même raccourci au niveau de la tête un brave randonneur qui ne méritait pas pareil traitement. Toutes sortes d'horreurs avaient été commises par eux : crucifixions collectives, épurations ethniques et religieuses, parties de football avec les crânes des décapités servant de référentiel bondissant. Et le gros culbuto avait demandé à ce que les chevaliers du fiel y aillent mollo sur les missiles parce que des Comtois fanatisés risquaient de se retrouver dans le bilan des dégâts collatéraux...
Les questions diverses se succédèrent mollement. Nulco répondit comme il put, en éludant les plus gênantes comme le mariage des paires, la PMA, la GPA qu'il condamna avec la plus grande fermeté. Jamais non jamais une Hobbitt n'aurait le droit de fabriquer un bébé Hobbitt pour une autre en échange d'une certaine somme d'argent. Lui vivant, jamais on ne ferait commerce du fruit de ses entrailles. Ce soir-là, les aficionados de la Nulcozie renaissante repartirent chez eux flamberge en berne. Leur petit héros n'avait pas changé ce qui les rassurait un peu en les inquiétant beaucoup. Ferme sur les principes et mou sur leur application. Ils voyaient de moins en moins comment le Nulco nouveau allait bien pouvoir se différencier du Nullande honni... Il avait répété ad lib ses antiennes habituelles. Il était là pour en finir avec le rosisme et pour empêcher que le parti bleu marine s'empare du pouvoir. Et il semblait bien qu'il y ait urgence. Océane Le Grogneux enregistrait 42% d'opinions favorables, un record historique qui agaçait autant Nulco que Nullande, mais sans vraiment les inquiéter. Sans allié politique, sans appui médiatique et sans
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