SOS MACHOS
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Une nouvelle extraite du recueil "Dorian Evergreen"

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Publié le 26 janvier 2015
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Langue Français

Extrait

SOS MACHOS
Treize heures. Le café du Commerce sert habituellement de lieu de rendez-vous à Albert et Medhi, deux joyeux trentenaires originaires de Tunisie. Le premier se déclare juif sépharade et le second beur, deuxième génération. Leur grande spécialité : la tchatche. Leur seul intérêt dans la vie : draguer un maximum de nanas sans trop se fatiguer. Albert exerce le métier de vendeur de fringues de basse qualité sur les marchés de Provence. Medhi, lui, après quelques essais calamiteux comme chanteur de raï, traîne sa carcasse de Rmiste du côté des quartiers Nord et passe plus de temps à courir les jupons qu’à passer des entretiens d’embauche. Leur seul atout : tous deux sont bruns de type méditerranéen, dotés d’une belle gueule et pensent être d’excellents « baiseurs »… – Tu comprends, Medhi, déclare Albert enthousiaste, ça serait super de joindre l’utile à l’agréable. Ne plus se prendre la tête pour le pognon. On pourrait vivre totalement de notre don tous les deux… – Je ne vois pas trop comment, lui répond l’autre. Je me suis bien fait quelques vieilles qui m’ont offert de petits cadeaux… Tu vois le genre… Tiens, la gourmette en or à mon poignet, elle me vient d’une ancêtre de la rue Paradis. Une très vieille cougar. Elle me trouvait mignon, elle voulait coucher avec moi. J’ai opéré en m’imaginant que je m’envoyais en l’air avec Claudia Schiffer et voilà le résultat ! – Je t’arrête tout de suite… On ne va pas s’embarquer dans des histoires de gigolos à la con. C’est toujours aléatoire. C’est bidon, dégradant. En fait t’es rien qu’une sorte de mendiant… Non, je vois un truc plus classe, plus porteur et bien plus sympa pour nous…
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– Ben moi, je vois pas… – Ecoute, Medhi, nous sommes en 2048, plus en 1984, bordel ! Les homos sont partout. Ils ont tout envahi, il y en a plein les rues… Quand à ceux qui ne le sont pas, ils se disent métros ou je ne sais quelle autre connerie de dégénérés. Ils passent tout leur temps à se maquiller, à se passer des crèmes et à faire plein de petites manières devant leur miroir… Des vrais mecs, comme nous, avec de bonnes grosses queues bien efficaces, ça devient aussi rare que l’or ! C’est pour ça que ça marche fort pour nos pommes, tu piges, le beur ? – Oui c’est sûr, admit Medhi, qu’on n’est plus beaucoup… – D’un autre côté, des femmes, genre business women brillantes et pleines de fric, ça ne manque pas. La plupart du temps, elles sont célibataires et leurs histoires de cœur, elles les font passer bien loin derrière leur carrière… – Elles pourraient faire appel à nous… – Et nous jeter après consommation… – Et alors, c’est pas ça qui nous plait ? – Oui, fit Albert, surtout que les marchés, je commence à en avoir sérieusement marre. Me lever tous les matins à cinq plombes et me les geler l’hiver pour ramasser trois fois rien, ça commence à bien faire. Je pense de plus en plus à nous monter un vrai job avec ce concept… – Tu serais pas en train de me dire qu’on va jouer les putes, non ? s’écria Medhi. – Mais non, on va juste vendre de la semence humaine plutôt que des fringues fabriquées en Chine ! – Quoi ? Mais tu déconnes complètement, Albert ! – Pas du tout, reprend l’autre, en terminant son Martini gin. Toutes ces bonnes femmes managers finiront forcément par avoir, un jour ou l’autre, une folle envie de procréer, d’avoir un môme, si tu préfères. Mais elles veulent toujours garder la main, tout régenter sans partage. Au fond, leur rêve c’est de tout réaliser à la fois sans s’encombrer d’un mec…
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– Bien vu, ça, admit Medhi. – Et là, on intervient. On se propose, moyennant finance, de les engrosser à volonté… – Mais c’est complètement dingue, ton truc ! Pendant des années, fallait tirer les meufs sans jamais faire de gosse. Pilule, capote, stérilet, avortement, tout était bon et maintenant, on en serait à baiser uniquement pour repeupler la planète. On n’est déjà bien assez nombreux comme ça ! Mais tu as perdu la boule, mon pauvre Bébert… – Pas du tout. Et je te fiche mon billet qu’elles trouveront normal de payer pour une bonne prestation. Au début, on pourrait demander, je ne sais pas, quelque chose comme 400 ou 500 dolros de forfait ? – Des putes, je te dis… Tu veux nous faire virer putes ! – Pas du tout, se récrie Albert, c’est un service qu’on rend. Toute peine mérite salaire… J’ai même pensé à un petit dépliant publicitaire… Et il sortit de sa poche un vilain bout de papier tout froissé. « Madame, Mademoiselle, Vous êtes tentée par l’idée de devenir mère et comme toute femme digne de ce nom, vous mourez d’envie de vivre l’expérience inoubliable de la grossesse et de donner vous aussi la vie à un petit être. SOS-MACHOS est à vos côtés pour réaliser ce désir si légitime. Dans la plus absolue discrétion, nous pouvons mettre à votre disposition nos meilleurs reproducteurs. Travail rapide et soigné. Tarif raisonnable. » Le tout suivi d’un simple numéro de portable… – Mais, c’est complètement ouf ton truc. Ca pourra jamais marcher… Les femmes peuvent toujours se faire inséminer artificiellement ou attraper dans la rue le premier mec venu pour coucher avec lui un soir où elles sont fertiles… – A ceci près que l’insémination artificielle oblige à un tas de démarches non accessibles aux célibataires et que la chasse dans les rues ou en boîte ne manque pas de risques divers…
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sans parler des pas trop belles ou des vraiment moches qui ne draguent pas aussi facilement que tu crois. – Alors, il va falloir qu’on ne se tape plus que des boudins ? – Peut-être, admit Albert. Mais plus pour que dalle. On va s’en mettre plein les fouilles avec ce joli petit business… – Ca gave un peu ton truc… – Allez, me raconte pas ça. Tu passes ton temps à me répéter que tu es toujours prêt à tirer… – Enfin, c’est quand même plus sympa avec une fille bien roulée… – On n’aura qu’à s’inspirer des mères porteuses. On sera des géniteurs d’emprunt. On aura un bureau, une secrétaire et même un book où nos clientes pourront choisir leur étalon sur catalogue ! – Tu verrais pas un peu grand, Albert ? – Non, si on se débrouille bien, ça va se développer vitesse grand V cette affaire, je le sens bien… Le café du Commerce commençait à se vider doucement. Leur petit noir avalé, les employés regagnaient un à un leurs bureaux respectifs. L’après-midi s’annonçait agréable et nos deux gigolos continuaient allègrement à fantasmer sur leur avenir. – Au début, il faudrait que la secrétaire réponde au téléphone. Nous nous répartirions les clientes. Pour commencer, il suffirait d’en dégoter chacun une dizaine par mois pour vivre à l’aise. – Tu délires, Bébert, tu délires… – Non, j’organise simplement, rétorqua Albert avec son sourire le plus charmeur. – Pour la secrétaire, je crois que j’ai ce qu’il nous faut. Ma sœur Zoubida, c’est une grosse maligne. Elle saura les enrober les meufs ! – Il ne nous reste plus qu’à taper dans notre cœur de cible : les business women entre trente et quarante et de leur balancer
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nos flyers. – Facile, en théorie, ton truc ! lança Medhi en le fixant de ses grands yeux bleus de kabyle. – D’accord avec toi, on ne peut pas les envoyer à n’importe qui… Albert, le tune carré et costaud avait les idées claires et la déduction rapide. Il expliqua à son pote beur plus mince, mais plus lent à la comprenette qu’il suffirait de bien étudier les annuaires, la presse économique, les feuilles de chou locales, les organigrammes d’entreprises ou de services publics pour trouver nombre d’éventuelles clientes. Medhi n’était qu’à demi convaincu. Finalement Albert se leva, posa quelques dolros dans la sébile que le serveur venait d’apporter avec la note et se dirigea vers la porte, suivi de près par son ami. – Tu vas voir, on va se gaver. Ca va tourner au taf en or, je te dis ! – Et qu’est-ce qu’elles vont préférer ? blagua lourdement Medhi. La grosse et courte ou la fine et longue ? – La grosse et longue avec un énorme cerveau au bout, popopopopo ! lui répondit Albert dans un grand rire.
Ségolène Lefort exerçait la noble fonction d’administratrice territoriale à la Mairie de Marseille. Trente deux ans, célibataire, bien faite, mais visage rébarbatif en raison d’une paire de lunettes d’écaille peu avantageuse et d’une expression perpétuellement sévère sur le visage. Voilà plus de cinq années que d’une main de fer, elle gérait son service voirie depuis son grand bureau ensoleillé. Chaque jour, elle passait en soupirant devant la même boutique Natalys. Elle ne pouvait croiser une poussette ou un landau avec un poupon emmitouflé à l’intérieur sans immédiatement ressentir un véritable coup au cœur. La cliente idéale pour la petite entreprise d’Albert et Medhi. Elle pressa une touche de son interphone.
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– Vanessa, vous pouvez m’apporter le courrier, s’il vous plait ? Deux minutes plus tard, sa secrétaire, une petite asiatique pimpante et sexy lui déposa une impressionnante pile de lettres et documents divers sur son bureau. S’armant d’un coupe papier, Mademoiselle Lefort commença à tout dépouiller consciencieusement. Elle aimait ce travail autant qu’elle le détestait. Elle aurait pu le laisser à Vanessa, mais elle aurait eu l’impression de lui laisser prendre barre sur elle. Ségolène avait une sainte horreur de déléguer. Un tas de lettres concernaient le boulot et quantité de prospectus publicitaires plus ou moins intéressants avaient en général vocation à filer au classement vertical à peine l’enveloppe était-elle examinée ou la première ligne entr’aperçue. Et là, dans le tas, une enveloppe sans mention particulière portait son nom et son adresse. Ne reconnaissant pas l’écriture, Ségolène l’ouvrit immédiatement. Ce simple morceau de papier la plongea soudain dans un abîme de réflexions… Et si ce service « SOS-MACHOS » était la solution à son problème ? Elle glissa la feuille dans son agenda et poursuivit ses activités comme si de rien n’était. Elle répondit au téléphone, reçut ses collaborateurs, mit au point les différents plannings de travail et signa un tas de courriers présentés par Vanessa dans un parapheur rouge. Le tout un peu machinalement car, sans arrêt, la malsaine proposition de cette étrange société parasitait sa réflexion. Le soir même, elle ne pût s’empêcher de téléphoner à Corinne, sa meilleure amie. Immédiatement, elle orienta la conversation sur son désir éperdu d’enfant. – Tu n’arrêtes pas de m’en parler. C’est lassant à la fin ! Tu as une solution toute simple. Si c’est tellement indispensable à ta survie, drague dans la rue le premier mec venu et surtout, opère le jour propice. C’est pas compliqué… – Mais pas forcément facile, répliqua Ségolène qui n’avait pas grande confiance dans ses capacités de séduction. Imagine
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qu’une société te propose la même chose sous forme d’un service bien organisé… – Ca existe un truc comme ça ? – Imagine simplement, Corinne, imagine… – Ben moi, à ta place, j’essaierai. Juste pour voir. Qu’est-ce que tu risques après tout ? D’être enceinte… Et c’est avec le feu vert de son amie Corinne, chef de travaux dans une grande entreprise privée de BTP de la région, que Ségolène décrocha son téléphone le lendemain matin. La voix melliflue de Zoubida lui susurra : « SOS-MACHOS, j’écoute… Qu’y a-t-il pour votre service ? » – J’ai reçu votre dépliant, Mademoiselle et j’aimerais avoir quelques précisions sur vos prestations, vos tarifs, la confidentialité que vous apportez, les conditions de la rencontre, les garanties, etc.… Zoubida sut répondre à tout. Les deux femmes convinrent d’un rendez-vous discret au bureau de Ségolène. Le jour dit, Zoubida lui présenta le fameux book composé essentiellement de photos présentant de manière avantageuse Albert et Medhi, en maillot de bain, en string et même dans le plus simple appareil. Ils s’étaient inspirés des calendriers de rugbymen et n’étaient pas peu fiers du résultat obtenu. Musculature un peu massive pour Albert et petits bourrelets discrètement effacés avec Photoshop. Silhouette plus gracile pour Medhi, mais également légèrement retouchée en sens inverse. Peaux huilées, torses épilés, tout pour faire saliver les femmes. Ségolène examina très soigneusement les clichés. Il y avait comme un éclat de gourmandise dans son regard et Zoubida, fine mouche, le remarqua tout de suite. – Ils sont beaux mecs, vous ne trouvez pas ? – On ne peut pas dire le contraire, admit Ségolène, sans vouloir se montrer trop enthousiaste. – Alors, lequel préférez-vous ? – Vous n’en auriez pas d’autres à me proposer ?
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– Ecoutez, je vous conseille vivement ces deux là. Ils sont particulièrement performants et surtout immédiatement disponibles. Finalement, Ségolène se décida pour Medhi. – Il a l’air plus tendre que l’autre. Et puis j’ai un faible pour les yeux bleus. Mais, au niveau de l’intelligence… qu’est-ce que je peux en attendre ? – Ne vous inquiétez surtout pas pour ça ! Tous nos reproducteurs ont d’excellents QI. Ils ont tous poursuivi des études supérieures. Vous n’avez absolument rien à redouter de ce côté-là… La première rencontre eut lieu dans un restaurant branché, proche de la Canebière. Le beau Medhi mit tout son cœur à se montrer galant homme. En fait, il fut tout de suite impressionné par Ségolène, qui, sans être vraiment jolie, dégageait un certain charme. Brune aux cheveux courts, on la sentait dynamique, intelligente et déterminée. Medhi découvrit que cette femme savait exactement ce qu’elle voulait dans la vie et avait l’habitude que rien ne lui résiste. Le dîner fut aussi fin qu’agréable. Medhi se répandit en sourires et plaisanteries qu’il jugeait irrésistibles, ce qui n’était pas tout à fait l’avis de Ségolène. Grand seigneur, il tenta de régler l’addition, mais il n’en eut pas le loisir. Le serveur lui indiqua discrètement que Madame avait déjà tout réglé à l’avance… Ségolène l’entraîna ensuite dans un petit théâtre où se jouait une pièce peu connue de Paul Claudel. Le gentil kabyle manqua de s’endormir à la fin du premier acte. Sa partenaire fit mine de ne s’apercevoir de rien et lui proposa de venir prendre un dernier verre dans son loft. Medhi, peu habitué aux manières bourgeoises, découvrait qu’il pouvait trouver agréable de se laisser mener par une femme surtout quand celle-ci prenait l’initiative de le dévêtir et de l’embrasser fougueusement alors qu’il en était encore à déguster une coupe de champagne, vautré dans le canapé…
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Du début à la fin, jamais Ségolène n’abandonna la direction des opérations et Medhi ne s’en plaignit pas. Il trouva cela étonnant et un tantinet exotique. Dès le lendemain matin, il retrouva son complice au café du Commerce. – Alors, Medhi, raconte… – J’ai passé une soirée merveilleuse. Cette fille, c’est de la bombe ! Elle m’a tout fait, tu ne peux pas savoir. On ne dirait pas à la voir comme ça, avec son air sérieux, BCBG. Au pieu, c’est une vraie s… Elle ne m’a pas lâché une minute. J’ai tout donné, elle m’a carrément épuisé. En plus, sur le coup de six heures, elle m’a montré la porte sans même me filer un petit café ! – Fallait pas t’attendre à mieux ! – En tous cas, j’en ai eu des nanas, mais une comme ça, jamais ! J’espère que je l’ai pas mise enceinte… J’ai trop envie de refaire l’amour avec elle ! – Calme-toi, Medhi, c’était qu’un boulot… – Et puis, elle est fine, intelligente, marrante… Elle me fait craquer… – Arrête ! Tu ne vas pas en tomber amoureux quand même ? – Tu me connais, Bébert, ça risque rien ! – Et les quatre cents dolros, tu les as récupérés ? – Ben non. J’étais tellement parti dans le trip baise que je n’y ai même pas pensé… – Malheureux, tu sais bien qu’il faut toujours récupérer le pognon AVANT, sinon t’es foutu ! – Bof, c’est pas si grave… Zoubida aura qu’à lui envoyer la facture ! – C’est ça ! On est pas des plombiers quand même ! – De toutes façons, je sais où elle habite. Je vais essayer de la revoir… – Oui, c’est cela. Mais juste pour récupérer le pognon. Le lendemain, sur le coup de dix huit heures, Medhi se mit en planque devant l’immeuble de Ségolène. Il n’eut pas trop
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